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VS/RLG
COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT N° 5 DU HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE
AFFAIRE N° : 22/01048 – N° Portalis DBV7-V-B7G-DPZ2
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal Judiciaire de POINTE A PITRE du 27 septembre 2022 – Pôle Social –
APPELANTE
S.A.S. [10], en la personne de M. [H] [V]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître Marie-Julianne GUEREL, avocat postulant inscrit au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART (Toque 26) & par Maître Juliette HUBERT, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS
INTIMÉE
CGSS-URSSAF DE LA GUADELOUPE
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Mme [M] [J] (dûment munie d’un pouvoir de représentation)
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 6 novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Mme Marie-Josée Bolnet, conseillère,
Madame Annabelle Clédat, conseillère,
Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 8 janvier 2024.
GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 al 2 du code de procédure civile.
Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par requête déposée au greffe le 7 juin 2021, la [10] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre d’une contestation de la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable de la Caisse générale de sécurité sociale (CGSS) de la Guadeloupe, née du silence gardé par la commission pendant plus de deux mois suite à son recours du 10 février 2021, cette décision tendant à confirmer les chefs de redressement retenus à son encontre suite au contrôle opéré par la caisse pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018 et réalisé par mise en demeure n° 3860254 du 8 décembre 2020 pour un montant total de 2.189.315 euros en cotisations et majorations.
Par jugement du 27 septembre 2022 le Pôle social du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a statué comme suit :
« – Maintient sur le principe l’ensemble des chefs de redressement relevés à l’encontre de la Clinique des [6] suite au contrôle opéré pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018,
– Valide partiellement la mise en demeure n° 3860254 du 8 décembre 2020 à hauteur de 2.074.337 euros de cotisations et contributions sociales,
– Dit qu’il appartiendra à la Caisse générale de sécurité sociale de procéder au nouveau calcul des majorations de retard dues par la [10] sur la base du montant des cotisations et contributions sociales retenu,
– Condamne en conséquence la [10] à payer à la Caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe la somme de 2.074.337 euros au titre des cotisations et contributions sociales dues,
– Rappelle que la [10] reste redevable de majorations de retard dont le montant lui sera ultérieurement notifié par la Caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe après recalcul et actualisation,
– Condamne la [10] aux entiers dépens de l’instance,
– Déboute la [10] de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ».
Par déclaration du 18 octobre 2022 la [10] a interjeté appel de ce jugement.
Les parties ont conclu et l’affaire a été retenue à l’audience du 6 novembre 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses dernières conclusions notifiées par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 janvier 2023, auxquelles il a été fait référence lors de l’audience des débats, la [10] demande à la cour :
-d’infirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Pointe-à-Pitre le 27 septembre 2022 (RG n 21/00172) dans son ensemble ;
– d’annuler les redressements numéros 1, 3, 6, 9, 11, 13, 16 et 18 de la lettre d’observation de l’URSSAF en date du 27 septembre 2019 et confirmés par lettre en date du 1er octobre 2020 ;
– de condamner la CGSS au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le , auxquelles il a été fait référence lors de l’audience des débats, la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe demande à la cour de :
DÉCLARER l’appel de la [10] recevable mais mal fondé
En conséquence,
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire, pôle social de Pointe-à-Pitre le 27 septembre 2022 sauf en ce qu’il a validé partiellement la mise en demeure n° 3860254 du 08 décembre 2020 à hauteur de 2.074.337 euros de cotisations et contributions sociales
Statuant à nouveau,
VALIDER la mise en demeure n° 3860254 du 08 décembre 2020 à hauteur de 2.182.203 euros représentant 2.074.337 euros de cotisations et contributions sociales et 107.866 euros de majorations de retard
En tout état de cause,
DÉBOUTER la [10] de toutes ses demandes, fins et prétentions
CONDAMNER la [10] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
STATUER ce que de droit sur les dépens
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A l’issue du contrôle litigieux, l’agent chargé du contrôle a retenu les chefs de redressement suivants à l’encontre de la Clinique des [6] :
– n° 1 : LODEOM : calcul de l’exonération de droit commun – entreprises appartenant à des secteurs d’activités visés par la loi quel que soit l’effectif,
– n° 2 : réduction générale des cotisations : règles générales,
– n° 3 : versement transport : cas d’exonération,
– n° 4 : CSG-CRDS sur part patronale aux régimes de prévoyance complémentaire,
– n° 5 : forfait social et participation patronale aux régimes de prévoyance au 01/01/2012,
– n 6 : avantage en nature nourriture : évaluation dans le cas général (hors entreprises de restauration),
– n° 7 : avantage en nature véhicule : principe et évaluation – hors cas des constructeurs et concessionnaires,
– n° 8 : frais personnels non justifiés principes généraux,
– n° 9 : prime de transport : prise en ch arge des frais de transports personnels,
– n° 10 : CSG/CRDS : déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels,
– n° 11 : bonus exceptionnel Outre-Mer,
– n° 12 : apprentis : cotisations dues par les employeurs non-inscrits au R.M. occupant au moins onze salariés,
– n° 13 : allocations complémentaires aux indemnités journalières de la sécurité sociale (cas général),
– n° 14 : rappel de salaires suite à décision de justice ou injonction de l’inspecteur du travail,
– n° 15 : prise en charge par l’employeur de contraventions, – n 16 : assujettissement et affiliation au régime général,
– n° 17 : participation : affectations obligatoires à compter du 01/01/2013,
– n° 18 : acomptes, avances, prêts non récupérés.
Dans le cadre de son recours, la [10] ne conteste que les chefs de redressement n° 1,3,6,9,11,13,16 et 18.
I / Sur le chef de redressement n°1 « LODEOM : calcul de l’exonération de droit commun – entreprises appartenant à des secteurs d’activités visés par la loi quel que soit l’effectif »
(redressement de 731.701 euros)
L’article 25 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (dite LODEOM) a instauré une exonération de cotisations sociales, entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2010, dont le champ d’application est défini par l’article L752-3-2 du code de la sécurité sociale.
L’article L752-3-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, dispose que :
« I. – En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélémy et à Saint-Martin, les employeurs, à l’exclusion des entreprises publiques et établissements publics mentionnés à article L.2233-1 du code du travail, sont exonérés du paiement des cotisations à leur charge au titre de la législation de sécurité sociale à l’exclusion de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, dans les conditions définies au présent article.
Il. – L’exonération s’applique :
1° Aux entreprises, employeurs et organismes mentionnés au premier alinéa de l’article L. 2211-1 du code du travail, occupant moins de onze salariés. Si l’effectif vient à atteindre ou dépasser le seuil de onze salariés, le bénéfice intégral de l’exonération est maintenu dans la limite des onze salariés précédemment occupés ou, en cas de départ, remplacés. Un décret fixe les conditions dans lesquelles le bénéfice de l’exonération est acquis dans le cas où l’effectif d’une entreprise passe au-dessous de onze salariés;
2° Aux entreprises, quel que soit leur effectif, du secteur :
– du bâtiment et des travaux publics,
– de l’industrie,
– de la restauration,
– de la presse,
– de la production audiovisuelle, des énergies renouvelables,
– des nouvelles technologies de l’information et de la communication, et des centres d’appel,
– de la pêche, des cultures marines, de l’aquaculture,
– de l’agriculture, y compris les coopératives agricoles et sociétés d’intérêt collectif agricoles et leurs unions, ainsi que les coopératives maritimes et leurs unions,
– du tourisme, de la restauration de tourisme y compris les activités de loisirs s’y rapportant,
– de l’hôtellerie (..) ».
En application des différentes circulaires interministérielles qui se sont succédées (notamment la circulaire DSS/DAESC n°2004-140 du 26 mars 2004, la circulaire DSS/5B/2010/378 du 14 décembre 2010 et la circulaire DSS/5B/DGOM/2019/123 du 22 mai 2019) il est constant que lorsque dans une même entreprise ou un même établissement sont exercées plusieurs activités, l’exonération « LODEOM » est applicable dans les conditions suivantes :
– si une entreprise comporte plusieurs établissements distincts n’exerçant chacun qu’une seule activité, le droit à l’exonération est apprécié en fonction de l’activité de chacun des établissements, indépendamment de l’activité des autres établissements ;
– si au sein d’une entreprise ou d’un établissement coexistent plusieurs activités, le droit à l’exonération est ouvert au titre des seuls salariés qui sont occupés dans une activité de l’entreprise ou de l’établissement relevant d’un des secteurs d’activité visés par la loi. L’entreprise doit être alors en mesure de justifier de l’activité exercée par le salarié sur la totalité de la période d’emploi.
En l’espèce, la [10] exerce son activité en Guadeloupe, où elle a son siège social, et il n’est pas contesté que son effectif dépasse onze salariés au titre des exercices 2016, 2017 et 2018.
La [10] soutient que l’exonération LODEOM sectorielle doit lui être appliquée s’agissant des salariés rattachés à ses services de restauration et d’hôtellerie, à savoir :
– les agents de service hospitaliers rattachés au service hôtellerie ou hôtellerie-soins ;
– les chefs-cuisiniers, cuisiniers et aide-cuisiniers rattachés au service restauration.
En principe, les activités relevant des secteurs de la restauration et de l’hôtellerie sont précisées par référence à la NAF comme suit :
– pour l’hôtellerie :
– NAF 55.1 « Hôtels et hébergement similaire »
– NAF 55.2 « Hébergement touristique et autre hébergement de courte durée »
– NAF 55.3 « Terrains de camping et parcs pour caravanes ou véhicules de loisirs »
– pour la restauration :
– NAF 56.1 « Restaurants et services de restauration mobile »
– NAF 56.2 « Traiteurs et autres services de restauration »
– NAF 56.3 « Débits de boissons »
Le code NAF de de la Clinique des [6] enregistré à l’INSEE est le « 8610Z » et correspond aux « activités hospitalières » qui comprennent, suivant la définition donnée par la nomenclature :
– les activités d’hospitalisation de court ou long séjour, c’est-à-dire les activités médicales de diagnostic et de soins des établissements hospitaliers et des cliniques, publics ou privés, dans des établissements généraux (hôpitaux locaux, régionaux, universitaires, hôpitaux militaires, thermaux ou pénitentiaires) et des établissements spécialisés (hôpitaux psychiatriques et de désintoxication, hôpitaux traitant des maladies infectieuses, maternités, sanatoriums spécialisés). Ces activités concernent principalement des patients hospitalisés. Elles sont exercées sous la responsabilité de médecins et comprennent :
-les services du personnel médical et paramédical
-les services des laboratoires et installations techniques, y compris les services de radiologie et d’anesthésie,
-les services d’urgences
-les services des salles d’opération, les services de pharmacie,
d’hébergement, de restauration et les autres services hospitaliers
-les services des centres de planning familial assurant des actes médicaux tels que -la stérilisation ou l’interruption de grossesse, avec hébergement
C’est ainsi par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le Pôle social du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a retenu que la Clinique des [6] n’était pas un établissement dans lequel « coexistent plusieurs activités » au sens des circulaires ministérielles précitées, mais un établissement de santé dont l’activité hospitalière comprend des activités de restauration et d’hébergement des patients qui ne sauraient constituer des activités distinctes éligibles à l’exonération sectorielle «LODEOM ».
Il convient juste d’y ajouter que cette analyse correspond à l’intention du législateur de 2008 telle qu’elle ressort des travaux préparatoires de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 :
– le compte-rendu du Conseil des ministres du 28 juillet 2008 concernant la présentation du projet précise : ‘Le projet de loi a pour ambition de créer les conditions d’un développement économique outre-mer en privilégiant la compétitivité des entreprises, notamment dans leur environnement régional.’
– l’exposé des motifs du projet déposé au Sénat le 28 juillet 2008 confirme : ‘ Le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer recouvre un double objectif, d’une part, créer dans les départements d’outre-mer une zone franche qui permette une large exonération fiscale des entreprises visant à accroître leur rentabilité et leurs capacités à l’exportation, d’autre part, en tenant compte des différentes évaluations réalisées, réformer certains mécanismes dont l’efficacité n’est pas avérée.
L’activité hospitalière, qui ne participe pas directement au développement économique de la région, n’est donc aucunement concernée par les exonérations de la LODEOM.
Par ailleurs, il est sans incidence que par une décision du 23 octobre 2008, la commission de recours amiable de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe ait considéré que les secteurs « cantine et traiteur » de la [10] étaient éligibles à l’exonération sectorielle prévue par la loi de Programme pour l’Outre-Mer (dite LOPOM) n° 2000-1207 du 13 décembre 2000, s’agissant d’une législation différente.
Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu’il a validé ce chef de redressement.
II / Sur le chef de redressement n° 3 « versement transport : cas d’exonération » (redressement de 488.398 euros)
Selon l’article L. 2333-64 alinéa 1 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable au présent litige : « I – En dehors de la région d’Ile-de-France, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l’exception des fondations et associations reconnues d’utilité publique à but non lucratif dont l’activité est de caractère social, peuvent être assujetties à un versement destiné au financement des transports en commun lorsqu’elles emploient au moins onze salariés :
1° Dans une commune ou une communauté urbaine dont la population est supérieure à 10 000 habitants ou, dans les deux cas, lorsque la population est inférieure à 10 000 habitants et que le territoire comprend une ou plusieurs communes classées communes touristiques au sens de l’article L. 133-11 du code du tourisme ;
2° Dans le ressort d’un établissement public de coopération intercommunale compétent pour l’organisation de la mobilité, lorsque la population de l’ensemble des communes membres de l’établissement atteint le seuil indiqué;
3° Dans le ressort d’une métropole ou de la métropole de [Localité 9], sous réserve des dispositions prévues à l’article L. 5722-7-1.
Les employeurs qui, en raison de l’accroissement de leur effectif, atteignent onze salariés sont dispensés pendant trois ans du paiement du versement. Le montant du versement est réduit de 75 %, 50 % et 25 %, respectivement chacune des trois années suivant la dernière année de dispense. Pour les employeurs qui sont dispensés du versement en 1996, la dispense de paiement s’applique jusqu’au 31 décembre 1999 ».
Aux termes des dispositions de l’article L. 2333-70 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable au présent litige :
« I – Le produit de la taxe est versé au budget de la commune ou de l’établissement public qui rembourse les versements effectués :
1° Aux employeurs qui justifient avoir assuré le logement permanent sur les lieux de travail ou effectué intégralement et à titre gratuit le transport collectif de tous leurs salariés, ou de certains d’entre eux au prorata des effectifs transportés ou logés par rapport à l’effectif total ;
2° Aux employeurs, pour les salariés employés à l’intérieur des périmètres d’urbanisation des villes nouvelles ou de certaines zones d’activité industrielle ou commerciale, prévues aux documents d’urbanisation, lorsque ces périmètres ou ces zones sont désignés par la délibération mentionnée à l’article L. 2333-66 ».
En application de ces dispositions, le paiement de la contribution relative au transport est effectué par l’employeur auprès des organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale, et une fois le versement transport dûment acquitté auprès de l’organisme de recouvrement, l’employeur peut en obtenir le remboursement par la collectivité ou l’établissement public qui en profite lorsqu’il justifie remplir les conditions de l’article L2333-70 précité, ce remboursement s’effectuant au prorata des effectifs transportés ou logés par rapport à l’effectif total.
L’article D2333-90 du code général des collectivités territoriales prévoit ainsi logiquement que les demandes de remboursement du versement transport doivent être adressées trimestriellement par les assujettis à la commune ou à l’établissement public, accompagnées de toutes pièces justificatives utiles, et notamment les attestations de paiement individuelles ou collectives prévues par l’article D2333-88.
En l’espèce, il est constant que la [10] emploie plus de 11 salariés sur la période contrôlée ; que son siège social se situe sur la commune de [Localité 2], zone dans laquelle les sociétés employant plus de 11 salariés doivent s’acquitter du versement transport tel que défini par les dispositions du code général des collectivités territoriales précitées.
La [10] est ainsi assujettie à la contribution relative au versement transport définie par l’article L2333-64 précité.
La [10] expose, en substance, qu’elle a signé un contrat de transport de personnes avec la société [7] en date du 15 juillet 2013. (Pièce 5 : Contrat de transport de personnes) ; que ce contrat de location, conclu pour une durée de 5 années, renouvelable par tacite reconduction, était en vigueur au titre des années contrôlées 2016, 2017 et 2018 ; qu’ayant mis en place un système de transport collectif à titre gratuit pour certains salariés, elle devrait bénéficier d’une dispense de paiement de cette contribution, au prorata des effectifs transportés, tel que prévu par l’article L2333-70.
Cependant, ainsi que l’a rappelé le Pôle social du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, l’article L2333-70 précité ne prévoit aucune dispense ou exonération de la contribution due au titre du versement transport pour les employeurs qui y sont assujettis, mais prévoit une possibilité de remboursement ultérieur par la collectivité ou l’établissement public concerné, à condition de justifier de son acquittement auprès de l’organisme de recouvrement compétent.
Ce n’est qu’une fois cette contribution dûment acquittée auprès de l’organisme de recouvrement que la Clinique pourra éventuellement adresser à la collectivité ou l’établissement public concerné une demande de remboursement au prorata des effectifs logés ou transportés, au sens de l’article L2333-70 précité.
Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a validé ce chef de redressement.
III / Sur le chef de redressement n° 6 « avantage en nature nourriture : évaluation dans le cas général (redressement de 115.677 euros)
Aux termes de l’article L242-1 du code de la sécurité sociale, dans ses différentes versions applicables aux dates d’exigibilité des cotisations litigieuses, les avantages en nature versés en contrepartie ou à l’occasion du travail sont soumis aux cotisations sociales.
L’arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l’évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale dispose en son article premier, dans sa version applicable au litige, que sous réserve des dispositions de l’article 5 et sauf en cas de déplacement professionnel, pour les travailleurs salariés et assimilés auxquels l’employeur fournit la nourriture, la valeur de cet avantage est évaluée sur la base d’un forfait dont il n’est pas contesté qu’il était égal à :
– 9,40 euros par jour et 4 ,70 euros par repas en 2016,
– 9,50 euros par jour et 4,75 euros par repas en 2017,
– 9,60 euros par jour, et 4,80 euros par repas en 2018.
L’article 5 du même arrêté précise que les montants de ce forfait constituent des évaluations minimales, à défaut de stipulations supérieures arrêtées par convention ou accord collectif, et peuvent être remplacés par des montants supérieurs d’un commun accord entre les travailleurs et leurs employeurs.
La circulaire interministérielle DSS/SDFSS/5B n° 2003-07 du 7 janvier 2003 relative à la mise en oeuvre de l’arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l’évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale et de l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale prévoit en outre en son article 2.2.1 que, pour les salariés nourris en cantine ou en restaurant d’entreprise ou inter-entreprise, géré ou subventionné par l’entreprise ou le comité d’entreprise, la fourniture de repas à la cantine de l’établissement moyennant une participation des salariés constitue un avantage en nature.
Cet avantage consenti par l’employeur qui en supporte en partie la charge doit être réintégré dans l’assiette de cotisations pour un montant évalué à la différence entre le montant du forfait avantage nourriture et le montant de la participation personnelle du travailleur salarié ou assimilé.
Toutefois et afin d’éviter les redressements minimes, lorsque la participation du salarié est au moins égale à la moitié du forfait prévu par l’article 1er de l’arrêté, l’avantage nourriture peut être négligé.
En l’espèce, il résulte de la lettre d’observations du 27 septembre 2019 que des repas sont fournis aux salariés par la cantine de la Clinique des [6] à un prix variant en fonction de la qualité de l’acquéreur, sans qu’aucun avantage nourriture ait été décompté sur les fiches de paie du personnel. L’agent en charge du contrôle a procédé à la réintégration dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale de la différence entre la valeur forfaitaire de l’avantage en nature nourriture d’une part et le montant de la participation des salariés d’autre part.
La [10] expose, en substance, que :
– l’URSSAF ne peut appliquer de manière uniforme une évaluation forfaitaire que si aucune évaluation réelle n’est effectuée ;
– les barèmes forfaitaires retenus ne sont pas adaptés au coût particulièrement réduit des repas préparés au sein de la Clinique ;
– l’administration considère que les avantages nourriture et logement doivent être évalués d’après leur valeur réelle lorsqu’ils sont fournis (Arr. 10 décembre 2002, NOR : SANS0224281A, art. 5 : JO, 27 déc) ;
– le coût moyen des repas servis au sein de sa cantine s’élevait à 2,37 euros en 2016, 2,45 euros en 2017 et 2,40 euros en 2018 ;
– la participation de ses salariés à chacun des repas était de 1,22 euros, soit un montant supérieur à 50% du coût réel des repas de sorte que le chef de redressement à ce titre est injustifié.
Contrairement à ce que soutient la [10], l’évaluation réelle du coût des repas ne peut être retenue par principe qu’en ce qui concerne certains dirigeants d’entreprise (gérants minoritaires de sociétés à responsabilité limitée et de sociétés d’exercice libéral à responsabilité limitée ; présidents-directeurs généraux de sociétés anonymes, présidents et dirigeants de sociétés par actions simplifiées).
Pour tous les autres salariés, la prestation non monétaire en nourriture est évaluée sur un système de forfait y compris pour les salariés des hôtels, cafés et restaurants (qui bénéficient d’un barème spécial) et le forfait sur la base duquel la valeur des avantages en nature nourriture est calculée constitue une évaluation minimale, à laquelle l’employeur ne peut déroger à la baisse.
Conformément aux dispositions précitées, la participation des salariés n’étant pas au moins égale à la moitié du forfait précédemment défini, l’avantage en nature nourriture ne pouvait être négligé et devait être intégré dans l’assiette de cotisations dues.
Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a validé ce chef de redressement.
IV/ Sur le chef de redressement n° 9 « prime de transport : prise en charge des frais de transports personnels » (redressement de 500.106 euros)
En vertu de l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale, tout avantage en espèce ou en nature versé en contrepartie ou à l’occasion du travail doit être soumis à cotisations à l’exclusion des sommes représentatives de frais professionnels, dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel.
Les conditions d’exonération des remboursements de frais professionnels sont fixées par l’arrêté du 20 décembre 2002.
En application des articles L. 3261-3 et R.3261-11 du code du travail, dans leur version applicable, l’employeur peut prendre en charge tout ou partie des frais de carburant ou d’alimentation d’un véhicule électrique engagés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail pour ceux de ces salariés dont la résidence habituelle ou le lieu de travail est situé en dehors de la région d’Ile-de-France et d’un des périmètres de transports urbains ou des salariés pour lesquels l’utilisation d’un véhicule personnel est rendue indispensable par des conditions d’horaires de travail particuliers ne permettant pas d’emprunter un mode collectif de transport ‘ sous condition que tous les salariés remplissant les conditions bénéficient de cette prise en charge, dans le cadre soit d’un accord d’entreprise, soit d’une décision unilatérale de l’employeur.
En application de l’article 81, 19 b du code général des impôts, la «prime transport » est exonérée de cotisations dans la limite de 200 euros par an et par salarié, et elle ne peut pas être cumulée avec la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels pour certaines professions.
Cette «prime transport » peut en revanche se cumuler avec l’exclusion d’assiette de la prise en charge des indemnités kilométriques. Dans ce cas, le montant total exclu de l’assiette de cotisations ne peut excéder le montant total des frais réellement engagés par le salarié pour effectuer ses trajets entre sa résidence habituelle et son lieu de travail, et en cas de cumul du bénéfice pour un même salarié de l’exclusion d’assiette liée à la prime de transport et aux indemnités kilométriques, l’employeur doit être en mesure de produire, lors d’un contrôle, la preuve que les sommes versées exclues de l’assiette correspondent aux frais réellement engagés.
Si cette prime s’avère supérieure à la somme de 200 euros, elle est alors soumise à cotisations, pour la fraction supérieure à 200 euros et qui excéderait le montant total des frais de trajet domicile-travail réellement engagés par le salarié.
La circulaire interministérielle DSS/DGT n 2009-30 du 28 janvier 2009 portant application de l’article 20 de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 relatif aux frais de transport entre la résidence habituelle et le lieu de travail des salariés stipule que lors d’un contrôle, il appartient à l’employeur de prouver que les sommes versées exclues de l’assiette des cotisations sociales correspondent aux frais réellement engagés. À défaut, la fraction des indemnités excédant les limites d’exonération constitue un complément de rémunération soumis à cotisations.
En l’espèce, l’agent chargé du contrôle de la [10] a constaté que pour certains salariés, l’indemnité versée était supérieure à la limite d’exonération fixée à 200 euros par an et par salarié, et que la Clinique ne justifiait pas de la prise en charge des frais de carburant des salariés en franchise et cotisations, de sorte que le dépassement constaté a été réintégré à l’assiette de cotisations et contributions sociales.
De fait, le tableau matérialisant le montant de la prime de transport par salarié et par mois produit par la demanderesse au cours des opérations de vérifications a mis en évidence que les sommes allouées à certains salariés sont sans commune mesure avec les montants arrêtés par l’accord collectif du 15 septembre 2014. À titre d’exemple en 2016, certains salariés se sont vu attribuer des primes de 86 000 euros, 55 000 euros, 21 000 euros, 8 500 euros.
La [10] expose, en substance :
– qu’elle applique un accord d’entreprise en date du 15 septembre 2014 qui prévoit des « primes transport » dont le montant est supérieur à 200 euros par an et par salarié ;
– que la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe a validé les termes de cet accord et l’exonération des primes de transport en résultant lors d’un précédent contrôle du [8] ayant donné lieu à une lettre d’observations datée du 25 octobre 2016 confirmant la régularité de l’exonération, de sorte que l’organisme social ne peut revenir sur sa position de manière rétroactive.
La Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe fait cependant valoir que contrairement à ce que soutient l’appelante, les agents du contrôle n’ont nullement remis en cause la validité de l’accord collectif du 15 septembre 2014 ; ce qui est reproché à la Clinique des [6] c’est de ne pas avoir été en mesure de justifier, pour la partie excédant la limite de 200 euros par an et par salarié, que cet excédant correspondait aux sommes réellement engagées par les salariés pour effectuer le trajet entre leur résidences habituelles et leur lieux de travail, la mise en place dudit accord n’ayant pas pour effet d’exonérer l’établissement de santé des charges sociales dues en l’absence de tels justificatifs.
Ainsi que l’a justement relevé le Pôle social du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, les éléments produits aux débats par la [10] ne permettent pas de déterminer le montant total des frais de trajet réellement engagés par les salariés, de sorte que les sommes versées aux salariés au titre de la « prime transport » ne sauraient en principe être exonérées de cotisations au-delà de l’indemnité forfaitaire de 200 euros maximum par an et par salarié.
Certes lors d’un précédent contrôle ayant donné lieu à une lettre d’observations en date du 25 octobre 2016, l’inspecteur du recouvrement a considéré que « le [8] applique un accord d’entreprise instaurant un montant de prime de transport par commune, en fonction des distances entre le domicile des salariés et leur lieu de travail. S’agissant d’un mode d’indemnisation collectif et considérant que les montants versés n’excèdent pas les tarifs des transports en commun, l’exonération des primes de transport issues de cet accord est acceptée ».
Mais le [8] est une entité distincte immatriculée sous un numéro SIRET différent de celui de la [10].
Il est de jurisprudence constante que seule l’entreprise ayant fait l’objet de la décision peut s’en prévaloir, ce qui exclut notamment les autres sociétés du groupe (Cass. 2e civ., 08 juillet 2010, n 09-15.782).
Le contrôle ayant donné lieu à la lettre d’observations du 25 octobre 2016 ne concernant pas la [10] à proprement parler, celle-ci ne saurait se prévaloir de l’acceptation par l’URSSAF de l’exonération de cotisation des sommes versées au titre de la «prime transport » excédant 200 euros par an et par salarié s’agissant des salariés du [8], quand bien même elle appliquerait le même accord d’entreprise que celui appliqué par ledit groupement.
Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a validé ce chef de redressement.
V/ Sur le chef de redressement n° 11 « bonus exceptionnel Outre-Mer» (redressement de 208.865 euros)
Dans le cadre de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, les entreprises privées dans les départements d’outre-mer peuvent verser un bonus exceptionnel d’un montant de 1.500 euros maximal par salarié et par an, exonéré de cotisations et contributions sociales à l’exclusion de la CSG et de la CRDS, sous certaines conditions.
La loi n° 2013-337 du 23 avril 2013 a prorogé jusqu’au 31 décembre 2013 le régime social du bonus exceptionnel outre-mer, de sorte que les primes versées à ce titre à compter du 1er janvier 2014 devaient être intégrées dans l’assiette des cotisations et contributions sociales.
En l’espèce, l’agent chargé du contrôle a relevé que la Clinique des [6] a versé un bonus exceptionnel à certains salariés de l’entreprise et que ces sommes ont été à tort exclues de l’assiette des cotisations, de sorte qu’elles doivent y être réintégrées.
La [10] expose, en substance :
– que le « bonus RSTA » versé aux salariés dans le cadre d’un accord d’entreprise conclu en 2009 en application de « l’accord régional interprofessionnel sur les salaires en Guadeloupe – accord Jacques Bino » n’a pas été soumis à cotisations en 2016 à la suite d’une erreur de la Clinique qui avait omis de se mettre à jour eu égard aux dernières réglementations sur ce point ;
– que dès qu’elle s’est rendue compte de son erreur, elle a réintégré la prime, d’un montant majoré, pour que ses salariés ne soient pas lésés par ce changement de régime ;
– que sa bonne foi doit conduire à l’annulation de ce chef de redressement à titre gracieux.
Ainsi que l’a justement indiqué le Pôle social du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, la demande de la [10] s’analyse en une demande de remise de dette.
Or, en application de l’article L256-4 du code de la sécurité sociale, seul l’organisme en charge du recouvrement des cotisations et majorations dues peut réduire, par décision motivée, en cas de précarité de la situation du débiteur, les cotisations et majorations nées de l’application de la législation de sécurité sociale.
Dès lors que la demande de remise gracieuse ne relève pas des pouvoirs de la juridiction, le jugement entrepris ne peut qu’être confirmé en ce qu’il a validé ce chef de redressement.
VI/ Sur le chef de redressement n° 13 « allocations complémentaires aux indemnités journalières de la sécurité sociale (cas général) » (redressement de 47.190 euros)
En application de l’article R242-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, sont soumises à cotisations les indemnités journalières complémentaires versées par l’employeur ou pour son compte par l’entremise d’un tiers.
En application du 3ème alinéa de l’article R242-1 précité, ce principe n’est applicable qu’aux allocations complémentaires versées au titre de périodes pendant lesquelles le contrat individuel de travail qui lie le salarié à l’employeur reste en vigueur.
En l’espèce, il n’est pas contesté qu’au titre de son obligation de maintien de salaire lui incombant, la Clinique des [6] a souscrit un contrat auprès de l’organisme de prévoyance [4], qui alloue aux salariés des indemnités complémentaires aux indemnités journalières au-delà des 30 jours d’arrêt maladie.
Il n’est pas non plus contesté que le régime est entièrement financé par l’employeur, de sorte que les allocations complémentaires aux indemnités journalières versées par l’organisme [4] aux salariés de la Clinique doivent être intégralement soumises à cotisations sociales.
Or, les agents du contrôle ont constaté que les sommes versées à ce titre aux salariés en 2016 et 2017 n’ont pas été soumises à cotisations et contributions sociales, de sorte que la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe a procédé au redressement litigieux en réintégrant ces sommes dans l’assiette des cotisations sociales.
La [10] expose, en substance, que :
– l’URSSAF a opéré un redressement au titre d’indemnités journalières versées à Mme [C] [G] postérieurement au terme de son contrat de travail (survenu le 31 octobre 2015) ;
– dès lors, les indemnités versées en 2016 se rattachent nécessairement à une période au cours de laquelle le contrat de travail de Mme [G] n’était plus en vigueur. Le redressement opéré à ce titre est donc injustifié ;
– le Pôle social du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a validé ce raisonnement, en recalculant le montant du redressement en excluant la situation de Mme [G] alors que l’erreur ainsi constatée aurait dû donner lieu à une annulation pure et simple de l’ensemble du redressement, la juridiction ayant pu constater l’inadéquation des calculs ainsi opérés par l’URSSAF.
C’est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le Pôle social du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a retenu que les sommes qui ont été versées par l’organisme [4] à Mme [C] [G] en 2016 à titre d’allocations complémentaires aux indemnités journalières, à hauteur de 2.976 euros suivant la lettre d’observations du 27 septembre 2019, ne peuvent être soumises à cotisations, le contrat liant la Clinique à la salariée n’étant plus en vigueur depuis le 31 octobre 2015 ; que ces éléments ne sauraient toutefois conduire à l’annulation pure et simple du chef de redressement litigieux, mais au recalcul des cotisations dues par la Clinique à ce titre ; qu’après nouveau calcul, les cotisations dues par l’employeur de ce chef au titre de l’année 2016 s’élèvent à 15.714 euros, et non 16.838 euros.
Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu’il a validé le chef de redressement n° 13 à hauteur de 46.066 euros (en lieu et place de 47.190 euros).
VII/ Sur le chef de redressement n° 16 « assujettissement et affiliation au régime général» (redressement de 28.630 euros)
L’article L.311-2 du code de la sécurité sociale dispose que sont affiliés obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d’une pension, toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité, de l’un ou l’autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.
L’affiliation au régime général qui emporte pour l’employeur l’obligation de régler les cotisations correspondantes doit être retenue en présence d’un contrat de travail quelle que soit sa forme, d’une rémunération et d’un lien de subordination caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur ayant le pouvoir de donner des ordres ou des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements à son exécution.
A cet égard, le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail s’est exécutée.
Pour déterminer l’existence ou non d’un lien de subordination, les juridictions du fond retiennent la méthode du faisceau d’indices relatifs à l’activité en cause. Il appartient en effet au juge de rechercher parmi les éléments du litige ceux qui caractérisent un lien de subordination.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements. Il est ainsi jugé que le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.
C’est à celui qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve.
L’indépendance par nature de la profession médicale conduit normalement à ce que les médecins, médecins remplaçants, chirurgiens-dentistes, anesthésistes relèvent de la protection sociale des non-salariés, au titre de l’exercice d’une profession libérale. Cette indépendance n’exclut toutefois pas qu’ils puissent être affiliés au régime général s’ils sont salariés ou s’ils travaillent à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs et quelque soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat (Cass. Soc., 14 mars 1996, n 94-13.710)
En l’espèce, l’agent chargé du contrôle a relevé que plusieurs professionnels de santé ont exercé leur activité au sein de la Clinique dans le cadre d’une convention d’exercice libéral, et que les rémunérations qui leur ont été versées ont été relevées en comptabilité dans les comptes d’honoraires ; que les conditions d’exercice de l’activité de ces praticiens au sein de la Clinique révèlent cependant l’existence d’un lien de subordination envers l’établissement de santé, justifiant leur assujettissement au régime général de la sécurité sociale, et le redressement subséquent.
Au contraire, la Clinique réfute tout lien de subordination entre elle et les praticiens considérés, affirmant que ces-derniers exercent leur activité au sein de l’établissement de santé en toute indépendance, dans le respect de leur statut de professionnel libéral, sans qu’elle n’ait aucun pouvoir de direction ou de sanction à leur encontre.
A cet égard, il convient de rappeler qu’il est constant que les rémunérations versées aux professionnels de santé ne doivent pas être réintégrées dans l’assiette des cotisations sociales lorsque la liberté de choix est assurée tant aux patients qu’aux praticiens, que les praticiens assument les risques de leur activité, et que le praticien n’est astreint à aucun horaire ni aucune présence, l’établissement de santé n’ayant qu’un rôle d’intermédiaire dans la perception et le reversement des honoraires.
En l’espèce, ainsi que l’a justement relevé le Pôle social du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, l’analyse des pièces produites aux débats laisse apparaître que les conditions d’exercice des médecins d’une part, et des auxiliaires médicaux d’autre part, ne sont pas identiques, de sorte qu’il convient de distinguer leurs situations respectives.
Sur l’exercice des auxiliaires médicaux
Aux termes de la lettre d’observations du 27 septembre 2019 (pages 53 et 54), la seule auxiliaire médicale dont la rémunération a été réintégrée à l’assiette de cotisations est Mme [E], psychologue, s’agissant des rémunérations perçues au titre de l’année 2016.
Il résulte de la convention d’exercice libéral conclue entre elle et la [10] que :
– la psychologue exerce son activité dans les locaux et avec le matériel de la Clinique,
– la psychologue est astreinte à des temps de présence et horaires prédéterminés (tous les matins de la semaine à hauteur de 3 heures), et s’engage à se faire remplacer en cas d’absence,
– la somme versée par la Clinique à la psychologue est fixée à l’heure (45 euros par heure),
– la psychologue s’engage à assurer la continuité des soins aux malades déjà hospitalisés, relevant de sa discipline, et permettre l’accueil de nouveaux patients, de sorte qu’aucune liberté de choix n’est assurée ni au praticien ni aux patients concernés,
– en plus des comptes rendus et formalités obligatoires auxquels la psychologue est tenue en raison de ses relations avec les autorités de tutelle et les caisses d’assurance maladie, la praticienne s’engage à communiquer mensuellement à la direction des soins un relevé d’activité indiquant le nombre de patients pris en charge et la participation aux diverses instances de l’établissement,
– le contrat pourra être rompu sans préavis par la Clinique en cas de faute professionnelle du praticien ou série d’incidents préjudiciables aux malades et à la bonne réputation de la Clinique.
C’est à juste titre que le Pôle social du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a retenu que si pris isolément, aucun de ces éléments ne peut à lui seul caractériser un lien de subordination entre la Clinique et la psychologue, il convient de considérer que l’ensemble de ces éléments, pris dans leur ensemble, sont suffisants à caractériser un tel lien de subordination, justifiant l’assujettissement de la professionnelle au régime général de la sécurité sociale, et le redressement subséquent.
Sur l’exercice des médecins
La CGSS de la Guadeloupe a réintégré à l’assiette de cotisations les rémunérations versées en 2016, 2017 et 2018 aux docteurs [O], [I], et [B] (pages 53 et 54 de la lettre d’observations du 27 septembre 2019).
A la différence des auxiliaires médicaux, les conventions d’exercice libéral conclues par les médecins concernés ne sont pas produites aux débats, de sorte que la juridiction ne peut se baser que sur les constatations des agents chargés du contrôle afin de déterminer l’existence ou non d’un lien de subordination entre la Clinique et les professionnels concernés.
A cet égard, à la lecture de la lettre d’observations du 27 septembre 2019, il apparaît que contrairement aux auxiliaires médicaux, les conventions d’exercice libéral conclues par les médecins ne leur imposent aucune contrainte de présence ou d’horaire au sein de l’établissement.
A la différence des auxiliaires médicaux, il est en outre prévu que les médecins ne sont pas payés à l’heure, mais à l’acte, le praticien s’engageant à respecter les tarifs en vigueur pour le secteur dans lequel il intervient, étant précisé que la facturation des honoraires libéraux du praticien est effectuée au nom et pour le compte du médecin par le secrétariat administratif de la Clinique.
La caisse n’a d’ailleurs pas relevé de régularité ou de fixité dans le montant des honoraires versés aux docteurs [I] et [B] en 2017 et 2018, ce qui corrobore l’absence de contraintes imposées par l’établissement de santé quant aux conditions d’exercice de leur activité.
Dans ces conditions, au vu de l’indépendance laissée aux médecins dans le cadre de l’exercice de leur activité au sein de la Clinique, il convient de considérer que la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe ne rapporte pas la preuve suffisante du lien de subordination liant l’établissement de santé aux docteurs [I] et [B].
En revanche, il doit être relevé que le docteur [O], contrairement aux patriciens précités, a bénéficié d’une rémunération fixe au cours des années 2016 à 2018, à hauteur de 1.346,83 euros chaque mois.
Il convient d’en déduire qu’elle a nécessairement exercé son activité au sein de la Clinique des [6] suivant des horaires et une rémunération fixes, et non pas de manière indépendante suivant une facturation à l’acte ; qu’ajouté à ces considérations que le médecin n’avait pas le choix de sa clientèle et qu’elle devait rendre compte de son activité à la direction, il y a lieu de considérer que le lien de subordination envers la Clinique est au contraire suffisamment démontré la concernant.
Le lien de subordination envers la Clinique des [6] étant suffisamment démontré s’agissant de Mme [E] et du docteur [O], c’est à bon droit que la CGSS de la Guadeloupe a réintégré les rémunérations qui leur ont été versées par la Clinique en 2016, 2017 et 2018.
Suivant les motifs exposés ci-dessus, il convient en revanche d’exclure les rémunérations versées aux docteurs [I] et [B] pour le calcul des cotisations dues par la Clinique.
Ces éléments ne sauraient conduire à l’annulation pure et simple du chef de redressement litigieux, mais imposent le recalcul des cotisations dues par la Clinique à ce titre.
Ainsi, après nouveau calcul, les cotisations dues par l’employeur de ce chef s’élèvent à :
– 10.927 euros au titre de l’année 2016 (montant inchangé)
– 6.029 euros au titre de l’année 2017 (et non 7.153 euros)
– 6.036 euros au titre de l’année 2018 (et non 10.550 euros).
Contrairement à ce que soutient la [10], aucun principe de non-rétroactivité de l’assujettissement et de l’affiliation au régime général des auxiliaires médicaux et praticiens concernés ne saurait faire obstacle à cette régularisation, ceux-ci n’étant pas répertoriés en qualité de travailleurs indépendants et n’ayant donc pas cotisé deux fois pour les risques maladie et vieillesse.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a validé le chef de redressement n° 16 à hauteur de 22.992 euros (10.927 + 6.029 + 6.036 = 22.992), en lieu et place de 28.630 euros.
VIII/ Sur le chef de redressement n° 18 « acomptes, avances, prêts non récupérés » (redressement de 1.327 euros)
Il résulte de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que l’assiette des cotisations n’est pas limitée au salaire proprement dit, mais inclut tous les avantages en argent ou en nature versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail.
En l’espèce, l’examen des extraits de compte et des contrats de prêt a permis aux agents en charge du contrôle de constater qu’en mai 2016 le comité d’entreprise de la Clinique des [6] a consenti au salarié [D] [X], un prêt de 2.500 euros qu’il s’était engagé à rembourser de septembre 2016 à septembre 2018 par mensualités de 100 euros ; que l’analyse des relevés bancaires du Comité d’entreprise a révélé que ce prêt n’avait fait l’objet d’aucun remboursement, ce qui a été confirmé par le trésorier, M. [A] [R].
Au soutien de sa demande d’annulation de ce chef de redressement, la [10] indique qu’elle ne sait rien de ce prêt ; que l’octroi de prêts aux salariés par le comité d’entreprise relève de ses activités sociales et culturelles, sur lesquelles l’employeur n’a aucun pouvoir ; qu’il ne peut lui être reproché de ne pas s’être immiscée dans les comptes du comité d’entreprise, alors qu’une telle action aurait été passible du délit d’entrave.
Il est cependant de jurisprudence constante que sont soumises à cotisations sociales les sommes attribuées par le comité d’entreprise aux salariés en raison de cette qualité et à l’occasion du travail, l’employeur, tenu de verser les cotisations en vertu de l’article R243 -6 du code de la sécurité sociale, pouvant agir contre le comité en remboursement de celle-ci.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a validé le redressement de ce chef.
IX / Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement entrepris sera également confirmé s’agissant de l’application de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Il convient de condamner la [10], partie perdante du procès, à payer à la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe la somme de 1500 euros pour ses frais irrépétibles en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement du Pôle social du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en date du 27 septembre 2022 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la [10] à payer à la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour ses frais irrépétibles en cause d’appel ;
Condamne la [10] aux dépens ;
Rejette le surplus des demandes plus amples ou contraires.
Le greffier, La présidente,