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LB/ND
Numéro 24/564
COUR D’APPEL DE PAU
2ème CH – Section 1
ARRET DU 15/02/2024
Dossier : N° RG 23/02270 – N° Portalis DBVV-V-B7H-ITS3
Nature affaire :
Appel contre des décisions statuant sur la clôture de la liquidation judiciaire
Affaire :
S.A.S. VERALTIS ASSET MANAGEMENT
C/
[T] [V] épouse [S]-[O]
. MINISTERE PUBLIC
S.E.L.A.R.L. EKIP’
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 15 février 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 20 Novembre 2023, devant :
Madame Laurence BAYLAUCQ, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame SAYOUS, Greffière présente à l’appel des causes,
Laurence BAYLAUCQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Joëlle GUIROY et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère faisant fonction de Présidente
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.S. VERALTIS ASSET MANAGEMENT
venant aux droits de la société NACC
immatriculée au RCS de Paris sous le n° 407 917 111, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 7]
[Localité 10]
Représentée par Me Christophe DUALE de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de Pau
INTIMES :
Madame [T] [V] veuve [S]-[O]
née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 14] (65)
de nationalité française
[Adresse 11]
[Localité 9]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C64445-2023-003763 du 30/08/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Pau)
Représentée par Me Camille LACAZE, avocat au barreau de Pau
MINISTERE PUBLIC
[Adresse 13]
[Localité 8]
S.E.L.A.R.L. EKIP’
immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 453 211 393, dont le siège social est situé [Adresse 2] [Localité 6], prise en la personne de Maître [H] [B], prise en son établissement secondaire de [Localité 14] situé [Adresse 5] ‘ [Localité 14],
agissant ès qualité de Liquidateur judiciaire de [T] [V] veuve [S]-[O], désignée à cette fonction par arrêt de la Cour d’Appel de Toulouse en date du 05 avril 2011
Représentée par Me Camille ESTRADE, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 10 JUILLET 2023
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE TARBES
EXPOSE DU LITIGE :
Selon acte reçu le 29 décembre 1989 par Maître [N], notaire à [Localité 12], monsieur [U] [S] [O] et madame [T] [V] son épouse ont acquis un fonds de commerce d’hôtel restaurant situé [Adresse 3] à [Localité 12] ainsi que l’immeuble l’abritant.
Par acte du même jour, madame [V] a contracté plusieurs prêts pour un montant total de 13 millions de francs auprès de la Compagnie française d’épargne et de crédit devenue l’Union pour le crédit pour le bâtiment, dernièrement UCB entreprises (ci-après société UCB) aux fins de financer une partie du prix de cette acquisition ainsi que des travaux sur un autre hôtel dont elle était propriétaire.
Ultérieurement, la société UCB a également consenti deux autres prêts, l’un de 400 000 francs le 3 juillet 1990 et l’autre de 600 000 francs le 13 mars 1992.
Madame [T] [V] a été placée en redressement judiciaire le 29 juillet 1996 puis a bénéficié d’un plan de continuation arrêté par jugement du tribunal de commerce de Tarbes du 16 juin 1997.
Par jugement du 2 janvier 2006, confirmé par arrêt de la cour d’appel de Pau du 23 avril 2007, le tribunal de commerce de Tarbes a prononcé la résolution de ce plan et a ouvert une procédure de liquidation judiciaire.
Par arrêt du 16 décembre 2008, la Cour de cassation a cassé l’arrêt du 23 avril 2007, mais seulement en ce qu’il avait prononcé la liquidation judiciaire de Madame [V] sans avoir caractérisé la date de cessation des paiements.
Par arrêt du 5 avril 2011, la cour d’appel de Toulouse, cour de renvoi, a réformé le jugement déféré sur les points concernés par la cassation et, statuant à nouveau, a dit que Madame [V] était en état de cessation des paiements depuis le 16 décembre 2008. Elle a prononcé sa mise en liquidation judiciaire et a désigné la Selarl [B] en qualité de mandataire judiciaire liquidateur.
Monsieur [U] [S] [O], époux de Madame [V], est décédé le [Date décès 4] 2012. Ses héritiers dont madame [V] ont déclaré accepter sa succession à concurrence de l’actif net.
Par acte du 21 novembre 2012 signifié au liquidateur le 1er mars 2013, la société UCB a cédé ses créances à la Société Négociation achat de créances contentieuses SAS (ci-après société Nacc).
Suivant quatre ordonnances du 7 octobre 2013, le juge commissaire a constaté l’admission de plein droit des créances de la société Nacc aux conditions suivantes :
‘ 198 374,08 euros à titre hypothécaire, outre intérêts au taux de 15,69 %,
‘ 157 529 € à titre hypothécaire, outre intérêts au taux de 14,49 %,
‘ 3 598 917,32 € à titre hypothécaire et nanti, outre intérêts au taux de 11,36 %,
‘ 1 712 050,43 € à titre nanti, outre intérêts au taux de 11,36 %.
Par quatre arrêts du 27 juillet 2015, la cour d’appel de Pau a notamment sursis à statuer sur la contestation de la déclaration de créance et les demandes accessoires jusqu’au prononcé d’une décision définitive sur la validité du contrat de prêt, cause de la déclaration de créance.
Par un unique arrêt du 20 avril 2017 la Cour de cassation a cassé les arrêts du 27 juillet 2015 et renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Bordeaux.
Par arrêt du 12 juin 2019, la cour d’appel de Bordeaux a confirmé les ordonnances du juge-commissaire rendues par le tribunal de commerce de Tarbes du 7 octobre 2013 ayant admis de plein droit les créances déclarées par la Nacc.
Selon l’état établi par la Selarl EKIP’ agissant en qualité de liquidateur judiciaire de Madame [V] le 14 septembre 2023, le passif antérieur définitif de cette dernière s’élève à 5 720 930,03 euros, les principales créances privilégiées étant celles de la Nacc ( anciennement UCB entreprises) aux droits de laquelle vient la société Veraltis Asset Management, d’un montant global de 5.666.870,77 euros.
Le 6 février 2023, la Selarl EKIP’ agissant en qualité de liquidateur judiciaire de Madame [V], a déposé au greffe du tribunal de commerce de Tarbes une requête en clôture pour insuffisance d’actif au visa de l’article L. 643-9 du code de commerce.
Par courrier du 8 juin 2023 transmis par voie électronique au tribunal de commerce de Tarbes, le conseil de la société Veraltis Asset Management s’est opposé à la requête.
Le juge-commissaire a émis un avis favorable à la clôture de la procédure collective le 4 avril 2023.
Par jugement du 10 juillet 2023, le tribunal de commerce de Tarbes a :
‘ déclaré clôturer les opérations de liquidation judiciaire de Md [V] [S]-[O] [T] pour insuffisance d’actif,
‘ rejeté l’ensemble du reste des demandes,
‘ dit que le présent jugement met fin définitivement à la procédure de liquidation judiciaire et au dessaisissement de Md [V] [S]-[O] [T] ;
‘ dit que les créanciers de Md [V] [S]-[O] [T] perdent leurs droits de poursuite individuelle à son égard, sauf les cas particuliers de l’article L643-11 du code de commerce ;
‘ dit qu’en cas de dissimulation d’actif ou plus généralement en cas de fraude, la procédure pourra être reprise à la demande de tout intéressé par décision du tribunal sur justification de la consignation des fonds nécessaires aux frais des opérations de cette réouverture ;
‘ dit que le liquidateur procédera à la reddition des comptes conformément aux dispositions de l’article L643-10 du code de commerce ;
‘ dit que le présent jugement fera l’objet des publicités légales.
Par déclaration en date du 7 août 2023 la sas Veraltis Asset Management a interjeté appel de ce jugement.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2023.
L’affaire a été fixée à l’audience du 20 novembre 2023.
Par mention au dossier en date du 20 novembre 2023, le ministère public a indiqué qu’il s’en rapportait.
***
Vu les dernières conclusions en date du 15 novembre 2023 de la sas Veraltis Asset Management aux termes desquelles elle demande à la Cour de :
Vu les dispositions de l’article L. 643-9 du code de commerce,
Dire recevable et bien fondé l’appel interjeté par la concluante.
Infirmer la décision de première Instance.
Et statuant à nouveau,
Débouter la SELARL EKIP’ de sa demande de clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire de Madame [S] [O].
Condamner solidairement Madame [S] [O] et la SELARL EKIP’ ès qualité au paiement d’une somme de 2.000 € sur la base de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner les mêmes et sous la même solidarité aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Octroyer à la SELARL DUALE LIGNEY BOURDALLE le bénéfice des dispositions de l’article 699 du CPC.
*
Vu les dernières conclusions en date du 14 novembre 2023 de la Selarl EKIP’ agissant en qualité de liquidateur judiciaire de Madame [V] veuve [S], aux termes desquelles elle demande à la Cour de :
Vu l’article L. 643-9 et R. 643-16 du Code de commerce
Vu l’article 546 et 462 du code de procédure civile
Vu la jurisprudence précitée
À titre principal,
Déclarer irrecevable l’appel interjeté par la société VERALTIS ASSET MANAGEMENT.
À titre subsidiaire,
Confirmer le jugement entrepris du 10 juillet 2023 en toutes ses dispositions.
En tout état de cause, et à titre incident
Rectifier l’erreur matérielle contenue dans le jugement entrepris.
Dire et juger que dans le jugement, en page 2,
Il y a lieu de lire :
«Attendu que sur l’audience, Me [H] [B], liquidateur a repris les termes de sa requête et exposé qu’à ce jour les créances de la NACC venant de la société UCB, principale créancière de la procédure sont définitives, que la majorité des biens immobiliers dépendants de la procédure et sur lesquels la NACC dispose de privilèges, ne peuvent être cédés en raison de la réserve de droit de retour et l’interdiction d’aliéner dont bénéficie la mère de la débitrice Madame [R] [P] ( ‘) »
Au lieu de :
« Attendu que sur l’audience, Me [H] [B], liquidateur a repris les termes de sa requête et exposé qu’à ce jour les créances de la NACC venant de la société UCB, principale créancière de la procédure sont définitives, que la majorité des biens immobiliers dépendants de la procédure et sur lesquels la NACC ne dispose pas de privilège, ne peuvent être cédés en raison de la réserve de droit de retour et l’interdiction d’aliéner dont bénéficie la mère de la débitrice Madame [R] [P] ( ‘) ».
Condamner la société VERALTIS ASSET MANAGEMENT à payer à la SELARL EKIP’ ès qualité, la somme de 3500€ sur le fondement de l’article 700 du CPC en règlement des frais irrépétibles d’appel.
Condamner la société VERALTIS ASSET MANAGEMENT aux entiers dépens
avec distraction au profit de Me [X] [Z] en application de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
Débouter la société VERALTIS ASSET MANAGEMENT de ses demandes, fins
et conclusions contraires.
*
Vu les conclusions de Madame [T] [V] veuve [S] [O] en date du 6 novembre 2023 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
Vu l’article 6 § 1 de la CEDH,
Vu le protocole n°1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
vu les articles L643-9, L644-5 du code de commerce,
à titre principal,
déclarer l’appel de la société Veraltis Asset Management irrecevable,
à titre subsidiaire, sur le fond,
confirmer dans toutes ses dispositions le jugement dont appel,
débouter l’appelant de l’intégralité de ses demandes,
y ajoutant,
condamner la société Veraltis Asset Management au paiement de la somme de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l’appel principal
Madame [V] et la Selarl Ekip’ son liquidateur soulèvent l’irrecevabilité de l’appel interjeté par la société Veraltis Asset Management au motif qu’elle n’était pas partie à la procédure de première instance et qu’en sa qualité de créancier elle pouvait uniquement former tierce-opposition au jugement dans les 10 jours de la publication au BODACC, ce qu’elle n’a pas fait. La selarl Ekip’ vise les dispositions des articles 546 et 583 alinéa 2 du code de procédure civile.
La sas Veraltis Asset Management fait valoir en réponse que ce n’est pas parce qu’elle n’est pas mentionnée sur l’en-tête du jugement déféré, ce qui constitue une simple omission matérielle du greffe, qu’elle n’est pas partie à l’instance. Elle soutient qu’elle était partie à l’instance devant le tribunal de commerce de Tarbes puisqu’elle a été convoquée à l’audience, que la précision « les parties » la viserait et alors que le premier juge a statué sur ses moyens et demandes.
Selon l’article 546 alinéa premier du code de procédure civile le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n’y a pas renoncé.
Pour pouvoir faire appel, il faut avoir été partie au procès devant les premiers juges.
Le jugement de clôture pour insuffisance d’actif est susceptible des voies de recours du droit commun. Peuvent donc le frapper d’appel, le liquidateur et le débiteur auquel le jugement doit être notifié. Les créanciers quant à eux peuvent former tierce-opposition qui doit être exercée dans les 10 jours de la publication au Bodacc du jugement de clôture conformément aux dispositions de l’article 583 du code de procédure civile.
La société Veraltis Asset Management en sa qualité de créancière de Madame [V] n’était pas partie à la procédure de première instance. Elle n’était pas représentée à l’audience. Le fait qu’elle ait envoyé des observations au tribunal de commerce qui les mentionne dans l’exposé du litige de son jugement ou qu’elle ait été convoquée à l’audience ne lui confère pas la qualité de partie au procès.
En sa qualité de tiers au procès, la société Veraltis Asset Management aurait dû former tierce-opposition à ce jugement.
Le jugement déféré en date du 10 juillet 2023 n’a pas été notifié à la société Veraltis Asset Management, mais seulement au liquidateur et à la débitrice.
Il a été publié au Bodacc le 23 juillet 2023.
Il s’ensuit que l’appel formé le 7 août 2023 par la société Veraltis Asset Management à l’encontre du jugement du tribunal de commerce de Tarbes du 10 juillet 2023 est irrecevable car elle n’était pas partie au procès en première instance de sorte que seule la tierce-opposition lui était ouverte.
Sur la demande de rectification d’erreur matérielle
La Selarl Ekip’ en qualité de liquidateur judiciaire de madame [T] [V] demande « en tout état de cause et à titre incident », de rectifier une erreur matérielle contenue dans le corps du jugement déféré.
Si, du fait de l’effet dévolutif de l’appel, la cour peut en principe rectifier une erreur affectant le jugement déféré, cette demande n’a pas à être portée devant la cour qui n’est plus saisie du fond du litige du fait de l’irrecevabilité de l’appel principal, mais devant le premier juge. Cette demande est en conséquence infondée et sera rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La sas Veraltis Asset Management, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel, sur le fondement de l’article 696 du code de procédure civile.
Il y a lieu d’accorder à maître [Z] le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Il convient de condamner la sas Veraltis Asset Management à payer à madame [T] [V] veuve [S] [O] et à la selarl Ekip’ en qualité de liquidateur de celle-ci la somme de 1.000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Veraltis Asset Management est en revanche déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare irrecevable l’appel formé le 7 août 2023 par la sas Veraltis Asset Management à l’encontre du jugement du tribunal de commerce de Tarbes du 10 juillet 2023 ;
Déboute la selarl Ekip’ en qualité de liquidateur de madame [T] [V] veuve [S] [O] de sa demande de rectification d’erreur matérielle ;
Condamne la sas Veraltis Asset Management aux dépens d’appel.
Accorde à maître [Z] le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la sas Veraltis Asset Management à payer à madame [T] [V] veuve [S] [O] et à la selarl Ekip’ en qualité de liquidateur de celle-ci la somme de 1.000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les prétentions plus amples ou contraires des parties.
Le présent arrêt a été signé par Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.
La Greffière, La Présidente,