Redressement de l’URSSAF : 25 avril 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/03104

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Redressement de l’URSSAF : 25 avril 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/03104

N° RG 22/03104 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LPUO

N° Minute :

C2

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SCP MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOUL IN KREMENA MLADENOVA’ AVOCATS ASSOCIES

Me Manon ALLOIX

la SELARL BALESTAS-GRANDGONNET-MURIDI & ASSOCIES

la SELARL ACO

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 25 AVRIL 2023

Appel d’une ordonnance (N° R.G. 20/04341) rendue par le Juge de la mise en état de GRENOBLE en date du 28 juin 2022, suivant déclaration d’appel du 08 Août 2022

APPELANTS :

M. [F] [M]

né le 16 Avril 1961 à [Localité 9] (34)

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 1]

S.A.R.L. MALEANE pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 1]

représentés par Me Michel BENICHOU de la SCP MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOUL IN KREMENA MLADENOVA’ AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me DELFORNO, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIM ÉES :

Caisse CIPAV (Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse), prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 6]

[Localité 5]

représentée par Me Manon ALLOIX, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par Maître Marion SIMONET, avocat au barreau de LYON

S.A.S. BDO RHÔNE-ALPES, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 7]

[Localité 4]

représentée par Me Audrey GRANDGONNET de la SELARL BALESTAS-GRANDGONNET-MURIDI & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par Me BERTIN de la SCP BERTIN & PETITJEAN-DOMEC Associés, avocats au barreau de LYON

Organisme URSSAF RHONE ALPES dont le siège social est sis [Adresse 2] et ayant pour adresse de correspondance : [Adresse 11], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

6 rue du 19 mars 1962

[Localité 3]

représentée par Me Pierre-luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de VIENNE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle Cardona, présidente,

M. Laurent Grava, conseiller,

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 Février 2023 Emmanuèle Cardona, Présidente chargée du rapport, assistée de Caroline Bertolo, greffière, en présence de Catherine Silvan, greffière stagiaire, a entendu seule les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.

EXPOSÉ DES FAITS

Depuis le 1er janvier 2007, M. [F] [M] exerce l’activité de conseil par l’intermédiaire de la société Euxia, qui a été absorbée par la société Maleane, dont il est gérant majoritaire.

La société Sovec, devenue BDO est en charge d’une mission d’assistance comptable de son entreprise.

Par acte du 29 septembre 2009, la société Maleane a assigné la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse (la CIPAV), l’Union de recouvrement des Cotisation de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales Rhône Alpes (l’URSSAF) et la société BDO Rhône Alpes devant le tribunal judiciaire de Grenoble, aux fins de se voir indemnisée de son préjudice.

M. [F] [M] est intervenu volontairement à l’instance, pour obtenir les mêmes condamnations à son profit.

Ils font valoir qu’ils se sont aperçus en 2017 que M. [M] n’avait jamais été affilié auprès de la CIPAV et soutiennent que tant la société BDO que l’URSSAF ont commis des fautes, la première en ne les alertant pas de l’absence de cotisations retraite et le second pour ne pas avoir transmis la déclaration d’activité aux organismes de retraite et à la CIPAV.

Saisi par l’URSSAF et la CIPAV, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Grenoble a, par ordonnance du 28 juin 2022 :

– dit irrecevables les demandes de la société Maleane et de M. [M] à l’encontre de la CIPAV, de l’URSSAF Rhône Alpes et de la société BDO Rhône Alpes,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Maleane aux dépens.

La société Maleane et M. [M] ont interjeté appel de cette ordonnance en ce que leurs demandes ont été déclarées irrecevables et en ce qu’ils ont été condamnés aux dépens, par déclaration du 8 août 2022, intimant la CIPAV, la société BDO et l’URSSAF.

Aux termes de leurs conclusions d’appelant n°2, dont le dispositif doit être expurgé de toutes mentions qui ne constituent pas des demandes mais reprennent les moyens soutenus dans les motifs ils demandent à la cour de :

– juger recevable leur appel,

– juger recevable leur action,

– infirmer l’ordonnance,en ce que leurs demandes ont été déclarées irrecevables et en ce qu’ils ont été condamnés aux dépens,

– débouter les intimés de leurs demandes d’irrecevabilité de l’action et écarter la prescription,

– évoquer les points non jugés par le juge de la mise en état,

– condamner les intimés in solidum à leur payer la somme de 260 091 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamner BDO à payer à la société Maleane la somme de 37 728 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamner la CIPAV à valider gratuitement les trimestres manquants à M. [M] entre 2007 et 2017,

– condamner in solidum les intimés à payer à M. [M] la somme de 5 000 euros à titre de préjudice moral,

– condamner in solidum les intimés à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Ils soutiennent :

qu’ils avaient confié la gestion des cotisations sociales et des déclarations à la société BDO et qu’elle seule aurait pu se rendre compte qu’aucune cotisation n’était appelée pour M. [M] et qu’ils n’ont donc pas eu connaissance du fait générateur du dommage, avant 2017, année au cours de laquelle M. [M] a demandé une simulation de retraite,

que la prescription ne peut courir qu’à compter de la réalisation du dommage, c’est à dire du refus de garantie ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, s’il est antérieur,

qu’en matière d’obligation pour l’employeur d’affilier son personnel cadre, la prescription pour l’assuré ne court qu’à compter de la liquidation par la personne de ses droits à la retraite,

qu’en vertu de la présomption de déclaration à la CIPAV, celle-ci aurait dû procéder à un appel de fonds qui aurait alerté sur la situation,

qu’en l’absence de redressement URSSAF, il leur était impossible de s’apercevoir de la faute de leur expert-comptable,

que la société Maleane a un intérêt direct à agir, puisqu’elle a été amenée à payer une imposition complémentaire.

Ils développent ensuite les éléments de responsabilité qu’ils imputent aux intimés, ainsi que leurs préjudices.

Aux termes de ses conclusions n°2, l’URSSAF conclut à la confirmation de l’ordonnance, à l’irrecevabilité des demandes des appelants et à leur condamnation à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

L’organisme soutient que M. [M] pouvait, dès l’année 2007, se rendre compte qu’il ne cotisait pas au titre de l’assurance retraite et que ses demandes sont prescrites depuis le 4 décembre 2012, puisque les appels de cotisation du RSI devenu URSSAF sont adressées personnellement.

Il ajoute que même si les appelants avaient donné mandat à la société BDO, M. [M] restait personnellement débiteur de ses cotisations sociales.

A titre subsidiaire, il estime que les cotisations dues par un gérant ont un caractère personnel et que la société Maleane n’a pas qualité à agir.

Enfin elle s’oppose à l’évocation sollicitée par les appelants, alors que le fond de l’affaire n’a pas été abordé en première instance.

La CIPAV conclut également à la confirmation de l’ordonnance, au rejet des demandes des appelants et à leur condamnation à lui payer la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle estime en premier lieu que la société Maleane n’a pas d’intérêt à agir, dès lors que l’affiliation des gérants de société concernent ces derniers à titre personnel.

En second lieu, elle conclut à la prescription des demandes. Dès lors que les cotisations sont portables et qu’il appartient aux travailleurs non-salariés de prendre contact avec elle, elle estime que les actions en responsabilité contre elle pour non affiliation se prescrivent par cinq ans à compter de la date à laquelle un travailleur indépendant aurait dû savoir qu’il n’était pas affilié et donc en l’espèce dès le 1er juillet 2006, date de début de l’activité non salariée de M. [M] et donc de son obligation légale de cotiser.

Selon elle, dès la clôture du deuxième exercice, au 31 décembre 2007, M. [M] savait qu’il avait l’obligation de cotiser et que rien n’avait été fait à ce titre et que les assignations postérieures au 31 décembre 2012 sont tardives.

Enfin, elle estime que les demandes au fond n’ont pas à être examinées dans le cadre de cette procédure.

Aux termes de ses conclusions n°3 la société BDO conclut à la confirmation de l’ordonnance et demande à la cour de déclarer prescrites les actions de la société Maleane et de M. [M] et irrecevables les demandes au fond, et de condamner les appelants à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle conclut à l’irrecevabilité des demandes de la société Maleane.

Elle soutient :

qu’elle n’a jamais eu pour mission de ‘vérifier et mettre en place les cotisations’, ni de gérer la retraite de M. [M] et que les appelants ne sauraient échapper à la prescription de leur action en lui imputant la responsabilité du défaut de cotisation,

que M. [M] recevait à son domicile les appels de cotisations et qu’il ne pouvait ignorer, au vu des comptes qu’il produits, qu’il ne payait aucune cotisation retraite, dès lors que le compte vieillesse exploitant n’était pas mouvementé.

Elle ajoute à titre subsidiaire que la société Maleane n’a aucun intérêt personnel à agir en réparation du préjudice subi par son gérant.

MOTIFS

Il est renvoyé aux dernières conclusions des parties, en vertu des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour le détail de leur argumentation.

Pour déclarer prescrite l’action de la société Maleane et de M. [M], le premier juge a retenu que ces derniers, qui recevaient les appels de cotisations émanant de l’URSSAF pouvaient se rendre compte au moins dès 2007, que M. [M] ne cotisait pas au titre de l’assurance retraite et que leur action aurait dû être engagée dans les cinq ans en vertu des dispositions de l’article 2224 du code civil.

Il résulte en effet de cet article que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En l’espèce, M. [M] indique lui-même ne plus être inscrit au régime général des salariés depuis le 1er janvier 2007, après avoir fait une déclaration de début d’activité personne physique au 1er juillet 2006. Il était donc tenu, en vertu des dispositions des articles L 133-6, L 642-1 et R 133-26 du code de la sécurité sociale, de verser des cotisations retraite à titre personnel.

Au delà de cette obligation légale qu’il ne pouvait méconnaître, il ne saurait valablement soutenir n’avoir découvert qu’en 2017 qu’il n’avait jamais cotisé depuis 2007, alors que les relevés de cotisations URSSAF des années 2010 à 2015 qu’il produit en pièce n°57 démontrent que ces relevés lui étaient adressés à son domicile [Adresse 8] à [Localité 10] et qu’ils ne contenaient pas de cotisation retraite, alors que la société BDO démontre dans le même temps lui avoir adressé le échéanciers de cotisations sociales, prévoyant les montants à payer (pièce BDO n°11).

M. [M] disposait donc de tous les éléments lui permettant de vérifier s’il s’acquittait bien de ses obligations légales dès l’année 2010 au plus tard et en application des dispositions précitées de l’article 2224 du code civil son action et celle de la société Maleane sont irrecevables comme prescrites.

Il y a donc lieu de confirmer l’ordonnance et de débouter la société Maleane et M. [M] de leurs demandes.

Dès lors, que l’ordonnance est confirmée, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’évocation, en application des dispositions de l’article 568 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme l’ordonnance en toutes ses dispositions et y ajoutant ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 568 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société Maleane et M. [F] [M] à payer :

– à la société BDO et à l’URSSAF chacun, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– à la CIPAV, la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société Maleane et M. [F] [M] aux dépens de la procédure d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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