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9ème Ch Sécurité Sociale
9ème Ch Sécurité Sociale
ARRÊT N°
N° RG 18/02441 – N° Portalis DBVL-V-B7C-OYII
[7]
C/
URSSAF PROVENCE ALPES CÔTE D’AZUR
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 06 Avril 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré initialement fixé au 22 juin 2022, date indiquée à l’issue des débats
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 14 Mars 2018
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BREST
Références : 21500281
****
APPELANTE :
LA [7] ([7])
[Adresse 9]
[Localité 2]
représentée par Me Alexandra L’HERMINE, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE
INTIMÉE :
L’UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE (URSSAF) DE PROVENCE-ALPES-CÔTE-D’AZUR, venant aux droits de la Caisse nationale du régime social des indépendants (RSI)
Recouvrement C3S
sise [Adresse 6]
[Localité 1]
représentée par Me Lionel ASSOUS-LEGRAND, avocat au barreau de PARIS
EXPOSÉ DU LITIGE
Par lettre du 7 avril 2009 portant notification de la vérification de l’assiette déclarée, la Caisse nationale du régime social des indépendants (RSI), aux droits de laquelle vient l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale de Provence-Alpes-Côte-d’Azur (l’URSSAF), a demandé à la société [7] (la société) de lui fournir toute explication utile quant à la distorsion constatée entre le chiffre d’affaires hors taxes 2007 déclaré à l’administration fiscale (601 409 291 euros) et celui déclaré à l’organisme (156 801 972 euros) pour le calcul de la contribution sociale de solidarité des sociétés due en 2008, au visa notamment de l’article L. 651-5 du code de la sécurité sociale.
Puis, par lettre du 22 avril 2010, l’URSSAF a indiqué à la société que les centrales régionales Leclerc ne peuvent pas bénéficier de l’assiette de contribution réservée aux commissionnaires et l’a invitée à déclarer son chiffre d’affaires global hors taxes 2009 tel qu’il ressort des imprimés fiscaux.
La société s’est acquittée de la contribution sociale de solidarité des sociétés due en 2011 pour un montant total de 1 012 783 euros, puis par lettre du 5 mai 2014, elle a demandé à l’URSSAF la restitution de cette contribution qu’elle estimait avoir versée à tort à hauteur de 713 861 euros.
Le 13 juillet 2015, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest à l’encontre de la décision de rejet de sa demande.
Par jugement du 4 octobre 2017, le tribunal a dit n’y avoir lieu de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité et par jugement du 14 mars 2018, il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes.
Par déclaration adressée par le RPVA le 11 avril 2018, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 17 mars 2018.
Par ses écritures en réponse n°3 parvenues au greffe le 6 décembre 2021 auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, la société demande à la cour de :
– constater le bien-fondé de la demande de la société ;
– infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest du 14 mars 2018 en ce qu’il la déboute de sa demande en remboursement de la somme de 713 861 euros ;
– ordonner le remboursement de la contribution sociale de solidarité des sociétés d’un montant de 713 861 euros versée à tort à la caisse nationale du régime social des indépendants (désormais URSSAF) au titre de l’exercice 2010 (versée en 2011), augmentée des intérêts de retard au légal à compter de la date de la demande initiale (le 5 mai 2014) et capitalisation des intérêts ;
– condamner l’URSSAF au paiement de 20 000 euros de dommages et intérêts au titre d’une résistance abusive ;
– en tout état de cause, condamner l’URSSAF à verser à la société la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ses écritures n°3 parvenues au greffe le 11 janvier 2022 auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, l’URSSAF demande à la cour de :
– dire et juger mal fondé l’appel de la société ;
– confirmer le jugement rendu le 14 mars 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest en toutes ses dispositions ;
En conséquence :
– condamner la société à verser à l’URSSAF la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La société [7] est une société coopérative. Il n’est pas contesté qu’à ce titre elle a été assujettie à la contribution sociale de solidarité des sociétés, instituée par la loi du 3 janvier 1970 (articles L.651-1 à L.651-9 du code de la sécurité sociale) par application des dispositions de l’article L.651-1 précité, englobant les sociétés régies par la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération.
Chaque assujetti doit déclarer annuellement à l’organisme de recouvrement le montant de son chiffre d’affaires global déclaré à l’administration fiscale, calculé hors taxes sur le chiffre d’affaires et taxes assimilées (article L.651-5 du code de la sécurité sociale).
Etaient à l’époque des faits calculées sur cette assiette une contribution au taux de 0,16 % (contribution sociale de solidarité) et une contribution additionnelle de 0,03 %.
Dans sa rédaction issue de la loi 2010-1594 du 20 décembre 2010 applicable à la date d’exigibilité de la contribution litigieuse, l’alinéa 2 de l’article L. 651-5 du code de la sécurité sociale dispose : « le chiffre d’affaires des intermédiaires mentionnés au V de l’article 256 et au III de l’article 256 bis du code général des impôts, et qui bénéficient des dispositions de l’article 273 octies du même code, est diminué de la valeur des biens ou des services qu’ils sont réputés acquérir ou recevoir.
Dans le cas d’entremise à la vente, les commettants des intermédiaires auxquels cette disposition s’applique majorent leur chiffre d’affaires du montant des commissions versées ».
Cet alinéa résulte de l’article 28 II de la loi n° 92-1476 du 31 décembre 1992 destiné à neutraliser, pour la détermination de l’assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés, les effets de l’article 256 V du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992, selon lequel l’intermédiaire agissant en nom propre est « réputé avoir personnellement reçu et livré le bien, reçu et fourni les services considérés ».
L’article 256 V dont l’objet était de faciliter le commerce intra-communataire, avait pour effet d’assujettir l’intermédiaire en nom propre, dans tous les cas, au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur ces biens et services et, par voie de conséquence, d’élargir l’assiette de la contribution, laquelle n’était jusqu’alors assise que sur les commissions qu’il percevait.
Diverses mesures ont été adoptées pour neutraliser ou amoindrir les effets de cette réforme sur la situation de ces intermédiaires en nom propre.
Sur le plan fiscal, et dans le but de soulager leur trésorerie, le législateur avait prévu à leur profit, sous certaines conditions, une exception à la règle dite du décalage d’un mois alors applicable en matière de TVA en vertu de l’article 217 de l’annexe II au code général des impôts et l’article 24 de la loi du 17 juillet 1992 en insérant dans le code général des impôts l’article 273 octies.
Cet article 273 octies, auquel le code de la sécurité sociale a continué à renvoyer jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, énonçait dans sa version applicable que les intermédiaires mentionnés au V de l’article 256 et au III de l’article 256 du code général des impôts devaient satisfaire aux conditions suivantes, simultanément remplies :
1. l’opération d’entremise est rémunérée exclusivement par une commission dont le taux est fixé au préalable d’après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services ;
2. il est rendu compte au commettant du prix auquel l’intermédiaire a traité l’opération avec l’autre contractant ;
3. l’intermédiaire qui réalise ces opérations d’entremise doit agir en vertu d’un mandat préalable et ne jamais devenir propriétaire des biens.
Ces conditions avaient pour objet de s’assurer que l’activité professionnelle de l’entreprise assujettie à la TVA et à la contribution de solidarité relevait effectivement d’une véritable activité d’entremise opaque – donc de commissionnaire – et non d’une activité commerciale d’achats de marchandises suivis de reventes, sous couvert d’une activité prétendue d’entremise, pour obtenir indûment le bénéfice d’un avantage fiscal ou d’un avantage social.
Comme l’a jugé la Cour de cassation, il appartient au cotisant de démontrer qu’il remplit les conditions lui permettant de bénéficier de cette diminution d’assiette (2e Civ, 8 juillet 2021, pourvoi n°20-13.499), laquelle n’est pas subordonnée à la perception d’une rémunération par l’intermédiaire en nom propre. (2e Civ., 18 décembre 2014, pourvoi n° 13-22.921).
Son bénéfice est subordonné à la démonstration de l’existence d’un mandat préalablement conclu (2e Civ, 24 juin 2021, pourvoi n°19.26.093).
Si conformément aux dispositions de l’article L. 124-1 du code de commerce par ses statuts la société appelante a « pour objet d’améliorer par l’effort commun de leurs associés les conditions dans lesquelles ceux-ci exercent leur activité commerciale », ce statut de coopérative lui permet d’opérer en tant que coopérative grossiste, coopérative mandataire à l’achat, coopérative commissionnaire à l’achat, coopérative mandataire au paiement.
Le statut de coopérateur ne définit donc pas en tant que tel les modalités de cette coopération et ne permet pas de présumer que l’appelante agit nécessairement comme intermédiaire relevant des dispositions de l’article 273 octies du code général des impôts (autrement dit, comme commissionnaire fiscal).
Ainsi qu’elle l’indique, son activité comprend :
– une activité d’acheteur-revendeur, ce qui signifie qu’elle achète des biens pour son propre compte (sans commande préalable de ses adhérents), se fait livrer directement ses marchandises et procède à leur stockage dans ses entrepôts puis revend ces mêmes marchandises à ses seuls associés coopérateurs en fonction de leurs besoins,
– une activité de commissionnaire, qu’elle inscrit dans le cadre de commandes liées à des opérations catalogue promotionnelles ou saisonnières en magasin, auquel cas elle intervient en son nom propre, mais pour le compte de ses membres, les magasins effectuant des pré-commandes qu’elle regroupe puis livre aux coopérateurs, les marchandises appartenant, à la date de leur livraison, aux associés coopérateurs concernés, elle-même n’en devenant jamais propriétaire.
Elle ne se limite donc pas à exercer une activité d’intermédiaire en ce qu’elle exerce également une activité de grossiste, deux activités qu’elle déclare financer au prix de revient, en appelant, en tant que centrale régionale auprès de ses associés coopérateurs, une cotisation non différenciée d’un montant de 4 % pour couvrir l’ensemble de ses charges.
Elle fait valoir que sa comptabilité atteste de sa qualité de commissionnaire car le chiffre d’affaires issu de cette activité est enregistré en comptabilité dans des comptes distincts (707006100) de ceux de l’activité de grossiste (70700600). Elle produit aux débats sa balance générale regroupée du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 (pièce 50 de ses productions).
Cette pièce comptable relative aux mouvements enregistrés sur les comptes de la classe 6 (achats) et les comptes de la classe 7 (ventes) permet de constater que le chiffre d’affaires est bien ventilé entre des sous-comptes 7070 « ventes négoce » pour un montant total de 9’095’461,68 euros et des sous comptes 7071 « ventes CAA » pour un montant total de 1’905’010,51euros, nonobstant l’erreur de cotation des conclusions.
Il est possible de retenir de ces enregistrements que l’essentiel de l’activité concerne les ventes intitulées « ventes négoce » et qu’au regard des sommes dont la restitution est demandée, la société impute à son activité de commissionnaire le chiffre d’affaires réalisé au titre des « ventes négoce » pour le soustraire de l’assiette de la contribution de solidarité.
S’agissant des opérations comptabilisées comme « ventes négoce » elle verse aux débats deux pièces (47 et 47 bis).
S’agissant de la pièce 47 bis, il convient de retenir qu’elle correspond à une commande par la société [7] de 146 cartons contenant 6 Maroilles chacun, auprès de la SA [4], dans le cadre de l’opération promotionnelle « tract frais août crémerie » au titre de laquelle elle a obtenu une remise de 43,23 %.
La pré commande permet de retenir que chacun des cartons a été facturé au prix unitaire de 1,6162 euros hors taxes, remise déduite, montant auquel il convient d’ajouter la TVA à 5,5 %.
La facture de la société [4] établie au nom de la société [7] (annexe 3) correspond à la pré-commande. Dans les relations de la société avec son fournisseur, cette facture est payable à 30 jours à compter de la fin de la décade de livraison, net et sans escompte. La livraison était prévue le 30 juillet 2010 et il est noté sur la pré commande une entrée en stock le 2 août 2010.
L’annexe 4 de cette pièce intitulée « reddition de comptes » est la ventilation de cette facture à l’un des magasins (SAS [8]) reprenant pour les 18 cartons livrés le prix unitaire HT (1,6162) et la TVA à 5,5 %.
Il y est précisé qu’elle vaut facture, qu’elle correspond à la précommande, que l’achat été réalisé pour le compte de la SAS [8] et qu’aucun escompte ne sera accordé. Son échéance est fixée au 13 août 2010.
S’agissant de la pièce n° 47, elle est relative à un achat réalisé par la société [7] auprès de la société [5], la pré-commande portant sur 164 bureaux, au prix unitaire de 35,30 euros, montant auquel s’ajoute la TVA à 19,6 %. La facture du 1er août 2010 permet de retenir qu’elle est payée par LCR (lettre de change relevée) à l’échéance du 2 octobre 2010.
La reddition de comptes (annexe 4) qui vaut facture est la ventilation de cette facture à la société [8] (cinq bureaux), au montant hors taxes de 35,3706 euros, outre TVA. La différence constatée sur le prix unitaire hors-taxes est à rechercher dans l’intégration de la taxe sur les meubles (soit des droits indirects mentionnés « CODIFA » 0,20 %).
Il y est précisé qu’elle vaut facture, qu’elle correspond à la précommande, que l’achat été réalisé pour le compte de la SAS [8] et qu’aucun escompte ne sera accordé. Son échéance est fixée au 26 août 2010.
De ces pièces il est possible de retenir que la société regroupe les commandes de ses adhérents, contracte avec le fournisseur dont elle est le seul interlocuteur, se fait livrer la marchandise (avec une entrée dans ses stocks), répercute l’achat auprès des adhérents en procédant à une ventilation de la facture à l’euro près, puis calcule le montant de la cotisation due pour la couvrir de ses frais de gestion au prorata des commandes passées (sa pièce 10).
S’il est bien indiqué sur les pièces intitulées « reddition de comptes » susvisées que « l’achat été réalisé pour le compte de la SAS [8] », contrairement à ce qu’elle soutient, sa comptabilité (sa seule pièce 50) ne fait pas la preuve que dans le cadre de ces opérations, elle n’agit pas pour son compte alors qu’elle comptabilise toutes ses opérations par le débit et le crédit de comptes de résultat (achat ou vente) et non pour les opérations qu’elle qualifie de « ventes négoces » par le débit et le crédit de comptes de tiers, contrairement aux faits de l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du Conseil d’Etat du 4 mars 1987 (sa pièce 45) et relevés par le commentateur.
En l’absence de mandat préalable express, les opérations incriminées peuvent être analysées comme un mandat de procéder à des achats groupés, dans l’intérêt des coopérateurs adhérents, pour leur revendre sans perte ni profit, conformément à l’objet social.
A supposer que la société démontre que les conditions de fait dans lesquelles elle exerce la partie prépondérante de son activité lui permettent de revendiquer le statut d’intermédiaire opaque, il lui appartient encore de démontrer qu’elle remplit les conditions « simultanées » c’est à dire cumulatives, au sens des dispositions de l’article 273 octies du code général des impôts, pour se prévaloir du statut de commissionnaire fiscal et bénéficier de la possibilité de procéder à un retraitement de l’assiette d’assujetissement.
L’attestation des commissaires aux comptes selon lesquels « la société [7] ne devient jamais propriétaire des marchandises » (sa pièce 11) n’est soutenue par aucune offre de preuve et ne saurait suffire à établir ce fait.
A condition que les conditions générales de vente soient produites, il pourrait être vérifié (notamment par le verso des factures de la société [5]) qu’une clause permet de différer le transfert de propriété au paiement au fournisseur. Il n’est donné aucune indication en ce sens.
La société est donc défaillante à rapporter la preuve qui lui incombe d’un mandat d’entremise préalable.
Il convient en conséquence de rechercher subsidiairement si elle est en droit de se prévaloir de la décision prise par l’ORGANIC en 1996 de lui accorder le bénéfice des dispositions dérogatoires, pour des motifs tirés de la sécurité juridique.
La société fait valoir que le changement d’analyse de l’URSSAF ne peut opérer que pour l’avenir et que ce changement de position ne repose pas sur un changement de circonstances de fait.
L’URSSAF réplique qu’une décision peut avoir pour effet d’augmenter les contributions dues par une personne redevable au titre de l’exercice en cours ou des exercices futurs mais ne saurait remettre en cause des droits qui ont pu définitivement être acquis au titre des exercices antérieurs ; que la société ne peut invoquer le principe de sécurité juridique dès lors que dans sa précédente position du 28 novembre 1996, la caisse ORGANIC avait exceptionnellement pris position en faveur du bénéfice de l’assiette réduite prévue par les dispositions de l’article L. 651-5 alinéa 2 du code de la sécurité sociale en émettant des réserves ; qu’il est constant qu’à la date du fait générateur de la contribution sociale de solidarité des sociétés 2011, soit le 1er janvier 2011, la position antérieure de l’organisme avait été rapportée et ne se trouvait donc plus applicable à la société.
Au cas particulier, il sera relevé que par décision du 28 novembre 1996 , la caisse ORGANIC a accordé aux centrales d’achat du groupe Leclerc, dont la société [7], le bénéfice de l’assiette réduite de la contribution de solidarité prévue pour les commissionnaires fiscaux.
Aux termes d’une correspondance adressée à leur conseil de l’époque, la caisse indiquait :
« Maître,
Vos courriers du 24 octobre et du 25 novembre 1996 ont retenu toute notre attention.
Vous avez pu ainsi exposer la situation des coopératives régionales d’achat du mouvement Leclerc au regard de la contribution sociale de solidarité 1996.
Il apparaît que l’assiette déclarée pour la régularisation de la contribution précitée ne prenait en compte que l’activité d’intermédiaire à l’achat, alors même qu’une activité de grossiste était effectuée.
La question dominante qui nous est malgré tout posée par votre intermédiaire est de savoir si les centrales d’achat de statut coopératif peuvent bénéficier des dispositions de l’article L. 651-5, 2e alinéa, qui prévoit une imposition sur la seule commission perçue pour les sociétés qui ont une activité de commissionnaire au sens fiscal du terme.
Il est vrai que les conditions définies pour reconnaître les commissionnaires fiscaux (article 273 octies du code général des impôts et article 266-1 ancienne rédaction du même code) ne se retrouvent pas strictement accomplies pour les centrales d’achat coopératives.
Leur rattachement à la loi du 10 septembre 1947 et du 11 juillet 1972 implique des spécificités de fonctionnement et d’activité qui impose de procéder à de nombreuses assimilations.
Sur la base des éléments communiqués et de notre entretien téléphonique du 27 novembre, nous pouvons toutefois vous faire part des observations suivantes.
Les caractéristiques essentielles des commissionnaires opaques (à l’achat, en ce qui vous concerne) peuvent se retrouver chez ces coopératives Leclerc.
Au demeurant, la doctrine accorde le plus souvent aux centrales d’achat, quelle que soit leur forme juridique, la qualité de commissionnaire.
En l’espèce :
– La coopérative régionale agit bien en son nom propre pour le compte d’autrui, le mandat étant implicitement contenu dans l’objet social, lequel impose une exclusivité de commerce avec les adhérents, selon leur demande et à leur seul profit. Il est par ailleurs explicitement constaté par la formalisation de pré-commandes.
– Les biens achetés aux fournisseurs sont livrés directement à la coopérative et non aux sociétaires.
– L’établissement d’une facturation au commettant est effective (règlement intérieur de la [7] consulté à titre de référence).
– La reddition des comptes s’opère au vu des comptes-rendus hebdomadaires qui se tiennent en présence des sociétaires.
– La marchandise livrée au commettant demeure sa propriété dans la mesure où aucun stock n’est constitué par la coopérative et la marchandise est le plus généralement payé au fournisseur après la vente au commettant (confer vos indications téléphoniques du 27 novembre).
– La rétrocession des marchandises aux commettants est effectuée à leur prix de revient (absence de profit). Les profits éventuels ainsi que les ristournes sont répercutés à l’ensemble des sociétaires.
– La commission peut s’entendre des charges d’exploitation retenue aux sociétaires lors de l’enlèvement de la marchandise (TVA, droits indirects) ou lors de la régularisation de fin d’exercice.
– Ces charges sont assises en fonction des enlèvements (quantité et nature de la marchandise commandée) et non sur les ventes réalisées par les adhérents. Un pourcentage est appliqué en conséquence.
– La présentation des comptes au bilan de la coopérative est, selon vos commentaires, conforme aux prescriptions comptables applicables en la matière (écritures aux comptes 467,606 et 607 pour la coopérative et aux comptes 467,607 et 608 pour le commettant).
D’autre part, nous supposons, compte tenu de la particularité de fonctionnement d’une société coopérative, que la déclaration [3] n’est pas effectuée auprès de l’administration fiscale.
Vous avez pu enfin nous préciser que ces coopératives régionales ne prétendaient pas, avant le 1er janvier 1993, à bénéficier du statut d’intermédiaire de commerce, la règle du décalage d’un mois étant sans effet pour leurs opérations comptables.
Il résulte de tout ce qui précède que notre organisme accepte que les coopératives régionales du Mouvement Leclerc puissent bénéficier, pour partie de leur activité, des dispositions prévues à l’article L. 651-5 en faveur des commissionnaires opaques.
Nous invitons ces entreprises à effectuer dans les meilleurs délais le versement du complément de la contribution 1996 ainsi qu’une déclaration de chiffre d’affaires rectificative.
La commission à déclarer s’entend de tous les montants perçus par la coopérative au titre des charges d’exploitation.
Les autres produits qui relèvent de l’activité propre de la société sont à déclarer en totalité conformément à l’article L. 651-5, 1er alinéa.
De plus, il conviendra que chaque commissaire aux comptes nous adresse une attestation indiquant que la coopérative répond bien aux critères ci-avant énumérés.
Nos services, ne pouvant remettre les majorations de retard de paiement, notifieront le montant de ces dernières aux entreprises, qui devront saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale de leur département en vue d’en obtenir la réduction..
Eu égard à la régularisation spontanée constatée dans cette affaire, nos conclusions en réponse seront bienveillantes.
Afin d’informer les services qui seront chargés de ce traitement, nous vous demandons de bien vouloir adresser à l’attention de M.[K] la liste récapitulative des coopératives régionales qui seront concernées par cette régularisation, en indiquant leur raison sociale, leur numéro Siren et leur adresse.
En tout état de cause, notre position sur la reconnaissance de la qualité d’intermédiaire de commerce aux coopératives régionales Leclerc ne saurait préjuger d’une interprétation différente que seraient amenées à nous opposer nos autorités de tutelle, dans le cadre d’un examen plus général de l’assiette des sociétés coopératives de commerçants détaillants.
En restant à votre disposition pour tout renseignement complémentaire,
Nous vous prions d’agréer, Maître, l’expression de nos sentiments distingués.
Par la lettre susvisée du 22 avril 2010, le RSI a invité la société à remplir ses obligations de déclaration et de paiement des contributions en déclarant la totalité de son chiffre d’affaires global hors taxes.
Les motifs pour lesquels l’organisme est revenu sur la précédente décision ne sont pas explicités, le mémorandum de son avocat auquel il est fait référence n’étant pas versé au dossier.
Toutefois, de l’argumentation développée dans le cadre du présent litige, il est possible de retenir que pour l’essentiel, son revirement repose sur le défaut de mandat préalable de commissionnaire, au motif qu’il ne saurait être déduit ni du seul objet social de la société, ni de la reddition des comptes telle qu’elle résulte des pièces produites (pièce 47 et 47 bis), ni de la sous-classification des opérations dans des comptes 707006100 et 70700600).
Il doit être retenu que ce changement de doctrine est contraire à ce que l’organisme avait précédemment admis et notamment que le mandat était implicitement contenu dans l’objet social et explicitement constaté par la formalisation de pré-commandes et ce alors qu’il n’est pas allégué que les conditions de fait dans lesquelles la société exerce son activité auraient changé, la réduction d’assiette étant sollicitée au titre de la ‘rétrocession des marchandises aux commettants’ effectuée ‘ à leur prix de revient’.
Dès lors qu’une décision a été régulièrement notifiée et n’a donné lieu, dans les délais, à aucun recours contentieux, elle revêt un caractère définitif.
Il n’est pas allégué en l’espèce de modification des dispositions de l’article 273 octies, les conditions pour bénéficier du statut de commissionnaire fiscal étant demeurées inchangées aux dates d’exigibilité respectives.
Par suite, même résultant d’une simple tolérance, la décision s’impose tant à son destinataire, qui ne saurait en particulier, en contester la validité par voie d’exception à l’occasion d’un recours formé contre une décision distincte, qu’à son auteur, qui ne peut en prononcer le retrait, c’est-à-dire y mettre fin rétroactivement, à moins que la décision n’ait été acquise au bénéfice de la fraude. La décision définitive peut être abrogée pour l’avenir, sans pouvoir être retirée rétroactivement.
Aucune fraude n’est invoquée en l’espèce et si la société conteste le bien fondé de la nouvelle analyse, elle ne dénie pas à l’organisme la possibilité d’en changer.
En revanche, se prévalant d’un principe de sécurité juridique, elle s’oppose à ce que cette décision produise ses effets relativement à la contribution exigible en 2011 en ce que son assiette est le chiffre d’affaires réalisé en 2010.
Au cas particulier, il convient de retenir que si le fait générateur de la contribution est constitué par l’existence de l’entreprise débitrice au 1er janvier de l’année au titre de laquelle elle est due, comme l’a jugé la Cour de cassation, cette contribution revêt, du fait de son affectation exclusive au financement de divers régime de sécurité sociale, la nature d’une cotisation sociale (Cass. soc., 28 mars 2002, pourvoi n° 00-18.076 ; 2e Civ., 18 janvier 2005, pourvoi n° 03-30.406 ; Cass. 2e civ., 14 févr. 2013, no 11-28.470 ; Cass. 2e civ., 4 avr. 2018, no 17-13.987) soumise aux seules dispositions du code de la sécurité sociale (Soc., 6 mars 2003, pourvoi n° 01-21.077).
Elle est calculée sur le chiffre d’affaires réalisé l’année précédente. Les sociétés doivent déclarer les montants ayant servi à l’application des taxes sur le chiffre d’affaires et non le montant du chiffre d’affaires inscrit au compte de résultat (Cass. 2e civ., 14 févr. 2013, no 12-10.124).
Comme l’a jugé la Cour de cassation, l’article 1er du décret 2007-484 du 13 mars 2007 qui énonce que l’article 273 octies du code général des impôts est devenu sans objet « s’applique exclusivement aux impôts, taxes et contributions régies par le code général des impôts, de sorte que les dispositions en cause ont conservé leur effet pour la détermination des bases de la contribution sociale de solidarité des sociétés et de la contribution additionnelle dans les conditions prévues par l’article L. 651-5 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à la date d’exigibilité des contributions litigieuses » (2e Civ., 25 janvier 2018, pourvoi n°17-11.147 ; 2e Civ., 9 mai 2018, pourvoi n° 17-17.219).
Remettant en cause l’autorité de la chose décidée, le RSI a dénié à la société, au cours de l’année 2010, la possibilité de se prévaloir d’un mandant préalable de commissionnaire opaque, alors qu’il admettait depuis 1996 la possibilité pour la société de se prévaloir d’un mandat implicite.
Dans la mesure où elle ne bénéficie plus des effets de la tolérance de l’organisme, la société doit, pour continuer à bénéficier de la réduction d’assiette, pouvoir établir l’existence d’un mandat préalablement conclu au titre de l’année retenue pour déterminer le chiffre d’affaires assujetti à la contribution litigieuse (2e Civ., 24 juin 2021, pourvoi n° 19-26.093 précité), soit en l’espèce antérieurement au 1er janvier 2010. Elle doit à tout le moins pouvoir bénéficier d’un délai de prévenance suffisant pour adapter son organisation à la nouvelle doctrine qui lui est opposée.
Dès lors que la décision par laquelle le RSI informe la société de ce qu’elle ne reconnaît plus l’existence d’un mandat préalable, la prive du statut de commissionnaire, elle modifie la détermination des bases de la contribution.
Elle ne peut, sans être rétroactive, prendre effet avant la contribution de solidarité calculée sur le chiffre d’affaires 2011, soit la contribution exigible en 2012.
Il s’ensuit que le jugement entrepris doit être infirmé.
L’URSSAF ne développe aucun moyen relativement au montant de la créance de restitution.
Il convient en conséquence de la condamner à verser à la société la somme de 713 861 euros au titre de la contribution de solidarité des sociétés exigible en 2011, augmentée des intérêts de retard au légal à compter du 13 juillet 2015, date de sa demande en justice, avec capitalisation des intérêts conformément aux prévisions de l’article 1343-2 du code civil.
La société ne soutient d’aucun moyen sa demande de dommages et intérêts.
Faute pour elle de démontrer une faute de l’intimée, elle sera déboutée de cette demande.
L’équité ne commande pas d’allouer à quiconque d’indemnité pour ses frais de procédure.
S’agissant des dépens, l’article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale étant abrogé depuis le 1er janvier 2019, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de l’URSSAF qui succombe à l’instance.
PAR CES MOTIFS :
La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest du 14 mars 2018 :
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale de Provence-Alpes-Côte-d’Azur à verser à la société [7] la somme de 713 861 euros au titre de la contribution sociale de solidarité des sociétés exigible en 2011, augmentée des intérêts de retard au légal à compter du 13 juillet 2015, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
Déboute la société [7] de sa demande de dommages et intérêts ;
Déboute les parties de leurs demandes d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale de Provence-Alpes-Côte-d’Azur aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT