Redressement de l’URSSAF sur des frais professionnels

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Redressement de l’URSSAF sur des frais professionnels

La mise en demeure du 6 novembre 2019 a été jugée régulière car elle permettait au débiteur d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation. Les chefs de redressement contestés ont été examinés et confirmés, notamment en ce qui concerne les frais professionnels pour les artistes du spectacle et du cirque, les indemnités kilométriques non justifiées, les cadeaux offerts par l’employeur, et les cadeaux en nature pour des tiers non identifiés. La société a été condamnée aux dépens et au paiement de frais irrépétibles.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRET

N° 46

URSSAF NORD-PAS-DE-CALAIS

C/

S.A.R.L. [7]

COUR D’APPEL D’AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 18 JANVIER 2024

*************************************************************

N° RG 22/04120 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IRQ2 – N° registre 1ère instance : 20/01497

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE (POLE SOCIAL) EN DATE DU 12 juillet 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

URSSAF NORD-PAS-DE-CALAIS

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 13]

[Localité 2]

Représentée et plaidant par Me Gaëlle DEFER, avocat au barreau de BEAUVAIS, substituant Me Maxime DESEURE de la SELARL LELEU DEMONT HARENG DESEURE, avocat au barreau de BETHUNE

ET :

INTIMEE

S.A.R.L. [7]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Me Krystel SCOUARNEC de la SELARL SCOUARNEC AVOCAT, avocat au barreau de LILLE

DEBATS :

A l’audience publique du 09 Novembre 2023 devant Mme Véronique CORNILLE, Conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 9 Janvier 2024.

Le délibéré de la décision a été prorogé au 18 Janvier 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Diane VIDECOQ-TYRAN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

M. Pascal HAMON, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 18 Janvier 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Diane VIDECOQ-TYRAN, Greffier.

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DECISION

A l’issue d’un contrôle portant sur l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires au sein de la société [7] sur les années 2016 à 2018, l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Nord Pas-de-Calais (ci-après l’URSSAF) a notifié à ladite société une lettre d’observations en date du 28 juin 2019, comportant un redressement de cotisations d’un montant de 125 931 euros.

Après échanges d’observations, l’URSSAF a mis en demeure la société [7], par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 novembre 2019, de lui régler la somme de 123 572 euros soit 113 086 euros de cotisations et 10 486 euros de majorations de retard, due au titre des années 2016, 2017 et 2018.

Contestant cinq chefs de redressement, la société [7] a saisi la commission de recours amiable puis le tribunal d’un recours contre la décision implicite de rejet de la commission.

Par jugement du 12 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Lille, pôle social, a :

– constaté que la mise en demeure en date du 6 novembre 2019 est irrégulière,

– annulé la mise en demeure du 6 novembre 2019,

– condamné l’URSSAF Nord Pas-de-Calais aux entiers dépens de l’instance,

– débouté l’URSSAF Nord Pas-de-Calais de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné l’URSSAF Nord Pas-de-Calais à payer à la société [7] la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’URSSAF Nord Pas-de-Calais a interjeté appel de ce jugement le 9 août 2022.

Les parties ont été convoquées à l’audience du 9 novembre 2023.

Par conclusions communiquées le 2 juin 2023 et soutenues oralement à l’audience, l’URSSAF Nord Pas-de-Calais demande à la cour de :

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

– valider la mise en demeure du 6 novembre 2019 pour son entier montant de 123 572 euros,

– condamner la SARL [7] à lui payer la somme de 1 000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux dépens.

Par conclusions communiquées le 25 août 2023 et soutenues oralement à l’audience, la société [7] demande à la cour de :

– confirmer le jugement,

Y ajoutant,

– condamner l’URSSAF au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

– exclure les frais professionnels ‘ déduction forfaitaire spécifique, de l’assiette de cotisation et annuler le redressement de ce chef,

– exclure les professionnels ‘ déduction forfaitaire spécifique- artiste de spectacle Point 3 de l’assiette de cotisation et annuler le redressement de ce chef,

– exclure les indemnités kilométriques de l’assiette de cotisation et annuler le redressement de ce chef,

– exclure la valeur des avantages en nature, appelés cadeaux offerts par l’employeur, de l’assiette de cotisation et annuler le redressement de ce chef,

– exclure les avantages en nature à des tiers non identifiés de l’assiette de cotisation et annuler le redressement de ce chef,

– condamner l’URSSAF au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s’agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

Motifs

Sur la régularité de la mise en demeure

Aux termes de l’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, « Toute action ou poursuite effectuée en application de l’article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d’un avertissement par lettre recommandée de l’autorité compétente de l’Etat invitant l’employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n’a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée par tout moyen donnant date certaine à sa réception par l’employeur ou le travailleur indépendant.

Le contenu de l’avertissement ou de la mise en demeure mentionné au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ».

L’article R. 244-1 du même code prévoit que la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et les pénalités qui s’y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

Lorsque la mise en demeure est établie en application des dispositions de l’article L. 243-7, le document mentionne, au titre des différentes périodes annuelles contrôlées, les montants notifiés par la lettre d’observations corrigés le cas échéant à la suite des échanges entre la personne contrôlée et l’agent chargé du contrôle. La référence et les dates de la lettre d’observations et le cas échéant du dernier courrier établi par l’agent en charge du contrôle lors des échanges mentionnés au III de l’article R. 243-59 figurent sur le document. Les montants indiqués tiennent compte des sommes déjà réglées par la personne contrôlée.

Il est constant que la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation.

La mise en demeure délivrée à l’issue d’un contrôle réalisé sur le fondement de l’article R. 243-59 du même code peut dès lors, sans encourir la nullité, se contenter de faire référence à la lettre d’observations établie à l’issue du contrôle, à la condition que cette lettre porte sur le même montant et la même période que celles de la mise en demeure et que la lettre d’observations mentionne, notamment, les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des chefs de redressement, et, le cas échéant, l’indication du montant des assiettes correspondant, et pour les cotisations et contributions sociales l’indication du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 qui sont envisagées.

L’appelante reproche au tribunal d’avoir annulé la mise en demeure du 6 novembre 2019 au motif qu’elle n’indiquait pas la référence de la lettre d’observations, qu’elle ne mentionnait pas la réponse de l’inspecteur du recouvrement et qu’elle ne permettait pas au cotisant de connaître la nature des sommes réclamées dès lors qu’elle notait « cotisations du régime général » alors que le redressement portait également sur des contributions FNAL (point 9) et sur le versement transport (point 13) qui ne sont pas des cotisations du régime général.

En l’espèce, la mise en demeure du 6 novembre 2019 indique :

– « motif de mise en recouvrement : contrôle, chefs de redressement notifiés par lettre d’observation du 28/06/19 article R. 243-59 du code de la sécurité sociale »,

– « nature des cotisations : régime général », par un astérisque dans la colonne cotisations « cotisations incluses contributions d’assurance chômage, cotisations AGS »

– « montants des redressements suite au dernier échange du 07/10/19 » puis les montants des sommes réclamées pour chaque année au titre des cotisations, pénalités et majorations.

Il en résulte que la mise en demeure vise expressément le contrôle effectué des chefs de redressement notifiés par la lettre d’observations du 28 juin 2019 et le montant des sommes réclamées faisant suite au dernier échange du 7 octobre 2019 qui correspond à la réponse de l’inspecteur du recouvrement aux observations de la cotisante et qui comporte exactement le même montant de cotisations et contributions que celui visé dans la mise en demeure (113 086 euros).

En outre, si la mise en demeure indique comme nature des cotisations réclamées « régime général », et des « contributions d’assurance chômage, cotisations AGS » alors que le redressement couvre également du versement transport ou des contributions FNAL dont il n’est pas contesté qu’il ne s’agit pas de cotisations du régime général, elle renvoie cependant à la lettre d’observations du 28 juin 2019 qui mentionne les chefs de redressement des contributions FNAL (point 9) et du versement transport (point 13) et détaille pour chacun des chefs de redressement, les sommes dues pour chaque type de cotisations, contributions ou impôts.

Il s’ensuit que le cotisant ne pouvait pas se méprendre sur le redressement auquel la mise en demeure fait référence, ni sur la cause, la nature et l’étendue de son obligation, la mise en demeure comportant le même montant et la même période de cotisations que celles dont les natures et montants sont détaillés à la lettre d’observations.

La mise en demeure répond donc aux exigences de motivation et sa nullité ne saurait être encourue de ce chef.

Par infirmation du jugement entrepris, il y a lieu en conséquence de déclarer régulière la mise en demeure du 6 juin 2019.

Sur les chefs de redressement contestés

Point 2 : frais professionnels ‘ déduction forfaitaire spécifique ‘ champ d’application ‘ artistes du spectacle ‘ magicien

En application de l ‘article L.242-1 du code de la sécurité sociale, tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l’occasion du travail doit être soumis à cotisations, à l’exclusion des sommes représentatives de frais professionnels lorsqu’elles respectent les conditions et les limites fixées par un arrêté ministériel. Les conditions d’exonération des remboursements de frais professionnels sont fixées par l’arrêté du 20 décembre 2002 modifié par l’arrêté du 25 juillet 2005.

Les professions listées à l’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000 peuvent bénéficier d’une déduction forfaitaire spécifique en matière de frais professionnels. Ces professions sont :

– les artistes dramatiques, lyriques, cinématographiques ou chorégraphiques avec un taux de déduction forfaitaire de 25 %.

– les artistes musiciens, choristes, chefs d’orchestre, régisseurs de théâtre avec un taux de 20 %.

Le bénéfice de cette déduction est lié à l’activité professionnelle du salarié et non à l’activité générale de l’entreprise.

Si la déduction forfaitaire spécifique n’est pas justifiée, elle doit faire l’objet d’une réintégration dans l’assiette des cotisations en application des articles L. 242-1 et L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale et de l’article 9 de l’arrêté du 20 décembre 2002 modifié.

En l’espèce, l’Urssaf n’a pas admis le bénéfice de la déduction forfaitaire pour frais professionnels concernant M. [Y] [JX], rémunéré en qualité « d’artiste de variétés », mention figurant sur son bulletin de paie, au motif qu’il exerce une activité de magicien selon son site [10] et que la profession de magicien illusionniste n’entre pas dans les prévisions de l’article 5 précité. Elle précise qu’il en est de même de tous les artistes du cirque et des illusionnistes. Elle ajoute que la société ne démontre pas quelle est l’activité exercée effectivement par M. [JX] en son sein par des contrats ou factures exhaustives et qu’elle n’a présenté aucun document faisant état de l’acceptation du salarié quant à l’application de la déduction forfaitaire spécifique sur sa rémunération.

La société soutient que M. [JX] n’exerce pas pour elle d’activité de magicien et qu’il ne peut y avoir d’amalgame entre son activité salariée d’artiste du spectacle et son activité de magicien qu’il exerce de façon indépendante. Elle expose qu’il est intervenu comme comédien d’improvisation dans les loges privées au grand stade ou les loges VIP de [12], qu’il interprète par exemple un personnage lui permettant de travailler sur l’entreprise cliente en utilisant son image ou son logo.

La société produit un extrait KBIS montrant que M. [JX] exerce une activité d’organisation de foires, salons professionnels et congrès sous l’enseigne [10] sous la forme de l’EIRL [Y] [JX] immatriculée le 15 février 2019.

Elle ne justifie pas pour autant qu’il est intervenu comme comédien entrant dans la catégorie des professions listées à l’article 5 susvisé et non comme magicien dans le cadre de son activité salariée auprès d’elle.

Le chef de redressement n° 2 de la lettre d’observations sera donc confirmé.

Point 3 : frais professionnels ‘ déduction forfaitaire spécifique ‘ champ d’application ‘ artistes du spectacle ‘ artistes du cirque

L’Urssaf n’a pas admis le bénéfice de la déduction forfaitaire pour frais professionnels concernant les salariés dont les bulletins de paie mentionnent « artistes de cirque », lesquels ne figurent pas parmi les professions bénéficiant de la déduction forfaitaire spécifique listées à l’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts. Elle ajoute que les éléments produits montrent que les techniques mises en ‘uvre par les personnes concernées, à savoir l’acrobatie, la contorsion, l’expression corporelle sont des activités relevant de spectacle du cirque.

La société fait valoir que la mention figurant sur les bulletins de salaire est une erreur et que les artistes visés par le redressement sont intervenus dans le cadre d’un spectacle « cabaret » qui n’est pas un spectacle de cirque mais un dîner spectacle avec revue chantée et dansée caractérisant une activité de chorégraphie. Elle soutient que les artistes sont intervenus en qualité de danseurs et danseuses.

A l’appui de ses allégations, la société verse au dossier une photographie d’un spectacle de cabaret qui ne permet nullement d’être rattachée au présent litige ainsi que des documents relatifs au profil des artistes concernés ([DR] [H], [WU] [S] et [B] [BO], [LZ] [G] de la compagnie des s’urs Bacane).

Il ressort de ces documents qui ne sont pas des descriptifs du spectacle effectué pour la société que [DR] [H] a pour spécialité le hula hoop/jonglage, activité artistique présentant plus un caractère circassien que dramatique, que [WU] [S] et [B] [BO] exercent notamment leur spectacle dans des revues mais également dans des cirques, que [LZ] [G] mêle les techniques d’acrobatie, contorsion, expression corporelle, lesquelles sont compatibles avec celles utilisées par un artiste du cirque.

Ainsi, aucun des documents ne vient contredire les observations de l’agent de contrôle et établir que la mention « artiste de cirque » sur les bulletins de paie serait erronée.

Il est constant que la déduction forfaitaire ne s’applique pas aux artistes du cirque.

Le chef de redressement n°3 de la lettre d’observations sera validé.

Point 5 : indemnités kilométriques ‘ frais professionnels non justifiés ‘ fixation forfaitaire de l’assiette des cotisations

En application de l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale, toutes les sommes versées en contrepartie ou à l’occasion du travail sont soumises à cotisations ; qu’il ne peut être opéré de déduction au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté ministériel.

Les conditions d’exonération des remboursements des frais professionnels sont fixées par l’arrêté du 20 décembre 2002 modifié par l’arrêté du 25 juillet 2005.

Selon l’article 4 de l’arrêté du 20 décembre 2002, « lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint d’utiliser son véhicule personnel, l’indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet dans les limites fixées par les barèmes kilométriques publiés par l’administration fiscale ».

L’exonération est donc admise sous réserve de justifier de l’utilisation de son véhicule personnel et de l’obligation d’utiliser ce dernier dans le cadre de déplacements professionnels, dans la limite du barème fiscal.

En l’espèce, l’agent chargé du contrôle a constaté que la société avait versé des indemnités kilométriques à des salariés employés à des tâches administratives et commerciales enregistrées dans le compte 625110 « voyages et déplacements personnel administratif » et mentionnées sur les bulletins de paie sous le libellé « indemnités kilométriques ». L’inspecteur a relevé que les documents produits comportent une date, un lieu, un kilométrage parcouru, un taux de remboursement et un total à rembourser mais qu’ils ne mentionnent pas le motif du déplacement ni le titulaire du véhicule utilisé alors que l’entreprise comptabilise en immobilisation trois véhicules (Vito Mercedes, Renault Master, Sprinter Mercedes) et en location un véhicule Golf 7 Business Line.

Il a également relevé des anomalies telles que l’absence de remboursement de frais de péage alors que le trajet comporte un parcours autoroutier, l’incohérence de la distance parcourue sur une même journée, des déplacements identiques éloignés effectués en doublon par deux salariés avec chacun un véhicule, des différences d’écriture entre les notes de frais d’un même salarié, des déplacements professionnels déclarés alors que le salarié est en congés payés, des montants mensuels de remboursement identiques pour certains salariés quels que soient les déplacements réalisés, des déplacements qui ne sont pas en adéquation avec les fonctions exercées par les salariés (comptable par exemple), des surcharges sur certaines notes de frais.

La société oppose que l’indemnité kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet quand les déplacements sont justifiés et qu’elle n’a pas à produire les justificatifs des kilomètres réellement parcourus en versant notamment des tickets de péage qu’elle ne rembourse pas en cas d’indemnités kilométriques. Elle explique qu’un représentant de sa société doit être sur place quand elle vend une prestation.

Il y a lieu de rappeler qu’il appartient à l’entreprise de justifier de la réalité du caractère professionnel du déplacement avec le véhicule personnel du salarié et que si l’évaluation des frais de déplacement peut s’effectuer sur le fondement d’un barème forfaitaire, ce barème prend en compte la distance parcourue et la puissance administrative du véhicule.

La société verse au dossier un tableau récapitulatif par salarié pour chaque année concernée (2016, 2017, 2018) reprenant la date, le lieu du déplacement, le numéro de facture (pièces 4 à 119) et les factures des spectacles prouvant les motifs des déplacements aux lieux et dates indiqués, outre des photos de ses salariés sur des sites de concert, des publications Facebook et des copies d’agenda souvent illisibles.

Cependant, ces tableaux ne démontrent pas l’utilisation par les salariés concernés de leur véhicule personnel, de la puissance administrative des véhicules, du kilométrage parcouru.

La société a donc produit les attestations établies en août 2019 de salariés, à savoir [F] [R], chargé de production, [K] [SP], responsable administrative et financière, [U] [P], directrice, dans lesquelles ces salariés déclarent avoir utilisé leur véhicule personnel lors de certains déplacements professionnels. Toutefois, ces attestations ne concernent que trois salariés sur les onze mentionnés dans ses tableaux et ne suffisent pas à justifier l’utilisation du véhicule personnel lors des déplacements concernés. Les autres salariés attestent uniquement avoir effectué des déplacements professionnels liés aux concerts et évènements organisés par la société.

La société a également versé au dossier les cartes grises des véhicules de [E] [X], [A] [I], [M] [R], [HV] [W], [XJ] [V], [TF] [FT], [U] [J], [O] [FD] qui ne sont pas suffisantes pour établir l’utilisation desdits véhicules pour les déplacements professionnels en litige. Il en est de même des cartes grises des véhicules d’entreprise qui montrent leur ancienneté (1999 pour le Renault Master, 2008 pour le Vito Mercedes selon les certificats d’immatriculation) mais qui ne peuvent se substituer à un justificatif d’utilisation du véhicule personnel à des fins professionnelles.

Enfin, certaines anomalies relevées par l’inspecteur du recouvrement dans la lettre d’observations en pages 26 et 27 sont restées sans réponse : déplacements professionnels déclarés alors que le salarié est en congés payés ([IK] [TV], [U] [J] par exemple), montants de remboursement identiques tous les mois, surcharge de certaines notes de frais et total remboursé incohérent, certaines fonctions exercées sont incompatibles avec les motifs des déplacements.

Ainsi faute pour l’employeur de justifier des états de déplacement détaillés démontrant que le bénéficiaire des indemnités s’est trouvé effectivement contraint d’utiliser son véhicule personnel à titre professionnel, le redressement sera confirmé.

Point 7 : avantages en nature : cadeaux offerts par l’employeur

En vertu des dispositions de l’article L 242-1 dans sa version applicable au litige, sont considérées comme rémunérations pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, y compris les avantages en nature.

En l’espèce, l’agent chargé du contrôle a constaté qu’une somme de 259,45 euros correspondant à un PASS 3 jours pour 2 personnes au festival Main Square d'[Localité 5] de juillet 2017 avait été enregistrée dans le compte « cadeaux à la clientèle » le 3 janvier 2017 alors que le billet pour 2 personnes était établi au nom de [BB] [L], salarié de l’entreprise.

La société soutient que le cadeau a été remis à [B] [L] et à son épouse, chanteur compositeur non salarié dont elle produit les spectacles et que son salarié qui est le fils de [B] [L] n’a fait que passer la commande des 2 PASS, ce qui ne prouve pas qu’il en a été le bénéficiaire.

Elle produit une attestation de [B] [L] en date du 20 août 2019 dans laquelle il déclare avoir bénéficié des deux billets.

Toutefois cette attestation qui ne comporte pas la pièce d’identité de son auteur et n’est donc pas conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile, est insuffisante pour suppléer le manque de justification de l’opération enregistrée dans le compte « cadeaux à la clientèle ».

Seul le nom du salarié est mentionné sur les pièces litigieuses.

Le redressement sera donc validé.

Point 8 : avantages en nature : cadeaux en nature : tiers non identifiés ‘ fixation forfaitaire de l’assiette des cotisations

Selon l’article L 242-1 dans sa version applicable au litige, sont considérées comme rémunérations pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, y compris les avantages en nature. Elles sont soumises à cotisation.

En l’espèce, l’agent chargé du contrôle a constaté que l’écriture du 1er juillet 2017 n’était pas justifiée : facture [11] mentionnant un trajet réalisé non pas le 1er juillet 2017 mais le 11 juillet 2016.

Faute de justification du caractère professionnel de ce voyage, l’exonération de la dépense engagée n’était pas caractérisée et la régularisation était opérée.

La société verse au dossier la facture mentionnant un vol en jet privé de [Localité 9] à [Localité 8] le 11 juillet 2016 pour un total de 11 450 euros. Elle explique qu’il s’agissait d’un repérage de mise en place d’un concert privé de [T] [C] avec [D] [N], [Z] [NL], [OB] [KM] et [RD] [PN] le gérant de la société.

Or aucun élément ne permet de démontrer le caractère professionnel de ce voyage et de justifier l’exonération de charges sociales appliquée sur le montant de la facture.

Il en est de même des deux écritures comptables en date du 7 octobre 2016 ([6] pour un montant de 1 051,71 euros HT) et du 13 janvier 2017 ([4] pour un montant de 402,94 euros HT). La société n’a fourni aucun document ni explication pour justifier ces dépenses et leur exonération de charges.

Ce chef de redressement sera confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la SARL [7], partie succombante, sera condamnée aux dépens.

Enfin, la SARL [7] sera condamnée au paiement de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par décision mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Lille, pôle social, en date du 12 juillet 2022,

Statuant à nouveau,

Déclare la mise en demeure du 6 novembre 2019 régulière et la valide pour son entier montant de 123 571 euros,

Condamne la SARL [7] aux dépens,

Condamne la SARL [7] à payer à l’URSSAF du Nord Pas-de-Calais la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SARL [7] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


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