Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 9
ARRET DU 11 JUIN 2015
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 14/20744
Décision déférée à la Cour : Jugement prononcé le 10 Octobre 2014 par la 16ème Chambre du Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 201228282
APPELANTE
SAS LES VERGERS
immatriculée au RCS de Paris sous le n° 498 483 494
ayant son siège [Adresse 3]
[Adresse 6]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945
ayant pour avocat plaidant Me Renaud THOMINETTE, de l’AARPI RENAULT THOMINETTE VIGNAUD & REEVE, avocat au barreau de Paris, toque : P0248
INTIMÉE
SA BANQUE NUGER
immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le numéro 855 201 463
ayant son siège [Adresse 2]
[Adresse 4]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Me Marie-Claude REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0299
INTIMÉE
SARL SEF
immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le numéro 378 279 111
ayant son siège [Adresse 1]
[Adresse 5]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Me Jean-Marie GUILLOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : G0818
ayant pour avocat plaidant Me Philippe GUESNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0818 substituant Me Jean-Marie GUILLOUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Mai 2015, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Michèle PICARD, Conseillère et Madame Christine ROSSI, Conseillère
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Michèle PICARD, Conseillère faisant fonction de Président
Madame Christine ROSSI, Conseillère
Monsieur Joël BOYER, Conseiller appelé d’une autre chambre afin de compléter la Cour en application de l’article R.312-3 du Code de l’Organisation Judiciaire
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Christine ROSSI, Conseillère, dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Monsieur Xavier FLANDIN-BLETY
MINISTERE PUBLIC : l’affaire a été communiquée au Ministère Public.
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Michèle PICARD, Conseillère, aux lieu et place de Monsieur François FRANCHI, Président, empêché, et par Monsieur Xavier FLANDIN-BLETY, Greffier présent lors du prononcé.
*
La Sarl SEF, société de production de spectacles vivants, a cédé en totalité les sociétés Arachnée Concert, Arachnée Productions, Contremarque et Transit dont elle était propriétaire à la SAS Les Vergers, elle-même détenue en totalité par la société Sony Music Entertainment France, aux termes d’un contrat d’achat d’actions en date du 3 juillet 2007.
La cession était assortie d’une garantie de passif prévue aux articles 6 et 7 dudit contrat, la société SEF s’engageant ainsi à première demande à une restitution de prix dans l’hypothèse notamment d’une perte de valeur liée à toute inexactitude ou insuffisance d’une des déclarations faites par la SEF à l’article 4 dudit contrat d’achat d’actions, ainsi qu’une garantie spécifique sur certains risques.
Concomitamment à la conclusion du contrat d’achat d’actions, la banque Nuger s’est portée caution personnelle et solidaire de la société SEF, en faveur de la société Les Vergers, en garantie du paiement des sommes dues par la société SEF à la société Les Vergers au titre du contrat d’achat d’actions.
La société Arachnée Productions avait régularisé avec la société Nous Productions, le 17 novembre 2006, un contrat de cession de droits d’exploitation sur une série de représentations du spectacle Bharati en France en 2006, Nous Productions en étant le producteur et Arachnée Productions l’organisateur.
Le 27 novembre 2007, Nous Productions a écrit à Arachnée Productions pour l’informer qu’il existait un risque pour le producteur du spectacle, de devoir payer des charges sociales complémentaires à l’URSSAF de près de 600.000 euros au titre du personnel étranger attaché au spectacle Bharati et lui a demandé de lui confirmer, qu’ainsi qu’elles en étaient convenues, qu’elle supporterait la moitié des sommes dues en cas de redressement URSSAF sur les charges sociales du personnel étranger.
Le 30 juillet 2008, la société SEF et la société Les Vergers ont conclu un avenant au contrat d’achat d’actions aux termes duquel, d’une part, Arachnée Productions s’engageait à rembourser Nous Productions toutes sommes qui lui seraient demandées au titre de redressements d’administrations afférents au spectacle Bharati et, d’autre part, la SEF s’engageait à prendre à sa charge, à première demande de l’acquéreur, les conséquences financières de tels redressements et rembourser les sommes éventuellement réglées par Arachnée Productions à Nous Productions à cet égard.
A la demande de la société SEF, un avenant à la caution a été signé le 25 juillet 2008 par la banque Nuger pour tenir compte de l’avenant au contrat d’achat d’actions.
En avril 2009, la société Nous Productions a fait l’objet d’un redressement fiscal portant notamment sur un défaut de retenue à la source qui aurait dû être opérée sur les rémunérations des artistes étrangers engagés pour le spectacle Bharati.
Le 15 octobre 2009, la société Nous Productions a écrit à Arachnée Productions pour lui indiquer que le risque social évoqué dans son courrier du 27 novembre 2007 incluait la retenue à la source, et lui demander ainsi de lui régler la somme de 55.322,50 euros correspondant à la moitié du redressement fiscal afférent à la retenue à la source subi par la société Nous Productions.
La société Arachnée Productions a réglé cette somme à la société Nous Productions.
Par un courrier en date du 5 novembre 2009, la société Les Vergers a mis en jeu la clause de garantie de passif et demandé à la société SEF de rembourser à la société Arachnée Productions la somme de 55.322,50 euros. Parallèlement, un courrier était adressé à la banque Nuger afin de l’informer de la réclamation, en indiquant qu’à défaut de règlement elle serait amenée à mettre en ‘uvre sa caution.
Le 4 décembre 2009, la société SEF contestait la validité de la réclamation aux motifs que la société Les Vergers ne justifiait pas de sa créance et que le courrier du 27 novembre 2007 concernait les dettes sociales seulement, et non les dettes fiscales.
Par courrier du 10 décembre 2009, la société Les Vergers a mis la société SEF en demeure de lui régler la somme de 55.322,50 euros.
En l’absence de règlement par la SEF, la société Les Vergers mettait également la banque Nuger en demeure de lui régler ladite somme par courrier du 22 août 2011.
Le 8 septembre 2011, la banque Nuger a indiqué qu’elle ne ferait pas suite à la demande de paiement, la SEF lui en ayant fait défense.
La société Les Vergers a assigné en référé la société SEF et la banque Nuger devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir condamnation solidaire de la société SEF et de la banque Nuger au paiement de la somme de 55.322,50 euros et de celle de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Par ordonnance du 30 mars 2012, l’affaire était renvoyée devant le juge du fond.
Par acte extrajudiciaire du 17 avril 2012, la société Les Vergers a fait assigner au fond la société SEF et la banque Nuger devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement de la garantie de passif afin de les voir condamnées solidairement à lui régler la somme de 55.322,50 euros en principal augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2009.
Par jugement du 10 octobre 2014, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société Les Vergers de ses demandes, au motif que sa demande n’était pas couverte par la garantie de passif.
La société Les Vergers, considérant que le tribunal n’avait pas examiné l’ensemble de ses arguments, a formé appel dudit jugement, le 15 octobre 2014.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 janvier 2015, la société Les vergers demande à la cour d’infirmer le jugement du 10 octobre 2014 en toutes ses dispositions et de condamner solidairement la société SEF et la banque Nuger à lui régler la somme de 55.322,50 euros en principal augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2009 ainsi que la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de première instance et d’appel.
La société Les Vergers soutient pour l’essentiel que la SEF s’est obligée en toute connaissance de cause à l’indemniser dès lors qu’elle avait une parfaite connaissance du risque de redressement. Elle fait encore valoir que la clause de garantie additionnelle portant sur le risque de redressement lié au spectacle Bharati, libellée de manière générale, vise tout redressement de l’administration, y compris de l’administration fiscale et que le principe de partage des risques par moitié entre Arachnée Productions et Nous Productions a toujours fait partie des accords entre les deux sociétés. Elle oppose également qu’en sa qualité d’acquéreur et en l’absence de clause sur l’information du cédant, elle n’était nullement tenue d’informer la SEF du risque de procédure de redressement fiscal subi par Nous Productions.
Sur l’obligation de la banque Nuger, la société Les Vergers indique que sa demande de paiement adressée le 22 août 2011 pour un montant total de 55.934,61 euros intérêts inclus entre bien dans le champ de la caution solidaire telle que prévue le 3 juillet 2007 et amendée le 25 juillet 2008.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 mars 2015, la société SEF demande à la cour de confirmer en tous points le jugement du tribunal de commerce de Paris du 10 octobre 2014, de condamner la société Les Vergers à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et la condamner aux entiers dépens de la présente instance.
La société SEF au soutien de sa position conteste l’existence d’un partage des risques entre les sociétés Nous Productions et Arachnée Productions. S’agissant des relations entre elle-même et la société Les Vergers, elle oppose que la clause de garantie de passif additionnelle est strictement limitée aux risques de redressement concernant les charges et cotisations sociales. Elle avance également des fautes des sociétés Nous productions et Arachnée Productions en particulier en ce que cette dernière n’était pas tenue d’opérer la retenue à la source et aurait pu contester le redressement fiscal à ce titre. Elle oppose encore que faute d’avoir été informée du redressement fiscal en temps utile elle n’a pas pu faire valoir la défense de ses intérêts.
Dans ses conclusions du 3 mars 2015, la banque Nuger dit s’en rapporter à justice sur le mérite des demandes de la société Les Vergers et, en cas d’infirmation du jugement, demande à la cour de dire que la mise en jeu de la caution de la banque étant du 22 août 2011, il ne saurait lui être réclamé le moindre intérêt avant la réception de ce courrier, condamner la société Les Vergers à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile dont distraction au profit de maître Régnier.
Elle fait observer qu’elle avait reçu de la part de la société SEF défense de payer entre les mains de la société Les Vergers.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 avril 2015
***
SUR CE,
Sur la demande en paiement formée dans l’intérêt de la société Les Vergers
Conformément aux dispositions de l’article 1134 du code civil alinéa 3 du code civil les conventions s’exécutent de bonne foi.
Il importe de souligner, à titre liminaire, d’une part, que le contrat précité de cession d’exploitation stipulait que Nous Productions assumerait l’intégralité des charges sociales et fiscales afférentes à la rémunération des artistes et techniciens attachés au spectacle Bharati, tandis qu’Arachnée prendrait à sa charge la rémunération du personnel français embauché pour la diffusion du spectacle en France. Aussi n’en résulte-til pas de partage des risques entre les sociétés, ce, contrairement à ce qu’entend soutenir la partie appelante.
D’autre part, et après avoir rappelé que la garantie de passif doit s’interpréter de manière restrictive, il importe de relever que la clause de garantie de passif additionnelle conclue entre les sociétés Les Vergers et SEF est strictement limitée aux risques de redressement concernant les charges et cotisations sociales à l’exclusion des charges fiscales dès lors qu’elle n’a été accordée qu’au regard du risque de redressement social identifié dans le courrier du 27 novembre 2007, tandis que le risque de redressement fiscal concernant la retenue à la source de l’impôt sur le revenu n’a pas été envisagé par les parties.
En effet, et ceci posé, il ressort des développements qui précèdent que c’est bien dans le cadre de discussions sur l’ajustement du prix stipulé au contrat d’achat d’actions en date du 3 juillet 2007 que la société Les vergers et la SEF, en considération du risque pesant sur la société Arachnée Productions tel que résultant de la lettre du 27 novembre 2007 de la société Nous Productions, ont convenu selon l’avenant en date du 30 juillet 2008 d’intégrer ce risque aux engagements spécifiques d’indemnisation visés à l’article 7.3 de la garantie de passif définie au contrat initial. Dans le même sens, un avenant à la caution de la banque Nuger a été conclu. Ainsi, il s’agissait manifestement dans l’esprit des parties de garantir le risque de charges sociales complémentaires. Or, est présentement en cause la retenue à la source d’une partie des salaires versés aux artistes étrangers laquelle retenue, comme le relevait à juste titre le tribunal de commerce, constitue un impôt sur le revenu destiné au trésor public et non une cotisation donnant lieu à prélèvements Urssaf.
Dans ces conditions, et sans qu’il y ait lieu d’aller plus avant dans la discussion opposant les parties, il doit être jugé que la garantie de passif n’a pas vocation à s’appliquer, le jugement déféré étant confirmé en ce qu’il a débouté la société Les Vergers de ses prétentions.
Sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance et d’appel
En considération de la décision de première instance qui sera également confirmée relativement aux frais irrépétibles, l’équité justifie de condamner la société Les Vergers à payer à la société SEF la somme de 3.000 euros et à la Banque Nuger celle de 2.000 euros au titre de la procédure d’appel en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La solution retenue fonde de condamner la société Les Vergers aux entiers dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 octobre 2014 par le tribunal de commerce de Paris ;
Y ajoutant,
Condamne la société Les Vergers à payer à la société SEF la somme de 3.000 euros et à la Banque Nuger celle de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel ;
Condamne la société Les Vergers aux entiers dépens d’appel avec droit de recouvrement direct au profit de maître Marie-Claude Régnier dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, POUR LE PRESIDENT EMPÊCHé,
Xavier FLANDIN-BLETY Michèle PICARD