Circonstances de l’affaireLa société [4] a contesté la décision de la caisse du 5 septembre 2018, qui avait fixé à 10 % le taux d’incapacité permanente partielle de M. [K] [T] suite à un accident de travail survenu le 5 janvier 2016. Jugement initial et expertiseLe tribunal a ordonné une mesure d’expertise sur pièces par jugement du 6 juillet 2021. Le 2 mars 2022, il a déclaré fondé le recours de la société [4], fixant le taux d’incapacité à 7 % et attribuant la charge des dépens à la Caisse primaire d’assurance maladie du Loiret. Appel de la Caisse primaire d’assurance maladieLa Caisse primaire d’assurance maladie du Loiret a interjeté appel le 24 mars 2022, demandant l’infirmation du jugement et le maintien du taux d’incapacité à 10 %. Arguments des partiesLa Caisse a soutenu que le taux de 10 % était justifié par les constatations de son médecin-conseil, qui avait noté des séquelles significatives. Elle a contesté les conclusions de l’expert, arguant que la fixation du taux ne nécessitait pas la preuve d’une névrite périphérique. Absence de comparution de la société [4]La société [4] n’a pas comparu ni constitué avocat lors de l’audience, malgré une convocation régulière. Réglementation applicableLes articles L. 434-2 et R. 434-32 du code de la sécurité sociale précisent les critères de détermination du taux d’incapacité permanente, en tenant compte de divers facteurs liés à l’état de la victime. Évaluation des séquellesL’expert a constaté des douleurs modérées et une gêne à la marche, proposant un taux de 7 %. Cependant, il a reconnu que les critères pour un taux minimum de 10 % étaient réunis. Décision de la courLa cour a déclaré recevable l’appel de la Caisse, a infirmé le jugement du 2 mars 2022 et a fixé le taux d’incapacité permanente à 10 %, condamnant la société [4] aux dépens. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelles sont les bases légales pour la détermination du taux d’incapacité permanente dans le cadre d’un accident du travail ?La détermination du taux d’incapacité permanente est régie par plusieurs articles du Code de la sécurité sociale. L’article L. 434-2 stipule que : « Le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité. » Cet article souligne l’importance de plusieurs facteurs dans l’évaluation de l’incapacité, notamment l’état de santé général de la victime et ses capacités professionnelles. De plus, l’article R. 434-32 précise que : « Au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit. » Cet article indique que la caisse doit se baser sur des informations complètes pour évaluer l’incapacité. Il est également important de noter que les barèmes indicatifs d’invalidité sont annexés au Code, et que la caisse doit notifier sa décision de manière motivée, en mentionnant les voies et délais de recours. Comment la juridiction du contentieux de la sécurité sociale évalue-t-elle les éléments concourant à la fixation du taux d’incapacité permanente ?La juridiction du contentieux de la sécurité sociale a pour mission d’examiner tous les éléments pertinents pour la fixation du taux d’incapacité permanente. Selon la jurisprudence, il appartient à cette juridiction de se prononcer sur l’ensemble des éléments concourant à la fixation de ce taux. Cela inclut les lésions directement imputables à l’accident, et il est précisé que l’absence de contentieux préalable sur l’imputabilité des lésions n’est pas un obstacle à cette recherche (2e Civ., 21 mars 2024, pourvoi n° 22-15.376). En outre, la cour doit également examiner les aggravations d’états pathologiques antérieurs causées par l’accident, qui doivent être indemnisées dans leur intégralité (2e Civ., 8 avril 2021, pourvoi n° 20-10.621). Ainsi, la cour doit prendre en compte non seulement les séquelles physiques, mais aussi l’impact global de l’accident sur la vie de la victime. Quels sont les critères spécifiques à considérer pour les membres inférieurs dans l’évaluation du taux d’incapacité ?L’évaluation du taux d’incapacité pour les membres inférieurs, notamment les articulations métatarso-phalangiennes, est précisée dans le barème indicatif des accidents de travail. Ce barème indique que : « Les articulations métatarso-phalangiennes permettent aux orteils un angle flexion-extension de 90° environ. La plus importante est la première, étant donnée l’importance du gros orteil dans la fonction d’appui dans la locomotion. » Pour le gros orteil, le barème prévoit des taux d’incapacité en fonction de la position et de la limitation des mouvements. Par exemple, un blocage isolé de cette articulation en bonne position est évalué à 5 %, tandis qu’en mauvaise position, il peut atteindre 10 %. De plus, les troubles névritiques, douleurs et troubles trophiques peuvent justifier une majoration du taux proposé, ce qui est essentiel dans l’évaluation des séquelles d’un accident du travail. Quelles sont les conséquences de l’appel interjeté par la Caisse primaire d’assurance maladie du Loiret ?L’appel interjeté par la Caisse primaire d’assurance maladie du Loiret a conduit à une réévaluation du jugement initial. La cour a déclaré recevable l’appel et a infirmé le jugement rendu le 2 mars 2022, qui avait fixé le taux d’incapacité à 7 %. En statuant à nouveau, la cour a déterminé que le taux d’incapacité permanente attribué à M. [K] [T] devait être fixé à 10 % dans les relations entre l’employeur et la caisse. Cette décision a des implications significatives, car elle modifie le taux d’indemnisation que la société [4] devra supporter, entraînant une condamnation aux dépens. Ainsi, l’appel a permis de corriger une évaluation qui, selon la cour, ne tenait pas compte de l’ensemble des critères requis pour une juste appréciation de l’incapacité. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 13
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2024
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 22/04344 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFRWF
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Mars 2022 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 19/01920
APPELANT
CPAM DU LOIRET
[Adresse 5]
[Localité 2]
non comparante – non représentée
INTIMEE
Société [4]
[Adresse 1]
[Localité 3]
non comparante – non renprésentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Septembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre
Madame Sophie COUPET, conseillère
Monsieur Gilles REVELLES, conseiller
Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
– RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par la Caisse primaire d’assurance maladie du Loiret (la caisse) d’un jugement rendu le 2 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Paris dans un litige l’opposant à la société [4] (la société).
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que la société [4] a formé un recours devant une juridiction en charge du contentieux de la sécurité sociale à l’encontre de la décision de la caisse du 5 septembre 2018 ayant fixé à 10 % le taux d’incapacité permanente partielle résultant de l’accident du travail du 5 janvier 2016 dont a été victime M. [K] [T] (l’assuré).
Par jugement du 6 juillet 2021, le tribunal ordonne une mesure d’expertise sur pièces.
Par jugement en date du 2 mars 2022, le tribunal :
déclare fondé le recours exercé par la société [4] à l’encontre de la décision de la Caisse primaire d’assurance maladie du Loiret en date du 5 septembre 2018 ;
fixe à 7 % dans les rapports entre l’employeur et la caisse le taux de l’incapacité permanente résultant de l’accident du travail subi le 5 janvier 2016 par M. [K] [T], employé de la société [4] ;
dit que la Caisse primaire d’assurance maladie du Loiret supportera la charge des dépens.
Le tribunal a fait sienne les conclusions de l’expert et a écarté toute névrite périphérique avec algies.
Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception remise le 10 mars 2022 à la Caisse primaire d’assurance maladie du Loiret qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception adressée le 24 mars 2022.
Par conclusions écrites, la Caisse primaire d’assurance maladie du Loiret, qui a été dispensée de comparution, demande à la cour de :
infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 2 mars 2022 ramenant le taux d’incapacité permanente attribué à M. [K] [T], suite à son accident de travail du 5 janvier 2016, à 7 % ;
dire que le ce taux d’incapacité permanente ne doit pas être inférieur à 10 % en réparation des séquelles de l’accident de travail de M. [K] [T] ;
débouter la société [4] de ses demandes.
La Caisse primaire d’assurance maladie du Loiret expose que la fixation à 10 % du taux d’incapacité permanente partielle au titre des séquelles de l’accident du travail a été déterminée suite à la transmission des constatations réalisées par son médecin-conseil lors de l’examen de l’assuré ; que ce médecin-conseil a constaté que l’assuré présentait des séquelles de fractures opérées des bases des deuxième et troisième métatarsiens du pied droit compliquées de pseudarthrose ayant nécessité une intervention, consistant en la persistance de douleurs neuropathiques, gêne dans la marche et nécessitant la poursuite de prise d’antalgiques généraux et anesthésiques locaux avec un suivi en centre antidouleur ; qu’elle conteste les constatations de l’expert qui a tronqué l’examen du 10 juillet 2017 ; que la fixation du taux n’exige pas que la névrite périphérique soit objectivée par des examens paramédicaux.
La société [4], régulièrement convoquée par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception remise le 9 février 2024 à sa personne, n’a pas comparu ni constitué avocat.
L’article L. 434 -2 du code de la sécurité sociale dispose que :
« Le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.»
L’article R. 434-32 du code de la sécurité sociale dispose que :
« Au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit.
« Les barèmes indicatifs d’invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d’incapacité permanente d’une part en matière d’accidents du travail et d’autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d’invalidité en matière d’accidents du travail.
« La décision motivée est immédiatement notifiée par la caisse primaire par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, avec mention des voies et délais de recours, à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au service duquel se trouvait la victime au moment où est survenu l’accident. Le double de cette décision est envoyé à la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail.
« La notification adressée à la victime ou à ses ayants droit invite ceux-ci à faire connaître à la caisse, dans un délai de dix jours, à l’aide d’un formulaire annexé à la notification, s’ils demandent l’envoi, soit à eux-mêmes, soit au médecin que désignent à cet effet la victime ou ses ayants droit, d’une copie du rapport médical prévu au cinquième alinéa de l’article R. 434-31.
« La caisse procède à cet envoi dès réception de la demande, en indiquant que la victime, ses ayants droit ou le médecin désigné à cet effet peuvent, dans un délai de quinzaine suivant la réception du rapport, prendre connaissance au service du contrôle médical de la caisse des autres pièces médicales.»
Les séquelles sont appréciées en partant du taux moyen proposé par le barème, éventuellement modifié par des estimations en plus ou en moins résultant de l’état général, de l’âge, ainsi que des facultés physiques et mentales.
Il appartient à la juridiction du contentieux de la sécurité sociale, saisie d’une contestation du taux d’incapacité permanente, de se prononcer sur l’ensemble des éléments concourant à la fixation de celui-ci. Cette dernière doit donc prendre en considération les lésions exclusivement imputables à l’accident, l’absence de tout contentieux préalable sur l’imputabilité des lésions à l’accident du travail n’étant pas un obstacle juridique à cette recherche (2e Civ., 21 mars 2024, pourvoi n° 22-15.376). Cette recherche implique en outre de discuter du rattachement à l’accident du travail ou la maladie professionnelle des lésions qui n’auraient pas été prises en compte par la caisse en l’absence de toute décision (2e Civ., 1er juin 2023, pourvoi n° 21-25.629).
En outre, l’aggravation, due entièrement à un accident du travail, d’un état pathologique antérieur n’occasionnant auparavant aucune incapacité, doit être indemnisée en sa totalité au titre de l’ accident du travail (2e Civ., 8 avril 2021, pourvoi n 20-10.621).
S’agissant des membres inférieurs, et notamment des articulations métatarso- phalangiennes, le barème indicatif des accidents de travail précise :
« Articulations métatarso-phalangiennes.
Elles permettent aux orteils un angle flexion-extension de 90° environ. La plus importante est la première, étant donnée l’importance du gros orteil dans la fonction d’appui dans la locomotion.
Blocage isolé de cette seule articulation :
– Gros orteil :
En rectitude (bonne position) 5
En mauvaise position 10
– Autres orteils :
En rectitude 2
En mauvaise position 4
Limitation des mouvements.
– Gros orteil 2 à 4
– Autres orteils 1 à 2
Articulations interphalangiennes.
Seule a une importance, dans la fonction de locomotion, l’interphalangienne du gros orteil.
– Blocage de l’interphalangienne du gros orteil 3
– Limitation de ses mouvements 1. »
Il ajoute en outre que :
« Les troubles névritiques, douleurs, troubles trophiques, accompagnant éventuellement les troubles moteurs, aggravent plus ou moins l’impotence et légitiment une majoration du taux proposé. »
En cas d’algodystrophie du membre inférieur, le barème précise que le taux d’incapacité est, selon l’intensité des douleurs, des troubles trophiques, et de la gêne à la marche évalué entre 10 et 30 %. Lorsque la forme est mineure sans troubles trophiques importants, sans troubles neurologiques et sans impotence, le taux est compris entre 10 et 20 %.
En l’espèce, l’assuré a été victime d’un accident du travail ayant occasionné la fracture des deuxième et troisième métatarses droits dont il a été déclaré consolidé le 24 août 2018. Le médecin-conseil indique une forme mineure d’algodystrophie, sans troubles trophiques importants, sans troubles neurologiques objectifs et avec une gêne modérée à la marche. Il propose un taux de 10 %.
Selon l’expert désigné par le tribunal, les séquelles alléguées sont des douleurs dorsales du pied droit. Il constate que la marche est faite sans claudication et que la gêne à la marche est modeste. Il constate un accomplissement complet, sans appui, l’absence de troubles de la sensibilité, une flexion et extension des orteils comparables, une flexion et extension et des latéralités comparable des deux chevilles, sans augmentation de la température cutanée, les pouls distaux étant normalement perçus. Il considère que les séquelles sont parfaitement modérées et proposent un taux de 7 %.
Cependant, dès lors que ce même médecin constate une gêne modérée de la marche, il ne peut proposer une minoration du taux sans en justifier, l’ensemble des critères permettant de fixer un taux minimum de 10 % étant réuni.
Le jugement sera en conséquence infirmé et le taux opposable à la société sera fixé à 10 %.
La société [4], qui succombe, sera condamnée aux dépens.
LA COUR,
DÉCLARE recevable l’appel de la Caisse primaire d’assurance maladie du Loiret ;
INFIRME le jugement rendu le 2 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en ses dispositions soumises à la cour ;
STATUANT À NOUVEAU :
DIT que le taux d’incapacité permanente attribué à M. [K] [T], à la suite de son accident de travail du 5 janvier 2016, doit être fixé à 10 % dans les relations employeur/caisse ;
CONDAMNE la société [4] aux dépens.
La greffière Le président