Redressement de l’URSSAF : 26 novembre 2015 Cour d’appel de Versailles RG n° 15/04334

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Redressement de l’URSSAF : 26 novembre 2015 Cour d’appel de Versailles RG n° 15/04334

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4AD

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 NOVEMBRE 2015

R.G. N° 15/04334

AFFAIRE :

SARL EUROPE ET COMMUNICATION

C/

M. LE PROCUREUR GENERAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Juin 2015 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2014L01343

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26.11.2015

à :

Me Patricia MINAULT

Me Emmanuel JULLIEN

Me Marc VILLEFAYOT

Ministère Public

TC VERSAILLES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SARL EUROPE ET COMMUNICATION au capital de 500 000 € immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le n° 409 804 416 prise en la personne des ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 15/04552 (Fond)

Représentée par Maître Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat Postulant, au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 20150250 et par Maître Olivier LEGRAND, avocat plaidant au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

LE PROCUREUR GENERAL

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

[Adresse 4]

[Localité 1]

Maître [M] [K], pris en sa qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la Sté ENEZ SUN

[Adresse 2]

[Localité 1]

Défaillant

SAS ENEZ SUN agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 15/04552 (Fond)

Représentée par Maître Emmanuel JULLIEN de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat Postulant, au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20150415 et par Maître Bruno BERGER-PERRIN, avocat plaidant au barreau de PARIS

SELAS ASCAGNE représentée par maître [W] [O], es qualité d’administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société ENEZ SUN

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Maître Marc VILLEFAYOT de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 – N° du dossier P1500347

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Octobre 2015 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BELAVAL, présidente et Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente,

Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER,

Par jugement en date du 19 août 2014, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert

une procédure de sauvegarde à l’égard de la société Enez sun, qui a une activité de prestations et de services publicitaires dans le secteur de l’immobilier et qui commercialise notamment des espaces de vente, et désigné la société Ascagne Aj en la personne de Maître [O] en qualité d’administrateur et Maître [K] en qualité de mandataire judiciaire.

La société Europe et communication a formé tierce opposition au jugement.

Par jugement en date du 18 décembre 2014, le tribunal a déclaré la tierce opposition recevable et a renvoyé l’examen du fond de l’affaire à une autre audience.

Par jugement en date du 4 juin 2015, le tribunal a débouté la société Europe et communication de sa demande de rétractation du jugement du 19 août 2014 et condamné cette société aux dépens.

La société Europe et communication a fait appel du jugement du 4 juin 2015 et la société Enez sun a fait appel des jugements du 18 décembre 2014 et du 4 juin 2015 . Les appels ont été joints.

Par dernières conclusions du5 octobre 2015, la société Europe et communication demande à la cour de :

– Sur l’appel du jugement du 18 décembre 2014 :

– déclarer la société Enez sun, la selas Ascagne et Maître [K] mal fondés en leur appel; les en débouter ;

– Sur l’appel du jugement du 4 juin 2015 :

– écarter les arguments tirés par la société Enez sun, la selas Ascagne et Maître [K] des « situation au 30.06.2014 », « situation au 19.08.2014 », « situation au 30.09.2014 », du « chiffre d’affaires facturé pour la période du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2014 », de la « comptabilité de l’entreprise (‘) avant le 19 août 2014 » et de la motivation du redressement de l’Urssaf ;

– déclarer son appel tant recevable que bien fondé ;

Et y faisant droit,

– infirmer le jugement du 4 juin 2015 ;

Et, statuant à nouveau :

– la déclarer bien fondée en sa tierce opposition à l’encontre du jugement du 19 août 2014 ayant ouvert une procédure de sauvegarde à l’encontre de la Société Enez sun ;

– dire n’y avoir lieu à sauvegarde ;

– rétracter en conséquence le jugement du 19 août 2014 ;

– déclare la société Enez sun, la selas Ascagne et Maître [K] mal fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions ; les en débouter ;

– condamner in solidum la société Enez sun, la selas Ascagne et Maitre [K], ès qualités, à lui verser la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens, dont distraction au profit de la selarl Patricia Minault, avocat, conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile.

La société Europe et communication soutient que sa qualité de créancière de la société Enez sun, que cette dernière aurait reconnue en lui notifiant le jugement d’ouverture conformément aux dispositions de l’article L 622-22 du code de commerce, lui confère un intérêt à former tierce opposition au jugement d’ouverture de la sauvegarde, et qu’elle fait valoir des moyens qui lui sont propres dans la mesure où elle est la principale créancière de la société Enez sun, où la procédure de sauvegarde a été demandée et obtenue pour faire échec à l’action en concurrence déloyale qu’elle a engagée contre la société Enez sun et où la sauvegarde permet une poursuite d’activité dans des conditions de concurrence déloyale qui sont précisément incriminées . Elle ajoute que l’admission de la créance déclarée au passif n’est pas une condition de la recevabilité de la tierce opposition du créancier et qu’à supposer même que sa qualité de créancière ne lui soit pas reconnue, elle est recevable à faire tierce opposition car elle n’était ni partie ni représentée au jugement du 19 août 2014.

Sur le fond, après avoir rappelé les critères légaux d’ouverture d’une sauvegarde, la société Europe et communication soutient que la société Enez sun a présenté une situation comptable frauduleuse, qu’alors que la société Enez sun connaissait un développement constant et une activité florissante, et avait le projet de racheter la société K-pub avec laquelle elle exerçait une activité en totale confusion d’intérêts, elle a invoqué devant le tribunal des difficultés financières au moyen de données prévisionnelles incohérentes et volontairement noircies, contredites par les chiffres connus depuis, un besoin en fonds de roulement d’un montant de 600 000 euros inexplicable, un résultat d’exploitation avant impôt prévisionnel en baisse de plus de dix points pour 2014 alors qu’elle a finalement réalisé un résultat supérieur de plus de sept points, et en résumé a affiché à titre prévisionnel un niveau et des ratios d’activité totalement déconnectés de ses données historiques, la seule existence du redressement Urssaf ne pouvant expliquer cette situation. La société Europe et communication fait valoir que tandis que la société Enez sun connaissait depuis le 2 avril 2014 la procédure de redressement initiée par l’Urssaf, elle a pris volontairement des décisions de gestion qui l’ont empêchée d’y faire face, ces décisions étant caractérisées par l’acquisition d’un bien immobilier le 16 juin 2014 d’une valeur de 325 000 euros dont la moitié a été financée par la trésorerie de la société, par la distribution exceptionnelle de dividendes aux associés à concurrence de 250 000 euros le 25 juin 2014, le règlement anticipé de la quasi totalité des fournisseurs au mois de juillet 2014 à hauteur de 450 000 euros et alors qu’il n’est pas justifié que les factures réglées étaient toutes échues, et qui lui ont permis de se dire devant le tribunal éligible à une procédure de sauvegarde . Elle ajoute que par la suite, la société Enez sun n’a pas tenté de diminuer ses charges puisque les salaires des dirigeants et associés qui s’élevaient en tout à 14 000 euros bruts n’ont pas été réduits et que le refinancement du bien immobilier n’a pas été mis en oeuvre. Enfin, la société Europe et communication conteste le caractère insurmontable des prétendues difficultés, puisqu’il lui aurait suffi de refinancer son compte clients pour dégager la trésorerie nécessaire.

Par dernières conclusions signifiées le 22 septembre 2015, la société Enez sun demande à la cour de :

– infirmer le jugement du 18 décembre 2014 en toutes ses dispositions,

– déclarer la société Europe et communication irrecevable en sa tierce opposition à l’encontre du jugement du 19 août 2014 qui a ouvert une procédure de sauvegarde à son égard,

– subsidiairement, débouter la société Europe et communication de son appel du jugement rendu le 4 juin 2015,

– confirmer cette décision en ce qu’elle a débouté la société Europe et communication de sa demande de rétractation du jugement du 19 août 2014,

– condamner la société Europe et communication à lui payer la somme de 10.000 € sur le fondement de l’Article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Europe et communication aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître Emmanuel JULLIEN, AARPI ‘ JRF avocats, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En substance, la société Enez sun soutient que la société Europe et communication n’est pas un de ses créanciers ni même un de ses co-contractants, qu’elle n’a aucune relation commerciale avec cette entreprise, dont elle est une concurrente, que c’est au prix d’une erreur regrettable mais incontestable que le jugement du 19 août 2014 mentionne l’action en concurrence déloyale comme cause des difficultés invoquées au soutien de la demande de sauvegarde qui était en réalité motivée uniquement par le redressement contesté dont elle faisait l’objet de la part de l’Urssaf.

Sur le fond, la société Enez sun fait valoir que le redressement de l’Urssaf porte sur une somme de 1 687 457 euros, qu’il s’agit bien là d’une difficulté qui aurait été insurmontable si une contrainte avait été délivrée avant l’arrêt des poursuites individuelles résultant du jugement d’ouverture, et que les conditions légales d’ouverture d’une sauvegarde étaient réunies. Elle ajoute que la tierce opposition ne peut être détournée, comme le fait la société Europe et communication, pour obtenir des renseignements destinés à alimenter sa querelle dans le cadre d’autres instances judiciaires et à nuire à un concurrent et que c’est précisément pour cette raison que la tierce opposition est réservée aux vrais créanciers de l’entreprise . Elle explique que les situations réalisées au 30 juin, 19 août et 30 septembre 2014 justifient le besoin en fond de roulement de 600 000 euros invoqué devant le tribunal, que l’écart entre le chiffre d’affaires réellement facturé et le chiffre d’affaires prévisionnel est peu significatif, que la pseudo-expertise réalisée par la société Europe et communication n’apporte aucun élément sérieux permettant d’infirmer le jugement du 4 juin 2015, que les dettes réglées étaient presque toutes échues à l’exception de 107 028 euros versés par erreur à la société K-pub et remboursée par cette dernière, que la distribution de dividendes ne présentait rien d’exceptionnel et n’a pas compromis l’équilibre de la société de sorte qu’elle ne constitue pas un élément de fraude, et que le salaire du dirigeant de 111 900 euros pour l’année 2014 n’était pas exagéré.

Par dernières conclusions du 28 septembre 2015, la selas Ascagne AJ prise en la personne de Maître [O], ès qualités, et Maître [K], ès qualités, demandent à la cour de :

– infirmer le jugement du 18 décembre 2014,

– déclarer irrecevable la société Europe communication à former tierce opposition contre le jugement du 19 août 2014,

– à titre subsidiaire, confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 4 juin 2015,

– en tout état de cause, condamner la société Europe et communication à payer à Maître [O] et à Maître [K], ès qualités, une somme de 4 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que la tierce opposition est irrecevable à un double titre, tout d’abord parce que si la société Europe et communication est créancière de la société Enez sun au titre d’une créance éventuelle, l’article 583 du code de procédure civile exclut tout droit d’action à son profit, que de l’aveu même de la société Europe communication, la tierce opposition ne poursuit pas d’autre objet que la sécurisation de sa créance et que la procédure de sauvegarde a pour objet la protection du patrimoine du débiteur et donc, in fine, la protection du gage de ses créanciers . Ensuite, elle est irrecevable aux yeux des intimés car la société Europe communication n’a pas obtenu de titre à l’encontre de la société Enez sun . Ils soulignent qu’au jour de la demande d’ouverture de la sauvegarde, la société Enez sun devait faire face à une demande de redressement de l’Urssaf, certes non encore échue, mais qui aurait eu pour conséquence un assèchement quasi-total de sa trésorerie, et que cette circonstance est exclusive de toute fraude.

Par conclusions du 9 septembre 2015, le ministère public demande la confirmation du jugement du 18 décembre 2014 et l’infirmation du jugement du 4 juin 2015, aux motifs qu’un certain nombre de faits, mis bout à bout, peuvent constituer des indices plus que concordants de la fraude, comme le fait de ne pas vouloir payer la société Europe et communication, celui d’avoir payé pour environ 450 000 euros de créances non échues, celui d’avoir distribué des dividendes pour un montant de 250 000 euros alors que son résultat pour l’exercice était de 95 800 euros, et l’absence de baisse des rémunérations des dirigeants.

SUR CE,

Sur l’appel du jugement du 18 décembre 2014 :

Considérant qu’en vertu de l’article L 661-2, alinéa 1, du code de commerce, les jugements de sauvegarde sont susceptibles de tierce opposition ; qu’en application de l’article 583 du code de procédure civile, est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu’elle n’ait été ni partie ni représentée au jugement qu’elle attaque et la tierce opposition est ouverte aux créanciers contre un jugement rendu en fraude de leurs droits ou s’ils invoquent des moyens qui lui sont propres ;

Considérant que la société Europe et communication excipe de sa qualité de créancière de la société Enez sun ; qu’à supposer qu’elle soit effectivement créancière de la société Enez sun, ce qui est contesté et manque à être démontré en dépit de sa déclaration de créance à concurrence de plus de 3 100 000 euros faute d’invocation par elle d’une créance certaine, liquide et exigible, il faut constater que cette qualité résulterait de la reconnaissance de son statut de victime d’agissements délictuels de la part de la société Enez sun, hypothèse qui exclut toute possibilité de représentation de l’une des sociétés par l’autre et qui consacre l’opposition de leurs intérêts respectifs ; qu’il s’en déduit qu’en soutenant notamment que la société Enez sun a demandé l’ouverture d’une procédure de sauvegarde afin de permettre une poursuite d’activité dans des conditions de concurrence déloyale et de parasitisme qui sont précisément incriminées dans le cadre de l’action engagée par la société Europe et communication le 31 juillet 2012 devant le tribunal de commerce de Paris à l’effet de les faire cesser, la société Europe et communication démontre son intérêt à agir et invoque un moyen qui lui est propre de sorte que, quelle que soit sa qualité de simple tiers ou de créancière, la tierce opposition qu’elle a formée est recevable ; que le jugement du 18 décembre 2014 sera en conséquence confirmé ;

Sur l’appel du jugement du 4 juin 2015 :

Considérant que selon l’article L 620-1 du code de commerce, il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d’un débiteur qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter, cette procédure étant destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ;

Considérant que la société Enez sun a demandé l’ouverture d’une procédure de sauvegarde le 7 août 2014, alors que l’Urssaf lui avait notifié le 7 avril précédent des chefs de redressement sur lesquels elle avait fait des observations le 30 avril 2014 puis lui avait notifié, le 19 juin 2014, un redressement de cotisations et contributions à concurrence de 1 375 553 euros ; que l’Urssaf a délivré à la société Enez sun une mise en demeure de payer la somme de 1 687 457 euros le 8 août 2014, soit le lendemain du jugement d’ouverture ; que cette circonstance susceptible de se traduire par une dette d’un montant important rapidement exigible, par la délivrance à très court terme d’une contrainte et la mise en oeuvre de mesures d’exécution, ou l’engagement de procédures de contestation longues et coûteuses, constitue par elle-même une difficulté, indépendamment de la légitimité avérée ou non du redressement, ainsi que la société Enez sun l’a exactement soutenu dans sa requête ;

Considérant qu’il convient d’examiner si la société Enez sun était en mesure de surmonter cette difficulté sans avoir recours à une procédure de sauvegarde ; que cette appréciation suppose une analyse juridique et non exclusivement comptable ; que si, comme le soutient la société Europe et communication, des décisions de gestion prises pendant le premier semestre 2014 ont eu un impact négatif sur la trésorerie de la société Enez sun (acquisition de l’immeuble le 16 juin 2014 au prix de 325 000 euros financé à l’aide d’un emprunt de 162 500 euros et de prélèvements pour le paiement du solde sur la trésorerie de l’entreprise, distribution de dividendes de 250 000 euros votée par l’assemblée générale des associés le 25 juin 2014, règlements massifs des fournisseurs avant l’ouverture de la procédure litigieuse à concurrence de près de 450 000 euros en rupture avec la pratique passée) il faut relever d’une part que la décision de régler les fournisseurs peut s’expliquer par la proximité de l’ouverture de la procédure et la nécessité d’assurer la poursuite des approvisionnements, et que l’acquisition de l’immeuble et son mode de financement peuvent correspondre à l’intérêt social et à la politique de financement des partenaires habituels de l’entreprise, et d’autre part que la décision de distribuer des dividendes d’un montant de 250 000 euros n’apparaît pas significative compte tenu des pratiques de distributions antérieures, ce qui ruine la thèse selon laquelle ces décisions auraient été prises dans une volonté de fraude afin de créer les conditions d’une impasse bienvenue de trésorerie pour se mettre de manière illégitime sous la protection de la loi ;

Considérant qu’il convient en outre de constater que contrairement aux conclusions des analyses des comptes annuels et des prévisionnels de la société Enez sun accomplies à la demande de la société Europe et communication par un cabinet d’expertise comptable, le cabinet Hoche audit (pièce n° 15 de la société Europe et communication), l’absence de distribution du dividende et la modification de la politique antérieure de règlement des dettes fournisseurs n’auraient pas permis un règlement intégral du redressement notifié par l’Urssaf qui s’est élevé à la somme de 1 687 457 euros et non à celle de 1 375 553 euros comme retenu à tort par ce rapport ;

Considérant de surcroît que le caractère volontairement pessimiste des prévisionnels fournis au tribunal pour justifier la demande de sauvegarde n’est pas démontré ; que la comparaison entre les prévisionnels et les résultats réellement dégagés manque de pertinence dès lors que l’ouverture de la procédure de sauvegarde a eu pour effet d’interdire les paiements antérieurs et de suspendre les poursuites individuelles et d’améliorer ipso facto les comptes ; qu’ainsi que l’a relevé le premier juge dans son jugement du 4 juin 2015, dans ce contexte, les chances de mobiliser à court terme un pourcentage élevé des créances de la société Enez sun à l’égard de ses clients, fussent-ils renommés, restent difficiles à apprécier avec certitude, et le paiement du redressement de l’Urssaf par ce moyen aurait privé la société Enez sun de toute trésorerie disponible et l’aurait placée dans l’impossibilité de poursuivre normalement son exploitation ;

Considérant enfin que si la poursuite de l’exploitation de la société Enez sun en période d’observation est une conséquence du jugement d’ouverture, il convient de relever que cette poursuite a lieu sous le contrôle d’un administrateur, du juge-commissaire et du tribunal, ce qui rend difficile l’accomplissement d’actes de concurrence déloyale déjà dénoncés devant une juridiction, à supposer de tels actes démontrés ce qui n’est pas le cas, et que l’ouverture d’une sauvegarde a interrompu l’instance en cours mais ne fait pas échec à la reprise de cette procédure et à la consécration s’il y a lieu de la responsabilité de la société Enez sun et de son obligation de réparation, étant observé au surplus que la société Europe et communication a assigné devant le tribunal de commerce de Paris pas moins de huit personnes morales ou physiques en sollicitant contre elles des condamnations in solidum et que son action ne vise pas uniquement, loin s’en faut, la société Enez sun ; que la diminution des charges notamment salariales de la société Enez sun fait partie des décisions qui sont nécessairement à l’étude dans le cadre de la période d’observation et de la détermination de l’issue de la procédure mais est sans portée, compte tenu des masses constituant l’enjeu du litige, sur la solution à donner au différend ;

Considérant qu’il convient en conséquence de retenir que les difficultés auxquelles devaient faire face la société Enez sun ne pouvaient être surmontées et qu’il n’est pas démontré que la société Enez sun ait détourné à son profit et au détriment d’autrui la procédure de sauvegarde qu’elle a demandée et obtenue ; que le jugement du 4 juin 2014 sera confirmé en toutes ses dispositions ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

Confirme en toutes leurs dispositions les jugements du tribunal de commerce de Versailles des 18 décembre 2014 et 4 juin 2015,

Y ajoutant,

Condamne la société Europe et communication à payer à la société Enez sun la somme de 2 000 euros et à la selas Ascagne Aj en la personne de Maître [O] ès qualités et à Maître [K] ès qualités la somme globale de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande sur ce fondement,

Condamne la société Europe et communication aux dépens d’appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,

 


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