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Une société redevable de la redevance SPRE qui par hypothèse connait son activité et qui, comme toute personne, n’est pas censée ignorer la loi, au besoin en recourant à l’assistance d’un professionnel, dispose de tous les éléments pour se rendre compte du caractère injustifié des sommes qui lui avait été réclamées par la SPRE.
Certes, dans certaines hypothèses, la jurisprudence a pu estimer que la qualification juridique était trop incertaine pour permettre à celui dont la créance dépendait de cette qualification d’agir avant que celle-ci soit établie par un jugement (ainsi jugé implicitement, en matière de contrefaçon : Cass. 1re Civ., 15 novembre 2023, pourvoi n° 22-23.266, point 8), mais tel n’est manifestement pas le cas du simple choix entre la catégorie des cafés et restaurants sonorisés ou celle des bars et restaurants à ambiance musicale. Il en résulte que l’action en restitution des redevances payées par la demanderesse à la SPRE est prescrite pour les paiements effectués plus de 5 ans avant l’assignation. Attention à la prescription : Il est recommandé de vérifier attentivement les délais de prescription pour toute action en restitution. Il est essentiel de connaître les délais légaux pour agir et de ne pas dépasser ces limites afin de préserver ses droits. 2. Attention à la communication et à la réactivité vis à vis de la SPRE : Il est recommandé de répondre de manière diligente et complète à toute correspondance ou demande d’information, même si cela peut sembler répétitif. Une communication claire et proactive peut éviter des malentendus et des litiges potentiels. |
→ Résumé de l’affaireLa société 3 Francs 6 sous conteste les redevances trop élevées payées à la Spré entre 2014 et 2020, estimant relever de la catégorie des cafés et restaurants sonorisés plutôt que des bars et restaurants à ambiance musicale. Elle demande le remboursement de 20 925,64 euros, des dommages et intérêts, ainsi que des frais de procédure. La Spré résiste à ces demandes, arguant que la société 3 Francs 6 sous était bien qualifiée de bar à ambiance musicale et lui réclame des sommes impayées au titre de la musique de sonorisation. Les deux parties s’opposent sur la prescription des sommes réclamées et sur la qualification de l’établissement.
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→ Les points essentielsRestitution des redevancesLa société 3 Francs 6 sous a demandé la restitution des redevances payées au titre du barème des bars et restaurants à ambiance musicale. Le tribunal a jugé que l’action en restitution était prescrite pour les paiements effectués plus de 5 ans avant l’assignation, mais la demande était recevable pour les paiements effectués après cette date. La société a donc droit à la restitution d’une somme de 8 781,77 euros. Bienfondé de la restitutionLa Spré a reconnu que la redevance réclamée au titre de l’autre catégorie n’était pas due, et la demande en restitution de l’intégralité pour la période non prescrite était donc bienfondée. Le tribunal a statué en faveur de la société 3 Francs 6 sous. Créance réciproque au titre des redevances pour l’activité de café ou restaurant sonoriséLa société 3 Francs 6 sous a affirmé exploiter un café ou restaurant sonorisé et ne conteste pas devoir payer la redevance prévue par la loi. Cependant, la Spré n’a pas justifié les montants réclamés, et le tribunal a retenu le montant démontré par la décision de la commission. La Spré doit donc payer le montant dû avec les intérêts au taux légal. Demande indemnitaireLa société 3 Francs 6 sous a demandé une indemnisation pour le préjudice causé par le comportement de la Spré. Cependant, faute de preuve du préjudice allégué, sa demande a été rejetée par le tribunal. Dispositions finalesLa Spré a été condamnée aux dépens et doit indemniser partiellement la demanderesse pour ses frais. L’exécution provisoire est de droit et rien ne justifie de l’écarter dans cette affaire. Les montants alloués dans cette affaire: – 442,16 euros à la société 3 Francs 6 sous
– 1 500 euros à la société 3 Francs 6 sous au titre de l’article 700 du code de procédure civile |
→ Réglementation applicable– Code de la propriété intellectuelle
– Code civil – Code de procédure civile Article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle: Article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle: Article 1302 du code civil: Article 2224 du code civil: Article 1240 du code civil: Article 696 du code de procédure civile: Article 700 du code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Philippe MEILHAC de la SELEURL SELARL MEILHAC AVOCATS
– Maître Guillem QUERZOLA |
→ Mots clefs associés & définitions– Motivation
– Restitution – Cadre juridique – Commission – Barèmes – Prescription – Dette – Restitution des redevances – Bienfondé – Créance réciproque – Compensation – Intérêts – Demande indemnitaire – Dommage – Faute – Préjudice – Dépens – Exécution provisoire – Motivation: Raison ou ensemble de raisons qui poussent une personne à agir ou à prendre une décision.
– Restitution: Action de rendre quelque chose à son propriétaire légitime. – Cadre juridique: Ensemble des lois, règlements et principes qui régissent une situation juridique donnée. – Commission: Montant fixe ou pourcentage prélevé sur une transaction ou une opération financière. – Barèmes: Ensemble de règles ou de critères permettant de fixer des tarifs, des prix ou des sanctions. – Prescription: Délai au-delà duquel une action en justice n’est plus recevable. – Dette: Somme d’argent due à une personne ou à une entité. – Restitution des redevances: Action de rembourser des sommes perçues indûment. – Bienfondé: Fondement légitime ou justifié d’une action ou d’une demande. – Créance réciproque: Situation où deux parties se doivent mutuellement une somme d’argent. – Compensation: Action de compenser une dette ou un préjudice par une autre dette ou un autre avantage. – Intérêts: Somme d’argent due en plus du capital emprunté, en rémunération du prêt. – Demande indemnitaire: Requête visant à obtenir une indemnisation pour un préjudice subi. – Dommage: Préjudice matériel ou moral causé à une personne. – Faute: Manquement à une obligation légale ou contractuelle. – Préjudice: Dommage subi par une personne du fait de l’action ou de l’omission d’une autre. – Dépens: Frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire. – Exécution provisoire: Mise en œuvre d’une décision judiciaire avant même que celle-ci ne soit définitive. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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3ème chambre
2ème section
N° RG 22/03321
N° Portalis 352J-W-B7G-CWJWK
N° MINUTE :
Assignation du :
09 Mars 2022
JUGEMENT
rendu le 29 Mars 2024
DEMANDERESSE
S.A.R.L. 3 FRANCS 6 SOUS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Maître Philippe MEILHAC de la SELEURL SELARL MEILHAC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1400
DÉFENDERESSE
S.C. SOCIETE POUR LA PERCEPTION DE LA REMUNERATION EQUI TABLE DE LA COMMUNICATION AU PUBLIC DES PHONOGRAMMES DU COMMERCE(SPRE)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Maître Guillem QUERZOLA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0606
Copies délivrées le :
– Maître MEILHAC #D1400 (exécutoire)
– Maître QUERZOLA #E0606 (ccc)
Décision du 29 Mars 2024
3ème chambre 2ème section
N° RG 22/03321 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWJWK
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Madame Véra ZEDERMAN, Vice-présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge
assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier
DÉBATS
A l’audience du 01 Décembre 2023 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 16 février 2024, puis prorogé en dernier lieu au 29 Mars 2024.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
1. La société 3 Francs 6 sous, qui exploite à [Localité 3] un débit de boisson et restaurant diffusant de la musique, se plaint d’avoir payé, entre 2014 et 2020, sur factures de la Société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (la Spré), des redevances trop élevées car correspondant à la catégorie des bars et restaurants à ambiance musicale au lieu de celle des cafés et restaurants sonorisés dont elle estime relever.
2. Elle expose avoir alerté à plusieurs reprises la Spré à partir de 2016 après avoir constaté une augmentation anormale de la redevance exigée en 2014, sans réponse, et l’a ainsi assignée en restitution et dommages et intérêts le 9 mars 2022. Une médiation tentée en cours de procédure a échoué. L’instruction a été close le 9 mars 2023.
Prétentions des parties
3. La société 3 Francs 6 sous, dans ses dernières conclusions (1er mars 2023), demande la condamnation de la Spré à lui restituer 20 925,64 euros au titre des sommes versées sur la base d’une activité erronée, avec intérêts au taux légal depuis l’assignation et capitalisation des intérêts, outre 3 000 euros de dommages et intérêts et 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
4. La Spré, dans ses dernières conclusions (13 février 2023), résiste aux demandes.
Moyens des parties
5. La demanderesse explique n’utiliser la musique dans les conditions relevant de la catégorie des bars et restaurants à ambiance musicale, telle que définie par la commission compétente pour établir les barèmes, c’est-à-dire d’une façon essentielle à son activité, qu’une fois par an, lors de la fête de la musique, et estime ainsi relever de la catégorie des cafés et restaurants sonorisés, pour lesquels la musique est une composante accessoire et qui sont soumis à un barème forfaitaire, très inférieur. Elle réclame en conséquence le remboursement des sommes qu’elle a payées à la Spré au titre de la mauvaise catégorie et se fonde sur le montant que celle-ci a elle-même indiqué en cours de procédure.
6. Contre la prescription soulevée par la Spré, elle se prévaut du principe selon lequel la prescription ne court pas lorsque la créance dépend d’éléments inconnus du créancier et devant résulter de déclarations faites par le débiteur, et estime à ce titre que ce n’est qu’avec une réponse de la Sacem le 28 janvier 2021 qu’elle a su que la Spré lui appliquait le barème des « bars à ambiance ».
7. Contre la compensation invoquée par la Spré avec les sommes que celle-ci estime impayées au titre de la catégorie des cafés et restaurants sonorisés et non prescrites, soit depuis le 1er mars 2017, la société 3 Francs 6 sous soutient que ces sommes correspondent encore à la musique attractive, qui lui est inapplicable, et que le relevé de compte sur lequel se fonde la Spré n’est pas probant.
8. Elle estime la Spré fautive à n’avoir jamais pris en compte ni même répondu à ses demandes, même après que la Sacem a, pour sa part, accepté en ce qui la concernait de requalifier l’établissement en café restaurant sonorisé. Elle réfute les arguments soulevés par la Spré au titre de la réalité de son activité, faisant notamment valoir que les commentaires de clients vantant la qualité de son ambiance musicale ne sont pas incompatibles le caractère accessoire de cette sonorisation, qu’elle a dès le début de son activité installé un limiteur sonore à 72 dB et que si la Spré avait constaté une activité musicale attractive en 2011 comme elle le prétend, alors elle n’aurait pas attendu 2014 pour modifier sa facturation. La société 3 Francs 6 sous en déduit un préjudice de 3 000 euros.
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9. La Spré expose que le total payé au titre de la musique attractive depuis 2014 est de 20 952,64 euros mais que seuls 8 503,11 euros ont été payés moins de cinq ans avant l’assignation, le remboursement des versements antérieurs au 9 mars 2017 étant prescrit selon elle, faisant valoir à cet égard que la créance ne dépendait pas d’informations devant être communiquées par elle et plus généralement que la demanderesse ne pouvait ignorer sa qualification de bar à ambiance musicale, pour remplir depuis 2015 les formulaires correspondants et payer les sommes exigées à ce titre.
10. Elle ajoute que, sur le fond, la qualification de bar à ambiance musicale, qui n’a été modifiée qu’après un contrôle par la Sacem en 2021, était légitime car elle se fondait initialement sur un contrat de représentation de « musique d’ambiance », des déclarations faites par le responsable du bar de l’établissement et sur un contrôle sur place.
11. Elle soutient par ailleurs que la société 3 Francs 6 sous, qui réclame l’application du barème de la musique de sonorisation, doit 5 640,90 euros à ce titre pour la période allant de 2013 à 2021 et, pour la période non prescrite (qu’elle fait également débuter au 9 mars 2017 mais en s’appuyant sur une pièce mentionnant le 1er mars 2017), 3 239,13 euros en prenant en compte les avoirs émis pour la période prescrite.
12. Elle invoque alors une compensation dont elle déduit qu’elle ne doit que 5 263,98 euros, qu’elle affirme avoir payés au 12 janvier 2023.
13. Contre la demande indemnitaire, la Spré conteste toute faute, faisant valoir que la qualification de bar ou restaurant à ambiance musicale se fondait sur des indices nombreux (Kbis, heure de fermeture, avis de clients sur TripAdvisor, explications données au responsable du bar par un agent lors d’un rendez-vous sur place en 2011, les déclarations faites sur le bordereau des recettes liées à la musique attractive et le paiement des factures à ce titre, l’absence de paiement des factures correspondant à la musique de sonorisation), tandis que la société 3 Francs 6 sous admettait elle-même quelques soirées de « musique attractive » et que c’est au demeurant la Sacem qui recouvre pour elle la redevance des cafés et restaurants sonorisés et qui avait elle-même considéré l’établissement comme un « bar à ambiance », ce qui implique que la société 3 Francs 6 sous avait signé un contrat de ce type, avant de le requalifier en janvier 2021, ce dont elle-même a tenu compte quand elle en a été informée en avril 2021. Elle ajoute que la période litigieuse correspond à l’épidémie de covid pendant laquelle son personnel était au chômage partiel.
I . Demande en restitution
Cadre juridique
14. L’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit que l’utilisation de phonogrammes dans des lieux publics ouvre droit à une rémunération au profit des artistes-interprètes et producteurs, assise sur les recettes de l’exploitation ou évaluée forfaitairement dans les cas prévus à l’article L. 131-4, notamment lorsque la nature ou les conditions de l’exploitation rendent impossible l’application de la règle de la rémunération proportionnelle, en particulier quand l’utilisation de l’oeuvre ne présente qu’un caractère accessoire par rapport à l’objet exploité.
15. En application de l’article L. 214-4, une commission en a établi des barèmes selon plusieurs catégories d’établissement. En particulier, par sa décision du 5 janvier 2010, telle que modifiée par sa décision du 30 novembre 2011, elle distingue notamment, d’une part, les établissements exerçant une activité de cafés et restaurants qui diffusent une musique de sonorisation, constituant une composante accessoire à l’activité commerciale (ci-après les cafés et restaurants sonorisés), d’autre part les bars et restaurants à ambiance musicale, lesquels sont définis comme les établissement recevant du public diffusant de la musique amplifiée attractive constituant une composante essentielle de l’activité commerciale.
16. Les premiers sont assujettis à un barème fixe selon leur capacité d’accueil et le « nombre d’habitants », les seconds à un taux de 1,65% sur leurs recettes.
17. L’article 1302 du code civil dispose que tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.
Prescription
18. En vertu de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
19. Il est constant que la société 3 Francs 6 sous a payé, depuis 2014, 20 925,64 euros au titre de la redevance due par les bars et restaurants à ambiance musicale.
20. L’exercice de l’action en restitution implique la connaissance du paiement et de son caractère indû. S’agissant des redevances en cause, leur caractère indû résulte de l’inapplicabilité du barème ayant conduit à leur détermination, caractère indû dont la connaissance par la société 3 Francs 6 sous dépendait seulement de la qualification à donner à son activité au regard des dispositions légales et règlementaires applicables.
21. La société 3 Francs 6 sous, qui par hypothèse connait son activité et qui, comme toute personne, n’est pas censée ignorer la loi, au besoin en recourant à l’assistance d’un professionnel, disposait ainsi de tous les éléments pour se rendre compte du caractère injustifié des sommes qui lui avait été réclamées. Certes, dans certaines hypothèses, la jurisprudence a pu estimer que la qualification juridique était trop incertaine pour permettre à celui dont la créance dépendait de cette qualification d’agir avant que celle-ci soit établie par un jugement (ainsi jugé implicitement, en matière de contrefaçon : Cass. 1re Civ., 15 novembre 2023, pourvoi n° 22-23.266, point 8), mais tel n’est manifestement pas le cas du simple choix entre la catégorie des cafés et restaurants sonorisés ou celle des bars et restaurants à ambiance musicale.
22. Il en résulte que l’action en restitution des redevances payées par la demanderesse est prescrite pour les paiements effectués plus de 5 ans avant l’assignation, c’est-à-dire avant le 9 mars 2017.
23. Il ressort de la somme des paiements mentionnés dans l’extrait de compte établi par la Spré (sa pièce 2.1B), non contesté, que les paiements effectués après cette date s’élèvent au total à 8 781,77 euros (et non 8 503,11 comme elle l’affirme sans explication). La demande est donc recevable à hauteur de cette somme.
Bienfondé de la restitution
24. La Spré estime avoir été bienfondée à réclamer des redevances au titre du barème des bars et restaurants à ambiance musicale mais ne conteste pas devoir restituer la somme correspondante (sauf à la compenser avec la redevance due au titre de l’autre catégorie). Il n’est donc pas contesté que l’établissement de la société 3 Francs 6 sous relevait des cafés et restaurants sonorisés.
25. La redevance réclamée au titre de l’autre catégorie n’était donc pas due et la demande en restitution de l’intégralité pour la période non prescrite, soit 8 781,77 euros, est donc bienfondée.
Créance réciproque au titre des redevances pour l’activité de café ou restaurant sonorisé
26. En application de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ; réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
27. La société 3 Francs 6 sous affirme elle-même exploiter un café ou restaurant sonorisé, ce dont il résulte qu’elle doit payer la redevance prévue en application des articles L. 214-1 et L. 214-4, précités. Elle ne conteste pas n’avoir rien payé à ce titre.
28. Toutefois, la Spré ne justifie pas les montants qu’elle réclame et qui sont seulement fondés sur des notes de débits (sa pièce 4.2) mentionnant des sommes dont la détermination n’est pas précisée.
29. Le barème instauré par les décisions précitées de la commission prévue par l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle prévoit une redevance annuelle de 627 euros pour les établissements parisiens ayant un nombre de places assises compris entre 31 et 60, comme celui de la société 3 Francs 6 sous.
30. L’article 9 de la décision du 5 janvier 2010 prévoit que les forfaits « sont indexés suivant les pratiques et usages en matière de droit d’auteur » mais la Spré n’apporte aucune explication ni justification sur l’indexation qu’elle a appliquée. Il faut donc retenir le seul montant démontré, qui est le forfait prévu par la décision.
31. La Spré explique simplement par ailleurs avoir appliqué un abattement de 5% « lorsque la sarl 3 Francs 6 sous a déclaré et justifié d’une adhésion syndicale à l’UMIH », ce dont elle ne conteste pas la réalité pour chaque année en cause.
32. La TVA applicable est, selon les notes de débits, non contestées sur ce point, de 10% sur une moitié de l’assiette et de 20% sur l’autre.
33. La période de redevances invoquée court jusqu’au 31 décembre 2021. Il ressort également des notes de débit que la Spré a émis des avoirs pour la période du 12 mars au 14 juin 2020 inclus (au prorata du montant annuel) au titre de la fermeture imposées aux établissement en raison de l’épidémie de covid.
34. Enfin, la Spré applique spontanément la prescription à sa créance pour la période antérieure au mois de mars 2017. Cette date ne correspond pas à une application correcte de la règle de prescription (la demande en justice relative aux redevances n’a été faite qu’au jour des conclusions qui les ont invoquées au soutien de la compensation, donc postérieurement à l’assignation de la demanderesse au principal en mars 2017, outre que les notes de débit montrent que ces redevances sont exigibles annuellement dès le mois de janvier, de sorte qu’il ne peut leur être appliqué postérieurement un découpage mensuel) mais la société 3 Francs 6 sous ne l’a pas contestée et n’a pas soulevé elle-même la prescription.
35. Dans ce cadre, le montant de la redevance est de 522,50 euros HT pour 2017 (mars à décembre inclus conformément à la prescription proposée par la Spré, soit 5/6 du montant annuel), 627 euros pour chacune des 4 années suivantes, moins 162,75 euros au titre de l’avoir pour le confinement en 2020 (prorata de 95 jours sur 366 appliqués au taux annuel), soit, avec l’abattement de 5%, 2 724,37 euros HT et 3 133,02 euros TTC (dont 272,44 euros de TVA à 20% et 136,22 euros de TVA à 10%).
Compensation et intérêts
36. L’article 1347 du code civil prévoit que la compensation, qui est l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes, s’opère, sous réserve d’être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies, c’est-à-dire, en vertu de l’article 1347-1, si les obligations réciproques sont fongibles, certaines, liquides et exigibles.
37. Les créances réciproques établies aux points qui précèdent sont fongibles, certaines, liquides et exigibles ; elles se compensent donc, de sorte que la Spré doit 5 648,75 euros (8 781,77 – 3 133,02) à la société 3 Francs 6 sous.
38. En application de l’article 1352-7 du code civil, celui qui a reçu de bonne foi une somme d’argent qu’il doit restituer ne doit les intérêts au taux légal qu’à compter du jour de la demande en restitution. La société 3 Francs 6 sous les fait ainsi démarrer au jour de l’assignation. Les conditions de la compensation étant réunies avant la date de l’assignation dès lors qu’elle porte sur une créance de redevances arrêtée au 31 décembre 2021 et exigible dès janvier 2021, les intérêts ne doivent porter que sur le solde restant dû après compensation, soit 5 648,75 euros.
39. La Spré démontre avoir adressé le 12 janvier 2023 à la société 3 Francs 6 sous une lettre recommandée avec avis de réception, reçue le 13, dont elle communique une copie montrant un chèque de 5 263,98 euros (somme résultant de la compensation selon la Spré) à l’ordre de la société 3 Francs 6 sous. Celle-ci ne conteste pas avoir bien reçu ce chèque, qu’elle mentionne même dans ses conclusions (p. 10). Il n’est pas allégué que l’encaissement de ce chèque ait rencontré un obstacle. Ainsi, la Spré justifie avoir payé 5 263,98 euros le 13 janvier 2023.
40. Les intérêts au taux légal avant le paiement du 13 janvier 2023 ont donc couru du 9 mars 2022 au 13 janvier 2023 soit pendant 114 jours à 0,76% (1er semestre 2022), 184 jours à 0,77% (2e semestre 2022) et 12 jours à 2,06% (1er semestre 2023) et s’élèvent ainsi à 39,16 euros.
41. Le solde restant dû après cette date s’élève à 5 648,75 + 39,16 – 5 263,98 (étant rappelé qu’en application de l’article 1343-1 du code civil, le paiement partiel s’impute d’abord sur les intérêts), soit 423,93 euros. Cette somme produit intérêt depuis le 13 janvier 2023, soit, au jour du présent jugement (169 jours à 2,06%, 184 jours à 4,22% et 88 jours en 2024, année bissextile, à 5,07%), 18,23 euros.
42. Par conséquent, la Spré doit être condamnée à payer le solde restant dû augmenté des intérêts au taux légal ayant couru jusqu’au jour du jugement, c’est-à-dire 423,93 + 18,23 = 442,16 euros.
II . Demande indemnitaire
43. Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
44. La Spré, qui n’allègue pas que les courriers de la société 3 Francs 6 sous lui aient été adressés d’une façon contraire à un procédé conventionnellement convenu ni, plus généralement, d’une façon peu rigoureuse ou contraire aux usages, pouvant expliquer que les employés compétents n’ait pas pu en prendre utilement connaissance, ne conteste pas n’y avoir donné aucune réponse jusqu’à ce que la Sacem, par ailleurs, prenne une décision.
45. Elle n’a ainsi donné aucune suite entre 2016 et 2021, soit pendant 5 ans, malgré l’envoi de plusieurs courriers posant la même question, à l’interrogation légitime de la demanderesse sur une augmentation brutale et inexpliquée de la redevance exigée (passant de 44 euros en juin 2014 à 363 euros à partir du mois suivant). Ce seul fait, indépendamment des « indices » que pouvait détenir la Spré par ailleurs, témoigne a minima d’une désinvolture ou d’une désorganisation fautive, excédant les erreurs compréhensibles inhérentes à la gestion de masse de multiples comptes générant de faibles revenus (d’autant qu’à plus de 4 000 euros par an, il ne s’agit plus de faibles revenus à compter de cette période).
46. S’agissant en particulier des indices invoqués par la Spré pour justifier la facturation en tant que bar ou restaurant à ambiance musicale, le tribunal observe que le Kbis, qui vise plusieurs activités potentielles, n’est pas une preuve de l’activité réelle ; que l’heure de fermeture (2h du matin en l’espèce) est un élément qui peut certes en corroborer d’autres mais reste particulièrement faible en soi ; que si quelques clients vantent la musique du lieu, il peut s’agir d’une sonorisation de qualité sans faire de ce lieu un établissement où ladite musique est une composante essentielle de l’activité ; enfin que le procès-verbal de l’agent assermenté du 31 mai 2011 (pièce Spré 2.1) ne constate objectivement que la présence d’un matériel de sonorisation et de 3 téléviseurs (diffusant à ce moment-là une compétition sportive et non des phonogrammes) sans permettre aucune analyse concrète de la réalité de l’activité, et ce d’autant moins que son commentaire montre que sa conclusion, à savoir que l’établissement diffuse de la musique « attractive », se fonde en réalité essentiellement sur des éléments externes indépendants de la réalité de la situation constatée : le fait que l’établissement fait déjà l’objet d’une redevance en tant que bar ou restaurant à ambiance musicale, l’heure de fermeture et la déclaration du « responsable bar » selon lequel l’établissement est un bar à ambiance musicale chaque soir, sans que l’on puisse mesurer la portée que ce préposé est en mesure de donner à cette affirmation, outre que celle-ci est trop peu précise pour en tirer une conséquence utile).
47. Ainsi, si ces éléments permettaient évidemment à la Spré de ne pas remettre en cause d’office la qualification de bar ou restaurant à ambiance musicale, ils ne démontrent pas que la musique est une composante essentielle de l’activité de cet établissement et ils étaient en toute hypothèse très loin de justifier le refus de répondre à l’interrogation légitime et répétée d’un redevable manifestement confus sur sa situation.
48. Néanmoins, la société 3 Francs 6 sous n’explicite pas le préjudice causé par cette faute.
49. Par conséquent, faute de preuve du préjudice allégué, sa demande est rejetée.
III . Dispositions finales
50. Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. L’article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu’il détermine, en tenant compte de l’équité et de la situation économique de cette partie.
51. La Spre perd le procès mais seulement dans la mesure où le montant qu’elle doit excède très légèrement le montant qu’elle a déjà payé. Ce n’est toutefois que parce qu’elle a été assignée qu’elle s’est exécutée, et ce fait justifie qu’elle soit entièrement tenue aux dépens et doive indemniser en partie la demanderesse de ses frais, ce qui peut être fixé, en équité, à 1 500 euros.
52. L’exécution provisoire est de droit et rien ne justifie de l’écarter ici.
Le tribunal :
Condamne la Spré à payer 442,16 euros à la société 3 Francs 6 sous, après compensation entre la créance de restitution de celle-ci au titre des redevances indument payées pour l’activité de bar ou restaurant à ambiance musicale et la créance réciproque de la Spré au titre des redevances dues jusqu’au 31 décembre 2021 pour l’activité de café ou restaurant sonorisé, et déduction faite du paiement de 5 263,98 euros du 13 janvier 2023 par la Spré ;
Rejette la demande de la société 3 Francs 6 sous en dommages et intérêts ;
Condamne la Spré aux dépens ainsi qu’à payer 1 500 euros à la société 3 Francs 6 sous au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 29 Mars 2024
Le GreffierLa Présidente
Quentin CURABET Irène BENAC