REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 31 JANVIER 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/11337 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD4HT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juin 2021 -Tribunal de Commerce de Paris RG n° 2019047822

APPELANTS

Monsieur [Z] [K]

[Adresse 3]

[Localité 6]

S.A.R.L. AMENAGE.FR

[Adresse 2]

[Localité 5]

N° SIRET : 532 239 779

Représentés par Me Raja MOKADDEM, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

S.A. BNP PARIBAS FACTOR

[Adresse 1]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : B 775 675 069

Représentée par Me Lucas DREYFUS de la SELARL DREYFUS FONTANA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0139 avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 Novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Marc BAILLY, Président de chambre

M. Vincent BRAUD, Président

MME Laurence CHAINTRON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Mélanie THOMAS, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

Le 5 juillet 2016, la société Bnp PARIBAS Factor a conclu un contrat d’affacturage avec la société Amenage.fr et le même jour, le gérant de cette dernière, M. [Z] [K], s’est porté caution solidaire des obligations issue de ce contrat dans la limite de la somme de 30 000 euros pour une durée de trois ans.

La société Bnp PARIBAS Factor a résilié, sans préavis, le contrat d’affacturage par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 février 2019, après qu’elle avait notifié à la société Amenage.fr, au mois de janvier et février 2019, six avis de litige tenant à ce que les clients débiteurs de cette dernière lui avaient refusé des paiements en invoquant des paiements directs à la société Amenage.fr.

La société Bnp PARIBAS a mis en demeure la société Amenage.fr d’avoir à payer ces factures d’un montant total de 77 028,53 euros le 11 avril 2019 et M. [K] d’avoir à honorer son engagement de caution dans la limite de 30 000 euros le 25 avril 2019, infructueusement.

Par acte en date du 19 août 20219, la société Bnp PARIBAS Factor a assigné la société Amenage.fr et M. [K] en paiement devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement en date du 2 juin 2021, le tribunal de commerce de Paris a:

‘- Condamné solidairement la société AMENAGE.FR et Monsieur [K] en sa qualité de caution et dans la limite de 30.000 €, à payer à BNP PARIBAS FACTOR la somme de 67.688,93 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2019 pour la société AMENAGE.FR et à compter du 25 avril 2019 pour Monsieur [K],

– Condamné solidairement la société AMENAGE.FR et Monsieur [K] aux dépens (…) et à payer à BNP PARIBAS FACTOR la somme de 2 000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

– Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement’.

La société Amenage.fr et M. [V] [Z] [K] ont interjeté appel par déclaration au greffe en date du 17 juin 2021.

Par leurs dernières conclusions en date du 10 février 2022, la société Amenage.fr et M. [Z] [K] font valoir :

– que la société Amenage.fr conteste avoir des paiements directs de ses débiteurs qu’elle n’aurait pas restitués à l’affactureur alors que la charge de la preuve revient à ce dernier, que les courriers desdits débiteurs n’y suffisent pas d’autant que l’un d’entre eux affirme avoir payé alors que la société était radiée,

– qu’elle avait conclu un contrat dit de ‘full factoring’ selon lequel la société Bnp PARIBAS factor est subrogée dans ses droits à l’égard des débiteurs, ce qui l’oblige à agir en recouvrement contre eux à sa place, que l’article 6 du contrat fait obligation à l’affactureur de procéder, seul, au recouvrement, ce qu’elle n’a pas fait de sorte qu’il ne lui incombe pas de payer les factures impayées non recouvrées,

– que ces recouvrements auraient permis de connaître la situation des débiteurs et, éventuellement, de faire bénéficier la société Amenage.fr de la garantie d’insolvabilité des clients pour défaillance financière, d’autant que le fonds de garantie et de réserve, d’un montant de 29 240,14 euros, aurait pu permettre le remboursement des sommes,

– s’agissant de la caution de M. [K], qu’elle ne saurait être activée dès lors que la somme n’est pas due par la société Amenage.fr,

– que la société Bnp PARIBAS factor a fait preuve d’un manque de réponse à ses interrogations, que la suspension arbitraire du contrat l’a mis dans une situation difficile puisque ses débiteurs avaient pour instruction de payer directement l’affactureur, ce qui a occasionné un préjudice constitué des factures impayées à hauteur de la somme de 27 522 euros, de sorte qu’ils demandent à la cour de :

‘ – DECLARER la société AMENAGE.FR et à M..[Z] [K] recevables et bien fondés en l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

– REFORMER en toutes ses dispositions le jugement soumis à censure ;

Statuant à nouveau,

– DEBOUTER la société BNP PARIBAS Factor de l’intégralité de ses demandes ;

– CONDAMNER la société BNP PARIBAS Factor à verser à la société AMENAGE.FR la somme de 27.522 € en paiement des factures cédées, majorée des intérêts légaux à compter de la résiliation du contrat d’affacturage ;

– PRONONCER la capitalisation des dits intérêts ;

Subsidiairement,

– CONDAMNER la société BNP PARIBAS Factor à rembourser à la société AMENAGE.FR le fonds de garantie et de réserve constitué de la somme de 29.240,14 €

En tout état de cause,

– CONDAMNER la société BNP PARIBAS Factor aux entiers dépens en ce compris ceux de première instance, et frais éventuels d’exécution forcée,

– CONDAMNER la société BNP PARIBAS Factor à verser la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile’ ;

Par ses dernières conclusions en date du 7 novembre 2022, la société Bnp PARIBAS Factor poursuit la confirmation du jugement et la condamnation des appelants à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles en exposant que :

– que la somme dont le paiement est demandé est de 66 673,69 euros constituée de l’encours de factures impayées diminuée des factures à l’encaissement mais aussi du fonds de garantie et du fonds de réserve augmenté du compte courant débiteur,

– que s’agissant des paiements directs, elle ne peut qu’invoquer les réponses qui lui ont été faites par les débiteurs, son propre paiement n’étant pas allégué ni prouvé, que la résiliation du contrat d’affacturage peut être justifiée par ces paiements directs mais aussi par l’aggravation objective du risque ce que la multiplication de ces paiements directs établit,

– que la société Amenage.fr invoque la garantie des débiteurs insolvables figurant au contrat mais elle ne s’applique que lorsqu’il y a défaillance,

– que si elle a la faculté de recouvrer des créances, elle n’en a pas l’obligation, qu’en tout état de cause l’adhérent s’engage à lui restituer tout paiement direct reçu ce que la société Amenage.fr s’est abstenue de faire, de même qu’en cas de litige elle devait régler la somme avancée dans les trente jours et que les sommes pouvaient donc venir au débit du compte d’affacturage, sa demande étant ainsi justifiée,

– que le fonds de garantie a vocation à couvrir les sommes pouvant être dues par l’adhérent en cas de défaut, ce qui est bien survenu en l’espèce, la société ne pouvant faire utilement valoir qu’il aurait dû permettre le paiement des sommes si l’affactureur s’était assuré du recouvrement,

-que M. [K] ne conteste plus son obligation de caution au moyen d’une disproportion manifeste, les sommes étant incontestablement dues,

– que la demande de délai de paiement n’est pas justifiée par la bonne situation de trésorerie de la société adhérente ainsi qu’en témoigne la saisie attribution fructueuse opérée sur le fondement du jugement ;

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 8 novembre 2022 ;

MOTIFS

Le contrat d’affacturage liant les parties en date du 5 juillet 2016 dispose notamment :

– en son article 6.2 que ‘si certains acheteurs règlent directement entre les mains du Client le montant des créances dont la propriété a été transférée à BNP PARIBAS FACTOR, le Client est réputé recevoir ces règlements en qualité de mandataire BNP PARIBAS FACTOR. En conséquence le Client s’engage à restituer immédiatement lesdits montants à BNP PARIBAS FACTOR’,

– mais également en son article 6.3 relatif aux litiges que ‘BNP PARIBAS FACTOR s’avertiront dès lors que l’un d’entre eux aurait connaissance d’un refus ou d’une impossibilité de payer d’un acheteur pour un autre motif que son insolvabilité. Dès lors que le Client est avisé de ce litige ou non paiement, il s’engage à le régler dans un délai de trente jours, en obtenant le paiement des sommes dues à BNP PARIBAS factor dans les livres de cette dernière (…) Bnp PARIBAS factor peut débiter le compte d’affacturage du montant de ces créances ou prélever ce montant de toutes sommes dues au Client sans que les rémunérations déjà perçues ne soient remises en cause’.

Par lettres en date des 4 et 18 janvier ainsi que des 4, 13, 26 février et 8 mars 2019, l’affactureur a adressé des avis de litiges à la société Amenage.fr en lui exposant que chacun des débiteurs concernés – copies des lettres sollicitant auprès de ces derniers le paiement au profit de la société Bnp PARIBAS factor étant produites – lui avait fait part de ce qu’ils avaient procédé à un paiement direct à la société.

Or, il ressort des stipulations rapportées ci-dessus qu’indépendamment même de l’obligation de la société Amenage.fr de restituer les paiements qui lui sont directement faits au mépris de la subrogation dont l’affactureur bénéficie et qui est dénoncée aux cocontractants de la société cliente, la société Bnp PARIBAS factor est en droit de débiter le compte d’affacturage du montant des créances non réglées pour tout autre motif que l’insolvabilité, passé le délai de trente jours après l’avis de litige non réglé.

Si l’article 6.1 du contrat prévoit que c’est l’affactureur qui assume à ses frais les opérations d’encaissement et de recouvrement qu’il a qualité pour opérer et qu’il a seul qualité pour encaisser les sommes et poursuivre le recouvrement des créances qui lui ont été cédées, il n’en résulte pas, contrairement à ce que soutient la société Amenage.fr, que c’est à lui seul qu’incombe le recouvrement des créances qui sont impayées pour toute autre cause que l’insolvabilité dont le sort est précisément réglé par les dispositions rapportées ci-dessus qui fait, tout au contraire, obligation à la société Amenage.fr de régler le litige dans les trente jours de l’avis de litige sous peine en cas d’échec, de voir les sommes correspondantes aux factures impayées être imputées au débit du compte d’affacturage.

En débitant ce compte des sommes ayant fait l’objet d’un litige non résolu dans le délai de trente jours après l’avis de litige, la société Bnp PARIBAS factor a donc appliqué la clause conventionnelle.

La société Amenage.fr ne démontre pas que la garantie de l’insolvabilité de ses clients serait due par l’affactureur dès lors que l’article II des conditions générales renvoient, pour sa détermination aux conditions particulières qui sont muettes sur ce point et qu’en tout état de cause, leur défaillance financière, définie par l’article II de la convention comme le redressement ou la liquidation judiciaire dont elles auraient fait l’objet, n’est pas même alléguée.

La société Amenage.fr confond au demeurant l’éventuelle garantie d’insolvabilité de l’article II des conditions générales et la constitution d’un fonds de garantie et de réserve prévue à son article VII non pas pour garantir l’insolvabilité de ses cocontractants mais pour garantir ‘le remboursement des sommes dont le client pourrait devenir débiteur envers la Bnp PARIBAS factor’.

Il résulte du décompte produit par l’affactureur à l’appui de sa demande en paiement que, conformément aux dispositions de la convention sur la reddition des comptes, la somme constituée au titre du fonds de garantie de 28 457,99 euros et celle au titre du fonds de réserve de 782,15 euros ont été dûment soustraites des sommes dont le paiement est sollicité constitué du compte courant débiteur du compte d’affacturage,

de l’encours des factures non réglées encore diminué des factures à l’encaissement, de sorte que, contrairement à ce que soutient la société Amenage.fr, ces sommes sont effectivement venues en diminution de sa dette et que leur utilisation n’a pas été empêchée par l’affactureur.

En conséquence il y a lieu de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

L’affactureur a produit l’acte de cautionnement de M. [K] qui ne conteste pas ses obligations autrement que par les contestations de la dette de société débitrice principale, non accueillies, de sorte que le jugement doit encore être conformé en ce qu’il l’a condamné en qualité de caution.

La société Amenage.fr n’étaye pas en quoi l’affactureur se serait abstenu de répondre à ses demandes ou aurait été passif au long de la relation contractuelle alors qu’il résulte de ce qui précède qu’il a exécuté les clauses du contrat, de sorte qu’elle ne peut qu’être déboutée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre, aucun dommage n’étant au demeurant objectivé puisque celui allégué est constitué des factures impayées dont le montant a été avancé par la société Bnp PARIBAS factor avant de venir au débit du compte d’affacturage conformément aux stipulations du contrat.

En conséquence de ce qui précède, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à actualiser la dette de la société Amenage.fr qui n’est plus de 67 688,93 euros mais de 66 793,69 euros, de condamner la société Amenage.fr et M. [Z] [K] aux dépens ainsi qu’à payer à la société Bnp PARIBAS factor la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf du chef du quantum que la société Amenage.fr est condamnée à payer à la société Bnp PARIBAS factor fixée à celle de 66 673,69 euros ;

DÉBOUTE la société Amenage.fr et M. [Z] [K] de toutes leurs demandes ;

CONDAMNE la société Amenage.fr et M. [Z] [K] à payer à la société Bnp PARIBAS factor la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Amenage.fr et M. [Z] [K] aux dépens d’appel.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT