Réexamen des conditions de suspension des obligations financières en cas de difficultés économiques et de patrimoine immobilier significatif

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Réexamen des conditions de suspension des obligations financières en cas de difficultés économiques et de patrimoine immobilier significatif

Par acte authentique du 9 mai 2017, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LAVAL BRETAGNE a accordé à Monsieur [E] [V] un prêt immobilier de 226 915 € remboursable en 240 mensualités. Auparavant, le 24 septembre 2015, la CAISSE DU CREDIT MUTUEL VAL DU CENS avait consenti deux prêts à Monsieur [E] [V] pour des montants respectifs de 130 727,32 € et 172 558,60 €. Des échéances impayées ont conduit les deux caisses à notifier la résiliation des contrats de prêt en janvier et juin 2023.

Le 12 septembre 2023, une ordonnance a suspendu les obligations de remboursement de Monsieur [E] [V] pour une durée de 24 mois, mais cette ordonnance n’a pas été notifiée à la CCM LAVAL BRETAGNE, qui a ensuite engagé une procédure de référé-rétractation. Lors de l’audience du 21 juin 2024, la CCM LAVAL BRETAGNE a soutenu que l’ordonnance était inopposable et que Monsieur [E] [V] ne pouvait bénéficier de délais de grâce en raison de la déchéance du terme.

La CCM VAL DU CENS a également demandé la rétractation de l’ordonnance, arguant que Monsieur [E] [V] avait déjà bénéficié d’un délai supplémentaire et qu’il multipliait les procédures pour gagner du temps. En défense, Monsieur [E] [V] a demandé la confirmation de l’ordonnance, affirmant que ses revenus locatifs avaient été affectés par des événements imprévus et qu’il avait des projets de vente de biens pour apurer ses dettes.

Le 3 juillet 2024, il a été noté que la Commission de surendettement avait déclaré irrecevable le dossier de surendettement de Monsieur [E] [V]. Finalement, le tribunal a décidé de rétracter l’ordonnance du 12 septembre 2023, déboutant Monsieur [E] [V] de ses demandes de suspension des crédits et le condamnant aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

13 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Rennes
RG
24/00281
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE RENNES
Service des contentieux de la protection
[Adresse 8]
[Localité 4]
ORDONNANCE DU 13 Septembre 2024

N° RG 24/00281 – N° Portalis DBYC-W-B7I-K6CG

Ordonnance du 13 Septembre 2024 N° : 24/23

Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL LAVAL BRETAGNE

C/
[E] [V]
Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL VAL CENS

copie dossier
copie exécutoire délivrée
le
à Me HARDY LOISEL
copie certifiée conforme délivrée
le
à Me DUPIN
à Me PELLETIER
Au nom du Peuple Français ;

Rendue par mise à disposition le 13 Septembre 2024 ;

Par Caroline ABIVEN, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de RENNES statuant en qualité de juge des contentieux de la protection, assistée de Géraldine LE GARNEC, Greffier ;

Audience des débats : 21 Juin 2024.

Le juge à l’issue des débats a avisé les parties présentes ou représentées, que la décision serait rendue le 13 Septembre 2024, conformément aux dispositions de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

ENTRE :

DEMANDEUR :

Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL LAVAL BRETAGNE
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Angélina HARDY-LOISEL, avocat au barreau de RENNES

ET :

DEFENDEUR :

M. [E] [V]
[Adresse 15]
[Adresse 15]
[Localité 11]
comparant en personne, assisté de Maître DUPIN Marie, avocat au barreau de PARIS ;

Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL VAL CENS
[Adresse 10]
[Localité 5]
représentée par Me Quentin PELLETIER, avocat au barreau de NANTES substitué par Me Pauline GUILLAS, avocat au barreau de NANTES

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 9 mai 2017, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LAVAL BRETAGNE (CCM LAVAL BRETAGNE) a consenti à Monsieur [E] [V] un prêt immobilier « MODULIMMO » n° 15489 04763 00087 189602 d’un montant de 226 915 € remboursable en 240 échéances de 1 150,97 €, pour l’acquisition d’une maison située [Adresse 6] à [Localité 13]).

Par actes authentiques du 24 septembre 2015, la CAISSE DU CREDIT MUTUEL VAL DU CENS (CCM VAL DU CENS) a consenti à Monsieur [E] [V] les prêts immobiliers « MODULIMMO » suivants :
– Un prêt « MODULIMMO » n° 10278 36179 00013649902 d’un montant de
130 727,32 € remboursable en 157 échéances de 934,40 €, pour l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation situé [Adresse 9] à [Localité 14],
– Un prêt « MODULIMMO » n° 10278 36179 00013649903 d’un montant de
172 558,60 € remboursable en 180 échéances de 1 102,46 €, pour l’acquisition d’une maison située [Adresse 1] à [Localité 12].

Des échéances étant demeurées impayées, par lettres recommandées avec accusé de réception du 3 janvier 2023 et du 26 juin 2023, la CCM LAVAL BRETAGNE et la CCM VAL DU CENS, respectivement, ont notifié à Monsieur [E] [V] la résiliation des contrats de prêt, outre la déchéance du terme.

Par ordonnance sur requête du 12 septembre 2023, la présente juridiction a :
– Ordonné la suspension des obligations de Monsieur [E] [V] au titre des contrats suivants :
o Crédit immobilier n°15489 04763 00087 189602, offre émise le 28 février 2017 par la CCM LAVAL BRETAGNE pour un montant emprunté de 226 915 €,
o Crédit immobilier n° 10278 36179 00013649903 souscrit le 14 août 2015 auprès de la CCM VAL DU CENS pour un montant emprunté de 172 558 €,
– Fixé la durée de cette suspension à 24 mois à compter de ce jour, délai qui pourra être écourté en cas de meilleur accord entre les parties si M. [E] [V] revient à meilleure fortune,
– Dit qu’au terme de la période de suspension, la durée de ces contrats sera prolongée de 24 mois et que les échéances seront exigibles avec un décalage de 24 mois par rapport l’échéancier initial,
– Dit que les échéances ainsi reportées ne produiront pas intérêts de retard, et resteront d’un montant identique aux mensualités prévues par les contrats et les tableaux d’amortissement,
– Rappelé que les pénalités et majorations en raison du retard cessent d’être dues durant la période de délais conformément à l’article 1343-5 du code civil,
– Rappelé que la présente décision entraîne suspension de toutes les procédures d’exécution engagées pour le recouvrement de la dette conformément à l’article 1343-5 alinéa du code civil,
– Rappelé que l’absence de paiement des échéances contractuelles en exécution de la présente ordonnance ne constitue pas un incident de paiement et ne peut donc entraîner la déchéance du terme ou une inscription du requérant au FICP,
– Dit qu’en cas de difficulté il nous en sera référé,
– Débouté Monsieur [E] [V] de sa demande de suspension des échéances du crédit immobilier n° 10278 36179 0001349902,
– Rappelé que la présente ordonnance est de plein droit exécutoire sur minute,
– Ordonné sa notification au requérant et aux sociétés de crédit, conformément aux articles 675 et 679 du code de procédure civile.

Par acte de commissaire de justice du 7 mars 2024, la CCM LAVAL BRETAGNE a fait assigner en référé-rétractation Monsieur [E] [V] et la CCM VAL DU CENS devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rennes, aux fins de voir :
– Dire et juger recevable et bien-fondé le référé-rétractation initié par la CCM LAVAL BRETAGNE,
– Débouter Monsieur [E] [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions tendant à la suspension de ses obligations au titre du prêt immobilier n° 15489 04763 00087 189602 souscrit auprès de la CCM LAVAL BRETAGNE,
– Condamner Monsieur [E] [V] à verser à la CCM LAVAL BRETAGNE la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

A l’audience du 21 juin 2024, intervenue après renvoi, la CCM LAVAL BRETAGNE, représentée par son conseil, reprenant à l’oral ses conclusions déposées à l’audience, maintient ses demandes et sollicite la rétractation de l’ordonnance du 12 septembre 2023 octroyant à Monsieur [E] [V] une suspension de ses obligations de remboursement pendant 24 mois.
Elle affirme que l’ordonnance sur requête n’a jamais été notifiée à la caisse, raison pour laquelle elle a tout de même délivré un commandement valant saisie immobilière sur le bien situé à [Localité 13]. Elle affirme ainsi que l’ordonnance sur requête est inopposable.
Elle indique également que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables à Monsieur [V], lequel n’est pas un consommateur. A cet égard, la CCM LAVAL BRETAGNE précise que l’emprunteur est en réalité un professionnel de l’immobilier, propriétaire de 14 biens immobiliers en Ille-et-Vilaine et 22 au total.

Par ailleurs, elle affirme que la déchéance du terme ayant été prononcée, l’emprunteur ne peut plus bénéficier de délais de grâce, ajoutant que celui-ci est, de plus, de mauvaise foi.

Elle ajoute que, si Monsieur [V] est en invalidité depuis 2017, une partie de ses échéances a sûrement été prise en charge par une assurance.

En outre, la demanderesse affirme que l’emprunteur avait déjà sollicité la suspension des échéances du prêt en 2018, ce qui lui avait été refusé par le tribunal. En 2019, il a toutefois contracté de nouveaux crédits afin de financer l’acquisition de nouveaux biens. Elle affirme également qu’en 2020, Monsieur [V] a dépensé la somme de 93 000 € afin de financer des travaux sur des lots qui ne lui appartiennent pas à titre personnel, expliquant que l’emprunteur entretient une confusion entre les biens de ses différentes sociétés et les biens qui lui appartiennent en propre. La CCM LAVAL BRETAGNE indique également que l’emprunteur multiplie les établissements bancaires pour obtenir des crédits.

Quant aux mandats de vente produits par l’emprunteur au soutien de ses prétentions, la CCM LAVAL BRETAGNE affirme que ceux-ci datent du mois de mai 2024 ce qui est trop tardif.

Pour un plus ample exposé des moyens présentés par la CCM LAVAL BRETAGNE, il convient de se reporter à ses conclusions déposées à l’audience du 21 juin 2024.

La CCM VAL DU CENS, représentée par son conseil, reprenant à l’oral ses conclusions n°2 déposées à l’audience, demande au juge des contentieux de la protection de bien vouloir :
– Faire droit au référé-rétractation initié par la CCM LAVAL BRETAGNE,
– Débouter Monsieur [E] [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– Condamner Monsieur [E] [V] à payer à la CCM VAL DU CENS la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, la CCM VAL DU CENS expose que Monsieur [E] [V] a déjà bénéficié, à l’amiable, d’un délai supplémentaire de deux ans, accordé du 5 septembre 2018 au 5 août 2020. Elle indique que deux procédures de saisie immobilière sont actuellement en cours.

Par ailleurs, la CCM VAL DU CENS affirme que l’ordonnance sur requête ne lui a pas été notifiée et que le délai de grâce octroyé ne concerne que l’un des deux prêts qu’elle a consentis.

En outre, elle indique que Monsieur [E] [V] a lancé une nouvelle procédure de suspension de l’exécution d’un contrat de prêt à [Localité 16] en 2024, justifiant que l’emprunteur ne fait que multiplier les procédures et qu’il ne cherche, en réalité, qu’à gagner du temps.

Enfin, la banque précise que l’emprunteur est propriétaire de nombreux biens immobiliers qu’il pourrait vendre afin d’apurer ses dettes.

Pour un plus ample exposé des moyens présentés par la CCM VAL DU CENS, il convient de se référer à ses conclusions n°2 déposées à l’audience du 21 juin 2024.

En défense, Monsieur [E] [V], représenté par son avocat, reprenant à l’oral ses conclusions déposées à l’audience, demande au juge des contentieux de la protection de bien vouloir :
– Débouter la CCM LAVAL BRETAGNE et la CCM VAL DU CENS de leurs demandes,
– Confirmer en toutes des dispositions l’ordonnance du 12 septembre 2023,
– Condamner solidairement la CCM LAVAL BRETAGNE et la CCM VAL DU CENS au paiement de 990,07 € à Monsieur [V],
– Condamner solidairement la CCM LAVAL BRETAGNE et la CCM VAL DU CENS au paiement de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, Monsieur [E] [V] indique que l’ordonnance du 12 septembre 2023 ayant accordé un délai de grâce est revêtue de la force de chose jugée puisqu’aucun appel n’a été interjeté. Il indique que ce titre exécutoire aurait dû être notifié par le greffe.

Par ailleurs, il expose que les loyers issus de ses biens loués lui ont permis de rembourser ses crédits jusqu’en 2020. Suite à la tempête Irma, un de ses biens à [Localité 16] a subi de gros dégâts, si bien qu’il a été obligé de réaliser des travaux onéreux et que le bien est resté indisponible à la location pendant longtemps. Il affirme, en outre, que depuis 2022, ses revenus locatifs font l’objet d’une saisie-attribution par le CREDIT AGRICOLE.

En outre, il précise qu’il n’a pas pu vendre son seul bien immobilier non assorti d’un crédit, son acquisition n’ayant pas été publiée à la publicité foncière. Toutefois, il indique que le délai restant va lui permettre de vendre 4 de ses biens immobiliers afin d’apurer sa dette. A cet égard, il indique qu’un compromis de vente est signé à [Localité 16] pour un montant de 195 000 €, tandis qu’il a également mis en vente les biens objets du présent litige. Monsieur [E] [V] souhaite ainsi avoir la possibilité de vendre ses biens au prix du marché et non par adjudication.

Pour un plus ample exposé des moyens du défendeur, il convient de se reporter à ses conclusions déposées à l’audience du 21 juin 2024.

Le 3 juillet 2024, le conseil de la CCM LAVAL BRETAGNE a fait parvenir une note en délibéré au greffe de la juridiction, dont il ressort que la Commission de surendettement des particuliers a déclaré irrecevable le dossier de surendettement de Monsieur [E] [V], le 17 mai 2024.

Par une note en délibéré du 4 juillet 2024, la CCM VAL DU CENS, représentée par son conseil, a déclaré faire sienne les observations versées aux débats par la CCM LAVAL BRETAGNE.

En cet état, l’affaire a été mise en délibéré, la décision étant rendue par sa mise à disposition au greffe le 13 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

• Sur la recevabilité du référé-rétractation

Aux termes de l’alinéa 3 de l’article 495 du code de procédure civile, « Copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée. »

Aux termes des articles 496 et 497 du code de procédure civile, s’il est fait droit par ordonnance à une requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance. Le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance rendue sur requête, même si le juge du fond est saisi de l’affaire.

Le référé afin de rétractation n’est enfermé dans aucun délai (2e Civ., 26 novembre 1990).

La présente juridiction a rendu une ordonnance sur requête le 12 septembre 2023 par laquelle elle a, notamment, ordonné la suspension des obligations de Monsieur [E] [V] au titre de deux contrats de crédit consentis, respectivement, par la CCM LAVAL BRETAGNE et la CCM VAL DU CENS.

La CCM LAVAL BRETAGNE ainsi que la CCM VAL DU CENS affirment que l’ordonnance sur requête ne leur a pas été notifiée par le greffe ni signifiée par Monsieur [E] [V].

Il ressort du dossier que l’ordonnance sur requête du 12 septembre 2023 ne leur a effectivement pas été notifiée par le greffe et Monsieur [E] [V] ne démontre pas avoir signifiée cette ordonnance à la CCM LAVAL BRETAGNE et à la CCM VAL DU CENS.

Dans ces conditions, le référé-rétractation formé par la CCM LAVAL BRETAGNE est recevable.

• Sur le bien-fondé de la demande de rétractation

Aux termes de l’article L.314-20 du code de la consommation applicable en matière de crédit à la consommation et de crédit immobilier, « L’exécution des obligations du débiteur peut être, notamment en cas de licenciement, suspendue par ordonnance du juge des contentieux de la protection dans les conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil. L’ordonnance peut décider que, durant le délai de grâce, les sommes dues ne produiront point intérêt.
En outre, le juge peut déterminer dans son ordonnance les modalités de paiement des sommes qui seront exigibles au terme du délai de suspension, sans que le dernier versement puisse excéder de plus de deux ans le terme initialement prévu pour le remboursement du prêt ; il peut cependant surseoir à statuer sur ces modalités jusqu’au terme du délai de suspension. »

En vertu de l’article 1343-5 du code civil, « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment. »

En l’espèce, la présente instance a pour objet de rétablir le contradictoire. Elle permet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à la demande d’une seule des parties.

Le juge se place à la date où la requête a été déposée pour apprécier si les conditions ayant donné lieu aux mesures ordonnées étaient réunies.

En l’espèce, Monsieur [E] [V] sollicite la confirmation de l’ordonnance sur requête du 12 septembre 2023 ayant suspendu l’exécution de ses obligations au titre de deux contrats de prêt consentis par la CCM LAVAL BRETAGNE pour l’un, et par la CCM VAL DU CENS pour l’autre en indiquant rencontrer des difficultés financières du fait de la situation d’invalidité dans laquelle il est placé depuis 2017. Il fait également état de dépenses exceptionnelles de travaux sur un bien situé à [Localité 16] en raison des dégâts d’un montant de 93 442,14 € provoqués par la tempête Irma. Il ajoute que faute de paiement de ses autres crédits contractés auprès de la CAISSE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D’ILLE ET VILAINE, il fait également l’objet d’une saisie-attribution de ses revenus locatifs et APL, étant redevable d’une somme totale de 312 479,24 €.
Il produit son avis d’impôt établi en 2023 sur les revenus de l’année 2022, justifiant d’un revenu fiscal de référence nul.
Il souligne, en outre, que ses biens immobiliers situés [Adresse 1] à [Localité 12] et [Adresse 9] à [Localité 14], ont fait l’objet d’un arrêté de traitement de l’insalubrité par le préfet d’Ille-et-Vilaine tandis que l’immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 12] fait l’objet d’une procédure contradictoire préalable à un tel arrêté. Il indique ainsi que ces biens ne sont plus susceptibles de produire de revenus locatifs.

La CCM LAVAL BRETAGNE et la CCM VAL DU CENS s’opposent, quant à elle, à l’octroi de délais de grâce en considérant que l’emprunteur dispose d’un patrimoine foncier suffisant pour assumer le remboursement des prêts consentis.
Pour en justifier, la CCM LAVAL BRETAGNE produit une synthèse des actifs immobiliers de Monsieur [V] en date du 21 février 2018, mentionnant que celui-ci est propriétaire de 22 biens immobiliers, pour une valeur totale de 3 725 000 €, outre 5 biens immobiliers détenus par la SCI LI IMMO, dont il est le prétendu gérant, pour une valeur totale de 880 000 €. Monsieur [V] ne conteste pas être propriétaire de ces nombreux biens immobiliers.
Il est ainsi démontré que Monsieur [V] est propriétaire d’un très important patrimoine immobilier dont il n’a pas fait état dans sa requête ayant donné lieu à l’ordonnance du 12 septembre 2023,

Par ailleurs, la CCM VAL DU CENS verse aux débats les avenants aux contrats de prêts conclus le 27 août 2018, par lesquels elle a accordé à Monsieur [E] [V] une suspension du paiement des échéances du 5 septembre 2018 jusqu’au 5 août 2020 inclus, si bien que celui-ci a, en réalité, déjà bénéficié de larges délais.

Il ressort ainsi des éléments utilement versés aux débats que la situation financière de Monsieur [E] [V] n’est pas gravement obérée comme Monsieur [V] a pu le faire croire au juge statuant par ordonnance sur requête.

En effet, bien que Monsieur [V] soit en situation d’invalidité et que trois de ses biens immobiliers fassent l’objet d’une procédure de traitement de l’insalubrité, Monsieur [E] [V] dispose de très nombreux autres biens immobiliers dont la vente pourrait permettre l’apurement des crédits consentis par la CCM LAVAL BRETAGNE et la CCM VAL DU CENS. Ainsi, son patrimoine ne justifie aucunement un rééchelonnement de sa dette auprès des sociétés de crédits.

En conséquence, il y a lieu d’ordonner la rétractation de l’ordonnance rendue le 12 septembre 2023.

• Sur les demandes accessoires

Succombant à la cause, Monsieur [E] [V] sera condamné aux dépens.

Par ailleurs, Monsieur [E] [V] étant la partie perdante, il n’y a pas lieu de condamner la CCM LAVAL BRETAGNE et la CCM VAL DU CENS à payer ses frais de déplacement, non plus que ses frais irrépétibles.

De même, l’équité commande de laisser à la charge de la CCM LAVAL BRETAGNE et de la CCM VAL DU CENS les frais non compris dans les dépens qu’elles ont respectivement engagés pour la défense de leurs intérêts en justice.

En vertu de l’article 514 du code de procédure civile, l’exécution provisoire est de plein droit.

PAR CES MOTIFS,

Nous, juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rennes, statuant publiquement, en référé-rétractation, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

RETRACTONS l’ordonnance sur requête en date du 12 septembre 2023 ayant suspendu les obligations de Monsieur [E] [V] au titre des contrats de crédit n°15489 04763 00087 189602 consenti par la CCM LAVAL BRETAGNE et n° 10278 36179 00013649903 consenti par la CCM VAL DU CENS,

DEBOUTONS Monsieur [E] [V] de ses demandes de suspension pendant 24 mois des crédits immobiliers suivants :
o Crédit « MODULIMMO » n° 15489 04763 00087 189602 d’un montant de 226 915 € consenti par la CCM LAVAL BRETAGNE,
o Crédit « MODULIMMO » n° 10278 36179 00013649902 d’un montant de
130 727,32 € consenti par la CCM VAL DU CENS,
o Crédit « MODULIMMO » n° 10278 36179 00013649903 d’un montant de
172 558,60 € consenti par la CCM VAL DU CENS,

REJETONS le surplus des demandes,

CONDAMNONS Monsieur [E] [V] aux dépens de la présente instance,

RAPPELONS que l’exécution provisoire est de plein droit.

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2024, et signé par la juge et la greffière susnommées.

La Greffière, La Juge,


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