Recours de la caution : obligations et limites en matière de remboursement

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Recours de la caution : obligations et limites en matière de remboursement

La BANQUE POPULAIRE a accordé un prêt à Madame [J] [Y] en mai 2016, avec la SA CEGC comme caution. En décembre 2022, la banque a mis en demeure l’emprunteur pour des paiements impayés, suivie d’une déchéance du terme en mars 2023. La banque a ensuite appelé la garantie de la SA CEGC, qui a réglé une partie de la dette en juillet 2023. En août 2023, la SA CEGC a mis en demeure Madame [J] [Y] de rembourser la somme due. Le juge a autorisé une inscription d’hypothèque judiciaire en août 2023. La SA CEGC a assigné Madame [J] [Y] devant le tribunal pour obtenir le remboursement de la somme due, ainsi que des intérêts et des frais. Madame [J] [Y] n’a pas constitué avocat, et l’affaire a été mise en délibéré pour une décision ultérieure.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

20 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Versailles
RG
23/05811
Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Deuxième Chambre
JUGEMENT du 20 SEPTEMBRE 2024

N° RG 23/05811 – N° Portalis DB22-W-B7H-RRNN

DEMANDERESSE :

La COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS, société anonyme au capital de 262.391.274,00 € régie par le Code des assurances, dont le siège social est situé [Adresse 4], immatriculée Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 382 506 079, prise en la personne de son représentant légal agissant poursuites et diligences et domicilié en cette qualité audit siège,
 représentée par Me Elisa GUEILHERS, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat postulant, Me François-Xavier WIBAULT, avocat au barreau d’ARRAS, avocat plaidant

DEFENDERESSE :

Madame [J] [Y] née le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 6] (91), de nationalité française, demeurant et domiciliée sise [Adresse 3],
défaillant

ACTE INITIAL du 07 Septembre 2023 reçu au greffe le 20 Octobre 2023.

DÉBATS : A l’audience publique tenue le 17 Juin 2024, Madame LUNVEN, Vice-Présidente, siégeant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du Code de Procédure Civile, assistée de Madame SOUMAHORO, Greffier, l’affaire a été mise en délibéré au 20 Septembre 2024.

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre de crédit émise le 26 mai 2016 et acceptée le 9 juin 2016, la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE (ci-après la BANQUE POPULAIRE) a consenti à Madame [J] [Y] un prêt PRIVILEGE n°05832639 d’un montant de 81.600 euros, remboursable en 240 mensualités au taux d’intérêt annuel fixe de 1,70 %, destiné à financer l’acquisition d’un immeuble à usage de résidence principale situé [Adresse 2] à [Localité 5] (91).

Par acte séparé en date du 25 mai 2016, la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS (ci-après la SA CEGC) s’est portée caution pour le remboursement du prêt à hauteur de la totalité de la somme empruntée.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 27 décembre 2022, la BANQUE POPULAIRE a mis en demeure Madame [J] [Y] de lui régler sous huitaine la somme de 1.896,42 euros correspondant aux échéances impayées du prêt PRIVILEGE n°05832639, à défaut de quoi elle prononcerait la déchéance du terme, en vain.

Puis par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 mars 2023, la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt et a mis en demeure Madame [J] [Y] de payer la somme de 63.279,71 euros au titre du prêt PRIVILEGE n°05832639.

En l’absence de paiement par l’emprunteur, la BANQUE POPULAIRE a appelé la garantie de la SA CEGC, par courrier du 16 mai 2023.

Suivant courrier recommandé avec accusé de réception du 22 mai 2023, la SA CEGC a informé l’emprunteur qu’elle procéderait au règlement de sa dette en ses lieu et place à l’expiration d’un délai de 15 jours.

La SA CEGC a réglé à la banque la somme de 58.666,22 euros suivant quittance subrogative du 17 juillet 2023.

Puis, par courrier recommandé avec accusé de réception du 9 août 2023, Madame [J] [Y] a été mis en demeure par la SA CEGC de régler la somme totale de 58.666,22 euros sous huitaine, en vain.

Par ordonnance du 18 août 2023, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Versailles a autorisé la SA CEGC à régulariser une inscription d’hypothèque judiciaire provisoire sur les biens appartenant à Madame [J] [Y] et ce, pour sûreté et conservation d’une créance évaluée provisoirement à la somme de 58.666,22 euros.

La SA CEGC a alors, par acte de commissaire de justice signifié à étude le 7 septembre 2023, fait assigner Madame [J] [Y] devant le tribunal judiciaire de Versailles aux fins de voir :

Vu les pièces versées aux débats,
Vu notamment les dispositions des articles 1103, 2288, 2305 et suivants du code civil,dans leur version avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés,
– DIRE ET JUGER la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS recevable et bien fondée en ses demandes et y faire droit ;
En conséquence,
– CONDAMNER Madame [J] [Y] suivant quittance en date du 17 juillet 2023 au paiement de la somme totale de 58.666,22 euros au titre des sommes dues au titre du remboursement du prêt PRIVILEGE n°05832639 outre intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2023, jusqu’à parfait règlement ;
– DIRE ET JUGER, le cas échéant, que Madame [J] [Y] ne pourra bénéficier de délais de paiement au visa de l’article 1343-5 du code civil ;
– ORDONNER la capitalisation des intérêts par application de l’article 1343-2 du code civil ;
– CONDAMNER Madame [J] [Y] au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNER Madame [J] [Y] au paiement des entiers frais et dépens engagés dans le cadre de la présente instance, en ce compris les frais engagés au visa de l’article L. 512-2 du code des procédures civiles d’exécution ;
– ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Madame [J] [Y], régulièrement assignée, n’a pas constitué avocat. Le présent jugement sera en conséquence réputé contradictoire.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à l’assignation de la demanderesse, constituant ses uniques écritures, quant à l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 février 2024. L’affaire a été fixée le 24 juin 2024, puis avancée au 17 juin 2024 et a été mise en délibéré au 20 septembre 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

En outre, il est rappelé que les demandes tendant à voir donner acte ou constater, y compris lorsqu’elles sont libellées sous la forme « dire que » ou « dire et juger que », ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile, de sorte qu’elles ne donnent pas lieu à statuer.

Sur le recours personnel de la caution

La SA CEGC expose qu’elle exerce son recours personnel sur le fondement de l’article 2305 du code civil.

*

Selon l’article 2305 ancien du code civil, dans sa version applicable au litige, la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal tant pour le principal que pour les intérêts et frais.

En ce qui concerne les intérêts de retard, il est de principe que les intérêts visés ne sont pas ceux payés par la caution au créancier mais ceux des sommes versées pour le compte du débiteur principal à compter de ces versements et qu’ils sont dus au taux légal, sauf convention contraire entre la caution et le débiteur. Ils courent à compter du versement.

En l’espèce, pour justifier de sa créance, la SA CGEC verse aux débats :       
– l’offre de prêt immobiliers acceptée par le défendeur,
– l’engagements de caution de la SA CEGC,
-les courriers recommandés avec avis de réception adressé à l’emprunteur de mise en demeure préalable puis de déchéance du terme du prêt avec mise en demeure de payer l’intégralité des sommes devenues exigibles,
– la quittance subrogative du 17 juillet 2023 par lesquelles la CAISSE D’EPARGNE reconnaît avoir reçu de la SA CEGC la somme totale de 58.666,22 euros au titre du prêt consenti au défendeur,
– les mises en demeure et avertissements préalables de la caution.
 
Au vu de ces éléments, la SA CEGC démontre qu’elle a payé en qualité de caution la dette ainsi contractée par le défendeur à l’égard de la BANQUE POPULAIRE au titre du prêt en cause.

Elle est donc bien fondée à exercer un recours personnel à son encontre, tant pour le principal que pour les intérêts.

Madame [J] [Y] ne prétend pas avoir procédé à un quelconque remboursement, même partiel, de sa dette.

En conséquence, Madame [J] [Y] sera condamné à payer à la SA CEGC la somme de 58.666,22 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2023 et jusqu’à parfait paiement.

Il n’y a pas lieu de se prononcer sur des délais de paiement lesquels ne sont pas sollicités par le défendeur.
Sur la capitalisation des intérêts

La SA CEGC demande que soit ordonnée la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil.

*
L’article 1343-2 du code civil dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.

Toutefois, l’article L. 313-52 du code de la consommation, dans sa version applicable au contrat de prêt litigieux, expressément soumis aux dispositions de ce code, dispose qu’aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés à l’article L. 313-51 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de défaillance prévus par les dispositions de cet article.
Il est de principe jurisprudentiel que la règle édictée par cet article, qui fait obstacle à l’application de la capitalisation des intérêts prévue par l’article 1343-2 du code civil, concerne tant l’action du prêteur contre l’emprunteur que les recours personnel et subrogatoire exercés contre celui-ci par la caution (arrêt cour de cassation 20 avril 2022 n° 20-23.617).

En conséquence, la SA CEGC sera déboutée de sa demande de capitalisation des intérêts.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Madame [J] [Y] succombant à la présente instance, elle sera condamnée au paiement des dépens par application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile lesquels ne comprennent pas les frais engagés au titre de l’article L.512-2 du code des procédures civiles d’exécution.

Madame [J] [Y] sera également condamnée à payer à la SA CEGC la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

Il sera rappelé que selon les nouvelles dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

Le présent jugement est donc assorti de l’exécution provisoire de plein droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE Madame [J] [Y] à payer à la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 58.666,22 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2023 et jusqu’à parfait paiement,

DEBOUTE la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS de sa demande de capitalisation des intérêts,

CONDAMNE Madame [J] [Y] au paiement des dépens,

CONDAMNE Madame [J] [Y] à payer à la SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit,

Jugement prononcé par mise à disposition au greffe le 20 SEPTEMBRE 2024 par Madame LUNVEN, Vice-Présidente, siégeant en qualité de Juge Unique, assistée de Madame SOUMAHORO, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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