M. [Z] [J] a été déclaré coupable par le tribunal correctionnel de Lyon le 20 mai 2019 pour des violences en réunion ayant causé une incapacité supérieure à 8 jours sur Mme [M] [L] et des violences n’ayant pas entraîné d’incapacité sur M. [V] [X]. Ces derniers ont demandé une indemnisation auprès de la commission d’indemnisation des victimes d’infraction, qui a ordonné une expertise médicale après avoir rejeté leurs demandes d’indemnité provisionnelle. Un accord a été conclu le 3 janvier 2022 entre les victimes et le Fonds de Garantie, qui a versé des sommes en réparation des dommages. Le Fonds a ensuite demandé le remboursement de ces sommes à M. [Z] [J], qui a été assigné en justice. Le 7 février 2024, le juge a rejeté une fin de non-recevoir soulevée par M. [Z] [J] et l’a condamné à verser des frais au Fonds. M. [Z] [J] a interjeté appel de cette ordonnance. Dans ses conclusions, il a soutenu que le Fonds n’avait pas d’intérêt à agir, tandis que le Fonds a demandé la confirmation de l’ordonnance. La cour a finalement confirmé l’ordonnance et a condamné M. [Z] [J] à verser des frais au Fonds.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° Minute :
C2
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SELARL CABINET ALEXIA CHARAPOFF AVOCAT
la SELARL L. LIGAS-RAYMOND – JB PETIT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 8 OCTOBRE 2024
Appel d’une ordonnance (N° R.G. 23/00937) rendue par le juge de la mise en état de Vienne en date du 7 février 2024, suivant déclaration d’appel du 29 février 2024
APPELANT :
M. [Z] [J]
né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 7]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté et plaidant par Me Alexia CHARAPOFF de la SELARL CABINET ALEXIA CHARAPOFF AVOCAT, avocat au barreau de VIENNE
INTIMÉ :
ORGANISME FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERROR ISME ET D’AUTRES INFRACTIONS (FGTI)
[Adresse 4]
[Localité 5]
représenté par Me Jean-Bruno PETIT de la SELARL L. LIGAS-RAYMOND – JB PETIT, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Emmanuèle Cardona, présidente,
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,
Mme Ludivine Chetail, conseillère,
DÉBATS :
A l’audience publique du 18 juin 2024, Mme Emmanuèle Cardona, présidente chargée du rapport, assistée de Mme Caroline Bertolo, greffière, en présence de Mme [H] [C], greffière stagiaire a entendu seule les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.
Suivant jugement en date du 20 mai 2019, le tribunal correctionnel de Lyon a déclaré M. [Z] [J] coupable de faits de violence en réunion suivie d’une incapacité supérieure à 8 jours commis le 24 juin 2018 à Lyon sur la personne de Mme [M] [L] et de faits de violence en réunion n’ayant pas entraîné d’incapacité de travail supérieure à 8 jours commis dans les mêmes circonstances sur la personne de M. [V] [X].
Mme [M] [L] et M. [V] [X] ont saisi la commission d’indemnisation des victimes d’infraction près le tribunal judicaire de Lyon laquelle par jugement rendu le 9 avril 2021 a rejeté leurs demandes d’indemnité provisionnelle et a ordonné, avant dire droit, pour chacun d’eux une expertise médicale.
A la suite et suivant constats d’accord régularisés le 3 janvier 2022 entre M. [V] [X] et Mme [M] [L], d’une part, et, le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d’autres infractions, d’autre part, ce dernier leur a versé à titre de transaction en réparation de tous dommages résultant des faits survenus le 24 juin 2018 à [Localité 6], les sommes respectivement de 6 592,50 euros et de 24 485,17 euros.
Par deux ordonnances rendues le 14 février 2022, le président de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions près le tribunal judiciaire de Lyon a homologué ces constats d’accord.
Le Fonds de Garantie a sollicité en vain de M. [Z] [J] le remboursement de la somme versée, soit 31 077,67 euros. Par courrier recommandé en date du 2 mai 2023, M. [Z] [J] a été mis en demeure de payer au Fonds de Garantie la somme précitée.
Par acte d’huissier délivré le 28 juin 2023, le Fonds de Garantie a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Vienne M. [Z] [J], aux fins, sur le fondement des articles 1240 et 1231-6 du code civil, d’obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 31 077,67 euros, augmentée des intérêts au taux légal postérieur au 24 janvier 2023, outre sa condamnation à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 7 février 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Vienne a :
– Rejeté la fin de non recevoir soulevée par M. [J] tirée d’un prétendu défaut d’intérêt à agir du Fonds de Garantie des Victimes d’Acte de Terrorisme et d’autres Infractions ;
– Condamné M. [J] à verser au Fonds de Garantie des Victimes d’Acte de Terrorisme et d’autres Infractions la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné M. [J] aux entiers dépens de l’incident ;
– Renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 6 mars 2024 (dématérialisée) pour les conclusions au fond de M. [J].
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 29 février 2024, M. [J] a interjeté appel de l’entière ordonnance sauf en ce qu’elle a renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 6 mars 2024 (dématérialisée) pour les conclusions au fond de M. [J].
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suivant dernières conclusions notifiées le 15 mars 2024, M. [J] demande à la cour de :
– Infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Vienne, rendue le 7 février 2024, en ce qu’elle a :
Rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [J] tirée d’un prétendu défaut d’intérêt à agir du Fonds de Garantie des Victimes d’Acte de Terrorisme et d’autres Infractions,
Condamné M. [J] à verser au Fonds de Garantie des Victimes d’Acte de Terrorisme et d’autres Infractions la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamné M. [J] aux entiers dépens du présent incident ;
Statuant à nouveau,
– Déclarer irrecevables les demandes du Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d’Autres Infractions, après avoir constaté que ce dernier n’est doté d’aucun intérêt à agir, comme n’étant pas subrogé dans les droits de Mme [L] et de M. [X] ;
– Condamner le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d’Autres Infractions au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de l’appel ;
– Condamner le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d’Autres Infractions aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que pour exercer valablement son recours subrogatoire, le Fonds de Garantie des Victimes doit nécessairement être subrogé dans les droits d’une victime et qu’il doit donc se prévaloir d’un titre qui déclare l’auteur des faits responsable, civilement, intégralement ou partiellement, des dommages causés à la victime. Il ajoute que seul un individu tenu responsable civilement peut être poursuivi par le Fonds de Garantie dans le cadre de ce recours. Il poursuit en indiquant qu’en l’absence de constitution de partie civile et, par voie de conséquence, de civilement responsable, le Fonds de Garantie est dépourvu d’intérêt à agir contre l’individu condamné au plan pénal puisque les victimes ne pouvaient transmettre plus de droits qu’ils n’en possédaient eux-mêmes au Fonds de Garantie des Victimes.
Dans ses conclusions notifiées le 10 avril 2024, le Fonds de Garantie des Victimes d’Infraction et d’acte Terrorisme demande à la cour de :
Débouter M. [J] des fins de son appel comme étant non fondées.
– Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du Juge de la Mise en Etat du 7 février 2024 ;
– Condamner M. [J] à payer au fonds de garantie, une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner M. [J] aux dépens d’appel.
Au soutien de ses demandes, le Fonds de Garantie des Victimes d’Acte de Terrorisme et d’autres Infractions fait valoir qu’il est de jurisprudence constante que le recours du Fonds de Garantie n’est pas subordonné à l’action exercée par la partie civile et n’est pas limité aux condamnations civiles prononcées par la juridiction pénale.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 5 juin 2024.
En vertu des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
Aux termes de l’article 706-11 du code de procédure pénale, le fonds est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l’infraction ou tenues à un titre quelconque d’en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l’indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes. Le recours du fonds ne peut s’exercer contre l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués.
Le fonds peut exercer ses droits par toutes voies utiles, y compris par voie de constitution de partie civile devant la juridiction répressive et ce, même pour la première fois, en cause d’appel. Lorsqu’il se constitue partie civile par lettre recommandée, le fonds peut demander le remboursement des sommes mises à sa charge sans limitation de plafond.
Il résulte de ce deuxième texte que, sauf à ajouter à la loi, le recours subrogatoire que le fonds de garantie exerce contre l’auteur de l’infraction n’est pas subordonné à l’intervention préalable d’une décision de justice statuant sur le préjudice de cette victime et opposable à l’auteur de l’infraction (2ème.Civ 29 mars 2012 n° 11-14106).
Le fonds de garantie peut exercer son recours subrogatoire alors même que la victime n’a pas agi contre l’auteur en réparation de son préjudice. Il peut notamment exercer l’action en responsabilité dont disposait la victime à l’encontre de l’auteur du dommage. C’est au cours de cette action récursoire que l’auteur de l’infraction est mis en mesure de faire valoir ses droits au contradictoire du fonds de garantie, notamment, de discuter l’existence et le montant des indemnités allouées en réparation des préjudices subis ou de critiquer les conclusions des experts et de lui opposer les exceptions qu’il aurait été en droit d’opposer à la victime.
En l’espèce, le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d’autres infractions a versé aux victimes, à titre de transaction en réparation de tous dommages résultant des faits survenus le 24 juin 2018 à [Localité 6], les sommes respectives de 6 592,50 euros et de 24 485,17 euros. C’est le paiement intervenu qui fonde l’existence du recours subrogatoire et M. [J] ne peut utilement soulever l’absence de constitution de partie civile pour conclure à l’irrecevabilité de l’action exercée par le Fonds de Garantie.
C’est donc à bon droit que le juge de la mise en état a jugé que le Fonds de Garantie des Victimes d’Acte de Terrorisme est parfaitement fondé à exercer l’action récursoire qui lui est ouverte par les dispositions de l’article 706-11 du code de procédure pénale à l’encontre de M. [Z] [J].
En conséquence, l’ordonnance querellée doit être confirmée en toutes ses dispositions.
L’appelant supportera les dépens et les frais irrépétibles du Fonds de Garantie conformément aux mentions du dispositif.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Confirme l’ordonnance déférée ;
Y ajoutant
Condamne M.[Z] [J] à payer au Fonds de Garantie des Victimes d’Acte de Terrorisme et d’autres Infractions la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Solène Roux, greffière, présente lors de la mise à disposition, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE