Reddition des comptes : 20 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/20107

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Reddition des comptes : 20 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/20107
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20 septembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/20107

Pôle 4 – Chambre 13

Texte de la décision


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 13

ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/20107 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA47R

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Octobre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 18/06681

APPELANT

Monsieur [U] [L]

Né le [Date naissance 4] 1952 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté par Me Alix VILLANOVE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque: 143

Ayant pour avocat plaidant Me Christian BLAZY de la SELARL BLAZY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS

Maître [H] [D]

Née le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Paul-Albert IWEINS de la SELAS SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J010

Ayant pour avocat plaidant Me Constance de GARIDEL-THORON du Cabinet TAYLOR WESSING, avocat au barreau de PARIS, toque : J010

LA CHAMBRE DÉPARTEMENTALE DES HUISSIERS DE JUSTICE DE LA CHARENTE-MARITIME

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Christelle HABERT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0342

Ayant pour avocat plaidant Me David BODIN de la SCP BEAUCHARD BODIN DEMAISON GIRET HIDREAU, avocat au barreau de LA ROCHELLE

LA CHAMBRE NATIONALE DES COMMISSAIRES DE JUSTICE

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée et assistée de Me Nathalie SAULAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R084

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente, chargée du rapport et Mme Estelle MOREAU, Conseillère.

Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Mme Florence BUTIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Séphora LOUIS-FERDINAND

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente et par Nora BENDERRADJ, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

* * * * *

M. [U] [L] a eu la charge de l’étude d’huissier de justice de [Localité 9], en Charente maritime, de 1982 à 2013.

Des irrégularités ont été relevées lors d’une inspection intervenue en juillet 2013 justifiant la saisine des chambres nationale et départementale des huissiers de justice et du procureur de la République de Poitiers.

Le 12 juillet 2013, M. [L] a démissionné et, par jugement du 20 août 2013, le tribunal de grande instance de Saintes a désigné Mme [H] [D] pour assurer la suppléance de l’office. Par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, du 19 août 2015, la démission de M. [L] a été acceptée et l’office supprimé.

Par jugement définitif du 28 mars 2017, le tribunal correctionnel de Poitiers a déclaré M. [L] coupable d’abus de confiance par officier ministériel et l’a condamné à une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis outre l’interdiction définitive d’exercer.

Le tribunal a reçu la constitution de partie civile de la chambre nationale des huissiers de justice et condamné M. [L] à lui payer la somme de 500 euros au titre du préjudice moral outre celle de 7 000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Le 4 avril 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance d’Angoulême a débouté M. [L] de sa demande tendant à ce que la chambre nationale des huissiers de justice lui rembourse des sommes indûment perçues pour indemniser les clients de l’étude.

C’est dans ces conditions que, par acte du 1er juin 2018, M. [L] a fait assigner la chambre nationale des huissiers de justice devant le tribunal de grande instance de Paris en répétition de l’indu.

Par actes des 8 et 23 août 2018, la chambre nationale des huissiers de justice a respectivement fait assigner en intervention forcée Mme [D] en qualité de suppléante de l’étude de M. [L] et la chambre départementale des huissiers de justice de la Charente maritime.

Par jugement du 2 octobre 2019, le tribunal a :

– débouté M. [L] de ses demandes,

– condamné M. [L] aux dépens,

– condamné M. [L] à payer à la chambre nationale des huissiers de justice devenue chambre nationale des commissaires de justice une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution par provision,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 28 octobre 2019, M. [L] a interjeté appel de ce jugement.


Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 7 avril 2022, M. [L] demande

à la cour de :

– le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

– déclarer les intimées mal fondées pour l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, les en débouter,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes,

– condamner la chambre nationale des commissaires de justice à lui régler la somme principale de 161 449,20 euros,

– la condamner à lui verser une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens,

– la débouter de ses demandes et notamment celles formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la chambre départementale des huissiers de justice de la charente maritime et Mme [D] de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 15 avril 2022, la chambre nationale

des commissaires de justice ( ci après la chambre nationale) demande à la cour de :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– débouter M. [L] de l’ensemble de ses demandes formées à son encontre,

– condamner M. [L] à lui verser la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, dont distraction au profit de Mme [P] [O].

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 6 août 2020, la chambre départementale des huissiers de justice de la Charente maritime (ci-après la chambre départementale) demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande

au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [L] à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner encore aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 15 avril 2022, Mme [D] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [L] de ses demandes et l’a condamné aux dépens,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande tendant à la condamnation de M. [L] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

et statuant à nouveau,

– condamner M. [L] à lui payer la somme de 4 000 euros en application des

dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la première instance,

– condamner M. [L] à lui payer la somme de 6 000 euros en application des

dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de l’instance d’appel,

– condamner M. [L] aux entiers dépens d’appel.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 19 avril 2022.


SUR CE,

Le tribunal a débouté M. [L] de son action en répétition de l’indu aux motifs que :

– la chambre nationale et la chambre départementale ont appréhendé plusieurs créances de M. [L] pour un montant total de 304 634,36 euros, lequel a servi à indemniser les clients de M. [L],

– les décisions pénales ont, au civil, autorité absolue relativement à ce qui a été jugé quant à l’existence de l’infraction et à la culpabilité de la personne condamnée et si le juge pénal a reconnu un abus de confiance pour un montant total de 149 305,99 euros , il n’a aucunement jugé que d’autres sommes n’auraient pas été abusivement évincées par M. [L],

– ce dernier ne démontre pas que le surplus des sommes versées par la chambre nationale au profit de ses anciens clients l’aurait été sans fondement, les indemnisations ayant pu porter sur des sommes non représentées en raison d’infractions pénales non poursuivies par le ministère public ou en raison d’irrégularités insusceptibles de recevoir une qualification pénale,

– par ailleurs, s’il existe un différentiel entre le montant perçu par la chambre nationale et la chambre départementale et le montant total des lettres-chèques envoyées aux clients de l’étude, estimé à une somme de 3 920,81 euros, Mme [D] explique cette variation par l’application des droits proportionnels qui, dans certains dossiers, étaient dus à l’étude,

– M. [L] n’explique pas en quoi les calculs effectués par Mme [D] sont défaillants et génèrent une créance à son profit.

M. [L] fait valoir que :

– la chambre nationale a reçu la somme de 310 755,19 euros, ce qu’elle ne conteste pas,

– Mme [D] et le président de la chambre départementale ont reconstitué la comptabilité de l’étude afin de lister toutes les victimes des fraudes commises et chaque fois qu’une écriture frauduleuse était décelée, ils ont procédé à des contre-passations afin de rembourser le client victime mais ni la chambre nationale ni les enquêteurs chargés de l’enquête pénale ne l’ont jamais averti du montant exact des écritures frauduleuses retenu de sorte qu’il est impossible de chiffrer le montant utilisé pour rembourser les clients,

– les quelques documents transmis par la chambre nationale révèlent :

> des erreurs dans les remboursements qui correspondaient en réalité à des honoraires réguliers pour lesquels il avait négocié avec ses client un versement pour un montant supérieur au tarif,

> des incohérences dans les deux tableaux fournis par la chambre nationale puisque les sommes versées aux victimes sont largement supérieures aux sommes présumées de la fraude, cette différence s’expliquant par le versement de sommes provenant des fonds disponibles dans les comptes clients,

> une absence de déduction de la TVA qu’il avait payée sur les sommes remboursées aux clients victimes des fraudes et dont le remboursement lui est dû (19,6 % sur un total de 294 492,13 euros perçu), ce que ni Mme [D] ni les service des impôts n’ont effectué malgré ses demandes,

– ces erreurs ont été admises lors de l’enquête pénale puisque le tribunal correctionnel de Poitiers l’a condamné pour abus de confiance à hauteur de 149 306,99 euros alors que les poursuites initiales portaient sur un montant de 294 492,13 euros,

– cette décision a autorité de chose jugée à l’égard du juge civil,

– le procès-verbal de synthèse du 30 août 2016 établi lors de l’enquête préliminaire, pièce sur laquelle s’appuie la chambre nationale pour affirmer que le montant de la fraude s’élève à la somme de 294 412,13 euros, n’a aucune valeur probante,

– la chambre départementale explique la différence entre le montant initialement présumé de la fraude et celui définitivement fixé par le juge pénal par des erreurs comptables de l’étude non constitutives d’infractions pénales qu’elle avait qualifiées d’abus de confiance et dont elle ne fournit ni la liste ni la preuve,

– si ces erreurs existaient, ces sommes auraient dû être couvertes par les assurances obligatoires garantissant la responsabilité professionnelle des huissiers et non remboursées sur ses deniers propres,

– dans la mesure où la fraude a été fixée à la somme de 149 305, 99 euros, toute somme versée à la chambre nationale au-delà est indue de sorte qu’une somme de 161 449,20 euros doit lui être restituée.

La chambre nationale fait valoir que :

– contrairement à ce qu’affirme M. [L], elle n’a pas reçu la somme de 310 755,19 euros, mais celle de 159 113,10 euros et la chambre départementale a perçu celle de 145 521,26 euros,

– M. [L] se méprend sur son rôle qui a été d’ordonner au coté de la chambre régionale une inspection de second degré et, en sa qualité de garant légal, d’indemniser ses clients en raison d’une absence de représentation des fonds des clients mais elle n’a pas déterminé le montant des créances des victimes,

– la reddition des comptes et les tableaux de contre-passations n’ont pas été effectués par elle, mais par un mandataire de la chambre départementale et Mme [D] désignée en qualité de suppléante,

– son rôle s’est limité à pourvoir aux paiements des sommes identifiées par les contre-passations qui lui ont été présentées par Mme [D] aidée par la chambre départementale,dans la limite des sommes manquantes pour indemniser les clients,

– M. [L] ne justifie pas que des erreurs auraient été commises lors des contre-passations et n’établit pas que le montant des malversations se limite à la somme de 149 305,99 euros,

– il n’y a pas d’autorité de la chose jugée sur le montant total des sommes indûment perçues par M. [L] puisque le tribunal correctionnel ne l’a aucunement chiffré,

– les décisions de la justice pénale ont, au civil, autorité absolue à l’égard de tous en ce qui concerne les éléments nécessaires de la décision de condamnation c’est-à-dire tous les éléments constitutifs de l’infraction retenus par le juge alors que les considérations relatives à l’étendue du préjudice ne sont pas considérées comme telles,

– si le tribunal correctionnel n’a prononcé aucune condamnation au titre de son préjudice matériel, c’est parce qu’elle n’avait formé aucune demande à ce titre car elle n’a pas la qualité de victime directe et avait déjà été indemnisée, notamment par la perception du prix de cession de l’office de 140 000 euros.

Mme [D] répond que :

– M. [L] ne formule aucune demande à son encontre,

– il a été tenu informé des contre-passations, n’a formulé aucune contestation et s’est prévalu des versements adressés aux clients lésés pour solliciter du service des impôts un remboursement d’un crédit de TVA qui devait revenir à l’étude et donc à lui,

– elle a reçu, en qualité de suppléante, la somme de 294 492,13 euros qu’elle a utilisée aux fins de rembourser aux clients lésés les sommes détournées,

– s’agissant des prétendus remboursement indus d’honoraires, M. [L] ne justifie pas des autorisations nécessaires à une facturation supérieure au droit proportionnel ni de conventions l’autorisant à prélever des honoraires autres que ceux prévus par le tarif,

– s’agissant du remboursement de la TVA, sa mauvaise foi est patente puisqu’il a procédé lui-même à la demande de remboursement, et en tout état de cause, le montant de la TVA à récupérer n’a aucune incidence sur les sommes à restituer aux clients lésés,

– la différence entre le montant des sommes versées aux clients par lettres chèques pour un montant total de 300 715,55 euros et le montant des écritures frauduleuses s’explique par l’application des droits proportionnels de l’article 8 qui dans certains dossiers étaient dus à l’étude et par le remboursement des sommes résultant de disponibles sur les comptes des clients qui correspondent à des versements des débiteurs ou à des provisions versées initialement par les clients et qui ne pouvaient revenir à M. [L],

– la fraude de M. [L] ne se limite pas à la somme de 149 305,99 euros,

– l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne s’étend pas au montant du préjudice,

– elle n’était pas partie à l’instance pénale de sorte que la décision pénale qui a statué sur les intérêts civils ne peut lui être opposée,

– le tribunal n’a pas chiffré de manière définitive le montant total des sommes indûment perçues par M. [L] et ne s’est pas prononcé sur le bien-fondé des prélèvements des sommes litigieuses que M. [L] réclame.

La chambre départementale des huissiers de justice répond que :

– l’argument tiré de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne peut aucunement être avancé puisqu’elle n’était pas partie au procès pénal,

– dire que les faits reprochés pénalement concernaient des abus de confiance pour un montant total de 149 305,99 euros ne signifie aucunement qu’il n’y avait pas d’autres créanciers victimes de l’étude, à d’autres titres, qu’il convenait d’indemniser,

– une partie des sommes versées aux clients de l’étude a pu l’être également pour remédier à des erreurs comptables de l’étude non constitutives d’infractions pénales,

– les clients abusés se voient restituer la totalité des sommes leur revenant, sans qu’il ait pu être imaginé de ne leur rembourser que le montant HT des sommes dont ils avaient été frauduleusement privés,

– aucun manquement qui aurait été pour M. [L] à l’origine d’un quelconque préjudice n’est invoqué à son encontre.

L’article 1302 du code civil dispose que ‘tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution’.

La chambre nationale garantissant la responsabilité professionnelle des huissiers de justice a, au titre de sa garantie légale en raison de l’absence de représentation des fonds des clients dans la comptabilité de l’étude, versé à Mme [D] en sa qualité de suppléante la somme de 149 046 euros ( 120 848,39 en 2013 + 28 197,62 en 2014).

La chambre départementale a perçu la somme de 145 521,26 euros de la part de M. [L] à la suite d’un versement par un notaire d’une somme lui revenant dans la succession de sa mère, laquelle a également été transmise sur le compte de l’étude de M. [L] et a servi à rembourser ses clients.

Lors de son audition par les gendarmes le 22 juin 2016, au cours de l’enquête pénale, M. [T], alors président de la chambre départementale a indiqué s’être chargé avec la suppléante Mme [D] de la contre-passation des écritures frauduleuses de M. [L] en utilisant d’abord la somme de 145 521,26 euros puis une fois cette somme épuisée, avoir sollicité à deux reprises la chambre nationale qui a versé la somme de 149 046 euros.

Ces deux chambres ont donc versé la somme de 294 567,26 euros au total alors que le montant des contre-passations d’écritures réalisées par Mme [D] aux fins de régulariser la comptabilité et indemniser les clients s’élève à la somme de 300 715,55 euros soit un différentiel de 6 148,29 euros.

M. [L] se prévaut de l’autorité de la chose jugée par la décision pénale qui l’a reconnu coupable d’un abus de confiance pour un montant total de 149 305,99 euros pour solliciter le remboursement de la somme de 161 449,20 euros correspondant à la différence entre le montant des contre-passations d’écritures et le montant des détournements retenu par le tribunal correctionnel.

L’inspection réalisée les 2 et juillet 2013 a mis en évidence des détournements pour un montant de 269 304,86 euros TTC, ce montant arrêté lors de l’inspection ayant été qualifié de provisoire par un des inspecteurs entendu par les enquêteurs puisque l’inspection avait été faite dans l’urgence et par sondage.

Lors de son audition par les gendarmes le 25 juillet 2016, M. [L] a contesté les sommes retenues par l’inspection dans le cadre de détournements qu’il reconnaissait et Mme [D] ainsi que Me [X] un des inspecteurs, réentendus, ont estimé que les contestations formulées ne pouvaient être retenues.

Le procureur de la République, à réception de l’enquête transmise en septembre 2016 a fait délivrer une citation et aux termes de la prévention retenue, M. [L] était poursuivi pour des détournements de fonds pour un montant de 149 305,99 euros au cours des années 2010 à 2013 ventilés comme suit :

– 26 496 euros au titre d’intérêts sur les sommes recouvrées évincés au détriment des clients et dissimulés sous la forme d’honoraires,

– 44 070,99 euros au titre de surfacturations d’honoraires au delà du tarif des huissiers(DP10) et de prises d’honoraires sans autorisation écrite des clients,

– 78 739 euros par un procédé de cavalerie consistant à capter sous forme d’honoraires des fonds des clients puis à les annuler en tout ou partie en réalisant un nouveau prélèvement sur un autre client et en réalisant des produits fictifs.

Le tribunal correctionnel de Poitiers l’a condamné pour abus de confiance sans se prononcer sur son montant.

L’autorité de la chose jugée au pénal ne s’attache qu’au dispositif de la décision et aux motifs qui en sont le soutien nécessaire. Elle s’impose au juge civil relativement aux faits constatés qui constituent le soutien nécessaire de la condamnation pénale.

L’étendue du préjudice ne constitue pas le soutien nécessaire de la condamnation pénale prononcée pour abus de confiance par le tribunal correctionnel.

En conséquence, M. [L] se prévaut à tort de l’autorité, au civil, de la chose jugée au pénal et le juge civil est libre d’apprécier au vu des éléments qui lui sont soumis le montant des détournements de fonds opérés par M. [L].

M. [L] conteste le montant des sommes fraudées reversées à ses clients en soutenant que les erreurs suivantes affectent les contra-passations d’écritures effectuées :

– des dépassements d’honoraires pour un montant de 44 354 euros

Il soutient qu’il avait convenu, comme la loi le permettait, avec ses clients créanciers d’un montant d’honoraires supérieur aux droits proportionnels prévus à l’article 10 du décret du 12 décembre 1996 alors applicable, notamment avec le Crédit agricole consumer finance pour lequel il était convenu d’honoraires de 14 % au lieu des 7 % tarifés. Cependant, il ne justifie d’aucune des conventions alléguées.

Il conteste également les reversements effectués au titre des honoraires tarifés mais susceptibles de dépassement sur autorisation prévus à l’article 16 du décret précité mais il ne justifie pas de l’accord nécessaire de ses clients sur le prélèvement d’honoraires supérieurs au tarif et les documents qu’il produit, principalement un document établi par lui-même qui ne peut servir de preuve, sont insuffisants à établir les erreurs alléguées.

– des incohérences entre les fraudes retenues et les sommes versées aux clients générant un indu de 50 960,22 euros

Il fait valoir que le tableau des fraudes relevées mentionne des sommes inférieures à celles versées aux clients et explique cette incohérence par le fait que les sommes reversées correspondaient également aux fonds disponibles dans leur compte ouvert dans l’étude, lesquels n’auraient pas dus être remboursés par des fonds propres lui appartenant.

Cependant, les sommes détenues pour le compte des clients avaient vocation à leur revenir et M. [L] ne justifie aucunement que ces sommes aient été remboursées sur ses fonds propres, l’existence d’un différentiel entre les sommes versées par les caisses nationale et départementale et la somme globale reversée aux clients par Mme [D] prouvant, au contraire, qu’ont été reversées aux clients les reliquats des sommes en crédit sur leur compte provenant des sommes reçues des débiteurs ou encore des provisions sur honoraires initialement versées par les créanciers et annulées et aucune irrégularité n’est démontrée.

– une absence de remboursement de TVA pour un montant de 48 261,25 euros

M. [L] expose que le remboursement des sommes soustraites par lui à ses clients victimes de ses fraudes a été effectué à juste titre mais il considère qu’il avait versé la TVA afférente à ces sommes et que puisque ces sommes ont été finalement remboursées aux clients, il devrait bénéficier du remboursement de la TVA que la chambre nationale a indument perçue.

Cependant, le remboursement aux clients de l’intégralité des sommes devant leur revenir est justifié et M. [L] sait parfaitement qu’il lui appartenait de se retourner vers le trésor public pour obtenir le remboursement de la TVA que l’étude lui avait versée puisqu’il a effectué cette démarche, laquelle n’a pas abouti, le service des impôts n’ayant pas obtenu les justificatifs qu’il réclamait.

Ainsi, il apparaît que les sommes versées aux clients au titre des contre-passations résultent des détournements commis par M. [L] pour lesquels il a été condamné pénalement et non d’erreurs comptables qu’il aurait commises et il n’est pas fondé à solliciter la mise en jeu de la garantie de la chambre nationale au titre de sa responsabilité professionnelle.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté M. [L] de ses demandes.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions relatives aux dépens et aux frais de procédure de première instance sont confirmées.

Les dépens d’appel doivent incomber à M. [L], partie perdante.

Il est également condamné à payer à la chambre nationale des commissaires de justice, à la chambre départementale des huissiers de justice de Charente maritime et à Mme [H] [D] la somme de 3 000 euros, chacun, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.


PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne M. [U] [L] aux dépens, dont distraction au profit de Mme Nathalie Saulais,

Condamne M. [U] [L] à payer à la chambre nationale des commissaires de justice, à la chambre départementale des huissiers de justice de Charente maritime et à Mme [H] [D] la somme de 3 000 euros, chacun, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président de chambre

 


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