Constitution du prêtLe 17 octobre 2017, la société Crédit du Nord a accordé un prêt de 259 315 euros à M. [W] [P] et Mme [B] [J] pour l’acquisition de leur résidence principale, remboursable sur 300 mois. Ce prêt, intitulé “LIBERTIMMO”, comportait 24 mensualités de 419,23 euros suivies de 276 mensualités de 1 165,44 euros, à un taux annuel de 1,94 %. La société Crédit logement a agi en tant que caution solidaire pour garantir le remboursement. Défaillance et recoursAprès que M. et Mme [P] ont manqué à leurs obligations de remboursement, le Crédit du Nord a demandé à Crédit logement d’honorer la garantie. En mai 2023, Crédit logement a assigné M. et Mme [P] pour obtenir le remboursement de 252 227,30 euros, incluant des intérêts, en raison de son recours subrogatoire après avoir réglé la dette. Assignation et interventionEn février 2024, Crédit logement a assigné Mme [B] [J] et l’AGSS de l’UDAF, en tant que curateur de Mme [P], pour les mêmes raisons. Le juge a ordonné la jonction des procédures en mars 2024. Mme [P] et l’AGSS n’ont pas constitué avocat, et l’affaire a été clôturée en juillet 2024. Arguments des partiesCrédit logement a maintenu ses demandes, affirmant son droit de recours contre M. et Mme [P] en tant que caution ayant payé. M. [P] a contesté la validité de l’assignation et a demandé des délais de paiement, arguant d’une adresse erronée pour l’assignation de Mme [P] et de la nécessité de prendre en compte sa situation financière. Nullité de l’assignationLe tribunal a jugé que la question de la nullité de l’assignation relevait de la compétence du juge de la mise en état, rendant la demande de M. [P] irrecevable. Demande de paiement de Crédit logementLe tribunal a constaté que M. et Mme [P] avaient cessé de rembourser leur prêt en novembre 2021 et que le Crédit du Nord avait prononcé la déchéance du terme en octobre 2022. Crédit logement a prouvé avoir payé 251 509,09 euros en tant que caution, et M. [P] a reconnu sa dette envers la caution. Intérêts et capitalisationLe tribunal a statué que les intérêts légaux seraient dus à partir du 19 mai 2023, date de l’assignation, mais a rejeté la demande de capitalisation des intérêts, considérant que la loi ne le permettait pas dans ce cas. Délais de paiementLa demande de M. [P] pour des délais de paiement a été rejetée, le tribunal notant l’absence de preuves de sa situation financière. Frais de procèsM. et Mme [P] ont été condamnés aux dépens de l’instance, tandis que la demande de Crédit logement pour le remboursement de ses frais a été rejetée. Décision finaleLe tribunal a condamné M. [W] [P] et Mme [B] [J] à payer 251 509,09 euros à Crédit logement, avec intérêts légaux à compter du 19 mai 2023, et a débouté les autres demandes. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ EVREUX
CHAMBRE CIVILE
MINUTE N° 2024/
N° RG 23/01740 – N° Portalis DBXU-W-B7H-HJHB
NAC : 53B Prêt – Demande en remboursement du prêt
LE
1 CE +1 CCC à Me TOUFLET
1 CCC à Me ZELKO
CIVIL – Chambre 1
JUGEMENT DU 05 NOVEMBRE 2024
DEMANDERESSE :
S.A. CREDIT LOGEMENT
Immatriculée au RCS de PARIS, sous le numéro 302 493 275
Dont le siège social se situe au [Adresse 6]
Représentée par Me Emmanuelle LAILLET-TOUFLET, avocat au barreau de l’EURE
DEFENDEURS :
Monsieur [W] [O], [E] [P]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 7]
Profession : Chef de secteur
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Mylène ZELKO, avocat au barreau de l’EURE
Madame [B] [I] [P]
née le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 8], demeurant [Adresse 4]
Représentée par Me Mylène ZELKO, avocat au barreau de l’EURE
AGSS DE L’UDAF, Association Loi 1901, Es-qualités de curateur de Madame [B] [P] née [J], suivant jugement rendu le 21 mars 2023 par le Juge des Contentieux de la Protection près le Tribunal Judiciaire de VALENCIENNES
Dont le siège social se situe au [Adresse 3]
Représentée par Me Mylène ZELKO, avocat au barreau de l’EURE
JUGE UNIQUE : Madame Marie LEFORT Président
Statuant conformément aux articles 801 et suivants du Code de Procédure Civile.
GREFFIER : Madame Christelle HENRY
N° RG 23/01740 – N° Portalis DBXU-W-B7H-HJHB – jugement du 05 novembre 2024
AUDIENCE :
En application de l’article 779 al 3 du code de procédure civile, le dépôt du dossier au greffe a été autorisé et fixé au 03 Septembre 2024
Conformément à l’article 786-1 du code de procédure civile, l’avocat a été avisé du nom du juge amené à délibérer et de la date à laquelle le jugement sera rendu, soit le 05 Novembre 2024
JUGEMENT :
– au fond,
– contradictoire, rendu publiquement et en premier ressort,
– mis à disposition au greffe
– rédigé par Madame Marie LEFORT
– signé par Madame Marie LEFORT, première vice-présidente et Madame Christelle HENRY, greffier
Par acte sous seing privé en date du 17 octobre 2017, la société Crédit du Nord (ci-après le Crédit du Nord) a consenti à M. [W] [P] et Mme [B] [J] épouse [P] un prêt intitulé “LIBERTIMMO” destiné à l’acquisition de leur résidence principale d’un montant de 259 315 euros remboursable sur une durée totale de 300 mois dont 24 mensualités de 419,23 euros et 276 mensualités de 1 165,44 euros (hors assurance) au taux annuel de 1,94 %.
La société Crédit logement (ci-après le Crédit logement) s’est portée caution solidaire en garantie du remboursement du prêt.
Suite à la défaillance de M. et Mme [P] dans le remboursement des échéances de leur prêt, le Crédit du Nord a sollicité la garantie du Crédit logement en sa qualité de caution.
Par acte en date des 12 et 19 mai 2023, le Crédit logement a fait assigner devant ce tribunal M. et Mme [P], aux visas des articles 1103, 2288 et 2305 et suivants du code civil dans leur version antérieure à l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés, aux fins de les voir condamner solidairement à lui payer la somme principale de 252 227,30 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2023, date du décompte de créance, au titre de son recours subrogatoire en remboursement du prêt qu’elle a payé.
Il a par ailleurs demandé au tribunal de :
ordonner la capitalisation des intérêts une fois par an et pour la première fois le 11 avril 2024 pour produire eux-mêmes intérêts, le tout sur le fondement de l’article 1154 du code de procédure civile,
condamner M et Mme [P] solidairement à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens avec droit de recouvrement au profit de son conseil.
Par acte en date des 12 et 13 février 2024, le Crédit logement a fait assigner en intervention forcée devant ce tribunal Mme [B] [J] épouse [P] et l’AGSS de l’UDAF, ès qualités de curateur de Mme [P], aux mêmes fins que celles précitées.
N° RG 23/01740 – N° Portalis DBXU-W-B7H-HJHB – jugement du 05 novembre 2024
Par ordonnance en date du 11 mars 2024, le juge de la mise en état de ce tribunal a ordonné la jonction des deux procédures sous le numéro RG 23/01740.
Mme [P], assignée selon les formalités de l’article 659 du code de procédure civile, et L’AGSS de l’UDAF, assignée à étude, n’ont pas constitué avocat.
La clôture de l’affaire a été prononcée le 1er juillet 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions récapitulatives, notifiées par RPVA le 2 mai 2024, le Crédit logement maintient ses demandes telles que formulées dans son acte introductif d’instance, outre le débouté des demandes formulées par M. [P].
Il fait valoir que :
en sa qualité de caution, qui a payé pour le compte des débiteurs principaux, il dispose d’un recours personnel et direct contre eux et est dès lors fondé à saisir le tribunal pour les voir condamner solidairement à lui rembourser les sommes versées et ce avec intérêts,le moyen tiré de la nullité de l’acte introductif d’instance est irrecevable en ce qu’il ne peut être soulevé que devant le juge de la mise en état et, qu’en outre, il est infondé puisque la mise en cause du curateur a eu lieu,la demande de délais formulée par le défendeur doit être rejetée comme non justifiée.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives, notifiées par RPVA le 11 janvier 2024, M. [P] demande au tribunal de :
à titre liminaire, déclarer recevables ses demandes au titre des exceptions de nullité et déclarer l’acte introductif d’instance nul pour cause d’irrégularité,sur le fond, fixer le montant de la dette en principal à 252 227,30 euros, dire que les époux demeurent solidaires de son règlement (en principal et accessoires), lui accorder des délais de paiement sur deux ans dont 23 règlements à hauteur de 1 100 euros et le solde à la 24ème échéance,débouter le Crédit logement de sa demande de condamnation aux intérêts légaux et leur capitalisation ainsi qu’au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que :
l’assignation délivrée par le Crédit logement est nulle puisqu’il a assigné Mme [P] à une adresse erronée et n’a pas appelé en la cause son curateur,dans l’hypothèse où la nullité serait couverte, il sollicite des délais de paiement sur une durée de deux ans et le débouté de la demande de condamnation aux intérêts légaux et leur capitalisation à compter du 11 avril 2024 compte tenu du montant très importants des taux d’intérêts du fait de l’inflation et du risque de mise en danger de la capacité de remboursement des débiteurs.
1.Sur la nullité de l’assignation
Le moyen tiré de la nullité de l’assignation est une exception de procédure qui relève de la compétence exclusive du juge de la mise en état qui doit être saisi par voie de conclusions qui lui sont spécialement adressées conformément aux articles 789 et suivants du code de procédure civile.
La demande présentée devant le tribunal est donc irrecevable.
2. Sur la demande principale en paiement du Crédit logement
Aux termes de l’article 2288 ancien du code civil dans sa version applicable au présent litige (rédaction antérieure à l’ordonnance du 15 septembre 2021), celui qui se rend caution d’une obligation, se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même.
Aux termes de l’article 2305 ancien du code précité, la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur. Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ; néanmoins la caution n’a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu’elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle. Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts, s’il y a lieu.
Selon l’article 2306 ancien la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur.
La caution qui a payé aux lieu et place du débiteur principal défaillant dispose donc à l’encontre de celui-ci d’un recours personnel et d’un recours subrogatoire.
Toutefois, l’article 2308 alinéa 2 ancien précise que lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier.
Par ailleurs, il résulte des articles 1103 et 1231-1 du code précité qu’en l’absence de dispense contractuelle expresse et non équivoque, une banque ne peut prononcer la déchéance du terme d’un prêt sans avoir préalablement mis en demeure l’emprunteur de régler les échéance impayées ni lui avoir indiqué le délai dont il disposait pour ce faire.
En l’espèce, il est établi que M. et Mme [P] ont souscrit un prêt immobilier auprès du Crédit du Nord le 4 novembre 2017, prêt garanti par le Crédit logement suivant accord de cautionnement en date du 10 octobre 2017.
Il est également établi que les époux [P] ont cessé de payer les échéances de leur prêt à compter du mois de novembre 2021 et que le Crédit du Nord a régulièrement prononcé la déchéance du terme le 26 octobre 2022 après mise en demeure demeurée infructueuse, de sorte que la dette est devenue exigible et que la défaillance des emprunteurs est avérée.
Le Crédit logement justifie par la production des quittances subrogatives des 2 mars 2022 et 22 février 2023 qu’il a réglé, en sa qualité de caution, la somme totale de 251 509,09 euros (3 948,05 + 247 561,04).
M. [P] ne conteste pas être redevable envers la caution.
Il en résulte que le recours de la caution est bien fondé.
N° RG 23/01740 – N° Portalis DBXU-W-B7H-HJHB – jugement du 05 novembre 2024
Suivant décompte établi le 11 avril 2023, le Crédit logement établit sa créance à la somme totale de 252 227,30 euros décomposée comme suit :
– premier règlement quittancé du 2 mars 2022 de 3 948,05 euros,
– second règlement quittancé du 22 février 2023 de 247 561,04 euros,
– des intérêts à hauteur de 718,21 euros.
Aux termes des stipulations du contrat de cautionnement, aucun intérêt n’est dû à la caution sur les sommes versées au créancier principal en garantie des débiteurs défaillants.
Dès lors, seule la somme de 251 509,09 euros (252 227,30 – 718,21) est due.
En conséquence, M. et Mme [P] seront condamnés solidairement à payer au Crédit logement la somme de 251 509,09 euros.
3. Sur les intérêts
Aux termes de l’article 1346-4 du code civil, la subrogation transmet à son bénéficiaire, dans la limite de ce qu’il a payé, la créance et les accessoires, à l’exception des droits exclusivement attachés à la personne du créancier.
Toutefois, le subrogé n’a droit qu’à l’intérêt légal à compter d’une mise en demeure, s’il n’a convenu avec le débiteur d’un nouvel intérêt. Ces intérêts sont garantis par les sûretés attachées à la créance, dans les limites, lorsqu’elles ont été constituées par des tiers, de leurs engagements initiaux s’ils ne consentent à s’obliger au-delà.
Selon l’article 1231-6 du même code, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la première demande valant mise en demeure.
En outre, si en application de l’article 1343-5 alinéa 2 le tribunal peut, dans le cadre d’une demande de report ou de délais de paiement, réduire le taux d’intérêt, celui-ci ne peut être inférieur au taux légal.
Il en résulte que les intérêts légaux sont de droit et que le tribunal ne peut les supprimer.
Les intérêts au taux légal seront donc dus sur la somme principale de 251 509,09 euros à compter du 19 mai 2023, date de l’assignation en l’absence de mise en demeure antérieurement à cette date.
Par ailleurs, en vertu de l’article L312-23 ancien du code de la consommation (nouvel article L313-52), applicable au présent litige, qui limite les indemnités mises à la charge de l’emprunteur en cas de défaillance dans le remboursement du prêt et qui s’applique au recours personnel et subrogatoire exercé par la caution (civ.1ère 20 avril 2022 – pourvoi N°J 20-23.617), il n’y a pas lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts. Le Crédit Logement sera donc débouté de sa demande de ce chef.
4. Sur les délais de paiement
Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l’espèce, force est de relever que M. [P] ne produit au dossier aucun élément propre à justifier de sa situation financière et matérielle.
Sa demande de délais sera donc rejetée.
5. Sur les frais du procès
M. et Mme [P], qui succombent à l’instance, seront condamnés solidairement aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.
L’équité liée à la situation économique des parties justifie que le Crédit logement supporte la charge de ses frais irrépétibles. Sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera donc rejetée.
Le tribunal,
CONDAMNE M. [W] [P] et Mme [B] [J] épouse [P] solidairement à payer à la société Crédit Logement au titre de leur prêt immobilier intitulé “LIBERTIMMO” la somme totale de 251 509,09 euros avec intérêts au taux légal à compter 19 mai 2023,
DEBOUTE la société Crédit logement de ses demandes plus amples ou contraires,
DEBOUTE M. [W] [P] de sa demande de délais de paiement,
CONDAMNE M. [W] [P] et Mme [B] [J] épouse [P] solidairement aux dépens de l’instance,
REJETTE la demande de la société Crédit logement au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit.
En foi de quoi le présent jugement a été signée par la présidente et la greffière.
La greffière La présidente
Christelle HENRY Marie LEFORT