Reddition des comptes : décision du 14 septembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/05752

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Reddition des comptes : décision du 14 septembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/05752
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 14/09/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 22/05752 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UUNT

Ordonnance de référé (N° 22/00583) rendue le 08 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANT

Monsieur [C] [B]

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 5] ([Localité 5])

de nationalité française

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Isabelle Collinet-Marchal, avocat constitué, substituée par Me Marion Calmels, avocats au barreau de Lille

INTIMÉS

Monsieur [T] [L]

né le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 7]

de nationalité française

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Marc Flamenbaum, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

SCI Arcole L.T

ayant son siège social, [Adresse 1]

représentée par Me Karine Hoste, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l’audience publique du 16 mai 2023, tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Samuel Vitse, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 mai 2023

****

MM. [C] [B] et [T] [L] sont associés à parts égales et cogérants de la SCI Arcole LT, constituée en vue de l’acquisition d’un bien immobilier situé à [Adresse 6].

Les rapports entre les associés se sont dégradés.

Exposant avoir sollicité sans succès la communication de documents et informations relatifs à la SCI et à son fonctionnement, M. [C] [B] a, par actes du 05 mai 2022, assigné [T] [L] et la SCI Arcole LT devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille, aux fins d’obtenir la condamnation de M. [T] [L] à la remise de ces documents et de voir désigner un mandataire ad hoc aux frais de la SCI outre la condamnation du défendeur à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort en date du 8 novembre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a statué en ces termes :

« Rejetons la demande de désignation d’un administrateur judiciaire de la SCI ARCOLE LT, formée par [C] [B],

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de communication de pièces formées par [C] [B],

Déboutons [C] [B] de sa demande pour frais irrépétibles,

Condamnons [C] [B] à payer à [T] [L] la somme de 1500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamnons [C] [B] aux dépens,

Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision ».

Par déclaration en date du 15 décembre 2022, M. [C] [B] a interjeté appel de la décision, reprenant l’ensemble des chefs de celle-ci dans son acte d’appel.

MOYENS ET PRÉTENTIONS :

Par conclusions remises au greffe et adressées entre parties par voie électronique le 13 février 2023, M. [C] [B] demande à la cour de :

«Vu les articles 834 et 835 du code de procédure civile, Vu la jurisprudence, Vu les pièces,

– Infirmer l’ordonnance entreprise, rendue le 8 novembre 2022 par le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de LILLE, en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau,

– DECLARER les demandes de Monsieur [C] [B] recevables et bien fondées,

Y faisant droit,

– RENVOYER les parties à se pourvoir au fond,

– DEBOUTER Monsieur [T] [L] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– CONDAMNER Monsieur [T] [L] à transmettre à Monsieur [C] [B] sous peine d’astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, les pièces suivantes :

– un état détaillé de l’ensemble des charges de la SCI ARCOLE L.T. sur les trois derniers exercices : impôts locaux, assurance, dépenses de consommation en eau, électricité, gaz et autres,

– le détail complet des travaux effectués sur les trois dernières années avec justificatifs de factures réglées en faveur des divers corps de métiers et toutes les dépenses éventuelles s’y rapportant,

– l’ensemble des procès-verbaux des assemblées générales tenues par Monsieur [T] [L] sur les trois derniers exercices,

– l’ensemble des pièces visées dans le courrier recommandé à Monsieur [T] [L] en date du 19 novembre 2021,

– les factures des travaux de reprise entrepris à la suite des préconisations du Service d’hygiène et de santé de la Mairie de [Localité 5],

– la clef du porche de l’immeuble et tous éléments permettant de prendre attache avec les locataires en vue d’une visite de l’ensemble des locaux de l’immeuble.

– ORDONNER la désignation d’un mandataire ad hoc de la SCI ARCOLE L.T. qu’il plaira à la Cour de désigner sur une période minimale de six mois, avec pour mission :

– de se faire remettre par la SCI ARCOLE L.T. l’ensemble des pièces administratives, juridiques, fiscales et comptables de la société, nécessaires au bon accomplissement de sa mission,

– de dresser un rapport à l’issue de son mandat sur la réalisation de sa mission, remis aux associés,

– d’organiser une assemblée générale extraordinaire de la SCI destinée à statuer sur les trois exercices antérieurs, à approuver les comptes de l’exercice 2021, et à soumettre au vote le montant des travaux de rénovation nécessaires pour répondre au rapport du Service communal d’hygiène et de santé de la Mairie de [Localité 5], et assurer le bon entretien de l’immeuble,

– ORDONNER qu’en cas de besoin, la mission du mandataire pourra être prolongée par ordonnance du président du Tribunal Judiciaire rendue sur simple requête,

– ORDONNER que la rémunération et les frais du mandataire ad hoc soient supportés par la SCI ARCOLE L.T. avec faculté donnée au mandataire désigné de prélever sur les fonds sociaux disponibles le montant de toute somme à valoir sur sa rémunération et ses frais, en cas de défaillance de la SCI ARCOLE L.T,

– CONDAMNER Monsieur [T] [L] à la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, et aux dépens ».

S’agissant de la demande de communication de pièces, rejetée par le juge des référés, faute d’urgence, M. [B] fait valoir que :

-l’obligation de M. [L] à communiquer les documents comptables et sociaux de la SCI n’est pas sérieusement contestable pour être explicitement prévue par l’article 24 des statuts ;

– M. [L] ne peut refuser de communiquer les pièces au motif qu’elles sont consultables au siège de la société, l’obligation de communiquer lesdites pièces étant d’ordre statutaire et donc indifférente au lieu du siège social de la SCI ;

– le siège se situe au domicile personnel de M. [L], lequel lui est inaccessible compte tenu du différend familial qui oppose les deux associés.

La demande de production de pièces sous peine d’astreinte formulée est bien fondée à raison du caractère injustifié des mouvements bancaires, comme en attestent les relevés de compte, d’autant que les sommes versées sur le compte de M. [L] ne correspondent pas aux frais invoqués figurant dans les comptes dépenses et recettes, et qu’il n’est produit aucun compte dépenses/recettes de la SCI pour l’année 2021. Quant au montant de 6 490 euros, qui serait une erreur, somme qui aurait été recréditée par la suite à la société, aucun élément ne permet de le démontrer.

S’il a bien accès aux relevés de compte de la SCI, sans justificatif, il ne peut déterminer à quoi correspondent ces mouvements. La lecture des relevés bancaires est insuffisante à la compréhension des recettes et des dépenses de la SCI.

M. [B] souligne que, malgré une mise en demeure en date du 24 décembre 2021, M. [L] n’a pas communiqué en temps utile le rapport du service communal d’hygiène et de santé de la mairie de [Localité 5] établi à la suite de la visite des agents le 22 novembre 2021, pas plus que les devis de travaux de rénovation et de mise en conformité établis après la visite.

Les devis produits par M. [L] ne concernent que des travaux de réfection des tableaux et installations électriques. Rien ne permet d’affirmer que l’ensemble des travaux exigés ait été réalisé.

Les éléments produits conduisent à douter non seulement de la réalisation des travaux devisés, mais encore de celle des travaux concernant les problèmes de chauffage ou de ventilation.

M. [B] indique que l’ensemble des procès-verbaux des assemblées générales demandés sur les trois derniers exercices n’a pas été communiqué.

L’appelant sollicite la désignation d’un mandataire ad hoc, sans avoir à établir un péril imminent pour la société. En exigeant ainsi la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menaçant d’un péril imminent, le juge des référés a ajouté aux conditions prévues par la loi et ainsi violé les articles 834 et 835 du code de procédure civile. Il souligne que sa demande a été dénaturée, le juge des référés ayant en plus statué sur la désignation d’un administrateur judiciaire, alors même qu’il invoquait la désignation d’un mandataire ad hoc.

Les conditions de désignation de ce dernier sont réunies, la mésentente entre associés n’étant pas contestée.

Il estime que la tenue irrégulière des assemblées générales par M. [L] (absence de PV d’assemblée générale, absence de preuve de l’envoi des convocations, absence de l’ensemble des signatures sur le procès-verbal, absence d’approbation des comptes annuels 2021 et 2022) et l’opacité de sa gestion sont par ailleurs certaines.

M. [B] conclut que M.[L] a fait obstacle à l’exercice de ses droits en lui opposant constamment une résistance particulièrement injustifiée et que la mésentente entre les associés est, dans ces conditions, définitive et nécessite de ce fait l’intervention d’un mandataire ad hoc.

Bien qu’ayant constitué avocats, ni M. [L] ni la SCI Arcole LT n’ont pris d’écritures.

***

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2023.

A l’audience du 16 mai 2023, le dossier a été mis en délibéré au 14 septembre 2023.

MOTIVATION 

Conformément au dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Aux termes des dispositions de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

– Sur la demande de communication de pièces

La demande de M. [B] se fonde, non sur l’article 834 du code de procédure civile, mais sur l’article 835 du même code, et plus spécifiquement, le pouvoir pour le juge des référés en présence d’une obligation non sérieusement contestable d’ordonner l’exécution d’une obligation de faire, éventuellement sous astreinte afin d’en assurer l’effectivité.

Ainsi, les motifs du premier juge quant à l’absence d’urgence sont manifestement inopérants, l’article 835 du code de procédure civile, et plus spécifiquement l’alinéa 2, fondement de la demande, n’exigeant pas la constatation de l’urgence mais seulement de celle de l’existence d’une obligation non sérieusement contestable.

Par ailleurs, la violation d’obligations contractuelles ou légales peut constituer un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge de faire cesser.

Or, il résulte des dispositions légales et statutaires que dans les rapports entre associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que demande l’intérêt de la société et s’il y a plusieurs gérants, ils exercent séparément ces pouvoirs, outre le droit qui appartient à chacun de s’opposer à une opération avant qu’elle ne soit conclue.

L’article 24 des statuts poursuit, sous l’intitulé « obligations », que : « les associés ont le droit d’obtenir, au moins une fois par an, communication des livres et des documents sociaux, et de poser par écrit des questions sur la gestion sociale auxquelles il devra être répondu par écrit dans le délai d’un mois »

L’article précité des statuts, qui n’est que la reprise des dispositions de l’article 1855 du code civil, octroie à l’associé un droit d’obtenir la mise à disposition des livres et documents sociaux à la demande, annuellement.

Il est explicité par l’article 30 des statuts, « information des associés », selon lequel « tout associé a le droit de prendre par lui-même, au siège social, connaissance de tous les livres et documents sociaux, des contrats, factures, correspondance, procès-verbaux et plus généralement de tout document établi par la société ou reçu par elle. Le droit de prendre connaissance emporte celui de prendre copie. Dans l’exercice de ces droits, l’associé peut se faire assister d’un expert choisi parmi les experts agréés par la cour de cassation ou les experts près d’une cour d’appel », qui n’est que la reproduction de l’article 48 du décret du 4 janvier 1978.

L’obligation pour le gérant d’assurer cette communication est une obligation légale mais également statutaire, de sorte que le droit des associés d’obtenir les informations sur la vie des sociétés n’est donc pas contestable.

Il n’est ainsi pas sérieusement contestable que l’associé-gérant, qu’est M. [B], cogérant de la SCI Arcole LT et associés à parts égales avec M. [L], qui est empêché, à raison d’un conflit familial, d’accéder aux documents sociaux détenus par l’autre cogérant, lequel est plus particulièrement en charge de la gestion de la SCI, dont le siège social se trouve d’ailleurs être fixé au domicile de ce dernier, est fondé à invoquer ces dispositions contre le cogérant et à obtenir, éventuellement sous astreinte, les documents indispensables à l’exercice de ses droits d’associés.

Il lui appartient cependant de démontrer que ces documents sont indispensables à l’exercice même de ses droits d’associés et s’agissant de l’objet d’une injonction de communiquer, de plus sous astreinte, d’établir leur existence, sinon certaine, à tout le moins vraisemblable.

L’injonction de communiquer ne peut porter que sur un objet clairement et précisément identifié et circonscrit, afin d’éviter toute difficulté d’exécution et toute mesure d’ordre général.

Or, l’intitulé des demandes listées par M. [B] est souvent vague et imprécis, sans qu’il soit possible de déterminer ce qu’il entend réellement voir produit.

Par ailleurs la demande de M. [B], aux termes du dispositif de ses écritures d’appel, n’a pas été actualisée en fonction des communications qui ont pu être faites en cours d’instance, et demeure identique à celle présentée initialement au premier juge, alors même que les écritures du défendeur, produites par l’appelant, attestent de la transmission d’un certain nombre d’éléments.

Tel est le cas de la demande indéterminée et indéterminable de « tous éléments permettant de prendre attache avec les locataires en vue d’une visite de l’ensemble des locaux de l’immeuble », alors que le bordereau des écritures précitées permet de constater que les baux des différents appartements de la SCI et du local commercial lui ont été communiqués et qu’une clef a été mise à sa disposition le 21 septembre 2022, selon les motifs non contestés de l’ordonnance critiquée.

Il ne saurait être fait droit dans ces conditions à la demande de ces chefs.

La demande relative à la communication de l’ensemble des procès-verbaux des assemblées générales tenues par M. [L] sur les trois derniers exercices ne peut pas plus être accueillie, aucun élément n’attestant qu’un document existant n’aurait pas été spontanément communiqué par M. [L].

En effet, il résulte des échanges produits, mais également des écritures de première instance de ce dernier, que des procès-verbaux n’étaient pas régulièrement dressés, la tenue des assemblées générales étant ajournée à raison de la carence de M. [B] aux convocations.

Étaient versés en première instance un « compte-rendu de l’assemblée » en pièce 10, outre un procès-verbal d’assemblée générale en date du 22 février 2022 ainsi que des ordres du jour du 14 décembre 2021, 6 janvier 2022 et 9 mai 2022, dont M. [B] critique la validité et la régularité, démontrant ainsi qu’il en a été destinataire.

Concernant « le détail complet des travaux effectués sur les trois dernières années avec justificatifs de factures réglées en faveur des divers corps de métiers et toutes les dépenses éventuelles s’y rapportant » et « les factures des travaux de reprise entrepris à la suite des préconisations du Service d’hygiène et de santé de la mairie de [Localité 5] », M. [B] se borne essentiellement à critiquer le contenu des factures produites en première instance, la réalité des travaux engagés, leur conformité aux travaux prescrits par le service d’hygiène dans son rapport, qui n’est d’ailleurs pas produit, ce qui ne relève manifestement pas de la saisine de la présente juridiction.

Il se contredit à plusieurs reprises mentionnant l’absence de factures de travaux pour l’année 2021 malgré des dépenses figurant sur les relevés de compte, alors même qu’il critique la facture datée du 4 mars 2021 d’un entrepreneur qu’il verse d’ailleurs aux débats (établissements [F]).

Par ailleurs, les motifs de M. [B] estimant que « ces éléments conduisent à douter non seulement de la réalisation des travaux devisés, mais encore de celle des travaux concernant les problèmes de chauffage ou de ventilation. À supposer que M. [L] ait effectué lesdits travaux, il lui revient de produire les factures établies par les différents intervenants’ » sont hypothétiques et ne constituent que de purs arguments.

Là encore, aucun élément ne vient rendre vraisemblable l’existence d’autres pièces que celles qui ont fait l’objet d’une communication entre les parties, et notamment celles présentes au bordereau de communication de pièces joint aux écritures de première instance, ce qui justifie le rejet de la demande de ce chef.

Dans les limites de la demande telle que formulée au dispositif, en l’absence de toute demande de production des justificatifs y afférents, a indéniablement été communiqué en première instance, un état récapitulatif des dépenses-recettes de la SCI Arcole LT pour les années 2017, 2018, 2019 et 2020, rendant partiellement la demande d’un état détaillé de l’ensemble des charges de la SCI Arcole LT pour les trois derniers exercices infondée.

La communication toutefois d’un état détaillé des charges (impôts locaux, assurance, dépenses de consommation en eau, électricité et gaz), dans les mêmes limites que précitées, n’est pas effective pour l’année 2021, ce qui justifie l’accueil de cette demande.

Enfin, il convient de rappeler que la cour est saisie par le dispositif des écritures de la partie, lequel doit se suffire à lui-même et ne peut renvoyer à un autre acte pour en déterminer le contenu, étant rappelé que des motifs doivent venir au soutien des prétentions portées au dispositif.

Or, la demande visant à obtenir sous astreinte « l’ensemble des pièces visées dans le courrier recommandé à M. [L] en date du 19 novembre 2021 » est imprécise et ne permet pas à elle seule de déterminer les justificatifs souhaités, d’autant que la liste contenue dans le courrier n’est pas reprise dans le corps même des écritures, qui n’y consacre aucun motif.

Les écritures comprennent d’ailleurs, en page 6 sur 15, une liste distincte.

Cette demande ne peut qu’être rejetée.

Dans ces conditions, le droit à l’information de l’associé et le trouble à l’exercice de ce droit, en l’absence de production d’un état détaillé des charges pour l’année 2021, étant caractérisés, il doit être fait droit à la demande de M. [B] de communication de pièces, dans les conditions reprises au dispositif, l’astreinte étant justifiée par l’inertie du gérant, mis plusieurs fois en demeure de le produire.

La décision querellée est donc infirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de communication de pièces formées par M. [B].

– Sur la demande de désignation d’un mandataire ad hoc

L’article 5 du code de procédure civile dispose que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

En l’espèce, aux termes du dispositif des dernières écritures, telles que reprises dans l’exposé du litige de l’ordonnance querellé, M. [B] a demandé au juge des référés de nommer le « mandataire ad hoc ‘qu’il plaira », demande qui est également celle contenue dans les écritures d’appel.

C’est donc à tort que le premier juge a rejeté la demande de désignation d’un « administrateur judiciaire », notion de procédure collective tandis qu’il invoque par ailleurs dans les motifs les conditions de nomination d’un administrateur provisoire, demande qui n’était formulée ni dans l’assignation ni dans les dernières écritures, ce qui justifie d’ores et déjà l’infirmation de l’ordonnance entreprise.

Si la désignation d’un administrateur provisoire, à raison des pouvoirs généraux qui lui sont dévolus visant à remplacer les dirigeants légaux de la société, est une mesure exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d’un péril imminent, tel n’est pas le cas pour la désignation d’un mandataire ad hoc, dont les pouvoirs sont plus circonscrits.

Ce dernier se voit, quant à lui, confier une mission précise et ponctuelle, sans que les dirigeants soient privés de leurs fonctions d’administration courante, le dessaisissement des dirigeants n’étant, dans une telle hypothèse, que partiel puisqu’ils conservent, sauf pour la mission confiée par le juge à l’administrateur ad hoc, leur pouvoir de représentation et de gestion de la société.

Le juge saisi par un associé d’une demande de désignation d’un mandataire ad hoc doit l’apprécier au regard de sa conformité à l’intérêt social.

Des principales stipulations des statuts, il s’extrait que :

– suivant l’article 24, paragraphe « obligations », « les associés ont le droit d’obtenir, au moins une fois par an, communication des livres et des documents sociaux et de poser par écrit des questions sur la gestion sociale auxquels il devra être répondu par écrit dans le délai d’un mois. Les gérants doivent, au moins une fois dans l’année, rendre compte de leur gestion aux associés. Cette reddition de comptes doit comporter un rapport écrit d’ensemble sur l’activité de la société au cours de l’année ou de l’exercice écoulé comportant l’indication des bénéfices réalisés prévisibles et des pertes encourues prévues » ;

– suivant l’article 25, « les décisions ordinaires ont notamment pour objet de donner à la gérance les autorisations nécessaires pour accomplir les actes excédant les pouvoirs conférés à l’article 24 des statuts, d’approuver redresser ou rejeter les comptes, décider toute affectation ou répartition des bénéfices, de nommer réélire ou révoquer les gérant et d’une manière générale de se prononcer sur toutes les questions qui n’emportent pas modifications aux statuts, ou qui ne relèvent pas des décisions extraordinaires » ;

– suivant l’article 28, « les associés doivent prendre une décision collective au moins une fois par an, dans les six mois qui suivent la clôture d’un exercice social, pour statuer sur les comptes de cet exercice »,

[…] « les convocations à une assemblée sont faites par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressées à chaque associé quinze jours francs au moins avant la date de réunion, contenant le texte des résolutions proposées ainsi que tout document nécessaire à l’information des associés 

Lorsque l’ordre du jour de l’assemblée porte sur la reddition des comptes de l’exercice, il doit être adressé en outre le rapport d’ensemble de la gérance prévu à l’article 1856 du code civil, le bilan et le compte de profits et pertes, certifiés exact par la gérance » ;

– suivant l’article 32, « les décision collectives, lorsque elles ne font pas l’objet d’un procès-verbal signé de tous les associés ou de leurs mandataires sont constatées par des procès-verbaux rédigés sur un registre spécial et signés par la gérance ».

En l’espèce, les pièces transmises par l’appelant mettent en lumière une mésentente certaine depuis de nombreuses années, sous couvert d’un conflit familial, entre les différents associés et cogérants, ce qui n’est pas de nature à favoriser la gestion d’une société familiale détenue à parts égales par ses membres.

M. [B] multiplie les demandes, les remises en cause indirectes de la gestion laissée à M. [L] et les obstructions à la vie sociétale, oubliant qu’il est le gérant au même titre que ce dernier, et doit tout autant exercer sa mission et répondre de sa gestion, ce qui lui permettrait d’envisager la convocation de ladite assemblée générale pour reddition de compte, ce qu’il n’a manifestement pas mis en ‘uvre.

L’exercice par M. [L] de ses pouvoirs de gérant, en matière de réunion d’assemblée générale, n’est tout autant pas exempt de critiques.

En effet, si des convocations ont été adressées avec un ordre du jour, outre que le formalisme imposé par les statuts ne semble pas avoir été respecté, il n’est nullement démontré que les assemblées aient été effectivement tenues.

Aucun procès-verbal n’a été régularisé et ne fait apparaître des délibérations avec approbation des comptes.

S’il est produit un « compte-rendu », en date du 13 janvier 2023, portant une mention sur les comptes 2021 et 2022, ce dernier ne comporte aucune résolution adoptée et aucune délibération. Il n’y est pas plus indiqué que ces derniers aient été approuvés et que quitus ait été donné à la gérance.

L’absence de tenue régulière d’assemblées générales, notamment en vue de statuer sur les comptes de la société et le compte rendu de la gérance, constitue un trouble manifestement illicite, auquel il peut être mis un terme par la désignation d’un mandataire ad hoc, chargé de convoquer lesdites assemblées et de statuer sur les comptes.

Il est dans l’intérêt social de la société Arcole LT qu’une assemblée générale d’approbation des comptes notamment, se tienne de manière effective et régulière, dans la perspective de l’adoption de véritables délibérations, peu important que la demande de M. [B] soit éventuellement sous-tendue par des motivations autres que le seul intérêt et l’affectio societatis.

Au vu de la mission dévolue au mandataire, et dessinée par M. [B] dans ses propres écritures, il n’y a pas lieu de prévoir l’organisation d’une assemblée générale extraordinaire, s’agissant de mesures et délibérations qui, conformément aux statuts, relèvent de décisions collectives prises par l’assemblée générale ordinaire.

Ainsi, convient-il d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande de M. [B], sous la réserve ci-dessus exprimée, lequel, toutefois, n’ayant pas exercé ses propres pouvoirs, verra mettre à sa charge l’intégralité de la consignation des frais du mandataire ad hoc.

– Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions, il convient de faire masse des dépens et de condamner chacune des parties par moitié à en supporter le coût.

Les chefs de la décision entreprise relatifs aux dépens et à l’indemnité procédurale sont infirmés.

L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Lille en date du 8 novembre 2022 en toutes ses dispositions ;

ORDONNE à M. [L] de communiquer à M. [B] un état détaillé des charges de la SCI Arcole LT pour l’année 2021, dans un délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, et ce sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard commençant à courir à l’expiration du délai précité et pendant 6 mois ;

REJETTE le surplus des demandes de communication de pièces ;

Dit n’y avoir lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte ;

DÉSIGNE la SELARL BMA, en la personne de Me [Z] en qualité de mandataire ad hoc, pour une durée de 8 mois, et lui donne mission de :

– se faire remettre par la SCI Arcole LT l’ensemble des pièces administratives, juridiques fiscales et comptables de la société, nécessaire au bon accomplissement de sa mission ;

– se faire communiquer l’ensemble des documents comptables de la société et de rétablir les comptes de la société, s’adjoignant au besoin l’assistance d’un expert-comptable ;

– organiser une assemblée générale ordinaire destinée à statuer sur les comptes des trois exercices antérieurs et sur les charges nécessaires pour assurer le bon entretien de l’immeuble ;

– dresser un rapport sur la réalisation de sa mission ;

CONDAMNE M. [B] à avancer les frais et la rémunération du mandataire ad hoc ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

FAIT masse des dépens et DIT qu’ils seront supportés par moitié par chacune des parties.

Le greffier

Marlène Tocco

Le président

[W] [M]

 


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