Reddition des comptes : décision du 4 janvier 2024 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/01313

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Reddition des comptes : décision du 4 janvier 2024 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/01313
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

2ème CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 04 JANVIER 2024

N° RG 20/01313 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LP7O

S.C.P. LGA

c/

S.C.I. GAMAX

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 21 janvier 2020 par le Tribunal judiciaire de PERIGUEUX (RG : 18/00691) suivant déclaration d’appel du 03 mars 2020

APPELANTE :

S.C.P. LGA es qualité de mandataire liquidateur de la société V2I CONCEPTION,

S.A.S au capital de 40 000.00 €, immatriculée au RCS de PERIGUEUX sous le n° 350 912 580, dont le siège social est [Adresse 1], prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Frédérique POHU PANIER, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉE :

S.C.I. GAMAX

Agissant en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siége

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 novembre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Jacques BOUDY

Conseiller : Monsieur Rémi FIGEROU

Conseiller : Madame Christine DEFOY

Greffier : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Suivant marché de travaux privés en date du 17 février 2014, la société V21 Conception, assurée auprès de la société AXA France Iard, s’est engagée à réaliser pour le compte de la société civile immobilière (SCI) Gamax la construction d’un bâtiment tertiaire d’une surface de 916 m², sur un terrain situé au numéro 76 de la route de Lyon à Boulazac (Dordogne), moyennant un prix forfaitaire de 1 512 000 euros.

Quatre devis complémentaires ont été signés portant le montant total des travaux à la somme de 1 536 218,5 eurosTTC.

Différents marchés de sous-traitance ont été conclus par la société V21 Conception pour assurer la réalisation de l’opération immobilière.

Par ailleurs et en vertu de six devis établis par la société V21 Conception entre le 15 janvier et le 02 février 2015, différents travaux d’aménagement devaient être réalisés pour le compte de la S.A.R.L. Audition Langlet, locataire de la SCI Gamax. D’autres travaux d’aménagement devaient être réalisés pour le compte de la société Fidal, également locataire de la SCI Gamax.

Par jugement rendu le 23 juin 2015, le tribunal de commerce de Périgueux a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société V21 Conception.

Compte tenu d’un retard pris sur le chantier par suite du défaut de paiement d’un certain nombre d’entreprises sous-traitantes, un protocole d’accord prévoyant notamment le paiement direct des dites entreprises par le maître de l’ouvrage a été signé les 10 et 13 juillet 2015 entre les sociétés Gamax, Langlet et V21 Conception. La société V21 Conception s’engageait notamment à achever les travaux pour le 31 juillet 2015.

Entre le 06 et le 15 juillet 2015, des délégations de paiement ont été signées, permettant le paiement des entreprises sous-traitantes par la société, maître de l’ouvrage.

Un procès-verbal de réception assorti de réserves a été signé le 30 juillet 2015.

A l’initiative de la SCI Gamax qui indiquait avoir constaté des inachèvements et se plaignait de l’existence de désordres, une expertise amiable contradictoire a été confiée à la S.A.R.L. CEC Aquitaine, représentée par M. [H] [N], qui a déposé un rapport le 3 décembre 2015.

Par la suite, la SCI Gamax a sollicité et obtenu la désignation d’un expert judiciaire en la personne de Mme [G] [P], suivant une ordonnance de référé rendu le 12 mai 2016 rendue par le président du tribunal de grande instance de Périgueux.

Mme [P] a déposé son rapport le 6 décembre 2016.

Entre-temps, et par jugement rendu le 4 octobre 2016, le tribunal de commerce de Périgueux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société V21 Conception et a désigné la SCP Pimouguet-[J]-Devos Bot, prise en la personne de Maître [J], en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 14 décembre 2016, le conseil de la SCI Gamax a déclaré pour le compte de sa cliente une créance d’un montant de 147 800 euros.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 15 mai 2017, le liquidateur judiciaire a informé l’avocat de la SCI Gamax d’une contestation de la totalité de sa créance, joignant en annexe un courrier explicatif du conseil de la société V21 Conception.

Suivant une lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 16 juin 2017, l’avocat de la SCI Gamax a informé le liquidateur judiciaire du maintien de sa créance.

La contestation a été soumise au juge commissaire du tribunal de commerce de Périgueux qui, par ordonnance rendue le 1er février 2018, s’est déclaré incompétent, renvoyant les parties à mieux se pourvoir et invitant la SCI Gamax à saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision.

Suivant exploit d’huissier du 6 avril 2018, la SCI Gamax a fait assigner la SCP Pimouguet-[J]-Devos Bot prise en la personne de Maître [C] [J], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société par actions simplifiée V21 Conception, devant le tribunal de grande instance de Périgueux, afin d’obtenir sa condamnation, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, à verser une indemnisation au titre de son préjudice locatif et celui lié au travaux d’achèvement.

Par jugement rendu le 21 janvier 2020, le tribunal de grande instance de Périgueux a : – dit que la société V21 Conception avait engagé sa responsabilité contractuelle envers la SCI Gamax et qu’elle était à ce titre responsable des désordres et des inachèvements affectant l’immeuble, tels que listés en pages 4 et 5 du rapport d’expertise judiciaire de Mme [G] [P] du 6 décembre 2016 ;

– fixé comme suit la créance de la SCI Gamax au passif de la liquidation judiciaire de la société V21 Conception :

– 10 000 euros au titre de la perte de chance de percevoir des loyers ;

– 76 000 euros HT, outre la TVA applicable, au jour du présent jugement, au titre des travaux d’achèvement nécessaires ;

– débouté la SCI Gamax du surplus de ses demandes ;

– condamné la SCP Pimouguet-[J]-Devos Bot, prise en la personne de Me [C] [J], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société V21 Conception, au paiement :

– à la SCI Gamax la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– des dépens de l’instance.

Par déclaration électronique du 03 mars 2020, enregistrée sous le n° RG 20/01313, la SCP LGA, anciennement dénommée SCP Pimouguet-[J]-Devos Bot, es qualités de mandataire liquidateur de la société V21 Conception, a relevé appel de l’ensemble de cette décision et a intimé la SCI Gamax.

La SCP LGA, es qualités de mandataire liquidateur de la société V21 Conception, dans ses dernières conclusions d’appelante en date du 29 octobre 2020 réclame l’entière réformation du jugement attaqué demande à la cour, au visa de l’article 1147 ancien du code civil : – de constater que la SCI Gamax a engagé sa propre responsabilité en ne réglant pas par délégation de paiement les factures, postérieures à la sauvegarde et correspondant aux travaux effectués en juillet 2015, conduisant les entreprises sous-traitantes à ne pas terminer les travaux,

– d’ordonner un partage de responsabilité entre la société V21 Conception (75%) et la SCI Gamax (25%),

– de fixer la créance de la SCI Gamax à la liquidation judiciaire de la société V21 Conception au titre des travaux d’achèvement nécessaires à la somme de 30 225 euros

– de débouter la SCI Gamax du surplus de ses demandes et demandes incidentes,

– de condamner la SCI Gamax au paiement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens.

La SCI Gamax, dans ses dernières conclusions d’intimée du 19 août 2020, demande à la cour, au visa de l’article 1147 (ancien) du code civil, de :

– déclarer mal fondé l’appel interjeté par la SCP LGA, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS V21 Conception,

– débouter la SCP LGA, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS V21 Conception de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– dire et juger que la SAS V21 Conception a commis des fautes engageant sa responsabilité contractuelle à son égard, lui causant un préjudice locatif et un préjudice résultant des travaux d’achèvement nécessaires,

– confirmer la décision dont appel, sauf en ce qu’elle a limité les préjudices subis,

Et statuant à nouveau, sur l’appel incident :

– fixer sa créance à la procédure de liquidation judiciaire de la SAS V21 Conception à hauteur de :

– 56 600 euros au titre de son préjudice locatif,

– 91 200 euros au titre de son préjudice résultant des travaux d’achèvement nécessaires,

– et dire que ces sommes seront admises au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la SAS V21 Conception,

– condamner la SCP LGA, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS V21 Conception au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens, en ce compris les frais éventuels d’exécution, dont distraction pour ceux d’appel au profit de la SCP Taillard, avocat, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 mars 2023.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité de la société V21 Conception

Le tribunal a retenu l’application de la responsabilité contractuelle de la société V21 Conception pour les désordres constatés en page 4 et 5 du rapport d’expertise judiciaire, au motif qu’il ressortait de ce document que :

– l’ensemble des désordres et dysfonctionnement, qui ont fait l’objet de réserves, étaient apparents à la réception,

– le retard de paiement des entreprises sous-traitantes lui est imputable car celle-ci, avant que des délégations de paiement ne soient envisagées, n’a pas payé ses sous-traitants dans les temps ainsi que cela découle du protocole d’accord du 10 juillet 2015 et du procès-verbal de constat d’huissier de Me [V] des 18 et 22 juin 2015.

Le tribunal a également considéré que le fait que l’expert judiciaire ait mis en relief dans le cadre de la mission d’apurement de comptes qui lui était confiée, l’existence d’un solde restant dû par la SCI Gamax d’un montant de 57 000 euros, déterminé par la différence arithmétique entre le montant des délégations de paiement et celui de la reprise des réserves et inachèvements constatés au mois de juillet 2016, ne saurait permettre au liquidateur judiciaire de contester utilement la responsabilité de la société V21 Conception qui a éludé son obligation au paiement de ses sous-traitants à hauteur d’une somme évaluée par l’expert judiciaire à environ 481 000 euros HT et qui a failli à son obligation de résultat de livrer un ouvrage exempt de vices’.

Enfin, le tribunal a relevé que s’il résulte du protocole d’accord du 10 juillet 2015 que le maître de l’ouvrage paie directement les sous-traitants grâce à des délégations de paiement, il n’était pas justifié que les situations de travaux, factures et bons à payer aient été transmis à la SCI Gamax.

La SCP LGA, en qualités de mandataire liquidateur de la société V21 Conception, critique le jugement déféré en ce qu’il a retenu la responsabilité de cette dernière. Elle soutient en substance que sa responsabilité doit être partagée avec celle de la SCI Gamax en ce :

– qu’il ressort du rapport d’expertise que seuls les désordres suivants peuvent être retenus : Chanfrein des bordures de parking si ressaut sup à 2 cm ; achèvement de l’isolement des cabines audio (vitrage) ; remplacement de la commande radio de la climatisation du rez-de-chaussée,

– que ces désordres ne compromettaient pas l’immeuble dans sa destination,

– que néanmoins, les inachèvements constatés lors de la réception avec réserve du 31 juillet 2015 sont pour partie la conséquence du refus de la SCI Gamax de régler les factures (à hauteur de 57 000 euros) émises postérieurement au placement sous sauvegarde de la société V21 Conception, refus qui a conduit les entreprises à ne pas revenir sur le chantier après le 31 juillet 2015 et qui ont donc laissé le chantier inachevé alors qu’elles s’étaient engagées à revenir finir les travaux à condition toutefois d’être payées,

– que la SCI Gamax s’était pourtant engagée à payer les entreprises sous-traitantes, en signant les délégations de paiement les 6 et 15 juillet 2015,

– que la SCI Gamax n’avait aucun motif légitime pour refuser de procéder au règlement des factures des entreprises sous-traitantes qui avaient accepté de reprendre les travaux uniquement sous cette condition. Ne respectant pas ses engagements pris, elle a conduit les entreprises à refuser de continuer de travailler sur le chantier,

– que, par ailleurs, la société V21 Conception ne pouvait pas procéder au règlement des factures antérieures des entreprises du fait de son placement sous sauvegarde, puis sous liquidation judiciaire, ni des factures postérieures du fait des délégations de paiement,

– qu’au contraire de ce que prétend la SCI Gamax, la société V21 Conception n’a pas fait un usage détourné des versements effectués ; qu’en réalité, toutes les situations n’étaient pas exigibles à la date de la sauvegarde.

Elle en conclut dès lors que la SCI Gamax avait elle-même engagé sa propre responsabilité à concurrence de 25 %.

En réponse, la SCI Gamax fait notamment valoir :

– qu’elle n’avait pas à régler les sous-traitants dans la mesure où les travaux n’étaient pas achevés alors que les règlements devaient intervenir après achèvement,

– que les entreprises sous-traitantes n’avaient pas fourni de factures détaillant les travaux et que les situations des sous-traitants ne revêtaient pas la signature de la société V21 Conception.

Elle sollicite dès lors la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu l’entière responsabilité de la société V21 Conception.

Les désordres objet des deux expertises ont été révélés avant la réception de l’ouvrage et relèvent ainsi de la responsabilité contractuelle du constructeur.

L’article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, soit celle en vigueur avant l’ordonnance du 10 février 2016 dispose : « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

En l’espèce l’expertise amiable, puis l’expertise judiciaire ont démontré de multiples inachèvements.

Notamment, lors d’une réunion en date du 5 juillet 2016, Mme [P], expert judiciaire a établi le constat suivant « le chantier est arrêté, le second ‘uvre du R + 2 reste en partie à réaliser, il y a des inachèvements dans la cage d’escalier »

En page 4 et 5 de son rapport elle a par ailleurs dressé la liste des désordres lesquels étaient divers et concernaient beaucoup d’entreprises intervenantes en sous-traitance.

A l’issue de ses constatations l’expert judiciaire a considéré que pour achever les travaux commandés par le maitre de l’ouvrage il était nécessaire de dépenser une somme de 76 000 euros HT et que la société V21 conception était débitrice au regard de ses obligations contractuelles de la somme de 481 000 euros HT.

L’expert n’a pas évalué le préjudice locatif de la SCI Gamax.

Si l’appelante oppose pour sa défense qu’elle ne serait pas responsable des désordres et des inachèvements dans la mesure où le maitre de l’ouvrage n’aurait pas respecté les délégations de paiement qui avaient été signées au profit des sous-traitants, lesquels faute des paiements attendus auraient cessé leurs prestations, la cour observe d’une part qu’au jour de la signature du protocole d’accord signé le 10 juillet 2015 il était acté que « les entreprises sous-traitantes ne sont pas payées d’un certain nombre de leur situation antérieure, notamment celle des mois de mai et juin 2015. Or dans l’intervalle, la société V 21 conception a été admises, sur sa demande, au bénéfice d’une procédure de sauvegarde ouverte par jugement du tribunal de commerce de Périgueux du 23 juin 2015. Pour mener à bien les travaux d’achèvement, les entreprises sous-traitantes demandent des garanties de paiements desdits travaux, sous forme de paiement direct par le maître d’ouvrage via des délégations de paiement. De son côté le maître d’ouvrage souhaite obtenir la garantie que la différence entre les sommes restant dues par le maître d’ouvrage au titre du marché de base et des devis de travaux supplémentaires, et le montant des travaux d’achèvement du bâtiment, sera couverte par la société V 21 conception’. »

Or, l’appelante ne démontre pas que la société V 21 conception ait couvert les travaux déjà exécutés, ainsi qu’elle s’y était expressément engagée, alors qu’en outre ainsi que le premier juge l’avait justement relevé au 7 mai 2015 la SCI Gamax avait d’ores et déjà payé à la société V 21 conception la somme de 1 415 380, 59 euros et au jour de son placement sous le bénéfice de la sauvegarde, la société V21 conception bénéficiait de comptes bancaires créditeurs de 581 717,94 euros si bien qu’elle était en mesure de régler tous les sous-traitants de sorte que le protocole d’accord du 10 juillet 2015 puisse recevoir son plein et entier effet.

La décision de ne pas régler les sous-traitants de la part de l’entreprise générale était d’autant plus grave qu’elle n’ignorait pas que les sous-traitants avaient clairement signifié qu’ils ne reprendraient pas le travail si leurs situations antérieures n’étaient pas réglées alors que la société V 21 conception disposait des moyens de satisfaire leurs attentes et qu’elle s’y était engagée le 10 juillet 2015.

L’appelante ne peut sérieusement se retrancher derrière sa situation de placement en procédure de sauvegarde alors que la société V 21 conception pouvait fort bien se faire autoriser à régler des dettes qui relevaient directement du bon déroulement de la procédure.

L’appelante ne peut davantage considérer que le maitre de l’ouvrage n’aurait pas lui-même observé ses propres obligations puisque l’expert judiciaire a relevé qu’après reddition des comptes entre les parties la SCI Gamax restait devoir la somme de 57 000 euros alors que cette dette n’était que théorique et n’était due que sous réserve de l’exécution totale du marché.

L’appelante ne peut enfin soutenir que le maitre de l’ouvrage serait responsable de ne pas avoir réglé les sous-traitants ainsi qu’il s’y était engagé dans le cadre des délégations de paiements, alors que ceux-ci ne pouvaient être honorés qu’à partir du moment où les sous-traitants adressaient au maitre de l’ouvrage une situation de travaux assortie d’un « bon à payer » porté par la société V 21 conception, or cette dernière ne communique aucune situation régulière qui aurait été adressée au maitre de l’ouvrage et qu’il n’aurait pas réglée.

En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a jugé la société V 21 conception responsable des désordres et des inachèvements recensés en pages 4 et 5 du rapport d’expertise judiciaire.

Sur les préjudices subis par la SCI Gamax

– Sur le préjudice locatif

Le tribunal a considéré que le point de départ de la perte locative devait être fixé au 12 mars 2015 ainsi que cela découle de l’ordre de service de démarrage des travaux signé par les deux parties précisant ‘le délai contractuel sera décompté à partir de cette date’, de sorte que par application du marché signé le 17 février 2014 portant la mention selon laquelle le délai d’exécution des travaux est de ‘six mois et demi à compter du début des travaux’, le délai d’exécution pour l’achèvement des travaux arrivait à son terme le 12 mars 2015.

Le premier juge a par ailleurs considéré que la perte de chance de louer dès le mois de mars 2015 les locaux situés au niveau R+2 du bâtiment pouvait raisonnablement être réparée par l’allocation d’une indemnité d’un montant de 10 000 euros.

La SCI Gamax forme un appel incident sur ce point et sollicite l’octroi d’une somme de 56 600 euros au titre de son préjudice locatif en faisant notamment valoir que les travaux ont débuté le 25 août 2014, ce qui porte la date contractuelle d’achèvement des travaux à la fin du mois de février 2015 et le loyer pour les locaux R+1 s’élèvait à environ 10 euros/m², soit un manque à gagner locatif de 42 600 euros (10 euros x 213 m² = 2 130 euros puis 2 130 euros x 20 mois = 42 600 euros). La SCI Gamax y ajoute la perte de loyers pour le bureau et le studio, dont les loyers ont été respectivement évalués à hauteur de 400 euros et 300 euros, soit 400 x 20 mois = 8 000 euros + 300 x 20 mois = 6 000 euros.

La SCP LGA fait au contraire valoir, demandant également la réformation du jugement attaqué sur ce point, que le planning signé par les parties annexé au marché de travaux mentionne un commencement des travaux mi-novembre 2014 et l’achèvement des travaux 6 mois et demi plus tard soit au 31 mai 2015 alors qu’en outre un protocole d’accord a été conclu en prévoyant une livraison de l’immeuble au plus tard le 31 juillet 2015, délai qui a été respecté par la société V21 Conception.

De plus la société Gamax n’avait pas de locataire susceptible de prendre les locaux ni en février 2015, ni à l’été 2015, de sorte qu’elle n’a jamais eu à refuser un bail.

En outre, tous les locataires, que la SCI Gamax a trouvés, ont pu entrer dans les lieux conformément à ce qui était convenu au 31 juillet 2015 et la SCI Gamax ne justifie d’aucune recherche de locataire pour les locaux inoccupés.

De plus, les travaux qui restaient à effectuer étaient des travaux d’aménagements intérieurs et que dans le cadre de l’expertise, l’expert a relevé que l’immeuble était achevé à 96 %.

Par ailleurs, la SCI Gamax ne peut pas solliciter un préjudice locatif à la fois pour les locaux du R+2 et pour le studio et le bureau, alors même que le studio et le bureau devaient être aménagés sur le plateau du R+2.

Le point de départ du préjudice locatif doit être déterminé par le commun accord des parties avant les retards et désordres dont la société V 21 conception a été reconnue responsable. En effet le prévisionnel sur lequel pouvait s’appuyer le maitre de l’ouvrage était nécessairement exempt de ces retards et de ces désordres.

Par ailleurs, le protocole d’accord qui a par la suite été signé par les parties n’a pas remis en cause ce calendrier

En conséquence, le marché qui a été signé le 17 février 2014 prévoyait un délai d’exécution de six mois et demi, et le planning annexé prévoyait un commencement des travaux au 15 novembre 2014.

Toutefois, l’ordre de service contractuel de démarrage des travaux a expressément indiqué que le délai contractuel serait décompté à partir du 25 août 2014 si bien que le tribunal a justement calculé que le délai d’exécution des travaux s’achevait le 12 mars 2015.

La SCI Gamax verse au débat un certain nombre de correspondances démontrant qu’en septembre 2015 elle avait dû refuser un certain nombre de candidats à la location, en raison de l’inachèvement des travaux si bien que l’on doit considérer que son préjudice locatif a débuté à cette date ( cf. : ses pièces n°14)

L’impossibilité de louer les locaux est encore démontré par le procès-verbal de constat dressé par Me [V] le 7 août 2015 ( cf : sa pièce n° 21)

L’expert judiciaire a par ailleurs relevé que la rentabilité locative devait être de l’ordre de 6%.

En outre, ainsi que le relève l’appelante le niveau R + 2 représentait une surface de 283,36 m² à laquelle il n’y a pas lieu d’ajouter la perte locative d’un bureau et d’un studio qui sont d’ores et déjà compris dans une telle surface.

Sous le bénéfice de ces considérations le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a jugé que la SCI Gamax avait perdu une chance de louer dès le mois de mars 2015 les locaux situés au niveau R + 2 du bâtiment et que son préjudice pouvait être raisonnablement être réparé par l’allocation d’une indemnité d’un montant de 10 000 euros.

– Sur le montant des travaux d’achèvement

Le tribunal a considéré qu’aucun élément objectif ne permettait de remettre utilement en cause l’analyse effectuée par l’expert judiciaire aux termes de laquelle la créance de la société Gamax au titre des travaux d’achèvement nécessaires s’élevait à la somme de 76 000 euros HT.

La SCI Gamax forme un appel incident sur ce point et sollicite l’octroi d’une somme de 91 200 euros au titre de son préjudice lié aux travaux d’achèvement en faisant notamment valoir que l’expert judiciaire retient sur les comptes entre la SCI Gamax et la société V2I un écart qui lui est préjudiciable. Cette somme correspond à l’investissement complémentaire indispensable par rapport au budget initial que la société concluante doit engager pour achever l’opération. Ce montant doit être majoré de la TVA de 20%. Soit : 76 000 x 20% = 15 200 euros puis 76 000 + 15 200 = 91 200 euros.

Pour sa part La SCP LGA sollicite également la réformation du jugement sur ce point. Elle fait notamment valoir que les travaux de finition concernant le bureau et le studio en R +2 ne concernent pas l’intimée, mais son locataire : l’EURL Langlet. Elle fait également valoir des erreurs de calcul commises par l’expert et reprises par le tribunal.

A titre liminaire, il convient de rectifier une erreur de calcul commise par l’expert judiciaire au titre de l’inachèvement du marché de la société SNPTP. En effet en comparaison du marché de celle-ci et des postes inachevés soit le claustra du local poubelle pour un montant 850 euros HT, la clôture pour un montant de 13 384,20 euros HT et 20 ml de marquage au sol soit 50 euros HT (20 ml x 2,50 €), la valeur des inachèvements relatifs au marché SNPTP s’élève à la somme de 14 284,20 euros HT et non à celle de 15 287,50 euros HT.

En conséquence, le montant des travaux à achever s’élève à la somme de 74 996,70 euros HT.

En ce qui concerne le reste des travaux inachevés, le premier juge a parfaitement analysé les relations contractuelles entre la société V 21 conception et la SCI Gamax d’une part, et la SARL Langlet d’autre part, pour constater que le compte établi par l’expert ne concernait que le marché intéressant l’intimée, et que le régime de l’auto-liquidation de la TVA n’avait pas à s’appliquer dans les cas de marchés directs.

En conséquence, le jugement sera confirmé sauf à fixer la créance de la SCI Gamax à la somme de 74 287,50 euros le montant des travaux inachevés.

Sur les dépens et sur les frais non compris dans les dépens

La SCP LGA ès qualité de liquidateur de la SAS V21 conception succombant pour l’essentiel en son appel sera condamnée aux dépens d’appel et à payer à la SCI Gamax la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 21 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Périgueux sauf en ce qu’il a fixé à la somme de 76 000 euros HT outre la TVA applicable le montant des travaux d’achèvement des travaux, et statuant à nouveau de ce seul chef :

Fixe la créance de la SCI Gamax au passif de la liquidation judiciaire de la société V 21 conception à la somme de 74 287,50 euros outre la TVA applicable au jour du présent arrêt, le montant des travaux d’achèvement nécessaires,

Y ajoutant :

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne le SCP LGA prise en la personne de Me [C] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société V 21 conception à payer à la SCI Gamax la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés par elle devant la cour d’appel non compris dans les dépens,

Condamne le SCP LGA prise en la personne de Me [C] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société V 21 conception aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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