Rectification d’erreur matérielle et prescription de l’action en paiement

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Rectification d’erreur matérielle et prescription de l’action en paiement
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Rectification d’erreur matérielle et prescription de l’action en paiement

Sur la rectification d’erreur matérielle

Dans cette affaire, le Tribunal mixte de commerce de Saint-Denis a commis une erreur matérielle dans son jugement du 23 avril 2021 en condamnant la mauvaise partie à payer une somme. Cette erreur peut être corrigée par la juridiction compétente, ce qui sera fait pour rendre justice.

Sur la prescription de l’action en paiement

La question de la prescription de l’action en paiement se pose dans le cadre de ce litige. Les règles de prescription applicables aux contrats de transport de marchandises sont examinées pour déterminer si l’action est recevable ou non.

Sur les mesures accessoires

Enfin, concernant les mesures accessoires, il est décidé que l’appelante devra payer à l’intimée des frais irrépétibles ainsi que des frais de procédure. Une décision est prise pour rétablir l’équilibre des dépenses entre les parties.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°22/

FA

R.G : N° RG 21/01004 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FR6J

S.A.R.L. SOMATRANS REUNION

C/

S.A.R.L. JIRLEC

COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS

ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2022

Chambre commerciale

Appel d’une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-DENIS en date du 23 AVRIL 2021 suivant déclaration d’appel en date du 09 JUIN 2021 RG n° 2019J01192

APPELANTE :

S.A.R.L. SOMATRANS REUNION

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Pierre HOARAU, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉE :

S.A.R.L. JIRLEC

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Françoise BOYER-ROZE, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 20/06/2022

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 octobre 2022 devant Monsieur ALZINGRE Franck, Conseiller, qui en a fait un rapport, assisté de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 07 décembre 2022.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Conseiller : Monsieur Franck ALZINGRE, Conseiller

Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 07 décembre 2022.

* * *

LA COUR

FAITS ET PROCÉDURE

Dans le courant de l’année 2012, la SARL SOMATRANS REUNION et la SAS SOMATRANS ont assuré le transport d’appareils électroménagers et de marmites pour le compte de la SARL JIRLEC, qui en fait le commerce. Un contentieux a éclaté entre les sociétés concernant le paiement de factures afférentes à ces transports puis, à partir de novembre 2012, les sociétés SOMATRANS ont fait pratiquer plusieurs saisies conservatoires des marchandises de JIRLEC.

Le Juge de l’exécution de Saint Denis a, pour la garantie en paiement des sommes autorisé :

– par ordonnance du 22 novembre 2012, la saisie conservatoire de trois containers de marmites se trouvant en attente au PORT de la [5], en garantie de paiement de la somme de 148 208,32 euros ;

– par ordonnance du 6 décembre 2012, la saisie conservatoire d’un stock de produits « SAMSUNG » se trouvant au dépôt de la SARL JIRLEC, pour avoir paiement des sommes de 254 735,71 euros (au profit de la SARL SOMATRANS) et de 81 076,41 euros (au profit de la SAS SOMATRANS), soit au total la somme de 335 812,12 euros.

Selon assignation en date du 11 janvier 2013, la SARL SOMATRANS et la SAS SOMATRANS ont assigné en paiement de 335 812,12 euros la SARL JIRLEC devant le Tribunal Mixte de Commerce de Saint-Denis. Par jugement du 18 novembre 2013, la juridiction saisie a fait droit à la demande, en accordant à la SARL SOMATRANS REUNION la somme de 246 192,12 euros et, à la SAS SOMATRANS la somme de 80 123,50 euros, tout en accordant à la société JIRLEC un délai de paiement de douze mois pour s’acquitter de sa dette.

Dans le cadre de l’exécution de ce jugement, les 23 et 24 mars 2017, les sociétés SOMATRANS ont pratiqué des saisies attributions sur les comptes bancaires de la société JIRLEC (la BRED, la BNP PARIBAS REUNION, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA REUNION, la BANQUE FRANCAISE COMMERCIALE).

Ces saisies ont été contestées par la SARL JIRLEC qui, par voie d’assignation délivrée le 28 avril 2017, a saisi le Juge de l’exécution du Tribunal de Grande Instance de Saint-Pierre de la Réunion aux fins de cantonnement des saisies attributions et de main-levée des saisies conservatoires pratiquées les 27/12/2012.

Par jugement rendu le 17 novembre 2017, le Juge de l’exécution de ce Tribunal a :

– ordonné le cantonnement des saisies-attributions pratiquées sur les comptes de la société JIRLEC le 26 mars 2017 à la somme de 79 249,45 euros ;

– dit que les saisies conservatoires pratiquées le 27 décembre 2012, sur des matériels appartenant à la société JIRLEC sont périmées ;

– ordonné leur mainlevée aux frais des défenderesses ;

– ordonné la restitution à la demanderesse des matériels saisis sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification de la décision et pour une durée limitée à 100 jours ;

– rejeté la demande principale de dommages-intérêts ;

– condamné solidairement les sociétés SOMATRANS à payer la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 21 août 2018, statuant sur l’appel interjeté par les sociétés SOMATRANS, la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a :

– infirmé le jugement du Juge de l’exécution rendu le 17 novembre 2017 concernant les saisies conservatoires pratiquées le 27 décembre 2012 par les société SOMATRANS sur un container de marmites ;

– débouté la société JIRLEC de sa demande de main-levée desdites saisies conservatoires;

– avant-dire-droit, sur le cantonnement des saisies-attributions diligentées les 23 et 24 mars 2017 par les sociétés SOMATRANS des sommes figurant sur les comptes bancaires détenus par la société JIRLEC à la BRED, la BFC, le CREDITAGRICOLE ainsi que la CAISSE D’EPARGNE, ordonné la production par chaque société SOMATRANS d’un décompte des règlements effectués par la société JIRLEC et de leur affectation sur le principal et les intérêts de sa créance : ordonné la production par chaque société SOMATRANS d’un décompte des règlements effectués par la société JIRLEC et de leur affectation sur le principal et les intérêts de sa créance.

Par un nouvel arrêt rendu le 19 novembre 2019, la même Cour d’appel a :

– infirmé le jugement du 17 novembre 2017 du Juge de l’exécution de Saint-Pierre concernant le cantonnement des saisies attributions,

– ordonné le cantonnement des saisies-attributions des 23 et 24 mars 2017 pratiquées par les sociétés SOMATRANS sur le fondement du jugement du Tribunal Mixte de Commerce de Saint-Denis du 18 novembre 2017, comme suit :

à la somme de 7 435.91 euros en principal concernant la créance de la SAS SOMATRANS;

à la somme de 4 157.67 euros en principal concernant la créance de la SARL SOMATRANS ;

– rejeté les demandes indemnitaires des deux sociétés.

Parallèlement, les sociétés SOMATRANS ont déposé plainte contre la SARL JIRLEC pour détournement de matériel saisi. Ce à quoi, par arrêt rendu le 29 novembre 2018, la Chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Saint-Denis a mis hors de cause la SARL JIRLEC (suite à l’irrégularité de sa convocation). Cet arrêt venant réformer la décision de condamnation du Tribunal correctionnel de Saint-Denis. Seul le représentant légal de la SARL restait condamné.

Par acte délivré le 19 mars 2019, la SARL SOMATRANS a assigné la SARL JIRLEC devant le Tribunal Mixte de Commerce de Saint-Denis, afin de solliciter sa condamnation à lui payer la somme de 136 071,86 euros au titre de factures établies de juin à octobre 2014, donc postérieurement au jugement du 18 novembre 2013.

Il s’agit des factures portant les numéros suivants : N°SRU 1401110 = 9 077,11 euros le 12 juin 2014 ; N°SRU 140111 = 2 004 euros le 12 juin 2014 ; N°SRU 1400458= 23 910,68 euros le 20 mars 2014 ; N°SRU 1400459= 90 311,44 euros le 20 mars 2014 ; N°SRU 1405534 = 1 841,25 euros le 24 octobre 2014 ; N°SRU 1405538 = 8 927,38 euros le 24 octobre 2014.

Par un jugement en date du 23 avril 2021, le Tribunal ainsi saisi a :

– déclaré prescrite l’action en paiement et constaté l’extinction de l’instance ;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

– condamné la SARL SOMATRANS REUNION à payer à la SARL JIRLEC la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SARL SOMATRANS REUNION aux entiers dépens de l’instance.

*

Par déclaration en date du 9 juin 2021, la société SOMATRANS REUNION a interjeté appel du jugement et l’affaire a été enrôlée sous le numéro de répertoire général 21 / 1004 puis, orientée à la mise en état.

L’intimé s’est constitué le 1er juillet 2021.

Une deuxième déclaration d’appel a été enregistrée le 8 juillet 2021 et a donné lieu à l’attribution d’un deuxième numéro de répertoire général, RG 21 / 1233. Cet acte mentionnait, par rapport au premier, que l’appel était interjeté aux fins de réformation mais portait bien sur le même jugement du 23 avril 2021 rendu par le Tribunal mixte de commerce de Saint-Denis et sur les chefs de jugement critiqués.

Par RPVA du 16 août 2021, l’appelante a notifié ses premières conclusions auxquelles l’intimée a répondu par RPVA le 26 octobre 2021.

Le 24 janvier 2022, la société a déposé par RPVA un deuxième jeu de conclusions.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 juin 2022 après que les deux procédures aient été jointes par mention au dossier et portant le numéro 21/1004.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Selon dernières conclusions, l’appelante sollicite la Cour de voir, aux visas des articles 1134 et suivants du code civil, L 133-6 du code de commerce:

– DIRE ET JUGER que les factures dont le paiement est réclamé ne concernent pas des prestations de transports soumises à la prescription annale,

– DIRE ET JUGER qu’en conséquence la prescription annale de l’article L 133-6 du code de commerce ne peut être appliquée, ceci d’autant plus que cette prescription n’a pu courir qu’à compter de l’arrêt du 19 novembre 2019.

– REFORMER en conséquence le jugement critiqué.

STATUANT DE NOUVEAU

– DIRE ET JUGER parfaitement recevable 1’action engagée par la société SOMATRANS dans

le délai d’action de droit commun,

– DIRE ET JUGER fondées les demandes de la concluante au vu des pièces produites,

– CONDAMNER la société JIRLEC au paiement de la somme principale de 136 071,86 euros avec intérêts de droit et au paiement de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles,

– CONDAMNER la même aux entiers dépens.

En réplique, l’intimée a conclu en ces termes :

Vu l’article L 133-6 du code de commerce

Vu l’article 462 du code de procédure civile,

à titre principal :

– CONFIRMER le jugement rendu le 23 avril 2021 par le Tribunal Mixte de Commerce de Saint Denis en ce qu’il a déclaré prescrite l’action en paiement et constate l’extinction de l’instance ;

à titre subsidiaire :

– DEBOUTER la SARL SOMATRANS REUNION de l’ensemble de ses demandes ‘ns et prétentions dirigées contre la Société JIRLEC ;

A titre incident :

JUGER que le jugement entrepris sera recti’é et qu’il sera désormais indiqué « Condamne la SARL SOMATRANS REUNION à payer à la SARL JIRLEC la somme de 2500 euros sur le fondement de l ‘article 700 du code de procédure civile », en lieu et place de « Condamne la SARL SOMATRANS REUNION à payer à la SARL SOMATRANS REUNION la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procedure civile » ;

En tout état de cause :

CONDAMNER la SARL SOMATRANS REUNION à verser à la SARL JIRLEC la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la SARL SOMATRANS REUNION aux entiers dépens.

*

Au soutien de ses prétentions, l’appelante conclut à l’inapplication de l’article L 133-6 du code de commerce en ce que les factures dont le paiement est sollicité ne concernent pas exclusivement les éléments du contrat de transport, il est question de frais de stockage et d’assurance, ou encore des frais de douane, TVA et octroi de mer. Elle ajoute que le point de départ du délai de prescription est le jour du second délibéré de la Cour d’appel, statuant sur le jugement du juge de l’exécution de Saint-Pierre (17 novembre 2017), à savoir le 19 novembre 2019. En effet, la somme réclamée de 136 071,86 euros correspond à de nouvelles factures non prises en compte dans la fixation de la créance par le Tribunal mixte de commerce de Saint-Denis, le 18 novembre 2013. Ainsi, le « non-paiement » n’a existé qu’à compter du 19 novembre 2019, lorsque la Cour d’appel a réaffecté les règlements de la somme de 136 071,88 euros.

En réplique, l’intimée explique que la prescription résulte du fait que les factures dont il est demandé le paiement se rapportent à un contrat de transport ayant pris place entre le 4 juillet 2012 et le 18 août 2012. En effet, elle considère qu’elles correspondent à des frais accessoires ou complémentaires au contrat de transport initial et que l’erreur d’imputation des paiements en exécution du jugement du 18 novembre 2013 n’est pas de nature à rouvrir les délais de prescription. Sur le fond, elle conteste devoir la somme de 136 071.86 euros au titre des six factures produites, considérant qu’elle ne sait pas à quoi elles correspondent puisqu’aucun bon de commande ni aucun bon de livraison n’est produit, tout comme le contrat, et qu’elle n’a reçu aucune mise en demeure. Plus encore, ces nouvelles factures ne sont fondées sur aucune prestation acceptée par la société JIRLEC. Cette dernière ajoute enfin que les relations commerciales entre les parties ont cessé à partir de 2012 et que la société SOMATRANS a eu l’occasion de définir exactement ses créances qu’elle a chiffrées en 2013 toutes causes confondues à 243 735,71 euros, ce que le Tribunal mixte de commerce le 18 novembre 2013 avait retenu.

*

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, et en application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

Le prononcé de l’arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 7 décembre 2022.

MOTIFS

Sur la rectification d’erreur matérielle

L’article 462 du code de procédure civile prescrit que « les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande ».

Au cas d’espèce, dans son jugement du 23 avril 2021, le Tribunal mixte de commerce de Saint-Denis a « condamné la SARL SOMATRANS REUNION à payer à la SARL SOMATRANS REUNION la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile », ce qui est naturellement impossible. Au vu du reste du dispositif, il faut lire : « condamne la SARL SOMATRANS REUNION à payer à la SARL JIRLEC la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ». Il sera donc fait droit à la demande.

Sur la prescription de l’action en paiement

L’article L 133-6 du code de commerce dispose : « Les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d’un an, sans préjudice des cas de fraude ou d’in’délité. Toutes les autres actions auxquelles ce contrat peut donner lieu, tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l’expéditeur ou le destinataire, aussi bien que celles qui naissent des dispositions de l’article 1269 du code de procédure civile, sont prescrites dans le délai d’un an. Le délai de ces prescriptions est compté, dans le cas de perte totale, du jour où la remise de la marchandise aurait dû être effectuée et, dans tous les autres cas, du jour où la marchandise aura été remise ou offerte au destinataire.»

En premier lieu, se pose la question de la nature juridique des rapports contractuels qui ont uni les parties au procès.

La Cour rappelle que le contrat de transport de marchandises peut se définir comme la convention par laquelle une personne, le transporteur, s’engage à déplacer des marchandises, en utilisant un engin de transport circulant sur route, d’un endroit à un autre en contrepartie du paiement d’une somme d’argent. La naissance de ce type de contrat suppose donc que le transporteur conserve la maîtrise de l’obligation principale de transport, étant précisé que les parties peuvent prévoir des prestations annexes qu’il leur appartient de définir préalablement, au besoin dans le cadre d’un contrat différent.

Il doit être distingué de la commission de transport, définie comme étant la convention par laquelle le commissionnaire s’engage envers le commettant à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement de la marchandise d’un lieu à l’autre, et se caractérise par la latitude laissée au commissionnaire d’organiser librement le transport par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité, ainsi que par le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout. Dans cette hypothèse, les prestations annexes sont prises en charge par le commissionnaire ou le transitaire.

La qualification du contrat reste donc fonction de la nature des obligations souscrites.

Au cas d’espèce, l’appelante sollicite le paiement de huit factures s’étalant du 20 mars 2014 au 24 octobre 2014. A cette date, l’article L 1432-1 du code des transports, dans sa version en vigueur depuis le 1er décembre 2010, prévoyait déjà que des clauses de contrat type devaient être définis par voie réglementaire. Celles-ci sont intervenues avec le décret n°2013-293 du 5 avril 2013, et ont été reprises par l’article L 1432-3 du code des transports, qui prescrit que « le contrat type de commission de transport, établi en application de l’article L 1432-1 et qui a pour objet de définir les conditions dans lesquelles un commissionnaire de transport organise, en son nom et pour le compte d’un commettant dénommé donneur d’ordre, le déplacement de marchandises, figure en annexe au présent livre. » Ces références peuvent donc s’appliquer au cas de l’espèce alors même que les parties ne versent pas aux débats le contrat de transport initial.

Or, précisément, l’article 2.7 du contrat type de commission de transport définit les prestations accessoires au contrat de commission de transport comme étant « la déclaration de valeur, la déclaration d’intérêt spécial à la livraison, la livraison contre remboursement, l’assurance des marchandises et les opérations de douane ».

De surcroît, la lecture des pièces versées aux débats (les requêtes aux fins de saisie conservatoire, le jugement du Tribunal mixte de commerce du 18 novembre 2013 ou encore le courrier de son conseil adressé au procureur de la République pour porter plainte (pièce n° 3)) montre que l’appelante se définit elle-même comme assumant le rôle de transitaire pour les importations de la société JIRLEC. Il en est de même de l’analyse des factures à proprement parler, il y est question de « frais de stockage » ou « assurance SLOI », l’acronyme correspondant à la société SOMATRANS LOGISTIQUE OCEAN INDIEN (pièce n°12 de l’appelante). Certes, cette société fait partie du groupe SOMATRANS mais demeure une entité juridique distincte de la SARL SOMATRANS.

Dans ces conditions, la qualification de commission de transport peut être retenue, ce qui doit conduire à englober les frais de stockage, d’assurance et de douane dans la mission générale du transitaire consistant à assumer l’ensemble des charges de bout en bout du transport. Il ne pourrait en être autrement que dans l’hypothèse où ces frais avaient fait l’objet d’une convention spéciale distincte prévoyant une prestation indépendante et détachable de l’opération de commission (Cass. com, 30 janv. 2019, n° 17-28.913). L’appelante n’apporte pas cette preuve de sorte que l’article L 133-6 du code de commerce doit s’appliquer.

En second lieu, la question est posée de savoir sous quelles conditions la prescription annale a pu être interrompue. À ce sujet, l’appelante ne conteste pas que ce délai ait pu commencer à courir, mais estime seulement qu’il a été interrompu du fait des règles d’imputation de paiement de la dette qui n’ont été connues que suite à l’arrêt de la présente Cour d’appel, rendu le 19 novembre 2019.

Dans cet arrêt, la Cour précise dans sa motivation qu’en « l’absence de manifestation de volonté du débiteur, l’imputation des paiements se fait en priorité sur la dette la plus ancienne. Or, aucune pièce versée au débat ne permet d’établir la volonté de la SARL JIRLEC d’affecter ses paiements de 2014 et 2015 en priorité aux nouvelles dettes ».

Or, l’analyse des pièces produites dans le cadre présente instance confirme cette première analyse. En effet, aucun des justificatifs de paiement, dont l’intimée se prévaut, ne comporte une mention d’affectation de paiement à une dette ou une autre (pièces n°11 à 15 puis n°17 à 19).

En tout état de cause, la Cour, en 2019, n’a fait que rappeler la teneur de l’article1342-10 du code civil. Ce dernier prévoit, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, que « Le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu’il paie, celle qu’il entend acquitter. A défaut d’indication par le débiteur, l’imputation a lieu comme suit : d’abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d’intérêt d’acquitter. A égalité d’intérêt, l’imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement. »

S’agissant d’une règle d’imputation applicable de longue date, l’appelante ne prouve pas qu’elle était dans l’impossibilité d’agir pour avoir, de manière légitime et raisonnable, ignoré la naissance de son droit (Cass.com 13 avril 1999).

Aucune interruption du délai de prescription ne sera donc être retenue et, le jugement de première instance sera donc confirmé.

Sur les mesures accessoires

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’intimée ses frais irrépétibles, l’appelante sera donc condamnée à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelante, partie qui succombe, sera également condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Vu les dispositions de l’article 462 du code de procédure civile,

DIT qu’il convient de remplacer dans le dispositif du jugement rendu le 23 avril 2021 par le Tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion la mention « condamne la SARL SOMATRANS REUNION à payer à la SARL SOMATRANS REUNION la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile » par « condamne la SARL SOMATRANS REUNION à payer à la SARL JIRLEC la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile »,

DIT que la décision rectificative sera mentionnée sur la minute de la décision rectifiée par les soins de Mme le greffier ;

CONFIRME le jugement du 23 avril 2021 rendu par le Tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion,

y ajoutant,

CONDAMNE la SARL SOMATRANS REUNION à payer à la société la somme 5 000 euros, par application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL SOMATRANS REUNION aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE SIGNE LA PRÉSIDENTE

 


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