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COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 mars 2022
Rejet non spécialement motivé
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10162 F
Pourvoi n° M 21-10.513
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 MARS 2022
1°/ Mme [F] [Y], domiciliée [Adresse 2],
2°/ M. [R] [E], domicilié [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° M 21-10.513 contre l’arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d’appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [B] [V], domiciliée [Adresse 4], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société The Madam’s,
2°/ au procureur de la République près du tribunal de grande instance du Havre, domicilié en son parquet, palais de justice du Havre, [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire, les observations écrites de Me Soltner, avocat de M. [E], et l’avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l’audience publique du 11 janvier 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, Mme Henry, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [E] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E] ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par Me Soltner, avocat aux Conseils, pour M. [E].
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir Condamné M. [R] [E] à payer à Maître [B] [V] en sa qualité de liquidateur de la SARL The Madam’s la somme de 165 864 € au titre de l’insuffisance d’actif de la procédure collective, solidairement avec Mme [F] [Y] à hauteur de cette somme, et d’avoir prononcé à son encontre une mesure de faillite personnelle pour une durée de 5 ans ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la nullité alléguée par les appelants sous le visa de l” article R.662-12 du code de commerce, tenant à l’absence, l’insuffisance ou le défaut de communication du rapport du juge commissaire, affecte le déroulement de la procédure suivie devant le tribunal, et non sa saisine ; dans ces conditions, quand bien même le jugement serait déclaré nul, la cour, en application des dispositions de l’article 562 du code de procédure civile, saisie par l’effet dévolutif de L’appel est tenue de statuer sur I ‘entier litige au fond. Dès lors il n’y a pas lieu d’examiner le moyen tiré de l’irrégularité du jugement, inopérant pour l’issue du litige » (
) Il résulte de l’article L. 653-5, 1 0 du code de commerce que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle d’une personne physique dirigeante de droit ou de fait de personnes morales contre laquelle a été relevé le fait d’avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d’administration d’une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi.
L’article L. 653-4 du code de commerce prévoit la faculté de prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale contre lequel a été relevé les faits :
4° : d’avoir poursuivi abusivement dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à l’état de cessation des paiements
5° : d’avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.
L’article L.653-5, 6°du code de commerce prévoit la faculté de prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale contre lequel a été relevé le fait d’avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font l’obligation (… ) La faillite personnelle de M. [R] [E] ne peut être prononcée à raison des fautes ci- dessus définies, qu’en sa qualité de gérant de droit, et donc pendant la seule période de sa gestion du 1er octobre 2014 à décembre 2015. M. [R] [E], a laissé sa mère sans aucun contrôle poursuivre l’exploitation du commerce qui dans des conditions normales d’exploitation était déficitaire, en exerçant une activité frauduleuse ayant généré une part importante du passif, et a reconnu lors de sa déclaration de cessation des paiements que les comptes de l’exercice 2015 n’avaient pas été tenus. Dans ces conditions il convient de prononcer sa faillite personnelle, pour une durée limitée à cinq ans, le jugement étant réformé en ce sens.
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU’ il ressort de l’étude des pièces du dossier qu’en date du 04 septembre 2019, donc pendant les débats, Madame le Juge Commissaire a déposé un document au greffe du Tribunal par lequel elle émettait un « avis favorable pour une condamnation à la faillite personnelle de Madame [Y] et de Monsieur [E] pour une durée de 15 ans. »
1°) ALORS QUE la mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer qu’encourt le dirigeant ayant commis des fautes de gestion a la nature d’une peine dont le prononcé relève à ce titre de l’article 6-1 de la CEDH garantissant un procès équitable ; que l’obligation faite au tribunal par l’article R 662-12 du code de commerce de statuer « sur le rapport du juge-commissaire », en ce qu’elle aux parties et au juge, ainsi en possession des éléments issus du dossier de la procédure collective, d’avoir une parfaite connaissance de la nature, du contexte, et de la gravité des faits imputés au dirigeant, de débattre contradictoirement de la nécessité de l’infliction d’une telle sanction, de ses modalités d’exécution ou de sa durée, s’impose également à hauteur d’appel, que la cour confirme, infirme ou annule le jugement ; qu’en l’espèce, la cour d’appel, devant laquelle il était soutenu que le jugement du tribunal de commerce ayant prononcé une mesure de faillite personnelle à l’égard de M. [R] [E] encourait la nullité pour avoir été rendu sans que le juge-commissaire ait déposé de rapport, a estimé qu’il n’y avait pas lieu de prononcé la nullité dès lors que par l’effet dévolutif, elle se trouvait saisie de l’entier litige au fond, et a confirmé la mesure de faillite personnelle prononcée par les premiers juges ; qu’en statuant ainsi, aux termes d’une procédure dont M. [R] [E] a ainsi été privé, tant en première instance qu’en appel, de la formalité substantielle du rapport du juge-commissaire prévue par la loi et qu’imposaient le principe des droits de la défense et les règles du procès équitable, la cour d’appel a violé l’article R 622-12 du code de commerce, ensemble l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ;
2°) ALORS QU’en estimant, par motifs supposément adoptés, que pouvait tenir lieu de rapport un document intitulé « avis favorable pour une condamnation à la faillite personnelle de Madame [Y] et de Monsieur [E] pour une durée de 15 ans » déposé au greffe par le juge commissaire « pendant les débats », lequel avis, réduit à cette formule et dépourvu de toute motivation, ne pouvait constituer le rapport exigé par l’article R 622-12 du code de commerce, et ce d’autant qu’il n’est à aucun moment constaté que cet « avis » aurait été communiqué aux parties avant les débats, ni même que le juge en aurait eu lui-même connaissance avant de rendre sa décision, la cour d’appel a violé derechef les textes susvisés.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir Condamne M. [R] [E] à payer à Maître [B] [V] en sa qualité de liquidateur de la SARL The Madam’s la somme de 165 864 € au titre de l”insuffisance d’actif de la procédure collective, solidairement avec Mme [F] [Y] à hauteur de cette somme prononcé une mesure de faillite personnelle à l’encontre de M. [E] à raison de sa gérance de droit de la société The Madam’s, pour une durée de 5 ans ;
AUX MOTIFS QUE M. [R] [E], pour ce qui le concerne, conteste cette décision indifférenciée, en ce qu’il n’a été que gérant de droit à compter du 1 er octobre 2014, alors que le passif porte sur l’ensemble de l’activité de la société de 2012 à 2015, et que I ‘ essentiel de ce passif correspond au redressement URSSAF opéré sur les années 2012 à 2015. Il se prévaut de l’irrégularité de ce redressement, et estime que celui-ci est purement virtuel opéré sur la base de la présence de 9 hôtesses à temps plein plus Mme [F] [Y] à compter du 1er mai 2013, fait grief à Maître [B] [V] de ne pas l’avoir contesté, et fait valoir qu’ayant été poursuivi pour proxénétisme et travail dissimulé sur trois hôtesses identifiées pendant le temps de sa gérance, il ne pourrait être condamné tout au plus qu’au titre d’une créance correspondant à la présence de trois hôtesses sur la période du 1 er octobre 2014 au 8 décembre 2015.
Il conteste également le principe de sa poursuite, soulignant que Mme [I] ne l’a pas été alors qu’il n’a pas eu pendant sa période de gérance une présence plus active qu’elle, et que le fait qu’il soit le fils de Mme [Y] ne suffit pas à justifier cette différence de traitement.
Quelle que soit la pertinence des arguments de Maître [B] [V] pour justifier la différence de traitement qu’elle a opérée dans le choix de ses poursuites en sanctions personnelles entre Mme [I] et M. [R] [E], ce dernier n’est pas fondé à se prévaloir de cette différence pour échapper aux sanctions susceptibles de lui être appliquées, dès lors que les conditions en sont réunies à son égard.
Le passif de la liquidation est arrêté à la somme totale de 515 648,14 € ; il n’est pas discuté qu’il n’existe pas d’actif significatif, le bail ayant été résilié pour défaut de paiement des loyers, et la licence 4 confisquée. Le fonds de commerce a été acquis non par M. [R] [E], mais par la SARL Madam’s dont il est associé ; par ailleurs, sur le seul fondement de l’article L.651-2 du code de commerce, M. [R] [E] ne peut être condamné qu’en sa qualité de gérant de droit et en raison de ses fautes de gestion.
Il en résulte qu’il ne peut être tenu à l’insuffisance d’actif qu’à concurrence du passif constitué pendant sa période de gestion de droit, soit entre le premier octobre 2014 et le mois de décembre 2015.
Même s’il n’ est pas discuté que M. [R] [E] n’ était pas présent dans le fonds de commerce ayant son activité professionnelle à [Localité 5], le fait d’avoir accepté la gérance de droit pour rendre service à sa mère et lui permettre de continuer d’exploiter le bar en étant gérante de fait, alors qu’il ne pouvait ignorer qu’elle était frappée d’une interdiction de gérer, et sans exercer le moindre contrôle ni aucune des obligations lui incombant, est constitutif d’une faute de gestion au sens de l’article L.651-2 du code de commerce.
Sa faute de gestion en raison de ce qu’il a laissé en toute connaissance de cause perdurer l’activité qualifiée de proxénétisme et travail dissimulé pendant le temps de sa gestion est incontestable puisqu’il a été déclaré coupable de ces faits délictueux par le jugement rendu par le tribunal correctionnel du Havre le 12 janvier 2016, dont il n’est pas contesté qu’il est définitif.
Mais il doit être relevé que Maître [B] [V] ne produit pas les éléments permettant de déterminer, dans le total du passif admis autre que la créance URSSAF, les chefs de créance imputables à la période de gestion de droit de M. [R] [E].
Dès lors elle ne peut prétendre à la condamnation de M. [R] [E] au titre du passif autre que celui résultant de la créance URSSAF.
La créance URSSAF étant admise définitivement au passif constitue, un élément de l’insuffisance d’actif dont ni le principe ni le montant ne peuvent être contestés.
Il ressort du rapport établi par l’URSSAF à la suite de son enquête sur le fondement duquel sa créance a été définitivement admise, que le redressement opéré s’élève à la somme totale de (92 466 +2 406) 94 872 € pour l’ensemble de l’année 2014, la part correspondant à la période de gestion de droit de M. [R] [E] pour les trois derniers mois de l’année s’élevant en conséquence à la somme de 23 718 € ; le redressement pour l’année 2015 correspondant intégralement à la période de gestion de droit de M. [R] [E] s’élève à la somme totale de 142 146 €.
Il en résulte que la part de l’ insuffisance d’actif correspondant à la période de gestion de droit de M. [R] [E] s’élève à la somme totale de 165 864 €.
Les poursuites pénales et la condamnation concernant M. [R] [E], au titre du travail dissimulé qui seul constitue le fondement du redressement de l’URSSAF, ne visent certes précisément et nominativement que trois hôtesses ; il n’en demeure pas moins qu’en laissant sa mère continuer à exploiter le fond dans des conditions dont il avait connaissance, sans exercer le moindre contrôle ni empêcher de quelque façon que ce soit les faits générateurs de ce redressement, M. [R] [E] a contribué directement et pleinement à la création de ce passif.
Dans ces conditions il sera condamné, au titre de l’insuffisance d’actif, au paiement de la somme de 165 864 € ; le jugement sera réformé en ce sens.
1°) Alors que le dirigeant ayant commis une faute de gestion ne peut répondre de l’insuffisance d’actif qu’à hauteur de son aggravation qui a pour cause directe les manquements qui lui sont reprochés ; qu’en l’espèce, Monsieur [R] [E] faisait valoir que le mandataire liquidateur avait été négligent en n’élevant aucune contestation à la suite de l’avis de recouvrement émis par l’Urssaf, lequel comportait pourtant des irrégularités tant dans la forme qu’au fond (conc. p.8 et s.) ; que la cour d’appel, qui après avoir fixé la créance de l’Urssaf au montant que celle-ci avait déclaré au passif, a condamné M. [E] à supporter la totalité de la dette de l’Urssaf née sous sa gestion, au seul motif que ses fautes avait permis le maintien d’une activité génératrice de charges sociales qui sont demeurées impayées, devait répondre au moyen de M. [E] faisant valoir que sans la négligence de Me [V], la créance totale de l’Urssaf eût été d’un montant moindre, de sorte que pour une part au moins, ce passif aurait pu ne pas être considéré comme ayant pour origine directe et exclusive la faute du gérant, et justifier que la cour d’appel porte une appréciation différente, notamment en considération du principe de proportionnalité, sur le montant de la condamnation devant être mise à sa charge ; qu’en s’abstenant de le faire, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le mandataire judiciaire doit exercer ses fonctions avec honneur, dignité, indépendance et probité, et se conformer en toute occasion aux lois et règlements de sa profession ; qu’en application de l’article 221.2 de l’arrêté du 18 juillet 2018, reprenant les dispositions antérieures, l’administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire doivent accorder tous leurs égards aux diverses parties de la procédure, notamment le débiteur, les salariés et les représentants du personnel, les créanciers et les contrôleurs, exercer leurs missions avec conscience professionnelle, équité, probité; que manque à ces obligations le mandataire judiciaire qui, en présence de plusieurs gérants successifs ayant tous commis les mêmes fautes ayant contribué à l’insuffisance d’actif, poursuit certains d’entre eux seulement en comblement du passif et sollicite à leur encontre des sanctions personnelles, et s’abstient de poursuivre les autres sans que cette différence de traitement soit justifiée ni par la nature ou la gravité des fautes qu’ils auraient commises, ni par un motif objectif légitime; qu’en estimant que M. [R] [E] était sans qualité à reprocher à Me [V] de ne pas avoir attrait dans la procédure Mme [I], pourtant condamnée comme lui par le juge pénal pour proxénétisme et travail dissimulé, aux motifs qu’il n’appartenait pas au juge « d’apprécier les choix d’un mandataire dans ses poursuites tendant à des sanctions personnelles », cependant qu’une différence de traitement pratiquée par un mandataire judiciaire ne reposant pas sur des motifs légitimes et objectifs constitue un manquement de ce dernier à ses obligations dont les dirigeants poursuit sont fondés à se prévaloir dès lors que cette différence a des incidences sur leur situation, la cour d’appel a violé les textes susvisés, ensemble, les articles 811-1 et suivants du code de commerce.
3°) ALORS QUE subi nécessairement un préjudice le dirigeant qui doit supporter seul les conséquences d’une aggravation du passif résultant de fautes de gestions imputables tant à lui-même qu’à d’autres dirigeants auxquels il a succédé et que le mandataire judicaire s’est abstenu de poursuivre; en sorte qu’en énonçant que M. [E] n’était pas fondé à reprocher au liquidateur un « traitement différencié » à l’égard de Mme [I], gérant de droit pénalement condamnée pour les mêmes fautes, aux motifs erronés « qu’il n’est pas fondé à se prévaloir de cette différence pour échapper aux sanctions susceptibles de lui être appliquées, dès lors que les conditions en sont réunies à son égard », cependant que des poursuites contre Mme [I] auraient pu avoir pour effet de réduire le poids de la dette devant être in fine supportée par M. [E] et Mme [Y], la cour d’appel a violé les articles 1382 du code civil et L 651-2 du code de commerce, ensemble le principe de proportionnalité ;