Reddition des comptes : 27 septembre 2022 Cour d’appel de Pau RG n° 20/02671

·

·

Reddition des comptes : 27 septembre 2022 Cour d’appel de Pau RG n° 20/02671
Ce point juridique est utile ?

27 septembre 2022
Cour d’appel de Pau
RG n°
20/02671

1ère Chambre

Texte de la décision


SF / MS

Numéro 22/03425

COUR D’APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 27/09/2022

Dossier : N° RG 20/02671 – N° Portalis DBVV-V-B7E-HV2C

Nature affaire :

Demande en paiement ou en indemnisation formée par un intermédiaire

Affaire :

[I] [S] [Y]

C/

S.A.R.L ABADIE IMMOBILIER

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 27 Septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 20 Juin 2022, devant :

Madame de FRAMOND, magistrate chargée du rapport,

assistée de Madame DEBON, faisant fonction de greffière présente à l’appel des causes,


Madame de FRAMOND, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame DUCHAC, Présidente

Madame ASSELAIN, Conseillère

Madame de FRAMOND, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [I] [S] [Y]

née le 22 octobre 1951 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée et assistée de Maître REMBLIERE de la SELARL LANDAVOCATS, avocat au barreau de DAX

INTIMEE :

S.A.R.L. ABADIE IMMOBILIER

agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée et assistée de Maître NOBLE de la SCP NOBLE-GUEROULT, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 21 OCTOBRE 2020

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DAX

RG numéro : 16/01519

Le 16 juin 2015, Mme [I] [Y] a confié à la SARL ABADIE IMMO un mandat de recherche et de négociation d’un appartement T3 en front de mer situé à [Localité 4] au prix maximum de 320.000 €, mandat indiquant la visite le jour même d’un appartement appartenant aux époux [N] et [V] [Z].

Postérieurement, Mme [Y] a régularisé un compromis de vente portant sur ce même appartement en passant par un autre intermédiaire immobilier.

Informé de cet acte, la SARL ABADIE IMMO a adressé le 7 septembre 2015 une LRAR à Mme [Y] lui indiquant que dans l’éventualité d’une réitération de l’acte en la forme authentique, cette dernière serait redevable d’une indemnité de 18.000 € à titre de clause pénale.

Par acte notarié du 29 octobre 2015, Mme [Y] a acquis l’appartement des époux [Z] pour le prix de 311.000 € par l’intermédiaire de l’agence LIBERTIMMO située à [Localité 5] avec une commission payée à celle-ci de 10.000 €.

Par acte d’huissier en date du 20 octobre 2016, la SARL ABADIE IMMO a fait assigner Mme [Y] devant le Tribunal de grande instance de Dax aux fins de voir condamner Mme [Y] à lui payer notamment la somme de 18.000 € à titre de dommages-intérêts.

Par un jugement en date du 21 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Dax a :

* débouté Mme [Y] de sa demande en nullité du mandat de recherche du 16 juin 2015,

* condamné Mme [Y] à payer à la SARL ABADIE IMMO la somme de 18.000 € à titre de dommages-intérêts,

* condamné Mme [Y] à payer à la SARL ABADIE IMMO la somme de 2.000 € ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans sa motivation, le premier juge a relevé que le mandat de recherche conclu entre Mme [Y] et la SARL ABADIE IMMO est régulier et ne contient pas de clause d’exclusivité, de sorte que la nullité ne peut pas être prononcée, que le mandataire a respecté ses obligations et que Mme [Y] a manqué à la sienne d’acquérir le bien présenté par le mandataire.

Par déclaration du 17 novembre 2020, Mme [Y] a interjeté appel de cette décision critiquant l’ensemble de ses dispositions.


Aux termes de ses dernières écritures en date du 17 février 2021, Mme [Y], appelante, demande à la Cour :

A titre principal,

– d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

– de prononcer la nullité du mandat du 16 juin 2015,

– de débouter la SARL ABADIE IMMO de l’ensemble de ses demandes,

– de condamner la SARL ABADIE IMMO à payer à Mme [Y] une juste indemnité de 1.500 €.

A titre subsidiaire,

– de réduire le montant de la condamnation de Mme [Y] à de plus justes proportions.

Mme [Y], sur le fondement des articles 1 et 6 de la Loi dite Hoguet de 1970 et 1152 anciens du code civil, fait principalement valoir que la SARL ABADIE IMMO avait déjà fait visiter l’appartement des [Z] à Mme [I] [Y], avant de signer le mandat de vente, de sorte qu’il ne pouvait être qu’un mandat de négociation, et non de recherche ; elle soutient que le mandat signé est nul parce qu’il ne contient pas les prescriptions relatives à la reddition des comptes prévues par la Loi Hoguet de 1970, alors que le mandat comportait bien une clause d’exclusivité ; ensuite elle fait valoir qu’elle avait transmis ses offres d’achat de l’appartement des [Z] à la SARL ABADIE IMMO sur laquelle celle-ci n’a jamais réagi, raison pour laquelle elle a dénoncé le 8 juillet le mandat de recherche et négocié directement l’achat avec les vendeurs et l’agence ORPI ; la SARL ABADIE IMMO ayant manqué à sa mission, le paiement de la clause pénale est exclu ou à tout le moins doit être réduite, la commission initialement prévue ayant été fixée à 12.000 € dans le mandat de vente signé par les [Z].

Dans ses dernières écritures notifiées le 12 mai 2021, la SARL ABADIE IMMO, intimée, sollicite que la cour :

* confirme en toutes ses dispositions le jugement de première instance,

* condamne Mme [Y] à verser à la SARL ABADIE IMMO la somme de 18.000 € à titre de dommages-intérêts, assortie des intérêts,

* condamne Mme [Y] à verser à la SARL ABADIE IMMO la somme de 3.000 € et aux entiers dépens.

La SARL ABADIE IMMO soutient, sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil, que Mme [I] [Y] a agi avec déloyauté en acquérant l’immeuble qu’elle lui avait fait visiter en passant par un autre intermédiaire pour payer une commission moindre que celle prévue au mandat. Elle soutient que Mme [I] [Y] n’a jamais adressé ses offres d’acquisition à la SARL ABADIE IMMO, mais à la SARL ORPI ANGRESSE, pour finalement acquérir avec une troisième agence, du même groupe ORPI et liée à la seconde. Sur la nullité du contrat, la SARL ABADIE IMMO soutient que le mandat de recherche et négociation ne nécessite pas de reddition de compte, réservé à la gestion immobilière, que la nullité est relative et nécessite la preuve d’un préjudice de celui qui l’invoque, qu’elle a accompli correctement sa mission en présentant à Mme [I] [Y] un bien correspondant à ses attentes. Par contre elle-même subit un préjudice pour la perte de sa commission, le temps et les frais engagés et le dénigrement dont elle fait l’objet de la part de Mme [I] [Y] justifiant pleinement sa demande de dommages intérêts.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 20 juin 2022.


MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du mandat de recherche et négociation :

Selon les articles 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise, et qu’elles doivent être exécutées de bonne foi.

L’article 6 de la Loi 70-9 du 2 janvier 1970 relative aux agences immobilières dispose que les conventions conclues avec les personnes se livrant aux opérations de vente, achat, recherche échanges, locations, etc, doivent être rédigées par écrit et préciser conformément aux dispositions d’un décret en Conseil d’État (décret 72-678 du 20 juillet 1972) :

* Les conditions dans lesquelles ces personnes sont autorisées à recevoir, verser ou remettre des sommes d’argent, biens, effets ou valeurs à l’occasion de l’opération dont il s’agit ;

* Les modalités de la reddition de compte ;

* Les conditions de détermination de la rémunération, ainsi que l’indication de la partie qui en aura la charge.

* Les moyens employés par ces personnes et, le cas échéant, par le réseau auquel elles appartiennent pour diffuser auprès du public les annonces commerciales afférentes aux opérations mentionnées au 1° du même article 1er.

En outre, lorsqu’une convention comporte une clause d’exclusivité, elle précise les actions que le mandataire s’engage à réaliser pour exécuter la prestation qui lui a été confiée ainsi que les modalités selon lesquelles il rend compte au mandant des actions effectuées pour son compte, selon une périodicité déterminée par les parties.

Les dispositions de l’article 1375 du code civil leur sont applicables.

Aucun bien, effet, valeur, somme d’argent, représentatif d’honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d’entremise quelconque, n’est dû aux personnes indiquées à l’article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu’une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties.

Toutefois, lorsqu’un mandat est assorti d’une clause d’exclusivité ou d’une clause pénale ou lorsqu’il comporte une clause aux termes de laquelle des honoraires sont dus par le mandant, même si l’opération est conclue sans les soins de l’intermédiaire, cette clause recevra application dans les conditions qui seront fixées par décret. La somme versée par le mandant en application de cette clause ne peut excéder un montant fixé par décret en Conseil d’Etat.

En l’espèce, il ressort du mandat de recherche et de négociation signé le 16 juin 2015 entre Mme [I] [Y] et la SARL ABADIE IMMO que celle-ci s’engageait à « présenter, faire visiter tous biens correspondant aux critères de choix définis ainsi par la mandante : Appartement de type 3 en front de mer à [Localité 4] au prix maximum souhaité de 320000 € honoraires de l’agence inclus pour 18.000 € ».

Il est également mentionné que la SARL ABADIE IMMO utiliserait comme moyens de diffusion des annonces commerciales « son site et les sites seloger.com, le boncoin et les sites partenaires ».

L’opération visée, ses conditions et la rémunération ainsi que les moyens employés sont donc bien indiqués.

Le présent mandat a été signé juste après que l’agence a fait visiter à Mme [I] [Y] un bien entré dans son fichier appartenant aux époux [N] et [V] [Z] : un appartement n° [Adresse 1] à [Localité 4].

Comme l’a analysé pertinemment le 1er juge, l’article 6 de la Loi du 2 janvier 1970 et son décret d’application du 20 juillet 1972 en son article 66 alinéa 1 ne prévoient de reddition de compte tous les ans que pour la gestion locative. De même, le mandat de recherche et négociation conclu entre Mme [I] [Y] et la SARL ABADIE IMMO ne contient aucune clause d’exclusivité, la clause citée par Mme [I] [Y] concerne l’obligation faite à celle-ci de signer l’achat définitif d’un bien présenté par son mandataire exclusivement avec celui-ci pendant 24 mois sous peine de régler une indemnité forfaitaire à titre de clause pénale d’un montant égal à la rémunération prévue au mandat. Cela n’interdit pas à Mme [I] [Y] de rechercher avec d’autres agences d’autres biens à acheter et d’acquérir en toute liberté ces autres biens, non présentés par la SARL ABADIE IMMO.

A l’instar du 1er juge, la Cour ne trouve aucune cause de nullité au mandat signé le 16 juin 2015 entre Mme [I] [Y] et la SARL ABADIE IMMO et le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de nullité de Mme [I] [Y].

Sur la clause pénale réclamée par la SARL ABADIE IMMO :

La SARL ABADIE IMMO a fait visiter à Mme [I] [Y] le 16 juin 2015 un bien correspondant exactement à ses critères de recherches, celui des époux [Z], [Adresse 1] à [Localité 4]. Or, Mme [I] [Y] va acquérir cet appartement par acte notarié du 29 octobre 2015 pour le prix de 311.000 €, par l’intermédiaire d’une agence LIBERTIMMO qui percevra une commission de 10.000 € en sus du prix de vente.

Ainsi conformément à la clause pénale rappelée ci-dessus, Mme [I] [Y] a manqué à son obligation de « traiter l’achat (d’un bien proposé par la SARL ABADIE IMMO) par son seul intermédiaire pendant 24 mois à compter du 16 juin 2015 ».

Pour tenter de justifier ce manquement contractuel, Mme [I] [Y] soutient que la SARL ABADIE IMMO n’a pas répondu aux offres faites et transmises à celle-ci immédiatement après sa visite du bien.

Or, par des motifs pertinents que la Cour adopte, le 1er juge a relevé que Mme [I] [Y] n’avait adressé à la SARL ABADIE IMMO le 19 juin 2015 à 9h30, par l’intermédiaire de l’Agence immobilière ORPI, qu’une seule offre à 322.000 € pour cet appartement, avec des conditions suspensives, à laquelle la SARL ABADIE IMMO a répondu dans la journée, puis Mme [I] [Y] n’a plus donné suite après demandes d’informations. Elle ne justifie d’aucune relance ou demande auprès de la SARL ABADIE IMMO à laquelle celle-ci n’aurait pas répondu.

Ainsi contrairement aux allégations de Mme [I] [Y], la SARL ABADIE IMMO a rempli toutes ses obligations, et la clause pénale doit donc être appliquée, selon la commission prévue au mandat signé par Mme [I] [Y], et non pas selon la commission prévue au mandat de vente signé entre les époux [Z] et la SARL ABADIE IMMO.

La déloyauté de Mme [I] [Y] à l’égard de la SARL ABADIE IMMO justifie de maintenir la condamnation à la somme prévue de 18.000 € dont Mme [I] [Y] était parfaitement informée lors de la signature du mandat et plus encore par le courrier valant mise en demeure adressé par la SARL ABADIE IMMO le 7 septembre 2015 reçu le 22 septembre 2015, avant donc la réitération devant notaire de l’achat de l’appartement.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions, y compris sur les mesures accessoires dont le Tribunal a fait une équitable application.


PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 21 octobre 2020 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Rejette les demandes des parties fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [I] [Y] aux entiers dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,

Carole DEBON Caroline DUCHAC

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x