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2ème CH – Section 1
Numéro 22/3545
COUR D’APPEL DE PAU
2ème CH – Section 1
ARRET DU 06/10/2022
Dossier : N° RG 20/02306 – N° Portalis DBVV-V-B7E-HU4X
Nature affaire :
Action en responsabilité exercée contre l’administrateur, le mandataire judiciaire , le liquidateur, le commissaire à l’exécution du plan
Affaire :
Compagnie d’assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
S.A. MUTUELLES DU MANS ASSURANCES – MMA IARD
C/
[T] [F]
Marc LERAY
S.E.L.A.R.L. BRENAC ET ASSOCIES
S.E.L.A.S. EGIDE
Association CAISSE DE GARANTIE ET DES MANDATAIRES JUDICIAIRES
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 06 Octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 05 Septembre 2022, devant :
Monsieur Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l’appel des causes,
Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Marc MAGNON et en a rendu compte à la Cour composée de :
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller faisant fonction de Président
Monsieur Marc MAGNON, Conseiller
Madame Joëlle GUIROY, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTES :
MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, compagnie d’assurances
immatriculée au RCS de Le Mans sous le n° 775 652 126, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
venant aux droits de la société COVEA RISKS S.A, dont le siège social est [Adresse 4] à [Localité 14]
[Adresse 3]
[Localité 11]
MUTUELLES DU MANS ASSURANCES – MMA IARD (S.A.)
immatriculée au RCS de Le Mans sous le n° 440 048 882, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Localité 11]
Représentées par Me Sophie CREPIN de la SELARL LEXAVOUE PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de PAU
Assistées de Me Yves-Marie LE CORFF (association d’avcats FABRE GUEUGNOT), avocat au abrreau de PARIS
INTIMES :
Monsieur [T] [F]
né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 13]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représenté par Me Philippe DABADIE, avocat au barreau de PAU
Maître Marc LERAY
es qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de Monsieur [T] [F]
Mandataire judiciaire
[Adresse 6]
[Localité 7]
assigné
S.E.L.A.S. EGIDE
es qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [I] [Y] et de la SCI ROCHE SAINTE MAXIME
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 5]
Bâtiment A
[Localité 10]
Représentée par Me Jean Michel GALLARDO, avocat au barreau de PAU
La CAISSE DE GARANTIE DES ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES ET DES MANDATAIRES JUDICIAIRES
régie par les dispositions de l’article L. 814-3 du Code de commerce, prise en la personne du Président de son Conseil d’Administration domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 8]
[Localité 12]
Représentée par Me Valérie DABAN, avocat au barreau de PAU
Assistée de Me Florence REBUT DELANOE (association L & Associés), avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 23 SEPTEMBRE 2016
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU
FAITS – PROCEDURE – PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES
Par jugement du 19 novembre 2010, le tribunal de commerce de Mont-de-Marsan a désigné la selarl Brenac et associés, prise en la personne de Me Alix Brenac, en qualité de liquidateur judiciaire de M. [I] [Y] et de la Sci les roches Sainte Maxime en remplacement de Me [T] [F] qui avait été désigné à ces fonctions par jugement du 3 novembre 1995 pour M. [Y] et du 17 janvier 1997 pour la SCI les roches Sainte Maxime.
Par jugement du 25 février 2013, le tribunal de grande instance de Pau a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de M. [T] [F] et a désigné Me Luc Leray en qualité de représentant des créanciers.
Le 14 mai 2013, la selarl Brenac et associés, en qualité de liquidateur judiciaire de M. [Y] et de la Sci les roches Sainte Maxime, a déclaré au passif de M. [F] une créance d’un montant de 37.556,86 euros, soit 20.819,61 euros en principal et 16.737,25 euros en intérêts, au titre de la restitution des prélèvements illicites opérés par M. [F] sur les fonds des deux liquidations judiciaires.
Cette déclaration de créance a été contestée par Me Leray ès qualités.
Par ordonnance du 23 décembre 2013, le juge-commissaire s’est déclaré incompétent pour statuer sur la contestation de la créance déclarée et a invité les parties à saisir le juge du fond compétent dans le mois de la notification de l’ordonnance.
Suivant exploit des 13, 15 et 16 janvier 2014, la selarl Brenac et associés a fait assigner M.[F], Me Leray ès qualités et la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires par devant le tribunal de grande instance de Pau aux fins de voir dire que M. [F] a commis une faute en encaissant une rémunération illicite faute d’avoir été préalablement arrêtée par le juge-commissaire et voir condamner la Caisse de garantie à lui payer la somme de 37.556,86 euros au titre des fonds non représentés.
Suivant exploit du 26 décembre 2014, la selarl Brenac et associés ès qualités a appelé dans la cause la société anonyme Covea Risks en qualité d’assureur responsabilité de M. [F].
La société anonyme MMA iard assurances mutuelles et la société anonyme MMA iard, co-assureurs venant aux droits de la société Covea Risks, sont volontairement intervenues à l’instance.
Me Leray ès qualités n’a pas constitué avocat.
Par ordonnance du 19 mai 2014, le juge de la mise en état a rejeté l’exception d’incompétence territoriale au profit du tribunal de grande instance de Paris soulevée par la Caisse de garantie et rejeté la demande de délocalisation de l’affaire sollicitée par M. [F] au visa de l’article 47 du code de procédure civile.
Par jugement du 23 septembre 2016, auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le tribunal a :
– dit que M. [F], en qualité de liquidateur judiciaire de M. [Y] et de la SCI les roches Sainte Maxime a perçu indûment au préjudice de la liquidation judiciaire de ceux-ci la somme de 37.556,86 euros
– condamné solidairement la société MMA iard assurances mutelles et la société MMA iard à payer à la selarl Brenac et associés ès qualités la somme de 37.556,86 euros
– dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire
– débouté les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile
– condamné solidairement la société MMA iard assurances mutelles et la société MMA iard aux dépens.
Par déclaration faite au greffe de la cour le 19 octobre 2016, la société MMA iard assurances mutelles et la société MMA iard ont relevé appel de ce jugement (appel RG 16/3575).
Par déclaration faite au greffe de la cour le 31 octobre 2016, M. [F] a également relevé appel de ce jugement (appel RG 16/3724).
Le 23 décembre 2016, les assureurs appelants ont fait signifier leur déclaration d’appel à Me Leray, « représentant des créanciers », à personne.
Le 12 décembre 2016, M. [F] a fait signifier sa déclaration d’appel et ses conclusions remises le 3 décembre 2016, dans les deux procédures d’appel, à Me Leray « mandataire judiciaire de M. [F] ».
Par ordonnance du 14 décembre 2016, les deux appels ont été joints.
La selarl Brenac et associés est devenue la selas Egide.
Par ordonnance du 26 juin 2017, le magistrat de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions et pièces notifiées le 24 février 2017 par la selas Egide « à l’égard de l’appel incident formé par M. [F] » portant sur l’annulation du jugement entrepris.
Le 2 mai 2018, l’affaire a été radiée du rôle en vertu d’une décision qui n’a pas été formalisée ni communiquée aux parties.
Le 9 octobre 2020, les deux co-assureurs appelants ont pris des conclusions de réinscription de l’affaire au rôle.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 8 juin 2022.
Les parties ont été avisées par message RPVA que la décision sera rendue par anticipation le 06 octobre 2022.
***
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 20 décembre 2021 par les sociétés MMA iard assurances mutuelles et MMA iard (sa), co-assureurs, venant aux droits de Covea Risks, qui ont demandé à la cour de réformer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de :
– dire et juger que les demandes formulées par la selarl Brenac et associès ès qualités à l’encontre de M. [F] n’entre pas dans le champ de la garantie, au visa de l’article 7 de la police d’assurance
– en conséquence, débouter la selarl Brenac et associès ès qualités de ses demandes faites à leur encontre
– à titre subsidiaire, dire la selarl Brenac et associès ès qualités irrecevable et infondée
– à titre infiniment subsidiaire, dire et juger qu’en cas de condamnation prononcée à leur encontre, la franchise au contrat est opposable à la selarl Brenac et associès ès qualités
– reconventionnellement, condamner la selarl Brenac et associès ès qualités à leur payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
*
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 6 décembre 2016 par M. [F] qui a demandé à la cour de :
– annuler la décision entreprise, sinon l’infirmer ou la réformer
– déclarer la selarl Brenac et associès ès qualités irrecevable et forclose en ses demandes
– déclarer la selarl Brenac et associès ès qualités prescrite
– déclarer la selarl Brenac et associès ès qualités irrecevable et rejeter ses autres demandes
– la débouter de ses demandes
– condamner la selarl Brenac et associès ès qualités à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
*
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 24 février 2017, sauf leur irrecevabilité sur l’appel incident de M. [F] demandant d’annuler le jugement, par la selas Egide ès qualités, qui a demandé à la cour de confirmer le jugement sur la déclaration de responsabilité de M. [F] et la condamnation solidaire des deux assureurs et, l’infirmant incidemment pour le surplus, de :
– condamner la Caisse de garantie des administrateurs et mandataires judiciaires à lui payer, solidairement avec les co-assureurs de M. [F], la somme de 37.556,86 euros, outre la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, ainsi que celle de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
*
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 8 novembre 2021 par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires qui a demandé à la cour de, au visa des articles 814-3 et L. 641-8 du code de commerce, d’infirmer le jugement entrepris sur la déclaration de responsabilité de M. [F] et, statuant à nouveau, de :
– débouter la selas Egide ès qualités de ses demandes tant en principal qu’en intérêts et de toutes ses autres demandes
– condamner la selas Egide à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
observations liminaires
L’action directe exercée par le tiers lésé contre l’assureur de responsabilité de l’auteur du dommage, comme l’action exercée par le créancier des fonds non-représentés par administrateur ou liquidateur judiciaire contre la Caisse de garantie n’est subordonnée ni à la mise en cause de l’assuré ni à la justification d’une déclaration de créance.
Le lien d’instance unissant la selas Egide ès qualités, les co-assureurs MMA iard et la Caisse de garantie, est donc distinct et autonome du lien d’instance noué entre la selas Egide ès qualités, M. [F] et Me Leray ès qualités, celui-ci dérivant de la procédure de vérification des créances suivie devant le juge-commissaire qui s’est déclaré incompétent pour connaître de la contestation.
A cet égard, la cour rappelle qu’il résulte de l’article L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la procédure collective de M. [F], que sauf constat de l’existence d’une instance en cours, le juge-commissaire a une compétence exclusive pour décider de l’admission ou du rejet des créances déclarées et, après une décision d’incompétence du juge-commissaire pour trancher une contestation, les pouvoirs du juge compétent régulièrement saisi se limitent à l’examen de cette contestation.
Enfin, dans le cadre de la contestation portée devant le juge du fond compétent pour en connaître, le débiteur, serait-il dessaisi par l’effet du jugement de liquidation judiciaire, exerce les droits propres qu’il tient de la procédure de vérification des créances.
sur la nullité du jugement entrepris
M. [F] fait notamment grief au jugement d’avoir statué sur le fond du litige sans avoir examiné la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de la selarl Brenac et associés ès qualités, au visa de l’article R. 624-5 du code de commerce. Il en déduit que le jugement doit être annulé au visa des articles 455 et 458 du code de procédure civile.
Il est constant que le tribunal a statué sur le fond du litige sans statuer sur le moyen tiré de la forclusion qui devait nécessairement être examiné avant le fond du litige.
Cette omission de statuer s’accompagnant d’une violation des droits procéduraux des parties, ne peut être réparée mais entraîne nécessairement l’annulation du jugement, en application des articles 455 et 458 du code de procédure civile, mais seulement en ce qu’il a dit que M. [F] avait indûment perçu au préjudice de la liquidation judiciaire la somme de 37.556,86 euros, cette disposition ne venant pas au soutien nécessaire de la condamnation autonome des co-assureurs, fondée sur l’action directe exercée par la selas Egide ès qualités.
Cette annulation rend sans objet le moyen pris du caractère non avenu du jugement entrepris pour défaut de mise en cause du liquidateur judiciaire de M. [F] suite au jugement de liquidation judiciaire du 28 avril 2014, rendu au cours de la première instance, étant fait observer que ce jugement de liquidation judiciaire n’a eu aucun effet interruptif, au sens de l’article 369 du code de procédure civile, sur l’instance en cours devant le tribunal, le dessaisissement de M. [F] étant sans effet sur les droits propres qu’il exerce seul dans la présente procédure.
sur la forclusion de la selas Egide ès qualités
M. [F] soulève la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de la selas Egide ès qualités, au visa de l’article R.. 624-5 du code de commerce, pour défaut de saisine du juge du fond, dans le délai d’un mois, d’une demande de fixation de sa créance, aucune prétention n’étant formée à son encontre dans l’assignation.
Mais, d’une part, il est constant que par ordonnance du 23 décembre 2013, figurant dans le dossier de première instance joint au dossier de la cour, en application de l’article 968 du code de procédure civile, le juge-commissaire s’est déclaré incompétent pour statuer sur la contestation de la créance déclarée par la selas Egide ès qualités et a invité les parties à saisir le juge du fond compétent dans le mois de la notification de l’ordonnance.
D’autre part, il n’entre pas dans les pouvoirs du juge du fond saisi de la contestation échappant à la compétence du juge-commissaire de statuer sur la fixation de la créance mais seulement sur la contestation dont il a été saisi.
Par conséquent, le moyen est inopérant en droit.
Et, dès l’assignation, laquelle a été délivrée avant l’expiration du délai légal, la selarl Brenac et associés ès qualités a demandé au tribunal de statuer sur la contestation échappant à la compétence du juge-commissaire en sollicitant qu’il soit jugé que M. [F] avait fautivement encaissé certains fonds au préjudice des liquidations judiciaires [Y] et Sci les roches Sainte Maxime.
Le moyen tiré de la forclusion sera donc rejeté.
sur la prescription de l’action en restitution des fonds
L’action engagée par la selarl Brenac et associés ès qualités n’est pas une action en contestation de la rémunération tarifaire de M. [F] ni une action en répétition d’un paiement indu fait par le solvens mais présente la nature d’une action en responsabilité délictuelle, relevant de l’article 1382, devenu 1240 du code civil, pour faute dans la représentation des fonds illicitement encaissés par le liquidateur.
En l’espèce, les prélèvements litigieux ont été réalisés entre 1995 et 2002.
Selon M. [F], la demande de restitution des fonds litigieux est prescrite en application de l’article 2224 du code civil, sinon en application de l’article R. 663-40 du code de commerce, ce même texte étant également visé par les co-assureurs MMA iard au soutien du même moyen de prescription.
Mais, d’une part, la prescription abrégée de six mois de l’article R. 663-40 du code de commerce concerne exclusivement l’action ouverte aux organes mandatés dans la procédure collective pour agir en recouvrement de leur rémunération arrêtée ou taxée par le juge compétent.
D’autre part, à la date des prélèvements litigieux, l’ancien article 2277-1 du code civil disposait que l’action dirigée contre les personnes légalement habilitées à représenter ou assister en justice à raison de la responsabilité qu’elles encourent de ce fait se prescrit par dix ans à compter de la fin de leur mission.
Et, l’article 2225 du code civil, issu de la loi du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, dispose désormais que l’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.
En l’espèce, la mission de M. [F], au titre de ses deux mandats de liquidateur judiciaire, a pris fin à compter du jugement du 19 novembre 2010.
Et, la selarl Brenac et associés ès qualités a déclaré sa créance de restitution des fonds litigieux le 14 mai 2013, cette déclaration de créance étant interruptive de la prescription jusqu’à la clôture de la procédure.
Il s’ensuit que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de la selas Egide ès qualités sera rejetée.
sur la responsabilité de M. [F]
M. [F], les co-assureurs MMA et la Caisse de garantie professionnelle font grief au jugement d’avoir retenu le caractère fautif des prélèvements effectués par M. [F] alors qu’il résulte des nouvelles pièces justificatives produites en appel que les montants prélevés correspondent exactement à la rémunération fixée par le juge-commissaire et aux décisions pénales, sur intérêts civils, prononcées en faveur de M. [F], et que, au surplus, ces montants figurent encore dans la reddition des comptes de M. [F], laquelle est définitive pour ne pas avoir fait l’objet d’une contestation par les débiteurs, de sorte que les droits de M. [F] sont établis et définitivement acquis.
Mais, s’agissant de la reddition des comptes des liquidations judiciaires [Y] et Sci les roches de Sainte Maxime, celle-ci se trouve soumise aux dispositions légales et réglementaires antérieures à la loi 2005-845 du 26 juillet 2005 et de son décret d’application 2005-1677 du 28 décembre 2005.
Il résulte des articles 153 et 88 du décret du 27 décembre 1985 que le liquidateur judiciaire notifie au débiteur et dépose au greffe dans les trois mois qui suivent l’achèvement de sa mission, un exemplaire de ses comptes relatifs aux opérations de recettes ou dépenses faites à la caisse des dépôts et consignations et que le débiteur dispose d’un délai de huit jours à compter de la notification pour contester les comptes auprès du tribunal par déclaration au greffe.
Et, il résulte des dispositions de l’article 31 du décret du 27 décembre 1985 que le liquidateur remplacé en cours de procédure doit rendre ses comptes à son remplaçant, en présence du juge-commissaire, le débiteur entendu ou dûment appelé, à la diligence du greffier.
Or, les pièces versées aux débats se limitent à deux feuillets intitulés « reddition des comptes » en date des 19 et 23 février 2010, concernant la liquidation judiciaire [Y] et celle de la Sci les roches de Sainte Maxime, qui ont été remis par la selarl Brenac et associès ès qualités.
Il n’est justifié par M. [F] ni de la notification faite aux deux débiteurs ni d’aucune décision du juge-commissaire approuvant les comptes, ni même de la tenue d’une audience au contradictoire du liquidateur remplaçant et des débiteurs.
Par conséquent, les redditions des comptes ne sont opposables ni aux débiteurs ni à la selas Egide ès qualités.
S’agissant des prélèvements opérés sur les fonds des liquidations judiciaires, détaillés dans la pièce n°11 de la selas Egide ès qualités, il est constant que M. [F] a encaissé une somme totale de 59.379,20 euros.
Selon la selas Egide ès qualités, M. [F] a illicitement encaissé, sans être muni d’une ordonnance l’y autorisant, une somme totale de 20.819,61 euros, en principal, soit :
– 185,38 euros à titre de débours
– 7.622,45 euros au titre d’une « créance article 40 »
– 13.011,68 euros à titre de rémunération
Mais, les débours prélevés pour un montant de 185,38 euros ne constituent pas un élément de la rémunération du liquidateur soumise au contrôle du juge-commissaire et leur montant n’est pas incohérent.
S’agissant du prélèvement de 7.622,45 euros, en date 6 septembre 2000, M. [F] a pu justifier, à hauteur d’appel, d’un titre exécutoire résultant de l’arrêt de la cour d’appel de Limoges, chambre correctionnelle, en date du 15 octobre 2003, ayant confirmé le jugement du 05 juin 2000 par lequel M. [Y] a été condamné à payer à M. [F] la somme de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts.
Cette créance, postérieure à l’ouverture de la procédure collective, bénéficie effectivement du droit de paiement prioritaire à l’échéance de la créance, prévu par les dispositions de l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985.
Par conséquent, M. [F] justifie de ce paiement.
Le solde des prélèvements litigieux est ainsi ramené à la somme de 13.011,78 euros qui a donné lieu à :
– cinq prélèvements du 5 juin 2000 d’un montant de 8.215,19 euros
– un prélèvement du 20 mars 2002 d’un montant de 4.792,59 euros
Selon M. [F], les co-assureurs et la Caisse de garantie, il s’agit du montant de sa rémunération dans la liquidation judiciaire [Y] arrêté à la somme de 13.089,51 euros en vertu d’une ordonnance « nécessairement rendue » par le juge-commissaire sur requête du 10 mars 2002.
Mais, l’ordonnance produite aux débats, figurant au pied d’une requête datée du 19 mars 2002 mais non signée et sans trace de sa remise au greffe, la privant ainsi de date certaine, n’est elle-même ni datée ni signée par le juge-commissaire.
M. [F] soutient, sans preuve, que la selas Egide ès qualités en détiendrait une copie, d’autant que celle-ci a dû reconstituer les pièces de la procédure en sollicitant auprès du greffe la communication des ordonnances rendues en faveur de M. [F] au nombre desquelles ne figure pas la prétendue ordonnance qui aurait été rendue sur la prétendue requête datée du 19 mars 2002.
En outre, il est singulier de constater que, après avoir effectué des prélèvements anticipés en 2000, sans justifier d’une ordonnance lui accordant une provision sur rémunération, M. [F] ait pu effectuer le prélèvement du solde de sa rémunération dès le 20 mars 2002, soit le lendemain de sa requête du 19 mars 2002 en tout cas, en ignorant les délais de contestation ouverts au débiteur auquel l’ordonnance devait être notifiée.
En tout état de cause, en prélevant la somme de 13.011,78 euros, à titre de rémunération, sans justifier d’une décision fixant celle-ci, M. [F] a commis une faute dans la conservation des fonds placés sous sa responsabilité, au préjudice de la liquidation judiciaire [Y].
En conséquence, il sera dit que M. [F] a engagé sa responsabilité en percevant illicitement la somme de 13.011,78 euros au préjudice de la liquidation judiciaire [Y].
sur la garantie de la Caisse de garantie des administrateurs et liquidateurs judiciaires
La selas Egide ès qualités fait grief au jugement d’avoir écarté la garantie de la Caisse de garantie au motif que les faits dommageables relevaient de la responsabilité civile professionnelle de M. [F], garantie par Covea Risks, en application de l’article L. 814-4 du code de commerce, et non d’une impossibilité de représentation des fonds relevant de la garantie de la Caisse de garantie.
La Caisse de garantie n’a pas conclu, à hauteur d’appel, sur le principe de sa garantie mais, en concluant à la confirmation du jugement entrepris, elle est réputée s’en approprier les motifs.
Aux termes de l’article L. 814-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi 2015-990 du 6 août 2015, une caisse dotée de la personnalité civile et gérée par les cotisants a pour objet de garantir le remboursement des fonds, effets ou valeurs reçus ou gérés par chaque administrateur judiciaire et par chaque mandataire judiciaire inscrits sur les listes, à l’occasion des opérations dont ils sont chargés à raison de leurs fonctions. La garantie de la caisse joue sans que puisse être opposé aux créanciers le bénéfice de discussion prévu à l’article 2298 du code civil et sur la seule justification de l’exigibilité de la créance et de la non-représentation des fonds par l’administrateur judiciaire ou le mandataire judiciaire inscrits sur les listes. La caisse est tenue de s’assurer contre les risques résultant pour elle de l’application du code de commerce.
L’article L. 814-4 suivant dispose qu’il doit être justifié par chaque administrateur judiciaire ainsi que par chaque liquidateur judiciaire inscrits sur les listes d’une assurance souscrite par l’intermédiaire de la caisse de garantie. Cette assurance couvre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires, du fait de leurs négligences ou de leurs fautes ou celles de leurs préposés, commises dans l’exercice de leurs mandats.
Il résulte de ces textes que la souscription, par son intermédiaire, d’une assurance de responsabilité civile par un professionnel inscrit sur les listes, prévue à l’article L. 814-4 du code de commerce est sans incidence sur la garantie de la caisse en cas de non-représentation des fonds, laquelle est mobilisable sur la seule justification de l’exigibilité de la créance et de la non-représentation des fonds par le mandataire, quels que soient les faits à l’origine de cette non-représentation.
En l’espèce, il est établi que M. [F] n’a pas représenté les fonds litigieux qu’il a illicitement prélevés sur la liquidation judiciaire de M. [Y] et que la créance de restitution des dits fonds est exigible.
Par conséquent, infirmant le jugement de ce chef, il sera dit que la Caisse de garantie doit garantir la non-représentation des fonds illicitement encaissés par M. [F].
sur la garantie due par les co-assureurs MMA
Les co-assureurs MMA appelants, dont la garantie est recherchée sur le fondement de la police d’assurance responsabilité civile professionnelle souscrite par l’intermédiaire de la Caisse de garantie, font grief au jugement d’avoir retenu leur garantie en refusant d’appliquer l’article 7 « exclusions » de la police d’assurance souscrite par la Caisse de garantie, alors qu’il y est expressément stipulé que sont exclues de la garantie les « contestations relatives à la détermination, au règlement et au remboursement des frais et honoraires de l’assuré ». Les appelantes en déduisent que la demande de la selas Egide, tirée de la contestation des honoraires perçus par M. [F], n’entre pas dans le champ de la garantie.
Mais, le tribunal a justement retenu que l’objet du litige ne portait pas sur la contestation de la rémunération de M. [F] mais sur la contestation des prélèvements illicites opérés par M. [F], sans droit ni titre, sur les fonds des liquidations judiciaires, de nature à engager la responsabilité civile de celui-ci, échappant à l’exclusion de garantie de l’article 7 précité.
Le jugement sera confirmé sur l’obligation de garantie pesant sur les co-assureurs MMA iard.
sur les condamnations
Réformant partiellement le jugement de ce chef, les co-assureurs MMA iard et la Caisse de garantie seront condamnés in solidum à payer à la selas Egide ès qualités la somme de 13.011,78 euros.
Il sera dit que la franchise de 10 % contractuellement mise à la charge de M. [F] au titre de l’assurance de responsabilité, est opposable à la selas Egide ès qualités, en application de l’article L. 112-6 du code des assurances.
Cette franchise est sans incidence sur l’étendue de la garantie de la Caisse de garantie.
S’agissant des intérêts au taux légal majoré de cinq points alloués par le tribunal pour un montant de 16.737,25 euros, au visa de l’article L. 814-11 du commerce, ce texte est applicable aux seules sommes détenues par un mandataire au titre d’un mandant amiable.
La selas Egide a demandé la confirmation du jugement de ce chef mais au visa de l’article L. 641-8 du code de commerce, lequel n’est pas applicable à la liquidation judiciaire de M. [Y], mais qui reprend l’ancien article L. 622-8.
Mais, en tout état de cause, la majoration de cinq points du taux légal applicable aux fonds non versés à la Caisse des dépôts et consignations n’est pas applicable à la créance de restitution des fonds fautivement non-représentés par le liquidateur judiciaire au préjudice de la liquidation judiciaire.
Le jugement sera réformé de ce chef et la selas Egide déboutée de sa demande au titre des intérêts courus entre le 20 mars 2002 et le 23 février 2013, sur le fondement des textes précités.
La condamnation prononcée contre les garants, tenus in solidum, sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement déféré qui a fixé le principe de la créance de la selas Egide ès qualités.
Les co-assureurs MMA et la Caisse de garantie seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel et à payer une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
ANNULE le jugement entrepris mais seulement en ce qu’il a dit que M. [F], en sa qualité de liquidateur de M. [Y] et de la Sci les roches de Sainte Maxime, avait perçu indûment la somme de la somme de 37.556,86 euros au préjudice de la liquidation judiciaire de ceux-ci,
et statuant à nouveau de ce chef,
DIT que M. [F], en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [Y], a engagé sa responsabilité civile en percevant illicitement la somme de 13.011,78 euros au préjudice de la liquidation judiciaire de celui-ci,
CONFIRME le jugement sur le principe de l’obligation de garantir la responsabilité de M. [F] pesant sur la société MMA iard assurances mutuelles et sur la société mutuelle du Mans assurances-MMA iard,
INFIRME le jugement pour le surplus concernant la mise hors de cause de la Caisse de garantie et le montant des condamnations mises à la charge des co-assureurs,
et statuant à nouveau,
DIT que la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des liquidateurs judiciaires est tenue de garantir la non-représentation des fonds illicitement prélevés par M. [F] dans le cadre de son mandat de liquidateur judiciaire de M. [Y],
CONDAMNE in solidum la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des liquidateurs judiciaires, la société MMA iard assurances mutuelles et la société mutuelle du Mans assurances-MMA iard à payer à la selas Egide ès qualités la somme de 13.011,78 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement entrepris,
DEBOUTE la selas Egide ès qualités de sa demande de paiement des intérêts courus entre le 20 mars 2002 et le 23 février 2013,
DIT que la franchise contractuelle de 10 % stipulée dans l’assurance de responsabilité de M. [F] est opposable à la selas Egide ès qualités par les co-assureurs MMA,
CONDAMNE in solidum la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des liquidateurs judiciaires, la société MMA iard assurances mutuelles et la société mutuelle du Mans assurances-MMA iard aux dépens de première instance et d’appel,
CONDAMNE in solidum la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des liquidateurs judiciaires, la société MMA iard assurances mutuelles et la société mutuelle du Mans assurances-MMA iard à payer à la selas Egide ès qualités la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Philippe DARRACQ, conseiller faisant fonction de Président et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.
La Greffière,Le Président,