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CHAMBRE 2 SECTION 1
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 16/02/2023
****
N° de MINUTE :
N° RG 21/00786 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TNZ5
& N° RG 21/2472 joints par ordonnance en date du 23 septembre 2021
Jugement n° 2019J86 rendu le 04 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Dunkerque
APPELANTS
INTIMÉS à la procédure RG 21/02472)
Monsieur [U] [W]
né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 8], de nationalité française
demeurant [Adresse 2]
Monsieur [S] [W]
né le [Date naissance 4] 1982 à [Localité 6], de nationalité française
demeurant [Adresse 3]
représentés par Me Jean-Pierre Mougel, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué
INTIMÉE
APPELANTE à la procédure RG 21/02472)
SAS Eridium Groupe prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 7]
[Localité 5]
représentée par Me Eric Delfly, substitué par Me Jacques-Eric Martinot, avocats au barreau de Lille
DÉBATS à l’audience publique du 23 novembre 2022 tenue par Dominique Gilles magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Clotilde Vanhove, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 février 2023 après prorogation du délibéré du 09 février 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 02 novembre 2022
****
Par deux actes notariés du 20 juillet 2015, d’une part, la totalité des actions de la SAS Arteic a été cédée à SAS Eridium Groupe (Eridium) par M. [U] [W] et M. [S] [W] ; d’autre part, les cédants ont consenti au cessionnaire une garantie d’actif et de passif, plafonnée à 400 000 euros. Le prix de cession a été fixé à 1 400 000 euros sur lequel la somme de 300 000 euros a été stipulée payable à terme par trois échéances annuelles de 100 000 euros à compter du 20 juillet 2016. Le cessionnaire s’est plaint d’un dol des cédants dont il a sollicité indemnisation et la compensation de cette indemnité avec le solde du prix de cession payable à terme. Par acte extrajudiciaire du 27 juillet 2019, la société Eridium a assigné MM. [W].
Vu le jugement du 4 janvier 2021 du tribunal de commerce de Dunkerque qui a :
– écarté l’exception d’incompétence matérielle soulevée par MM. [W] ;
– rejeté la demande d’exclusion de la garantie d’actif et de passif (GAP) convenue le 20 juillet 2015 ;
– observé que le sort de certaines réclamations demeurait suspendu jusqu’à communication de preuves ou extinction des réclamations ;
– déclaré être dessaisi des réclamations formées au titre de la GAP concernant MM. [X], [G], [Y] et [B] [Z] et les consorts [C] et renvoyer « les parties à diligenter au besoin toute action mais ce après [‘] communication à partie adverse et qui soit restée infructueuse passé un délai de quinze jours » [« de la preuve du versement des sommes correspondantes effectivement dues à chacun desdits intéressés (ou jusqu’à preuve de l’extinction de ces réclamations) »] ;
– écarté par compensation « les demandes respectives de paiement et celle de constitution de séquestre, et dit que le solde s’établissant désormais à [‘] 146 948,97 euros, à valoir sur le prix de cession et sur la garantie de passif et d’actif, demeurera en garantie au sein de la société Eridium Groupe pour être versé selon le sort desdits contentieux prudhommaux en cours, au fur et à mesure de leur issue, et pour le solde ou l’excédent selon le cas être ensuite apuré » ;
– rejette toute demande indemnitaire « au titre du dol, intérêts, dommages-intérêts ou frais exposés » ;
– laissé les dépens à la charge de la société Eridium Groupe ;
Vu la déclaration d’appel de ce jugement formée par MM. [W], reçue au greffe le 3 février 2021 et enregistrée sous le présent numéro RG, déférant expressément à la cour chacun des chefs du jugement entrepris, aux fins d’infirmation ;
Vu la déclaration d’appel de ce même jugement formée par la SAS Eridium Groupe, reçue au greffe le 30 avril 2021, intimant MM. [W] et enregistrée sous le numéro RG : 21/02472, déférant expressément à la cour les chefs par lesquels le tribunal de commerce a rejeté la demande d’exclusion de la mise en ‘uvre de la GAP, a fait des observations et s’est déclaré dessaisi en renvoyant les parties à d’autres actions en justice, a écarté par compensation des demandes et dit qu’un solde demeurera en garantie au sein de cette appelante, a rejeté toute demande indemnitaire et a statué sur les dépens ;
Vu la jonction ordonnée le 23 septembre 2021 ;
Vu les dernières conclusions de MM. [W], déposées et notifiées par la voie électronique valant signification le 7 janvier 2022, demandant à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris ;
– se déclarer incompétent au profit du conseil de prud’hommes de Dunkerque pour la demande en paiement de 493 001,63 euros et pour la demande reconventionnelle en paiement de 17 990 euros de salaires impayés à M. [U] [W] ;
– subsidiairement,
– en tout état de cause ;
– débouter la société Eridium Groupe de sa demande en compensation et de ses demandes en paiement au titre de la GAP pour 258 104,00 euros au titre d’un prétendu dol civil, 5 000 euros d’indemnité de procédure, outre 493 001,63 euros au titre de la responsabilité civile de M. [W] pour son activité de cadre salarié de la société Arteic à compter du 20 juin 2015 ;
– débouter la société Eridium Groupe de ses demandes ;
– condamner la société Eridium Groupe à leur payer :
. 36 925,823 euros au titre des créances clients à eux cédées et finalement payées à la société Arteic ;
. 15 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
. 10 000 euros de dommages-intérêts pour appel abusif ;
. 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance ;
. 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel ;
– condamner la société Eridium Groupe aux dépens de première instance et d’appel ;
Vu les dernières conclusions de la société Eridium Groupe, déposées et notifiées par la voie électronique valant signification le 28 octobre 2021, demandant à la cour, au visa des articles 1240 et 1347 du code civil, de :
– infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a
. écarté l’exception d’incompétence matérielle ;
. rejeté la demande d’exclusion de la mise en ‘uvre de la GAP ;
– statuant à nouveau :
– dire que MM. [W] ont commis un dol à son préjudice dans le cadre de la cession de la société Arteic ;
– dire que la mise en ‘uvre de la GAP est exclue, a fortiori celle de son plafonnement ;
– ordonner par conséquent la compensation entre « la créance d’Eridium au profit de MM. [W], soit 225 562,51 euros, et la créance de ces derniers sur Eridium à hauteur de 156 523,42 euros au titre des litiges définitivement tranchés ;
– ordonner le séquestre de la somme de 64 264,85 euros au titre des litiges non encore tranchés au jour du présent arrêt ;
– condamner MM. [W], in solidum, à lui verser les intérêts sur la somme de 225 562,51 euros, calculés au dernier taux Euribor 3 mois connu et publié majoré de 300 points de base au titre des intérêts de retard d’exécution de la GAP, à compter de la date de première mise en demeure, soit le 27juillet 2018 ;
– condamner MM. [W] à lui payer « une indemnité de 10 000 euros au titre du dol civil » ;
– les condamner à lui payer 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– les débouter de toutes leurs demandes ;
Vu l’ordonnance de clôture du 2 novembre 2022.
SUR CE
LA COUR
S’agissant de l’exception d’incompétence en faveur du conseil de prud’hommes de Dunkerque, la cour constate que ces demandes (493 001,63 euros et 17 990 euros) ne sont pas formées devant elle. L’exception d’incompétence est donc sans objet.
Puisque la société Eridium demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande tendant à l’exclusion de la mise en oeuvre de la GAP, il n’est pas compréhensible qu’elle demande en même temps que la mise en oeuvre de cette convention soit exclue. Il sera compris, par interprétation des écritures, qu’elle demande en réalité et seulement le déplafonnement par suite du dol qu’elle allègue.
La demande suivante comprise au dispositif des écritures de la société Eridium est manifestement erronée : « ordonner par conséquent la compensation entre « la créance d’Eridium au profit de MM. [W], soit 225 562,51 euros’ ». Il sera compris, par interprétation, que la société Eridium invoque une créance de 225 562,51euros sur les cédants, à compenser avec sa dette de prix de cession.
Par ailleurs, les cédants ne demandent pas la fixation de leur créance de prix de cession, pour laquelle ils ont déjà un titre notarié et la formulation défectueuse des demandes de la société Eridium Groupe ne permet pas de fixer la créance résultant du titre notarié par une condamnation qui n’est pas demandée.
En outre, le tribunal de commerce ne pouvait pas ainsi qu’il l’a fait s’abstenir de statuer sur des demandes en s’en déclarant dessaisi tout en renvoyant les parties à le saisir à nouveau. La réformation s’impose de ce chef.
S’agissant de l’action en compensation de la société Eridium entre, d’une part, ce qu’elle reste devoir au titre du prix des actions dans le cadre du crédit-vendeur impayé et, d’autre part, une prétendue créance certaine, liquide et exigible, connexe à la première et détenue par elle sur MM. [W], il convient d’examiner chacun de ces prétendus éléments de créance connexe invoqué par le demandeur à la compensation.
La cour rappelle qu’à défaut de connexité, la compensation ne peut résulter que de créances, s’agissant de part et d’autre de sommes d’argent, dont le demandeur devra établir le caractère certain, liquide et exigible au regard des dispositions de la GAP.
Cependant, la connexité s’entendant du fait que les créances réciproques s’enracinent dans le même rapport d’obligation, il appartient à la société Eridium d’en rapporter la preuve, étant observé que ces créances proviennent d’une part de la créance de prix de MM. [W], qui procède de l’acte authentique de cession d’actions et, d’autre part de la GAP, qui est un contrat différent, par principe autonome du contrat de cession d’actions. En dehors du dol qu’elle invoque à titre de garantie légale venant se cumuler avec les prévisions contractuelles qui, à supposer qu’il soit démontré, est susceptible de caractériser la connexité, celle-ci peut également résulter des stipulations des parties.
A cet égard, concernant les rapports convenus entre les parties s’agissant des deux contrats, les stipulations suivantes doivent être rappelées.
L’acte de cession d’actions énonce, concernant la GAP que : « La présente cession est acceptée par le cessionnaire du fait de la garantie d’actifs et de passifs de la société consentie par le cédant. Cette garantie est conférée aux termes d’un acte reçu par le notaire concomitamment aux présentes ». Le contrat de cession énonce encore, à son article XIV, qu’il constitue, ensemble avec le contrat de garantie, « l’expression définitive et complète de la volonté des parties ».
En outre, M. [U] [W], au titre de la cession d’actions, s’est engagé à collaborer durant 4 années, deux ans à temps plein et autant à temps partiel, afin de faciliter la reprise de la société par le cessionnaire. M. [W] a ainsi accepté les fonctions de directeur général de la société cédée. C’est ainsi que M. [W] a démissionné de ses fonctions salariales, avant de les reprendre à compter du mois d’octobre 2016 dans le cadre d’un cumul emploi-retraite, pour des fonctions à trois-quarts temps de :
– recherche et négociation de marchés ;
– direction ou coordination des personnels placés sous son autorité ;
– responsabilité de la conception, de l’organisation et du commandement du travail effectué par son service ;
– reddition des comptes de son activité ;
– responsabilité de l’application de la réglementation et de la sécurité de l’entreprise par voie de délégation ;
– transmission des savoirs de l’entreprise ;
– mise en place des éléments d’organisation et de gestion demandés par l’employeur.
Cette obligation d’accompagnement de M. [U] [W] a encore été aménagée par un nouveau contrat de travail du 11 juillet 2017, à effet du1er août 2017, aux termes duquel les obligations de celui-ci ont été réduites à la recherche et à la négociation des marchés, avec reddition des comptes et à la transmission des savoirs de l’entreprise.
Dans la GAP, les parties ont encore stipulé ainsi :
« Les garants ont accepté de consentir les garanties et engagements ci-après stipulés, concernant la société, lesquels présentent tous pour le bénéficiaire un caractère essentiel et déterminant de son engagement d’acquérir l’ensemble des actions de la société. »
Il sera retenu que ces stipulations établissent la connexité des créances nées de l’acte de cession et de celles nées de la GAP.
La GAP énonce encore :
« Les garants reconnaissent que le contrat de garantie constitue une condition déterminante de l’acquisition des titres par le bénéficiaire, sans laquelle il n’aurait pas acquis.
De plus, les garants déclarent que toutes les informations figurant dans le présent contrat sont sincères, et que toutes les déclarations sont faites de bonne foi.
Les déclarations faites « à la connaissance des garants » impliquent que ces derniers ne peuvent en garantir expressément l’exactitude, mais qu’elles sont faites de bonne foi et qu’ils ont mis en ‘uvre tous les moyens dont ils pourraient disposer pour vérifier autant que faire se peut lesdites déclarations. A défaut de mise en ‘uvre de ces moyens, les garants indemniseront le bénéficiaire au titre du préjudice qui pourra résulter de ces déclarations.
Le bénéficiaire a effectué un audit sommaire au sein de la société, dont les conclusions sont demeurées jointes et annexées aux présentes.
A cet effet, les garants ont communiqué au bénéficiaire toutes les informations sollicitées par ce dernier, de sorte que le bénéficiaire a pu se faire une opinion précise de la situation de la société et des éventuels risques relatifs à l’acquisition des titres. »
« La société s’est, à la connaissance des garants, conformée à tous les textes législatifs et réglementaires dont le respect est passible de sanctions pénales. Les garants s’engagent à indemniser le bénéficiaire de toutes les conséquences résultant de condamnations pénales de la société, à tout le moins pour toutes les infractions commises avant la cession et non encore jugées définitivement. »
« Les garants garantissent la véracité des déclarations faites par eux aux présentes et leurs conséquences et complétées par les annexes du contrat de garantie, sur la situation de la société à la date de ce jour, et garantissent en conséquence l’exactitude de chacune des déclarations et annexes et qu’elles font état, de manière précise et complète, de tout élément qui serait de nature à affecter la consistance des titres ou des droits y attachés, celle du patrimoine de la société ainsi que son fonctionnement normal et son activité habituelle, hormis les déclarations faites « à la connaissance des garants [‘] ».
« Sans préjudice de tout autre droit et recours, notamment légal, les garants s’engagent à garantir et indemniser le bénéficiaire, dans les termes et conditions qui suivent, de tous coûts, dommages, pertes, charges, préjudices etc’ qu’il subirait :
– au titre des déclarations et attestations faites aux présentes,
– en raison de la non-exécution des engagements souscrits aux présentes et qui les complètent,
– en cas de survenance de tout passif nouveau non comptabilisé ou de tout passif supplémentaire, dès lors que ce passif nouveau ou excédentaire aurait une cause ou une origine imputable à des faits antérieurs aux présentes qu’elle qu’en soit la cause,
– en cas de constatation de toute diminution de la valeur des actifs de la société, tels qu’ils sont comptabilisés dans les comptes de référence,
– en cas de redressement ou rappels d’impôts postérieurs aux présentes et fondés sur des erreurs comptables antérieures aux présentes,
– du fait d’une situation, d’un événement ou autres ayant sa source ou son origine dans des faits antérieurs aux présentes ».
La société Eridium se prévaut d’une créance compensable globale de 289 827,36 euros au jour de ses conclusions, correspondant à « des créances, litiges et dossiers contentieux non recouvrés, non provisionnés et surtout non déclarés par les cédants dans les comptes de référence attachés à la cession. »
Les comptes de référence sont ceux arrêtés au 30 septembre 2014.
Au sujet de ces comptes de référence, les cédants ont notamment déclaré dans la GAP que toutes les provisions relevant d’une gestion comptable et financière normale ont été constituées, conformément aux principes comptables, au principe de prudence et au principe de sincérité.
Il revient donc à la cour d’examiner chacun des éléments de créance invoqué par la société Eridium pour déterminer si le dol allégué est ou non caractérisé dans chaque cas. Il convient de rappeler que le dol ne peut être présumé et doit être prouvé.
En vertu d’un redressement de l’URSSAF faisant suite à un contrôle de la société Arteic survenu en 2017, le cessionnaire réclame tout d’abord 17 957 euros au titre de l’année 2014.
Eu égard à la date de début des opérations du contrôle, postérieure aux comptes de référence et même à la cession, les seules allégations du cessionnaire selon lesquelles l’URSSAF a reproché à la société d’avoir accordé des indemnités de grand déplacements sans rapporter la preuve de la réalité de ces derniers ne prouve pas de man’uvre ou de réticence dolosive des cédants.
En revanche, la somme de 17 957 euros, non provisionnée dans les comptes de référence, constituant un nouveau passif et se rattachant à un événement ayant sa source ou son origine dans des faits antérieurs à la GAP, doit être indemnisée par les cédants au titre de ce dernier contrat. La créance du cessionnaire étant connexe par la volonté des parties, et encore certaine, liquide et exigible, elle ouvre droit à compensation avec le crédit-vendeur impayé, ce que reconnaissent d’ailleurs les cédants.
En vertu de ce même redressement, le cédant réclame le surplus de celui-ci, relatif aux années 2015 et 2016. L’URSSAF a également reproché au titre de cette période le même type de défaut de preuve pour des grands déplacements. La société Arteic a également été redressée pour avoir exclu des avances non-récupérées auprès de salariés alors qu’elles constituaient un complément de rémunération, et encore pour avoir acheté des cartes-cadeaux sans que les noms des bénéficiaires ne soient communiqués. La société Eridium fait valoir que du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, M. [U] [W] accompagnait la société Arteic en qualité de Directeur général, avec toutes les responsabilités y attachées.
Toutefois, alors qu’il incombe à la société Eridium de prouver la déloyauté des cédants, rien ne vient la démontrer, ni pour M. [S] [W], faute de caractérisation de toute circonstance propre à lui imputer le dol allégué, ni pour M. [U] [W] dont la qualité de directeur général ne permet pas de le présumer coupable de dol pour les faits allégués comme étant reprochés par l’URSSAF à la société cédée et contre lequel aucune circonstance propre à établir qu’il ait eu une intention dolosive n’est davantage établie.
Le dol allégué n’est donc pas établi.
En outre, compte tenu de la date de la GAP, le 20 juillet 2015, et de la période de référence du redressement, 2015 et 2016, il n’est pas établi que le surplus du montant du redressement entre dans les prévisions de la GAP.
Par conséquent, faute de créance du cessionnaire certaine et exigible au titre de la GAP sur ce point, la demande en compensation se trouve mal fondée.
Concernant une amende de 187,50 euros pour une infraction au code de la route prétendument « commise le 31 décembre 2014 par un véhicule immatriculé et identifié comme étant celui de M. [S] [W] », il ne résulte pas du renouvellement de commandement à payer à la Direction générale des finances publiques du 1er mars 2018 la preuve que l’un ou l’autre des cédants ait intentionnellement gardé le silence, entre l’établissement des comptes de référence et l’acte de cession, dans le but de tromper le cessionnaire sur l’état du passif de la société cédée.
Le dol allégué n’est caractérisé de ce chef contre aucun des deux cédants.
En revanche, eu égard à la date de l’infraction antérieure à la cession, la dette de la société n’ayant pas été provisionnée dans les comptes de référence, l’obligation des cédants au regard de la GAP est certaine, liquide et exigible, ainsi que d’ailleurs ils le reconnaissent.
La compensation sera donc accueillie sur ce point, pour la somme de 187,50 euros.
Concernant les litiges prud’homaux invoqués par la société [W], la cour retient ce qui suit.
La GAP contient des déclarations spécifiques des cédants concernant les litiges en général, d’une part, et le personnel, d’autre part. Ainsi, les cédants ont déclaré qu’il n’existait aucun litige en cours à l’encontre de la société, à l’exception d’un litige avec M. [X] et qu’à leur connaissance aucune instance n’était susceptible d’être intentée, les conséquences et frais de procédure (honoraires de conseil, frais’) de tout litige trouvant leur origine ou leur cause dans un fait ou événement antérieur à ce jour étant garanties par le garant sous déduction des provisions éventuelles figurant dans les comptes de référence. Il est encore déclaré par les cédants au 20 juillet 2015, date de la GAP, qu’aucun accident du travail n’est intervenu au cours des trois derniers exercices. Eu égard aux provisions, la cour observe qu’au bilan des comptes de référence figure une provision pour litige pour un montant de 4 057 euros seulement, sans autres précisions sur son affectation, tandis qu’il est allégué et non contesté qu’aucun des éléments de créance du cessionnaire dont il demande compensation ne fait l’objet d’une provision.
Au sujet de M. [X], pour un accident de travail allégué par le cessionnaire comme étant survenu le 17 juin 2010 et pour lequel les cédants ont donné un avertissement spécial au cessionnaire dans la GAP, dans les termes déjà rappelés, la circonstance alléguée selon laquelle, par jugement du 24 février 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille a condamné la société cédée à payer 39 674 euros au titre du préjudice cet ancien salarié résultant de la faute inexcusable de l’employeur ne permet pas de caractériser le dol de l’un ou l’autre cédant, peu important le différend des parties sur la prise en charge éventuelle de cette condamnation par un assureur, peu important encore, pour l’appréciation de l’existence du dol allégué, l’affirmation du cessionnaire selon laquelle s’agissant d’une faute inexcusable commise par Arteic avant la cession, la position de l’assureur Axa « ne peut en aucun cas constituer une dispense d’absorption par la GAP de la totalité de la condamnation ».
Le dol allégué par le cessionnaire est donc mal fondée sur ce point.
Cependant, pour déterminer si le cessionnaire dispose d’une créance certaine, liquide et exigible contre les cédants qui le contestent, la cour doit retenir que le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale a liquidé la dette de la société cédée à la somme de 39 674 euros et qu’il convient d’avoir égard aux dispositions de la GAP qui obligent les cédants à supporter les conséquences de tout litige trouvant leur origine ou leur cause dans un fait ou événement antérieur à la date du contrat, sous déduction des provisions éventuelles figurant dans les comptes de référence, tandis qu’en contravention avec les engagements des cédants souscrits dans la garantie, cette dette n’avait fait l’objet d’une provision dans les comptes de référence.
Cela suffit à caractériser une créance certaine, liquide et exigible, peu important que le cessionnaire ne justifie pas que la société cédée ait acquitté elle-même en tout ou partie la condamnation de 39 674 euros dont il demande à être garanti.
Il s’ensuit que la somme de 39 674 euros est une créance non seulement connexe mais encore certaine liquide et exigible sur les cédants au titre de la GAP et que le cessionnaire est bien fondé à cet égard en sa demande de compensation.
Au sujet de M. [G], le cessionnaire explique que ce salarié a été transféré en avril 2015 de la société Arteic à une société Toiroc, dont le gérant était M. [S] [W], que celle-ci a été liquidée en mars 2016, que le salarié faisant grief d’un licenciement a agi en justice contre les deux employeurs successifs devant le conseil de prud’hommes de Dunkerque. Il est précisé que le litige est actuellement pendant devant la cour de cassation de Douai (en réalité la cour d’appel de Douai) et que l’ancien salarié demande la condamnation solidaire des deux sociétés au paiement de la somme de 27 780,85 euros. Les conclusions de M. [G] devant la cour démontrent que nul principe de condamnation n’a été prononcé.
Ces circonstances ne permettent pas de caractériser le dol allégué à l’encontre de l’un ou l’autre des cédants, de sorte que la demande en compensation pour connexité est mal fondée sur ce point.
En outre, la demande de séquestre de la somme dernièrement indiquée formée par le cessionnaire dans l’attente d’une décision définitive sur le litige suffit à démontrer que la créance n’est qu’éventuelle, de sorte que malgré la connexité née du contrat, elle ne peut entraîner aucune conséquence sur le terrain de la compensation.
Il s’ensuit que la demande de séquestre pour compensation éventuelle est mal fondée et sera rejetée.
Au sujet de M. [L], le cessionnaire explique qu’après que la société Arteic eut mis fin, en février 2015, à la relation de travail qui l’avait liée à ce salarié par la succession de plusieurs contrats à durée déterminée, celui-ci a obtenu du conseil de prud’hommes de Dunkerque la requalification de cette relation en contrat de travail à durée indéterminée, la société cédée ayant été définitivement condamnée à verser au salarié une somme de 16 700 euros qui, du fait de la négligence de M. [W] pour l’acquitter alors qu’il était directeur de la société cédée et malgré l’obligation d’accompagnement qui lui incombait en vertu de la GAP, a engendré des frais supplémentaires portant la dette à 17 221,13 euros.
MM. [W] ensemble reconnaissent seulement une dette de 16 700 euros pouvant être prise en compte au titre de la garantie de passif, mais non les frais du commandement de l’huissier chargé du recouvrement.
La cour relève que la GAP comporte une déclaration par laquelle les cédants garantissent et certifient que depuis le 30 septembre 2014, date des comptes de référence, et jusqu’à la cession du 20 juillet 2015, la société a été gérée à l’image d’un commerçant diligent et avisé et qu’il n’a été provoqué aucun incident de paiement.
Or, en contravention avec cet engagement, la gestion sociale en février 2015 a occasionné un passif social supplémentaire de 16 700 euros, ce que reconnaissent les garants qui sont d’accord pour le prendre en charge, au titre de la GAP.
Toutefois, les frais d’impayé de 2017 étant hors le champ de référence pour l’application de la GAP et sans rapport établi avec un dol à la conclusion des actes ou après, ou avec la violation de l’obligation d’accompagnement, telle que négociée pour la période après octobre 2016, la demande de compensation n’est justifiée que pour la somme de 16 700 euros.
Au sujet de MM. [Y] [Z] et [B] [Z], la société Eridium ne forme plus de demande.
Au sujet de Mme [F], c’est sans aucune justification que la société Eridium prétend faire entrer dans les prévisions de la GAP ou du dol quelque condamnation sociale que ce soit résultant de la saisine du conseil de prud’hommes par cette ancienne salariée, en 2018. A la lecture de ses conclusions devant cette juridiction, elle conteste une mise à pied du 31 août 2018, son licenciement et elle réclame des rappels de salaire pour 2017 et 2018 et d’autres indemnités sans rapport avec la période de référence ni avec un quelconque dol à l’occasion de la cession. La société Eridium est particulièrement mal fondée à soutenir la responsabilité des cédants au moyen que les cessionnaires n’auraient fait que continuer la gestion sociale antérieure. La demande en compensation sur ce point sera rejetée.
Concernant la société Sarens, il s’agit selon la demande de factures de mai et juin 2016, pour un montant de 9 990,60 euros, pour la location de grues. La circonstance que M.[W] ait formé opposition à une injonction de payer, en mai 2017 démontre que c’est lui qui a refusé que la société cédée paye. Cependant, M. [U] [W] excipe encore du fait que la gestion et la comptabilité avaient été reprises en 2015 par la société Eridium. Il indique dans ses conclusions que la location avait été commandée par la personne recrutée pour le remplacer dans les fonctions opérationnelles. Or, cela ne constitue pas un motif pour s’être opposé de bonne foi au paiement. Le comportement de M. [W] caractérise une violation de son obligation d’accompagnement, convenue à l’acte de cession, qui était de faciliter la cession.
Par conséquent, les cédants seront condamnés à payer la somme découlant du jugement du tribunal de commerce de Dunkerque sur opposition, sauf pour ce qui concerne le coût du commandement et les frais proportionnels, ces derniers frais ayant été nécessaires par le seul refus préalable d’exécuter la condamnation du 18 décembre 2017, ce qui n’est pas imputable aux cédants.
Selon le décompte incontesté figurant à ce commandement, la compensation sera donc admise pour la somme de 10 996,65 euros.
Concernant les litiges avec les clients, la cour rappelle que les parties ont stipulé dans la GAP que : « Les conséquences et frais de procédure (honoraires de conseil, frais’) de tous litiges trouvant leur origine ou leur cause dans un fait ou un événement antérieur à ce jour sont garanties par les garants sous déduction des provisions éventuelles figurant dans les comptes de référence. »
Au sujet de Mme [D], il est constant que, en l’absence de toute provision dans les comptes de référence, est restée à charge de la société cédée, relativement à une condamnation de 17 218,03 euros, une somme de 6 929,34 euros relevant de la GAP ; les parties sont en désaccord sur des frais d’avocat y afférent.
La société Eridium prétend les justifier à hauteur de 3 432,70 euros par un document d’une page intitulé note de provision et honoraires mais qui ne demande qu’une provision, qui n’est pas signée et qui ne prouve rien. La preuve du paiement prétendu par la comptabilité de la société Arteic de cette somme fait défaut.
La société Eridium demande en outre des sommes au titre des dépens de première instance pour 2 876,04 euros dont à déduire une somme perçue par voie de saisie-attribution pour 4 138,65 euros et correspondant aux dépens d’appel.
Au vu des justificatifs partiels fournis, la cour retient comme incontestable ce qui suit :
– jugement de première instance : 6 100 + 5 894,48 + 2 000 + 2 876,04 = 16 870,52 euros ;
– appel :3 000 +13 + 225 = 3 238 euros ;
– à déduire :
. remboursement de 10 288,69 (fournisseur de fenêtre) ;
. produit de saisie-attribution de 4 138,85 euros ;
– le résultat donne 5 680,98 euros.
Cependant, MM. [W] reconnaissent devoir la somme de 6 929,34 euros, somme qui, par conséquent, sera accordée.
Au sujet des époux [C], un jugement du tribunal d’instance de Dunkerque du 16 janvier 2019 a condamné la société Arteic à payer à ces maîtres d’ouvrages 8 613,83 euros comme suite à un litige non provisionné sur des travaux commandés en 2013, avec désordres constatés par huissier en janvier et février 2014.
Cette somme sera allouée au titre de la compensation.
Au sujet des créances douteuses non provisionnées, les parties sont d’accord pour les évaluer à 13 179,21 euros HT. Cette somme sera retenue. La cour relève que la société Eridium, qui dans ses conclusions, prétend curieusement avoir provisionné TVA comprise, ce qui surestime sa créance, a en réalité et normalement effectué des provisions sur le montant hors taxes qui doit seul être alloué.
Concernant la perte d’accréditation MASE, c’est sans aucune justification que le cessionnaire prétend mettre à la charge des cédants l’embauche d’une salariée en 2018. Nulle somme ne peut être compensée à ce titre.
Concernant une dépense de 3 104,98 euros pour l’étude du dossier de cumul emploi-retraite de M. [U] [W], les parties s’accordent sur la prise en charge de cette somme au titre de la GAP.
Concernant le chantier de la SCI Ravenne-les-Francs, il n’est pas démontré que les travaux ayant donné lieu à facture du 30 juillet 2015 et à des avoirs pour non-façons ou malfaçons en 2016 et 2017 soient antérieurs au 20 juillet 2015 date des actes de cession et de GAP. Nulle somme n’est donc due à ce titre.
Concernant les factures d’avocats, d’huissiers, d’expert et d’expert-comptable pour l’ensemble des litiges soumis à la GAP, ces frais listés dans un tableau ne sont pas entièrement justifiés compte tenu de ce qui précède. La somme offerte par MM. [W] de 23 092,93 euros n’est pas moindre que ce qui apparaît justifié et sera accordée.
Concernant un cadeau d’entreprise de 5 000 euros, le cessionnaire n’est pas justifié au regard de la GAP à en demander le remboursement aux cédants.
Concernant les franchises d’assurance, l’assignation Versavel du 14 février 2020 marque le démarrage d’un sinistre qui n’avait pas à être provisionné dans les comptes de référence.
Aucun supplément de passif établi n’en résulte pour l’application de la GAP.
Aucun lien n’est établi entre un sinistre du 15 décembre 2017, un sinistre du 23 février 2017, un sinistre du 5 juin 2019, un sinistre AXA du 3 avril 2017, un sinistre CIC Assurances du 13 janvier 2017 (par tempête), un dégât des eaux du 23 juin 2016, une réclamation SCI Pierre Mijic du 5 août 2020, un sinistre Papillons Blancs du 12 janvier 2021 et l’application de la GAP.
Le tableau dénué d’explications placé par le cessionnaire dans ses conclusions, même rapproché des pièces auquel il renvoie, ne permet pas de faire droit aux demandes chiffrées qu’il contient.
Cependant, une somme de 534,60 euros réclamée par un assureur pour un sinistre du 6 juillet 2015 antérieur à la cession et non provisionné apparaît due.
Sur la demande de séquestre, alors que les parties ont choisi de ne pas en prévoir dans la GAP, il n’y a pas de raison exigeant de l’ordonner.
Il résulte de ce qui précède que la compensation doit être admise pour 140 970,04 euros. (534,60+23092,93+3104,98+13179,21+8613,83+6929,34+10996,65+16700+39674+187,5+17957=14070,04).
Cette somme sera assortie des intérêts moratoires stipulés par les parties, selon la formule reprise au dispositif du présent arrêt.
Il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il n’a pas retenu le dol des cédants.
Il n’y a par conséquent aucune raison pour exclure l’application du plafond de la GAP.
Sur les demandes de MM. [W], ceux-ci n’allèguent pas les faits et ne produisent pas les justificatifs propres à fonder leur prétention à hauteur de 36 925,83 euros concernant des « créances clients cédées à MM. [W] et finalement payées à la société Arteic, alors qu’ils restent dus à MM.[W] ». Le courriel de M.[U] [W] du 5 mai 2017 ne prouve rien à cet égard.
L’abus de procédure et l’appel abusif invoqué par MM. [W] n’est pas bien fondé, faute pour eux de démontrer avoir été victimes d’un abus de droit. Leurs demandes à ce titre de peuvent prospérer.
En équité, il n’y a pas lieu à indemnité de procédure au titre de l’article700 du code de procédure civile, ni en première instance, ni en appel.
La société Eridium Groupe sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Réforme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a écarté l’exception d’incompétence, rejeté la demande tendant à l’exclusion de la mise en ‘uvre de la GAP, rejeté les demandes fondées sur le dol, statué sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant sur les chefs réformés et y ajoutant,
Déboute de la demande en déplafonnement de la GAP ;
Ordonne la compensation de la dette de prix de cession des actions et des créances de la société Eridium Groupe sur les cédants à hauteur de 140 970,04 euros ;
Dit que cette somme porte intérêt au dernier taux Euribor 3 mois connu et publié, majoré de 300 points de base au titre des intérêts de retard d’exécution de la GAP, à compter du 27 juin 2019, faute de preuve de réception de la lettre recommandée du 27 juillet 2018 ;
Déboute de toute demande de séquestre ;
Déboute MM. [W] de leurs demandes indemnitaires ;
Dit n’y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire ;
Condamne la société Eridium aux dépens.
Le greffier
Valérie Roelofs
Le président
Dominique Gilles