Un prestataire qui refuse, sans motif légitime, de communiquer les codes d’accès du site internet, des noms de domaine et des comptes de réseaux sociaux à son client, engage sa responsabilité contractuelle.
Le tribunal judiciaire de Paris a ordonné à un prestataire de procéder à ses frais au transfert de noms de domaine M2i au profit de la société M2i sous astreinte, de procéder au transfert des codes d’accès et du contenu des pages et divers comptes Facebook, Twitter, LinkedIn, Youtube etc … et a condamné le gérant à régler la somme de 5.000 € à chacune des sociétés M2i et Scribtel Formation au titre du préjudice d’image subi.
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 6 – Chambre 11 ARRET DU 20 SEPTEMBRE 2022 Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/07070 –��N° Portalis 35L7-V-B7E-CCRIS Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Octobre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F19/11179 APPELANT Monsieur [U] [R] [Adresse 2] [Localité 3] Représenté par Me François ALAMBRET, avocat au barreau de PARIS, toque : R030 INTIMEES S.A. M2I [Adresse 1] [Localité 4] Représentée par Me Martine LEBOUCQ BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R285 S.A.R.L. M2I SCRIBTEL société anciennement dénommée SCRIBTEL FORMATION [Adresse 1] [Localité 4] Représentée par Me Martine LEBOUCQ BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R285 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, Madame Laurence DELARBRE, Conseillère, Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI ARRET : — contradictoire — par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. — signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé. EXPOSE DU LITIGE La SA M2i et la SARL Scribtel Formation, filiale à 100% de la première, ont pour activité la formation professionnelle. M. [U] [R], né en 1952, a été engagé par la SA M2i par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 janvier 2013 en qualité de responsable de formations longues diplômante et initiales statut cadre, dans le cadre d’un dispositif Pôle Emploi préretraite et en application de la convention collective nationale des organismes de formations du 10 juin 1988. Par lettre datée du 1er juillet 2014, M. [R] a informé la société M2i de son départ à la retraite. Le 3 novembre 2014, la société M2i a conclu un contrat de prestation de services avec la société Auxine dont était actionnaire M. [X] [R], frère de M. [U] [R]. Par lettre datée du 28 octobre 2019, la société M2i a mis fin à la relation contractuelle avec la société Auxine. La société M2i et la SARL Scribtel Formation ont saisi le tribunal judiciaire de Paris aux fins que la société Auxine et M. [U] [R] communiquent les codes d’accès aux sites internet des sociétés et leurs noms de domaine M2i. Par jugement du 12 juin 2020, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné à M. [U] [R] et à la société Auxine de procéder à leur frais au transfert de noms de domaine M2i au profit de la société M2i sous astreinte, de procéder au transfert des codes d’accès et du contenu des pages et divers comptes Facebook, Twitter, LinkedIn, Youtube etc … et a condamné M. [U] [R] à régler la somme de 5.000 € à chacune des sociétés M2i et Scribtel Formation au titre du préjudice d’image subi. Demandant la requalification de la relation de travail avec les sociétés M2i et Scribtel en contrat de travail à durée indéterminée et diverses indemnités consécutives à la rupture du contrat, M. [U] [R] a saisi le 18 décembre 2019 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 9 octobre 2020, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit : — constate l’absence de contrat de travail entre M. [R] et les sociétés M2i et M2i Scribtel, — déboute M. [R] de l’ensemble de ses demandes, et le condamne au paiement des entiers dépens, — déboute les sociétés M2i et M2i Scribtel de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Par déclaration du 19 octobre 2020, M. [R] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 14 octobre 2020. Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 mars 2022, M. [R] demande à la cour de : — infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris, le 9 octobre 2020 ; Statuant sur les demandes présentées par l’appelant : — constater l’existence d’une relation de travail salariée entre les sociétés et M. [R] ; — constater que les sociétés se sont rendues coupables de l’infraction de « travail dissimulé» visée aux articles L.8223-1 et suivants du code du travail ; — constater que la rupture unilatérale de cette relation de travail salariée par les sociétés s’analyse en un licenciement ; — constater l’absence de toute procédure de licenciement et de toute cause réelle et sérieuse à celui-ci ; En conséquence, — condamner solidairement les sociétés à la somme de 9.900 euros au titre du salaire du mois d’octobre 2019 ; — condamner solidairement les sociétés à la somme de 29.700 euros à titre de préavis (mois de novembre 2019, décembre 2019 et janvier 2020) ; — condamner solidairement les sociétés à la somme de 58.232 euros au titre de la rémunération variable de l’année 2019 ; — condamner solidairement les sociétés à payer au salarié la somme de 63.871 euros à titre d’heures supplémentaires ; — condamner solidairement les sociétés à payer au salarié la somme de 59.400 euros (six mois de salaire) au titre de l’article L. 8223-1 du code du travail en raison du travail dissimulé ; — condamner solidairement les sociétés à la somme de 69.300 euros (sept mois de salaire) à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse (L. 1235-3 du code du travail) ; — condamner solidairement les sociétés à la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; — condamner solidairement les sociétés aux entiers dépens et à l’exécution provisoire. Dans leurs dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 avril 2021, la SA M2i et la SARL Scribtel anciennement Scribtel Formation demandent à la cour de : — confirmer en tous points le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 9 octobre 2020 ; — condamner M. [R] à payer aux sociétés M2i Scribtel et M2i la somme de 5.000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; — condamner M. [R] aux entiers dépens. L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 avril 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 31 mai 2022. Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur l’existence de la relation de travail salariée Pour infirmation de la décision entreprise, M. [R] soutient en substance que les conseillers prud’homaux ont méconnu les éléments constitutifs du contrat de travail et les conditions de fait d’exécution de sa relation de travail ; que peu importe l’intention des parties ou les dénominations adoptées par elle ; qu’il a poursuivi les fonctions pour lesquelles il avait été embauché dans un lien de subordination et percevait chaque mois sa rémunération fixe par le biais de la société Auxine qui reversait ses honoraires à sa société. Les sociétés M2i et M2i Scribtel répliquent que M. [R] a pris sa retraite à compter du 31 octobre 2014 ; qu’il n’a depuis aucun lien de subordination avec elles ; que la société M2i rémunérait uniquement la société Auxine et non M. [R] ; que celui-ci, agissant pour le compte de la société Auxine, bénéficiait d’une totale liberté dans l’organisation de son travail et ne rendait aucun compte aux société M2i et Scribtel ; qu’il n’a signé aucun contrat avec ces entités postérieurement à son départ en retraite et n’était pas rémunéré par elles. Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. L’existence d’un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur. En l’absence d’écrit ou d’apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d’en rapporter la preuve. En l’espèce, le 1er juillet 2014, M. [R] a informé la société M2i Formation de sa décision de faire valoir ses droits à la retraite à compter du 31 octobre 2014. Le 3 novembre 2014, la société Scribtel Formation en qualité de bénéficiaire et la SARL Auxine en qualité de prestataire ont signé un contrat de prestations de services ‘exclusif de tout lien de subordination entre les parties’, à savoir ‘Conseil en stratégie et développement des formations longues ou diplômantes’. Le contrat précise qu’en contrepartie de ses prestations, la société Auxine, percevra une somme fixe mensuelle forfaitaire de 5.600 € hors taxe incluant un minimum de 100 heures de prestations par mois, outre une rémunération variable annuelle à compter de l’exercice 2015 de 10% du résultat net comptable avant impôt. Le 28 octobre 2019, la société Scribtel Formation a notifié la résiliation du contrat de prestation à la société Auxine motifs pris de la mauvaise réalisation des prestations. En l’absence de contrat de travail ou d’apparence de contrat, il appartient à M. [R] de rapporter la preuve de l’existence d’un contrat de travail. Il résulte des pièces versées aux débats que les factures relatives aux prestations exécutées au bénéfice de la société M2i Formation sont au nom de la société Auxine ; que les organigrammes produits n’ont pas date certaine, seul est daté le courriel que M. [R] s’est envoyé à lui même le 29 juin 2021 ; que comme le font observer les sociétés intimées, le courriel du 26 novembre 2016 relatif aux élections professionnelles n’est pas adressé à M. [R] ; que celui-ci ne produit aucun contrat par lequel il aurait engagé les sociétés intimées; qu’il a été rappelé à un consultant partenaire de la société M2i Formation que M. [R] ne peut engager celle-ci. Le seul fait que des salariés des sociétés intimées aient pu faire des ‘reporting’auprès de M. [R] sur les formations ne caractérise nullement un lien de subordination entre ce dernier et les sociétés intimées mais s’inscrit dans le cadre d’un retour auprès d’un collaborateur de la société Auxine ‘ Conseil en stratégie et développement des formations longues ou diplômantes’. En outre, par courriel du 19 juin 2019, M. [R] affirmait avoir pris soin d’indiquer à un partenaire qu’il ne faisait pas ‘partie de M2i’. C’est bien la société Auxine qui rend compte de sa prestation par la remise d’un rapport d’activité comme produit en date du 1er janvier 2019. Le fait que M. [R] ait été invité à un séminaire ou ait pu bénéficier de cartes de visites commandées par la société M2i Formation ne caractérisent pas l’existence d’un contrat de travail. En conséquence, à défaut pour M. [R] d’avoir rapporté la preuve de l’existence du contrat de travail avec les sociétés intimées postérieurement au 31 octobre 2014, c’est à juste titre que les premiers juges l’ont débouté de l’ensemble de ses demandes. La décision sera confirmée de ce chef. Sur les frais irrépétibles M. [R] sera condamné aux entiers dépens et devra verser à chacune des sociétés intimées la somme de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe, CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, CONDAMNE M. [U] [R] aux entiers dépens ; CONDAMNE M. [U] [R] à verser à chacune des sociétés SA M2i et SARL M2i Scribtel la somme de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile. La greffière, La présidente. | |