Réforme de la distribution de la presse

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Réforme de la distribution de la presse

L’ARCEP a rendu son Avis n° 2020-0488 du 28 mai 2020 sur les projets de décrets relatifs au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques. 

Distribution de la presse : où en est-on ? 

La loi n° 2019-1063 du 18 octobre 2019 relative à la modernisation de la distribution de la presse a modifié la loi Bichet en confiant notamment à l’Arcep la mission de régulation du secteur de la distribution de la presse précédemment exercée par l’Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) et par le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP). Cette loi impose également des obligations aux acteurs impliqués dans la diffusion numérique.

Portée des décrets adoptés  

L’un des deux projets de décrets est relatif à la désignation de « l’autorité compétente pour reconnaître le caractère d’information politique et générale [des] journaux et publications dans des conditions d’indépendance et d’impartialité ». Il désigne ainsi la CPPAP comme autorité compétente. Par ailleurs, ce projet de décret précise quels journaux et publications se voient reconnaître de plein droit le caractère « IPG ».

Le second projet de décret concerne en particulier les règles d’organisation et de fonctionnement de la future commission du réseau de la diffusion de la presse (CRDP), les règles générales relatives aux conditions d’implantation des points de vente au public de la presse imprimée, ainsi que la diffusion numérique de la presse.

S’agissant des règles d’organisation et de fonctionnement de la future commission du réseau de la diffusion de la presse, le projet de décret précise la composition de ladite commission, ses modalités de fonctionnement et la procédure de conciliation prévue devant elle.

S’agissant des règles générales relatives aux conditions d’implantation des points de vente au public de la presse imprimée prévues par l’article 14 de la loi Bichet, le projet de décret liste plusieurs critères que la CRDP doit prendre en compte lorsqu’elle autorise l’implantation d’un nouveau point de vente.

Enfin, s’agissant de la diffusion numérique de la presse, le projet de décret fixe à un million d’euros, sur la base du chiffre d’affaires hors taxe réalisé en France lors du dernier exercice clos, le montant du chiffre d’affaires au-delà duquel les personnes qui proposent, à titre professionnel, un service de communication au public en ligne assurant la diffusion numérique groupée de services de presse en ligne ou de versions numérisées de journaux ou publications périodiques édités par deux entreprises de presse ou plus et dont l’un au moins de ces services de presse en ligne ou l’une au moins de ces versions numérisées présente le caractère d’information politique et générale sont soumises aux obligations prévues au I de l’article 15 de la loi Bichet. Il précise également que les opérateurs de plateformes en ligne sont soumis aux obligations prévues au II de l’article 15 de la loi Bichet, si le nombre de connexions dépasse les cinq millions de visiteurs uniques par mois, par plateforme, calculé sur la base de la dernière année civile.

Diffusion des titres d’IPG

  

S’agissant des titres d’information politique et générale (IPG), l’Arcep souligne l’importance de cette qualification dès lors qu’en application de la loi Bichet modernisée un diffuseur ne peut s’opposer à la diffusion d’un titre IPG. L’ARCEP a suggéré, en ce qui concerne les obligations relatives aux kiosques numériques, de préciser que l’assiette des revenus à prendre en compte, pour l’application du seuil en chiffre d’affaires, se limite à l’intégralité du chiffre d’affaires engendré par le service de kiosque numérique en incluant l’ensemble de ses modèles économiques. Elle rappelle par ailleurs qu’elle regrette la complexité introduite par la fragmentation des compétences de régulation, alors que la loi Bichet avait notamment pour objectif de simplifier la régulation du secteur.

Le projet de décret désigne, dans son article 1er, la CPPAP comme autorité compétente pour reconnaître le caractère IPG des journaux et publications dans le cadre de l’application de la loi Bichet. La CPPAP est déjà aujourd’hui l’autorité compétente en matière de reconnaissance du caractère IPG dans le cadre d’attribution d’aides à la presse.

Par ailleurs, l’article 4 de la loi Bichet reprend les mêmes critères de définition de l’IPG que ceux utilisés pour l’attribution des aides à la presse IPG. Ainsi, cette unicité des critères et de l’autorité compétente pour reconnaître le caractère IPG d’un journal ou d’une publication constitue un gage d’efficacité et de cohérence (les points de vente « ne peuvent s’opposer à la diffusion d’un titre de presse d’information politique et générale »).

Afin de permettre aux distributeurs et aux diffuseurs d’identifier facilement les titres bénéficiant de cette qualification et de leur permettre de bénéficier pleinement des dispositions de l’article 5 de la loi Bichet, la mise à disposition de ces acteurs d’un fichier consolidé, à jour et facile à intégrer dans les systèmes d’information utilisés par le secteur semble, en tout état de cause, indispensable.

Traitement des hors-séries

En outre, certains éditeurs ont indiqué à l’Arcep qu’une attention particulière devrait être accordée au traitement des numéros hors série de publications IPG. En effet, selon ces éditeurs, certains de ces hors-séries pourraient ne pas satisfaire les critères IPG et ne devraient pas, selon eux, bénéficier automatiquement du statut IPG des publications auxquels ils se rapportent, au risque sinon de distorsion de concurrence envers certains titres. Des éditeurs ont également attiré l’attention de l’Arcep sur le traitement du premier numéro de nouvelles publications dans la mesure où certaines de celles-ci se prévaudraient d’avoir déposé un dossier auprès de la CPPAP pour exiger les avantages du statut associé sans attendre que celui-ci ne soit effectivement et officiellement reconnu par la CPPAP.

Autorisation d’implantation des kiosques

Pour rappel, le II de l’article 7 du projet de décret prévoit les critères pris en compte pour la CRDP pour délivrer ou non une autorisation d’implantation d’un point de vente au public de la presse imprimée, au regard des critères suivants :

1° Les compétences et qualités professionnelles du diffuseur de presse postulant et, le cas échéant, de ses salariés ;

2° La localisation du point de vente dont l’installation est envisagée ;

3° La zone de chalandise du point de vente ;

4° Les aménagements et installations du point de vente ;

5° Les moyens économiques, logistiques, commerciaux et informatiques dont dispose le diffuseur de presse postulant ;

6° Les contraintes opérationnelles inhérentes à la distribution groupée de la presse.

S’agissant du critère relatif aux « moyens économiques, logistiques, commerciaux et informatiques dont dispose le diffuseur de presse postulant », il pourrait être considéré qu’à terme la mise en œuvre de matériel d’encaissement informatisé et connecté devienne une condition nécessaire pour l’implantation d’un nouveau point de vente. En effet, une telle exigence, de nature à favoriser l’« efficacité des modalités commerciales de la diffusion », participerait à la modernisation du processus de remontée du produit des ventes au sujet de laquelle l’Arcep a invité les acteurs de la filière à initier une réflexion dans ses avis n° 2020-0139 et n° 2020-0140 relatifs respectivement aux conditions techniques, tarifaires et contractuelles des sociétés Messageries lyonnaises de presse et Presstalis.

 

Diffusion numérique de la presse

S’agissant des services de diffusion numérique groupée de la presse, le projet de décret fixe le seuil à partir duquel un service qui diffuserait les titres d’au moins deux entreprises de presse dont au moins un titre IPG est soumis à l’obligation de diffuser les titres IPG dans des conditions techniques et financières raisonnables et non discriminatoires à 1 M€ de chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France. Un tel service sera désigné dans la suite de cet avis par « kiosque numérique ».

Compte tenu de la nature de l’obligation imposée et de son ciblage à la seule presse IPG [environ 400 titres], un tel seuil ne devrait pas faire peser une charge disproportionnée sur les services émergents. Toutefois, il semble utile de préciser l’assiette des revenus à prendre en compte pour l’appréciation de seuil et en particulier s’il s’agit du chiffre d’affaires de la personne proposant le service toutes activités confondues ou uniquement celui du service sur lequel pèse l’obligation. Pour cette raison, l’Arcep suggère de préciser dans le décret que l’assiette des revenus à prendre en compte se limite à l’intégralité du chiffre d’affaires engendré par le service de kiosque numérique en incluant l’ensemble de ses modèles économiques (abonnements, achats à l’acte, publicité, valorisation des données personnelles, partenariats, marques blanches…). Il pourrait par ailleurs être souhaitable d’étudier la possibilité d’ajouter un second critère, celui de l’audience du service numérique.

S’agissant des opérateurs de plateformes en ligne, le seuil proposé dans le projet de décret est identique à celui retenu pour renforcer les obligations de transparence des plateformes en ligne mentionnées à l’article L. 111-7 du code de la consommation.


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