Récupération d’un bien financé : enjeux de la réserve de propriété et du rétablissement personnel

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Récupération d’un bien financé : enjeux de la réserve de propriété et du rétablissement personnel

La société Credipar a accordé un crédit affecté de 10 000 euros à Mme [C] pour l’achat d’un véhicule Peugeot 208, remboursable en 72 mensualités. Après des impayés, Credipar a assigné Mme [C] devant le tribunal de Chartres pour obtenir le remboursement de 7 879,56 euros, la restitution du véhicule et des frais. Le jugement du 21 mars 2023 a déclaré Credipar recevable, prononcé la déchéance des intérêts contractuels, fixé la créance à 5 536,75 euros, débouté Credipar de la restitution du véhicule et rejeté sa demande de frais. Credipar a fait appel. Dans ses conclusions, Credipar demande l’infirmation du jugement et la restitution du véhicule, tandis que Mme [C] souhaite la confirmation du jugement et le rejet des demandes de Credipar. La cour a partiellement infirmé le jugement, ordonné la restitution du véhicule par Mme [C] et confirmé les autres dispositions.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 octobre 2024
Cour d’appel de Versailles
RG
23/02922
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53B

Chambre civile 1-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 OCTOBRE 2024

N° RG 23/02922 – N° Portalis DBV3-V-B7H-V2VO

AFFAIRE :

S.A. CREDIPAR

C/

[N] [C]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Mars 2023 par le Juge des contentieux de la protection de Chartres

N° RG : 22/00516

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 15/10/24

à :

Me Justine GARNIER

Me Magali VERTEL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A. CREDIPAR agissant poursuites et diligences de son Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 317 425 981

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Justine GARNIER de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN, Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000021 – N° du dossier 230895 –

Représentant : Me Chantal BLANC de la SELARL BLANC-GILLMANN & BLANC, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

APPELANTE

****************

Madame [N] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Magali VERTEL, Plaidant et Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : T54

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro C-786462023003687 du 21/09/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 Juillet 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne THIVELLIER, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Madame Isabelle BROGLY, Magistrate honoraire,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision : Madame Céline KOC,

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 4 février 2019, la société Credipar a consenti à Mme [N] [C] un crédit affecté, pour le financement d’un véhicule 208 Peugeot, d’un montant en capital de 10 000 euros remboursable en 72 mensualités de 161,45 euros, au taux débiteur fixe de 4,24 %, et au TAEG de 5,22 %.

Mme [C] a sollicité, suite à la livraison du bien intervenue le 11 février 2019, le financement dudit bien.

Des échéances étant demeurées impayées, la société Credipar a fait assigner Mme [C] à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chartres, par acte d’huissier de justice signifié par remise à l’étude le 26 janvier 2022, aux fins de voir :

– condamner Mme [C] à lui verser la somme de 7 879,56 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 14 janvier 2022, outre la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– confirmer l’ordonnance aux fins d’appréhension en ce qu’elle a ordonné la restitution du véhicule immatriculé [Immatriculation 5] numéro de série VF3CCHMZ6HW141217,

– condamner Mme [C] aux entiers dépens ainsi qu’à supporter le montant des sommes retenues par l’huissier de justice au titre de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 en cas d’exécution forcée.

Par jugement contradictoire du 21 mars 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Chartres a :

– déclaré la société Credipar recevable en ses demandes,

– constaté que les conditions de prononcé régulier de la déchéance du terme du crédit affecté du 4 février 2019 de 10 000 euros accordé par la société Credipar à Mme [C] sont réunies,

– prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels de la société Credipar au titre du crédit affecté du 4 février 2019,

– dit que la créance de la société Credipar ne peut inclure l’indemnité contractuelle sur le capital restant dû,

– fixé en conséquence le montant de la créance de la société Credipar à la somme de 5 536,75 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

– débouté la société Credipar de sa demande de restitution du véhicule,

– rejeté la demande de la société Credipar au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [C] aux dépens,

– rappelé que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Par déclaration déposée au greffe le 27 avril 2023, la société Credipar a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 31 janvier 2024, la société Credipar, appelante, demande à la cour de :

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Chartres du 21 mars 2023,

– condamner Mme [C] à restituer le véhicule immatriculé [Immatriculation 5] numéro de série VF3CCHMZ6HW14121, en vertu de la clause de réserve de propriété,

– condamner Mme [C] à la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ainsi qu’à supporter le montant des sommes retenues par l’huissier au titre de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 en cas d’exécution forcée.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 29 septembre 2023, Mme [C], intimée, demande à la cour de :

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Chartres du 21 mars 2023,

– prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels de la société Credipar au titre du crédit affecté du 4 février 2019,

– débouter la société Credipar de sa demande de restitution du véhicule,

– condamner la société Credipar au paiement de la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 16 mai 2024.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour précise que l’offre préalable ayant été régularisée postérieurement à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 14 mars 2016, les articles du code de la consommation visés dans le présent arrêt s’entendent dans leur version issue de cette ordonnance

Sur la fixation de la créance de la société Credipar

La société Credipar demande l’infirmation du jugement déféré et ne formule aucune demande au titre de la fixation de sa créance à son encontre.

Elle expose que par arrêt du 30 juin 2023, il a été prononcé au profit de Mme [C] un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, de sorte qu’elle ne peut plus solliciter la fixation de sa créance mais qu’elle maintient sa demande de restitution du véhicule.

Mme [C] demande la confirmation du jugement déféré.

Elle confirme que par arrêt du 30 juin 2023, la cour d’appel de Versailles a ordonné l’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel à son profit.

Sur ce,

En application de l’article L. 741-2 du code de la consommation, en l’absence de contestation dans les conditions prévues à l’article L. 741-4, le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne l’effacement de toutes les dettes, professionnelles et non professionnelles, du débiteur, arrêtées à la date de la décision de la commission, à l’exception des dettes mentionnées aux articles L. 711-4 et L. 711-5 et des dettes dont le montant a été payé au lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé, personnes physiques.

En l’espèce, la cour d’appel de Versailles, par arrêt du 30 juin 2023, a :

– constaté que la situation de Mme [C] était irrémédiablement compromise,

– ordonné l’ouverture et la clôture immédiate d’une procédure de rétablissement personnel à son profit,

– dit que cette procédure entraîne l’effacement total des dettes professionnelles et non professionnelles de Mme [C] à la date de la décision de la commission.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a fixé la créance de la société Credipar à la somme de 5 536,75 euros et de constater qu’en raison de la procédure de rétablissement personnel dont a bénéficié Mme [C], la société Credipar ne formule aucune demande au titre de la fixation de sa créance à son encontre.

Sur la demande de restitution du véhicule

Le premier juge a débouté la société Credipar de sa demande de restitution du véhicule aux motifs que si les conditions de la subrogation conventionnelle étaient bien remplies et que la société Credipar était bien fondée à se prévaloir de la clause de réserve de propriété du contrat de crédit affecté à l’égard de Mme [C], la banque ne pouvait soutenir que sa créance n’avait pas été payée puisque l’emprunteuse bénéficiait d’un moratoire l’autorisant à ne pas régler sa dette pendant 24 mois, de sorte qu’il était prématuré de constater l’absence de paiement de la créance de la banque pour faire jouer la clause de réserve de propriété.

La société Credipar demande la restitution du véhicule qui n’est pas la propriété de Mme [C] et ne fait pas partie de son patrimoine en application de la clause de réserve de propriété du contrat de crédit affecté, laquelle est conforme à l’article 1346-2 du code civil, dans la mesure où le prix ne lui a pas été versé dans sa totalité. Elle explique qu’au vu de la résiliation du contrat, elle est en droit de faire jouer cette clause.

Mme [C] demande la confirmation du chef du jugement ayant débouté la société Credipar de sa demande de restitution du véhicule en faisant valoir que la décision de rétablissement personnel n’est pas encore définitive et qu’il est essentiel pour elle de conserver son véhicule afin de garder son emploi d’agent de sécurité mobile.

Sur ce,

En application de l’article 1346-2 du code civil, la subrogation a lieu également lorsque le débiteur, empruntant une somme à l’effet de payer sa dette, subroge le prêteur dans les droits du créancier avec le concours de celui-ci. En ce cas, la subrogation doit être expresse et la quittance donnée par le créancier doit indiquer l’origine des fonds.

En l’espèce, le contrat de prêt contient une constitution d’une réserve de propriété avec subrogation au profit de la société Credipar signée le 4 février 2019 par le vendeur et les parties lesquelles ne contestent pas la validité de cette clause retenue par le premier juge. Cette clause dispose que le transfert de propriété du bien à l’acheteur est différé jusqu’au paiement effectif et complet.

Il ressort du jugement déféré que la déchéance du terme a été valablement prononcée par la société Credipar de sorte que le contrat est résilié pour défaut de paiement, Mme [C] ayant cessé de régler les échéances du prêt.

Dans ces conditions, la société Credipar, qui est restée propriétaire du véhicule, est donc bien fondée à en réclamer la restitution, sans qu’il y ait lieu de lui opposer un éventuel règlement de la dette à l’avenir, le contrat de prêt étant résilié, étant au surplus ajouté que Mme [C] a bénéficié d’un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire et donc d’un effacement de sa dette à l’égard de la société Credipar.

Il convient en conséquence de condamner Mme [C] à restituer à la société Credipar le véhicule 208 Peugeot, immatriculé [Immatriculation 5] numéro de série VF3CCHMZ6HW141217, dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Mme [C], qui succombe, est condamnée aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l’aide juridictionnelle. Il n’y a pas lieu de mettre à sa charge les frais d’exécution forcée en application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 lesquels ne constituent pas des dépens afférents à l’instance au sens de l’article 695 du code de procédure civile, de sorte que cette demande ne relève pas de la compétence de la cour mais de celle du juge de l’exécution .

En équité, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Infirme partiellement le jugement déféré sauf en ce qu’il a fixé la créance de la société Credipar à l’encontre de Mme [C] et a débouté la société Credipar de sa demande de restitution du véhicule ;

Statuant à nouveau,

Constate qu’en raison du rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de Mme [N] [C], la société Credipar ne formule aucune demande au titre de la fixation de sa créance à son encontre ;

Condamne Mme [N] [C] à restituer à la société Credipar le véhicule 208 Peugeot, immatriculé [Immatriculation 5] numéro de série VF3CCHMZ6HW141217 dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt ;

Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions dévolues à la cour ;

Rejette toute autre demande ;

Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne Mme [N] [C] aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l’aide juridictionnelle.

– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Céline KOC, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


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