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4ème chambre commerciale
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/00641 – N° Portalis DBVH-V-B7F-H6H5
AV
TRIBUNAL DE COMMERCE D’AVIGNON
08 janvier 2021 RG :2018014610
Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE
C/
[K]
Grosse délivrée
le
à
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 25 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce d’AVIGNON en date du 08 Janvier 2021, N°2018014610
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre
Madame Claire OUGIER, Conseillère
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 12 Janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 25 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE immatriculée au RCS de ST ETIENNE sous le N° B 428 268 023, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité au siège social sis
[Adresse 2]
CS50306
[Localité 4]
Représentée par Me Yves CLERGUE de la SELARL JUDICAL-CLERGUE-ABRIAL, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE substitué par Me Cécile ABRIAL de la SELARL JUDICAL-CLERGUE-ABRIAL, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
Madame [J] [K]
née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Thierry CATOIS de la SELARL CATOIS THIERRY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 29 Décembre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 25 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l’appel interjeté le 15 février 2021 par la SAS Distribution Casino France à l’encontre du jugement prononcé le 8 janvier 2021 par le tribunal de commerce d’Avignon, dans l’instance n°2018014610,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 18 octobre 2021 par l’appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 26 juillet 2021 par Madame [J] [K], intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu l’ordonnance du 24 octobre 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 29 décembre 2022,
Par actes sous signature privée des 18 janvier 2005, 2 juillet et 19 octobre 2007, la SAS Distribution Casino France a confié la gestion et l’exploitation d’un magasin de vente au détail, dit ‘supérette’, à Monsieur [N] [K] et à Madame [J] [K]. A la suite du décès de Monsieur [N] [K], un nouveau contrat de gérance mandataire non-salariée a été conclu le 2 janvier 2014 par Madame [J] [K].
Les 17 juin 2014, 10 juin 2015 et 30 juin 2015, des inventaires contradictoires de renseignement de cette supérette ont été effectués et leurs résultats ont été inscrits sur le compte général de dépôt de la gérante.
A l’issue du dernier inventaire, la gérante mandataire a été provisoirement relevée de ses fonctions, compte tenu des manquants de marchandises et d’emballages.
A la suite d’un entretien préalable, la société Distribution Casino France a prononcé la rupture du contrat de Madame [K], par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 août 2018.
L’inventaire contradictoire du 30 juin 2015 a tenu lieu d’inventaire de reprise définitif.
Après passation des dernières écritures comptables complémentaires, le compte général de dépôt de Madame [K] faisait ressortir un solde débiteur de 35 756,66 euros.
Par exploit du 30 octobre 2018, la société Distribution Casino France a fait assigner Madame [K] devant le tribunal de commerce d’Avignon aux fins d’obtenir sa condamnation à lui payer le solde débiteur de son compte général de dépôt à hauteur de 35 756,66 euros.
Par jugement du 8 janvier 2021, le tribunal de commerce d’Avignon a :
-Rejeté l’intégralité des demandes des parties, sauf en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens
-Condamné la société Distribution Casino France à verser à Madame [J] [K] la somme de 2 000 euros, à titre d’indemnité, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
-Laissé à la société Distribution Casino France la charge des dépens, dont ceux de greffe, liquidés, s’agissant du seul coût du jugement, à la somme de 63,36 euros TTC.
Le 15 février 2021, la SAS Distribution Casino France a interjeté appel de cette décisions aux fins de la voir réformer en ce qu’elle l’a déboutée de l’intégralité ses prétentions et condamnée à verser à Madame [J] [K] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’appelante demande à la cour, au visa de l’article 1134 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, de l’accord collectif national des maisons d’alimentation du 18 juillet 1963 et, en particulier l’article 21, de :
-Réformer le jugement du tribunal de commerce d’Avignon du 8 janvier 2021 en ce qu’il a:
Rejeté l’intégralité des demandes de la société Distribution Casino France tendant à retenir que le solde débiteur du compte général de dépôt de Madame [K] s’élève aujourd’hui à la somme de 35 756,66 euros, et, en conséquence, condamner Madame [K] à lui payer la somme de 35 756,66 euros outre intérêts de droit à compter du 26 mars 2018, date de la première mise en demeure, 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, capitalisation des intérêts, entiers dépens de l’instance,
Condamné la société Distribution Casino France à verser à Madame [K] la somme de 2 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Laissé à la société Distribution Casino France la charge des dépens dont ceux de greffe liquidés s’agissant du seul jugement à la somme de 63,35 euros TTC
-Le confirmer pour le surplus en ce qu’il a débouté Madame [K] de ses demandes reconventionnelles,
Statuant à nouveau,
Retenant que le solde débiteur du compte général de dépôt de Madame [K] s’élève aujourd’hui à la somme de 35 756,66 euros,
-Débouter Madame [K] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
-Condamner Madame [K] à payer à la société Distribution Casino France la somme de:
35 756,66 euros, outre intérêts de droit à compter du 26 mars 2018, date de la première mise en demeure,
2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
-Ordonner la capitalisation des intérêts
-La condamner enfin aux entiers dépens de l’instance.
Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir :
-qu’il ressort des termes du contrat de gérance et de l’accord collectif national des maisons d’alimentation que Madame [K] avait la qualité de gérante mandataire non-salariée et était, à ce titre, tenue aux obligations classiques tant du dépositaire que du mandataire
-qu’il appartient à Madame [K], dans le cadre de la reddition des comptes qui lui est demandée par sa mandante, de fournir le justificatif d’existence des marchandises qui lui ont été confiées ou des recettes provenant de leur vente
-que les pièces comptables sont établies sur les déclarations de la gérante et les relevés détaillés de débits et crédits mensuels permettent seulement de connaître le stock théorique de la supérette, constitué par le biais des commandes passées par la gérante et qui lui sont livrées;
-qu’en l’absence de contestation tant sur les bordereaux de livraison que sur le relevé détaillé des débits et crédits, la valeur des marchandises confiée aux gérants n’est plus contestable
-que les gérants disposent d’un délai de huit jours, après réception de la fiche de caisse mensuelle, pour faire valoir les observations sur les recettes
-qu’à défaut de réclamation dans le délai imparti, ils ne sont plus recevables à contester lesdits éléments comptables reçus tout au long de leur gestion
-que, dès lors que les documents comptables sont conformes à l’accord collectif national des maisons d’alimentation et au contrat de gérance, ces éléments ne peuvent être contestés par les gérants
-que la gérante disposait d’un délai de quinze jours pour contester les différents arrêtés des comptes successifs, conformément à l’article 21 de l’accord collectif national des maisons d’alimentation du 18 juillet 1963
-qu’elle n’a pas émis de contestation, pas plus que tout au long de la gestion de la supérette ou postérieurement à celle-ci, après réception des mises en demeure qui lui ont été adressées
-que le gérant a le devoir de contrôler les documents comptables qui lui sont remis mensuellement, documents s’appuyant sur ses seules déclarations et permettant le calcul des commissions lui revenant
-que Madame [K] a reconnu les résultats de l’inventaire contradictoire du 17 juin 2014, en signant le compte général de dépôt y afférent, de sorte qu’elle n’est pas recevable à venir contester les éléments comptables antérieurs, par application de l’article 21 de l’accord collectif national des maisons d’alimentation du 18 juillet 1963
-que, par courrier du 4 novembre 2014, la gérante a expressément reconnu sa dette auprès de sa mandante et s’est engagée à régler auprès de la société Casino le solde débiteur de son compte général de dépôt moyennant un échéancier accepté par cette dernière
-que l’article 21 du dit accord collectif national prévoit la faculté de procéder à un inventaire contradictoire immédiat de la supérette, sans respect du délai de prévenance
-que les époux [K] ont procédé à des versements volontaires afin d’honorer leurs engagements contractuels, en leur qualité de gérants mandataires non-salariés
-que le caractère contradictoire n’est pas contestable, en ce qu’il ressort des attestations d’inventaire signées par les gérants
-que Madame [K] n’apporte pas la preuve qu’elle a sollicité un contre-inventaire
-que Madame [K] a bénéficié d’une formation dans une succursale école
-que les gérants débutants bénéficient, lors de leur prise de gestion, d’une formation complémentaire à la fois théorique et pratique dispensée par le service commercial, présent en magasin pour cette formation
-que, de plus, au cours de leur exploitation, ils bénéficient d’une assistance commerciale et professionnelle
-que cette obligation d’assistance ne signifie pas l’obligation pour la société Casino de se substituer aux gérants ou de s’immiscer dans la gestion ou proposer à leur place des actions commerciales;
-que, dans le cadre du dossier de candidature adressé à la société Distribution Casino France, les époux [K] avaient mis en avant leur expérience respective professionnelle au sein d’une supérette à une autre enseigne, pendant plus de deux années, de sorte qu’ils connaissaient déjà le fonctionnement d’une telle supérette
-que, sur la demande d’expertise judiciaire, Madame [K] ne peut demander au tribunal de suppléer à sa carence en matière de preuve, comme le prévoit l’article 146 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’intimée demande à la cour, au visa de l’accord collectif national du 18 juillet 1963 concernant les gérants des maisons d’alimentation, de :
-Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Distribution Casino France de sa demande visant à voir condamner Madame [K] à lui payer la somme de 35 756,66 euros, ainsi qu’à la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
-Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Madame [K] de sa demande visant à voir condamner la société Distribution Casino France à lui payer la somme de 14 280,28 euros,
Et statuant à nouveau,
-Condamner la société Distribution Casino France à rembourser à Madame [K] la somme de 14 280,28 euros
-Débouter la société Distribution Casino France de l’intégralité de ses demandes
Si la Cour s’estimait insuffisamment éclairée,
-Ordonner une expertise comptable aux frais avancés de la société Distribution Casino France
-Condamner la société Distribution Casino France à verser à Madame [K] [J] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
-Condamner la société Distribution Casino France aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, l’intimée fait valoir :
-que les époux [K] ont eu la gérance de leur premier magasin Casino en 2005 qu’ils tenaient en cogérance mandataires non-salariés
-qu’à la suite de la fermeture de ce magasin, les marchandises et emballages ont été répartis sur d’autres magasins supérettes Casino
-que la mutation des marchandises n’a été validée qu’après la clôture de l’inventaire, de sorte que la réalité du stock, lors de la cessation de l’activité, n’a jamais été établie
-que la société Distribution Casino France a imputé aux époux [K] la responsabilité d’un déficit de marchandises, en réalité, réparties dans les autres magasins, et leur a demandé de l’indemniser
-que, malgré le reproche fait aux époux [K] d’avoir été de mauvais gérants, Madame [K] s’est vue confier, à la suite du décès de son époux, la gérance de la supérette à [Localité 6]
-qu’aucune formation n’a été donnée à la gérante pour pouvoir exercer cette activité
-que les gérants n’ont aucun moyen de suivre les stocks de leur propre magasin, les équipes de la société Casino réalisant les inventaires
-que la société Casino n’a pas produit les inventaires avant 2014
-que le déficit est passé de 0 euros à plus de 36 000 euros, démontrant l’irrégularité des inventaires de renseignement
-qu’il appartenait à la société Distribution Casino France de respecter l’accord collectif national du 18 juillet 1963 prévoyant un délai de prévenance des cogérants de huit jours avant les inventaires de renseignements
-qu’elle ne démontre pas un fait exceptionnel susceptible de lui permettre de passer outre ce délai
-qu’en outre, la société n’a jamais établi avoir informé Madame [K] de la survenance de cet inventaire, laquelle aurait pu bénéficier de ce délai pour le préparer
-que les inventaires sont donc irréguliers et les arrêtés de compte ne peuvent lui être opposables
-que Madame [K] a indûment versé la somme de 14 280,28 euros à la société Distribution Casino France, sur la base d’arrêtés de compte qui ne lui sont pas opposables, et est donc recevable à solliciter le remboursement de toutes les sommes versées à la société
-que l’article 3 des accords collectifs impose de dispenser une formation initiale et continue
-qu’aucune assistance comptable et administrative n’a été donnée à Madame [K] et que celle-ci n’a pas reçu de formations, notamment pour le logiciel de gestion Gold qui apparaissait primordiale pour lui permettre d’assurer une bonne gestion des stocks
-que la société Casino n’a donc pas permis à Madame [K] de maîtriser les outils de gestion propre à l’enseigne et qu’il s’agit d’un comportement fautif et déloyal.
Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
MOTIFS
1) Sur la demande principale en paiement du solde du compte général de dépôt
Les parties sont liées par un contrat de gérance mandataire non salariée signé le 2 janvier 2014 dont le régime est prévu par l’accord collectif national des maisons d’alimentation du 18 juillet 1963.
L’article 24 du dit accord collectif met à la charge du titulaire d’une gérance la responsabilité des marchandises qui lui sont confiées ou des espèces provenant de leur vente sauf cas limitativement énumérés.
En sus des obligations découlant du mandat, le gérant mandataire non salarié est donc tenu aux obligations du dépositaire vis à vis de la marchandise qu’il est chargé de vendre, pour le compte de son mandant.
Aux termes de l’article 1993, tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion et de faire raison au mandant de tout ce qu’il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu’il aurait reçu n’eut point été dû au mandant.
L’article 1932, alinéa1, du même code dispose que le dépositaire doit rendre identiquement la chose même qu’il a reçue.
L’article 21 de l’accord collectif national des maisons d’alimentation du 18 juillet 1963 définit l’inventaire comme étant l’état détaillé du recensement des marchandises (produits, services accessoire et emballages) en succursale en vue de la valorisation des existants réels ainsi constatés « valeur du stock départ + valeur des marchandises reçues = recettes versées + valeur du stock final ».
Le même article précise que si le total des recettes versées et le stock constaté au jour de l’inventaire sont inférieurs au stock de départ et à la valeur des marchandises reçues, il y a manquant de marchandises ou de recette provenant de leur vente. Dans le cas contraire, il y a excédent. Un arrêté de compte opposable aux deux parties est établi à la suite de chaque inventaire. Le gérant mandataire non salarié dispose, à partir de la réception de la situation d’inventaire, d’un délai de 15 jours pour l’examiner et présenter, le cas échéant, ses observations.
L’article 5 du contrat de gérance stipule que dans les conditions prévues par l’accord collectif national du 18 juillet 1963 modifié, il est procédé régulièrement à un inventaire de règlement, lequel correspond à l’état détaillé du recensement des marchandises en magasin, en vue de la valorisation des existants réels ainsi constatés. Chaque partie peut réclamer un nouvel inventaire, à charge pour elle d’en supporter le coût s’il se révèle injustifié. En tout état de cause un arrêté de compte opposable aux deux parties est établi à la suite de chaque inventaire. Le gérant mandataire non salarié dispose, à partir de la réception de ce document, d’un délai de 15 jours pour l’examiner et présenter, le cas échéant, ses observations. A défaut, il est réputé avoir accepté le résultat de l’inventaire.
La gérante non salariée, dépositaire du stock de marchandises est donc tenue contractuellement du montant des manquants relevés au cours d’inventaires ayant pour but de vérifier si le stock en dépôt concorde bien avec la différence entre les montant des marchandises reçues et celui des ventes annoncées, compte-tenu des emballages et marchandises retournées.
En l’occurrence, la gérante non salariée a apposé sa signature sur la fiche d’inventaire du 17 juin 2014, après avoir apposé la mention ‘lu et approuvé, bon pour accord’. L’inventaire établi contradictoirement a fait apparaître un stock de marchandises de 40 703,58 euros et un stock d’emballages de 1 750,36 euros.
De même, l’appelante verse au débat les attestations signées les 10 et 30 juin 2015 par la gérante non salariée qui a certifié que les inventaires à ces dates avaient été effectués contradictoirement, en sa présence et sous son contrôle; qu’elle avait suivi et contrôlé par elle-même le déroulement et l’exactitude des inventaires, grâce, notamment, à la bande jointe qui récapitulait, dans l’ordre chronologique, les marchandises et emballages inventoriés; qu’elle reconnaissait que toutes les marchandises et emballages existants dans le magasin, les dépôts, les annexes avaient été inventoriés et déclarait n’avoir décelé aucune anomalie dans les opérations d’inventaire pour des montants respectifs de marchandises et d’emballages de 41 352,05 euros et de 1 206,91 euros au 10 juin 2015 et de 38 852,26 et de 1 148,48 euros au 30 juin 2015.
La gérante non salariée fait valoir que le logiciel de gestion Gold ne donne qu’un accès limité à un certain nombre d’applications et n’offre pas la possibilité de contrôler réellement les stocks.
Toutefois, l’opinion exprimée dans un article de presse, à ce sujet, par une avocate chargée de la défense des gérants de supérettes, ne saurait suffire à emporter la conviction de la cour sur l’inefficacité du logiciel de gestion mis à la disposition des gérants ainsi que sur l’impossibilité dans laquelle ils se trouveraient de suivre, par d’autres moyens, l’évolution de leurs stocks.
La gérante non salariée soutient, sans rapporter la moindre preuve de ses affirmations, que les marchandises et emballages du premier magasin qu’elle a pris en co-gérance avec son mari en 2005, ont été répartis sur d’autres magasins et que la mutation des marchandises n’a été validée qu’après clôture de l’inventaire.
L’intimée n’établit pas avoir contesté les inventaires des 17 juin 2014 et 10 juin 2015, dans un délai de quinze jours, et avoir réclamé la réalisation d’un nouvel inventaire. Elle ne justifie pas non plus avoir présenté des observations, à la suite de la réception des arrêtés de compte qui lui ont été transmis, après ces inventaires.
Le solde du compte général de dépôt de Madame [K] n’est pas devenu subitement débiteur de la somme de 35 756,66 euros ; le débit s’est élevé à 14 072,80 euros, après l’inventaire du 17 juin 2014, et il n’a fait que s’aggraver, après l’inventaire du 10 juin 2015 ayant révélé d’autres marchandises et emballages manquants.
La gérante non salariée ne rapporte pas la preuve d’anomalies ou d’erreurs ayant affecté les inventaires, qui se sont déroulés en sa présence. Conformément aux dispositions de l’article 146 du code de procédure civile, une mesure d’expertise judiciaire ne saurait être ordonnée en vue de suppléer sa carence dans l’administration de la preuve.
L’article 21 de l’accord collectif national prévoit que « le gérant mandataire non salarié sera prévenu au moins huit jours à l’avance (sauf dans le cas exceptionnel où l’entreprise en déciderait autrement) de la date de l’inventaire. »
En l’occurrence, l’intimée soutient qu’elle n’a pas bénéficié du délai de prévenance de huit jours avant l’inventaire du 17 juin 2014 et celui du 10 juin 2015.
Toutefois, le délai fixé par l’accord collectif national n’est assorti d’aucune sanction. De plus, la gérante non salariée ne démontre pas que le non respect du délai de prévenance ait eu une incidence sur l’état du stock de marchandises et d’emballages et donc sur les résultats des inventaires des 17 juin 2014 et 10 juin 2015.
Par conséquent, la valeur probante des inventaires versés au débat n’est pas affectée par l’irrégularité invoquée et ils sont opposables à la gérante non salariée qui est réputée en avoir accepté le résultat.
L’entreprise de grande distribution produit également les relevés de compte de fin de mois de juin à décembre 2014 et de janvier à mai 2015, les relevés détaillés des débits et crédit de fin de mois de juin à décembre 2014 et de janvier à mai 2015, le relevé détaillé des débits et crédit arrêté au 10 juin 2015, les fiches de caisse de fin de mois de juin à décembre 2014 et de janvier à mai 2015, la fiche de caisse d’inventaire du 10 juin 2015.
La gérante non salariée n’a pas fait valoir d’observations sur ces documents comptables qui lui ont été adressés en temps utile.
La gérante non salariée a également signé le 22 décembre 2014 le compte général de dépôt qui reprenait les manquants en marchandises et emballages de 9 864,95 euros et de 14 800,02 euros, soit de 24 664,97 euros au total, figurant dans l’arrêté de compte établi après l’inventaire du 17 juin 2014.
Après une opération créditrice de régularisation des emballages, le compte général de dépôt approuvé le 22 décembre 2014 faisait ressortir un solde débiteur de 14 072,80 euros.
L’arrêté de compte ainsi obtenu est opposable à la gérante non salariée, en application de l’article 21 de l’accord collectif national des magasins d’alimentation.
De plus, l’appelante verse au débat le courrier daté du 24 novembre 2014 dans lequel la gérante non salariée reconnaît expressément devoir la somme de 24 053,34 euros correspondant au montant du solde débiteur de son compte général de dépôt du 24 novembre 2014 et propose de le régler par versements mensuels de 300 euros.
En réponse, par courrier du 8 décembre 2014 dont la gérante non salariée a accusé réception le 9 décembre 2014, l’entreprise de grande distribution lui a rappelé que le compte de dépôt était débiteur de 24 664,97 euros, après positionnement du résultat d’inventaire et que, sous réserve de comptabilisation de redressements en cours, en particulier pour ce qui concernait les emballages, le solde débiteur s’établirait à 14 072,80 euros. Dans ce même courrier, l’entreprise de grande distribution a accepté l’échéancier proposé par la gérante non salariée.
La gérante non salariée a approuvé, sans réserve et expressément, le compte général de dépôt du 22 décembre 2014, qui reprenait le résultat de l’arrêté de compte établi à partir de l’inventaire du 17 juin 2014 mais également des soldes débiteurs précédents au 31 mai 2014 et du relevé détaillé des débits et des crédits du 17 juin 2014 ; par conséquent, l’arrêté de compte, après l’inventaire du 17 juin 2014 est suffisant pour établir la créance de l’entreprise de grande distribution, quand bien même cette dernière ne produit pas les inventaires antérieurs au 17 juin 2014.
L’arrêté de compte, après l’inventaire de renseignements du 10 juin 2015, et le compte général de dépôt transmis le 30 juin 2015 à la gérante non salariée n’ont pas non plus été contestés par cette dernière, dans le délai de quinze jours, de sorte qu’ils lui sont également opposables bien qu’elle ne les ait pas signés.
L’article 3 de l’accord collectif prévoit que préalablement à la signature du contrat, les entreprises doivent assurer une formation gratuite des futurs gérants mandataires non salariés se déroulant au minimum sur 1 semaine. Cette formation devra combiner une formation théorique et un entraînement pratique en succursale, axés sur le commerce en général et les spécificités du métier de gérant mandataire non salarié. Après la signature du contrat, les gérants mandataires non salariés bénéficieront lors de leur prise de gestion d’une formation complémentaire théorique et pratique de 1 semaine minimum portant, notamment, sur :
– l’organisation personnelle ;
– le suivi du stock et la passation des commandes ;
– la tenue du livre de caisse ;
– la vérification des comptes de la succursale ;
– la législation et la réglementation applicables à leur activité.
La formation pratique sera axée principalement sur la gestion des produits frais (BOF, fruits et légumes…).
En l’occurrence, l’entreprise de grande distribution justifie par la production de courriers signés les 7 et 10 décembre 2004 par Monsieur et Madame [K] leur avoir dispensé du 7 au 10 décembre 2004 une formation préalable à la signature du contrat de gérance.
En revanche, il n’est pas établi que la gérante non salariée ait bénéficié d’une formation complémentaire, lors de la prise de gestion du 2 janvier 2014 ; néanmoins, l’intimée avait assumé la co-gestion d’une supérette avec son mari, pour le compte de l’appelante, pendant neuf années, antérieurement à l’inventaire contesté du 17 juin 2014; de plus, avant la signature du 18 janvier 2005 du premier contrat avec l’appelante, elle avait déjà exploité une supérette sous une autre enseigne, pendant deux années, de sorte qu’elle bénéficiait d’une expérience certaine dans le domaine de la gestion et de la vente.
Au surplus, la gérante non salariée n’a pas fait la demande, comme le lui permettait l’article 3 de l’accord collectif, de bénéficier d’un perfectionnement professionnel afin d’assurer son adaptation à l’introduction de nouvelles technologies et notamment à l’utilisation d’un logiciel de gestion.
Dans ces circonstances, il n’est pas démontré de lien de causalité certain entre le manque de formation invoqué notamment pour l’utilisation du logiciel Gold et les difficultés rencontrées dans la gestion des stocks par la gérante non salariée.
La gérante non salariée, qui s’est obligée à rendre ce qu’elle a reçu, ne parvient pas à démontrer que les marchandises ou espèces, dont la valeur a été déduite dans l’arrêté de compte après inventaire, ont en réalité été représentées.
Par conséquent, au vu du compte général de dépôt du 15 novembre 2016, il convient de la condamner à payer à l’entreprise de grande distribution la somme de 35 756,66 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 mars 2018.
De plus, à la demande de l’entreprise de grande distribution, il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière.
2) Sur la demande reconventionnelle de la gérante non salariée
Faute de démonstration par la gérante non salariée qu’un déficit de marchandises lui ait été attribué à tort, lors de la fermeture du premier magasin pris en co-gérance avec son mari, et qu’elle ait payé indûment la somme de 14 280,28 euros, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande reconventionnelle.
3) Sur les frais du procès
La gérante non salariée, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
L’équité ne commande cependant pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’entreprise de grande distribution.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a débouté Madame [J] [K] de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 14 280,28 euros et de sa demande d’expertise
Statuant à nouveau,
Condamne Madame [J] [K] à payer à la SAS Distribution Casino France la somme de 35 756,66 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 mars 2018
Ordonne la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière
Y ajoutant,
Condamne Madame [J] [K] aux entiers dépens de première instance et d’appel
Déboute la SAS Distribution Casino France de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Arrêt signé par la présidente et par lagreffiere.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,