Refus de publication d’une caricature : le référé non justifié 

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Refus de publication d’une caricature : le référé non justifié 
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Le refus de publication d’une caricature, opposé par le Maire à des opposants politiques, ne constitue pas une urgence justifiant une intervention du juge des référés. 

Droit des conseillers municipaux d’opposition

Des conseillers municipaux d’opposition, ont adressé le 27 janvier 2023 au maire de la commune de Givors, une « caricature » ainsi que le texte d’une tribune à insérer au sein de la publication municipale du mois de février 2023. 

Refus de publication 

Par deux décisions du même jour, dont les requérants demandent la suspension, le maire de la commune de Givors a, par courriels, opposé un refus à ces demandes de publication au motif que celles-ci présentaient un caractère manifestement injurieux et diffamatoire tel que défini par l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Absence de situation d’urgence

Toutefois, compte tenu de la périodicité mensuelle de cette publication municipale et en l’absence de circonstances particulières exigeant, eu égard au contenu de ces publications, que les lecteurs du magazine en aient connaissance dans les jours suivant leur rédaction, et dès lors que la diffusion ou la publication d’un complément ou erratum est possible à tout moment, les conseillers municipaux n’établissaient pas une situation d’urgence impliquant, sous réserve que les autres conditions posées par l’article L. 521-2 soient remplies, l’édiction d’une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale dans un délai de quarante-huit heures. 

Par suite, les intéressés ne sont pas fondés à saisir le juge des référés sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. 

L’action en référé 

Pour rappel, aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : 

« Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. 

Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ». 

Selon les termes de l’article L. 522-3 dudit code : 

« Lorsque la demande ne présente pas un caractère d’urgence ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu’il y ait lieu d’appliquer les deux premiers alinéas de l’article L. 522-1. ». 

Enfin aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 dudit code : « La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit () justifier de l’urgence de l’affaire. ».

Lorsqu’un requérant fonde son action sur la procédure instituée par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, il lui appartient de justifier de circonstances caractérisant une situation d’urgence qui implique, sous réserve que les autres conditions posées par cette disposition soient remplies, qu’une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les quarante-huit heures. 


Tribunal administratif de Lyon, 1er février 2023, n° 2300705

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2023, M. C A et Mme D B, représentés par Me Bracq, demandent au juge des référés :

1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension des deux décisions du maire de la commune de Givors datées du 27 janvier 2023 refusant de publier une caricature et une tribune au sein du bulletin municipal de février 2023 ;

2°) d’enjoindre au maire de la commune de Givors :

— d’intégrer l’article dans le bulletin municipal dès notification de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jours de retard,

— de publier sur le site internet de la commune l’ordonnance à intervenir dans un délai de cinq jours, sous astreinte 50 euros par jours de retard,

— d’intégrer la décision dans le bulletin municipal dès notification de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jours de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Givors une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— la condition d’urgence est remplie dès lors que le bulletin municipal dans lequel les publications en litige doivent figurer, partira chez l’éditeur « sous peu » et que seule leur publication dans le bulletin de février 2023 permettra de remédier à l’atteinte portée à la liberté d’expression des élus d’opposition ;

— l’article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales, l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen consacrent le droit d’expression, la liberté d’expression des élus d’opposition constituant une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ; 

— en refusant de procéder aux publications demandées, le maire de la commune de Givors a porté une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté ; en effet, les décisions de refus de publications sont illégales dès lors que les publications en cause n’entrent pas dans le champ d’application des exceptions prévues par la loi de 1881 relative à la liberté de la presse, la caricature en litige n’est ni méprisante, ni injurieuse ou diffamatoire et, la tribune litigieuse ne l’est pas davantage.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code général des collectivités territoriales ;

— la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

— le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné Mme Baux, vice-présidente, pour statuer sur les demandes de référé.

Considérant ce qui suit : 

1. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ». Selon les termes de l’article L. 522-3 dudit code : « Lorsque la demande ne présente pas un caractère d’urgence ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu’il y ait lieu d’appliquer les deux premiers alinéas de l’article L. 522-1. ». Enfin aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 dudit code : « La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit () justifier de l’urgence de l’affaire. ».

2. Lorsqu’un requérant fonde son action sur la procédure instituée par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, il lui appartient de justifier de circonstances caractérisant une situation d’urgence qui implique, sous réserve que les autres conditions posées par cette disposition soient remplies, qu’une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les quarante-huit heures. 

3. M. A et Mme Bodard, conseillers municipaux d’opposition, ont adressé le 27 janvier 2023 au maire de la commune de Givors, une « caricature » ainsi que le texte d’une tribune à insérer au sein de la publication municipale du mois de février 2023. Par deux décisions du même jour, dont les requérants demandent la suspension, le maire de la commune de Givors a, par courriels, opposé un refus à ces demandes de publication au motif que celles-ci présentaient un caractère manifestement injurieux et diffamatoire tel que défini par l’article 29 de la loi du29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

4. Toutefois, compte tenu de la périodicité mensuelle de cette publication municipale et en l’absence de circonstances particulières exigeant, eu égard au contenu de ces publications, que les lecteurs du magazine en aient connaissance dans les jours suivant leur rédaction, et dès lors que la diffusion ou la publication d’un complément ou erratum est possible à tout moment, M. A et Mme B n’établissent pas une situation d’urgence impliquant, sous réserve que les autres conditions posées par l’article L. 521-2 soient remplies, l’édiction d’une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale dans un délai de quarante-huit heures. Par suite, les intéressés ne sont pas fondés à saisir le juge des référés sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Il y a lieu, dès lors, en application des dispositions précitées de l’article L. 522-3 du code de justice administrative de rejeter la requête en ce comprises ses conclusions aux fins de suspension, d’injonction et au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de M. A et de Mme B est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C A et à Mme D 

Fait à Lyon, le 1er février 2023.

La juge des référés,

A. Baux

La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier


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