Recours de la caution et obligations de remboursement : enjeux et limites

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Recours de la caution et obligations de remboursement : enjeux et limites

Monsieur [O] [T] a contracté deux prêts immobiliers auprès du CREDIT FONCIER en juin 2015, d’un montant total de 146.000 euros, avec des taux d’intérêt respectifs de 1,90% et 2,20%. La société CREDIT LOGEMENT s’est portée caution pour ces prêts. À partir d’octobre 2021, Monsieur [T] a cessé de payer ses échéances, entraînant l’appel de la caution par la banque.

CREDIT LOGEMENT a dû régler des sommes importantes au CREDIT LYONNAIS en tant que caution, totalisant 104.493,12 euros. Malgré des mises en demeure, Monsieur [T] n’a pas régularisé sa situation. En juillet 2023, CREDIT LOGEMENT a assigné Monsieur [T] devant le tribunal judiciaire d’Evry pour obtenir le remboursement des sommes engagées.

CREDIT LOGEMENT demande au tribunal de condamner Monsieur [T] à payer les montants dus, avec intérêts, ainsi qu’une indemnité pour frais d’avocat. L’affaire est prévue pour une audience en avril 2024, avec une clôture de l’instruction fixée au 23 novembre 2023. Monsieur [T] ne s’est pas présenté et n’est pas représenté.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 septembre 2024
Tribunal judiciaire d’Évry
RG
23/04230
TRIBUNAL
JUDICIAIRE D’EVRY-COURCOURONNES

8ème Chambre

MINUTE N°

DU : 05 Septembre 2024

AFFAIRE N° RG 23/04230 – N° Portalis DB3Q-W-B7H-PN3X

NAC : 53J

Jugement Rendu le 05 Septembre 2024

FE Délivrées le :

__________________
ENTRE :

La société CREDIT LOGEMENT,Société Anonyme au capital de 1.259.850.270 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 302 493 275, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Maître Charlotte GUITTARD de la SCP DAMOISEAU ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de l’ESSONNE plaidant

DEMANDERESSE

ET :

Monsieur [O] [T], né le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 4], nationalité française, demeurant [Adresse 1]

défaillant

DEFENDEUR

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Julie HORTIN, Juge, statuant à Juge Unique, conformément aux dispositions des articles 812 et suivants du Code de Procédure Civile.

Greffier : Orlane AJAX, greffier lors des débats et Sylvie CADORNE, greffier lors de la mise à disposition

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 23 novembre 2023 avec avis du renvoi de la procédure devant le Juge Unique, ayant fixé l’audience au 26 Avril 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré au 05 Septembre 2024

JUGEMENT : Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe,
Réputé contradictoire et en premier ressort.

EXPOSE DU LITIGE
 
Par offre sous seing privé reçue le 18 juin 2015, acceptée le 29 juin 2015, Monsieur [O] [T] a souscrit auprès du CREDIT FONCIER un prêt immobilier d’un montant de 65.330 euros, productif d’intérêts au taux de 1,90% l’an et remboursable en 120 mensualités.
La société CREDIT LOGEMENT s’est portée caution de Monsieur [T] à l’égard du CREDIT LYONNAIS au titre d’un accord de cautionnement référencé M15051193301.
Par offre sous seing privé reçue le 18 juin 2015, acceptée le 29 juin 2015, Monsieur [O] [T] a également souscrit auprès du CREDIT FONCIER un prêt immobilier d’un montant de 80.670 euros, productif d’intérêts au taux de 2,20% l’an et remboursable en 240 mensualités.
La société CREDIT LOGEMENT s’est portée caution de Monsieur [T] à l’égard du CREDIT LYONNAIS au titre d’un accord de cautionnement référencé M15051193302.
Monsieur [T] a laissé impayées diverses échéances à compter du mois d’octobre 2021.
La caution a été appelée en garantie par la banque en sa qualité de caution et a été amenée à désintéresser l’établissement prêteur
– de la somme de 4.846,25 euros selon quittance subrogative du 13 juin 2022, au titre de l’accord référencé M15051193301.
– de la somme de 1.216,48 euros selon quittance subrogative du 13 juin 2022, au titre de l’accord référencé M15051193302.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 20 septembre 2022, la société CREDIT LOGEMENT a avisé Monsieur [T] de ce qu’à défaut de régularisation, elle serait conduite, en sa qualité de caution, à s’acquitter des sommes dues en ses lieu et place. Monsieur [T] n’a pas régularisé sa situation.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 30 septembre 2022, le CREDIT LYONNAIS a demandé à Monsieur [T] de s’acquitter des sommes dues (2.422,60 euros et 605,22 euros) au titre des échéances impayées sous quinze jours. Il lui a été précisé que le non règlement des échéances pouvait entrainer la déchéance du terme et que le solde du prêt serait exigible.
La caution a été appelée en garantie par la banque en sa qualité de caution et a été amenée à désintéresser l’établissement prêteur
– de la somme de 22.237,58 euros selon quittance subrogative du 19 décembre 2022, au titre de l’accord référencé M15051193301.
– de la somme de 81.255,54 euros selon quittance subrogative du 19 décembre 2022, au titre de l’accord référencé M15051193302.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 13 décembre 2022, la société CREDIT LOGEMENT a mis en demeure Monsieur [T] de payer la somme de 22.237,58 euros.
Par acte du 7 juillet 2023, la société CREDIT LOGEMENT a fait assigner Monsieur [T] devant le tribunal judiciaire d’Evry aux fins de paiement des sommes engagées en qualité de caution.
 
Dans ses dernières écritures, contenues dans l’acte introductif d’instance la société CREDIT LOGEMENT sollicite du tribunal de :
DECLARER recevable et bien fondée la société CREDIT LOGEMENT en ses demandes, fins et conclusions ;En conséquence :
CONDAMNER Monsieur [O] [T] à payer à la société CREDIT LOGEMENT les sommes suivantes, augmentées des intérêts au taux légal à compter de l’arrêté de compte, et ce, jusqu’à parfait paiement : o 27.368,89 euros au titre du prêt M15051193301 d’un montant principal de 65.330 euros ;
o 83.286,11 euros au titre du prêt M15051193302 d’un montant principal de 80.670 euros.
ORDONNER la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du Code Civil.RAPPELER l’exécution provisoire de droit du jugement à intervenir conformément aux dispositions de l’article 514 du Code de procédure civile ;CONDAMNER Monsieur [O] [T] à payer à la société CREDIT LOGEMENT la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.CONDAMNER Monsieur [O] [T] aux entiers dépens dont distraction est requise au profit de Maître Charlotte GUITTARD – Membre de la SCP DAMOISEAU et Associés, Avocat aux offres de droit.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à la lecture de l’article 455 du Code de procédure civile.
Monsieur [T] est non comparant, non représenté.
La clôture de l’instruction a été fixée au 23 novembre 2023 par ordonnance du même jour.
L’affaire a été fixée sur l’audience juge unique du 26 avril 2024 et les parties ont été avisées de la date à laquelle la décision sera rendue, par mise à disposition au greffe.

MOTIVATION
L’article 472 du Code de procédure civile prévoit que lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Bien qu’assigné régulièrement à étude, Monsieur [T] n’a pas constitué avocat. La présente décision étant susceptible d’appel, il y a lieu de statuer à son égard par jugement réputé contradictoire par application de l’article 473 du Code de procédure civile.
 
I/ Sur la demande en paiement formée par la société CREDIT LOGEMENT
Il ressort de l’article 37II de l’ordonnance no 2021-1192 du 15 septembre 2021 que les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022 demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public.
Selon l’article 2305 du Code Civil, dans sa version applicable au présent litige : « La caution qui a payé à son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur.
Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ; néanmoins la caution n’a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu’elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle.
Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts, s’il y a lieu. »
En l’espèce, la société CREDIT LOGEMENT, caution, exerce son recours au visa de l’article 2305 du Code Civil et agit donc sur le fondement de son recours personnel. Elle réclame à Monsieur [T] les sommes dont elle s’est acquittée auprès du CREDIT LYONNAIS en lieu et place des débiteurs à savoir la somme de 27.368,89 euros au titre du prêt M15051193301 et la somme de 83.286,11 euros au titre du prêt M15051193302.

La demanderesse peut prétendre au remboursement de la somme qu’elle a réglée au créancier au titre des capital, intérêts, frais et autres accessoires.
En effet, il ressort des quittances subrogatives produites par la société CREDIT LOGEMENT qu’il s’est acquitté des sommes suivantes :
– De la somme de 4.846,25 euros selon quittance subrogative du 13 juin 2022, au titre de l’accord référencé M15051193301.
– De la somme de 1.216,48 euros selon quittance subrogative du 13 juin 2022, au titre de l’accord référencé M15051193302.
– De la somme de 22.237,58 euros selon quittance subrogative du 19 décembre 2022, au titre de l’accord référencé M15051193301.
– De la somme de 81.255,54 euros selon quittance subrogative du 19 décembre 2022, au titre de l’accord référencé M15051193302.

Il ressort des arrêtés de décompte de créance produit en pièce 7 et 12 qu’aucun règlement n’est intervenu de la part de Monsieur [T] concernant les deux accords de cautionnement référencés M15051193301 et M15051193302.
Monsieur [T] est donc redevable auprès de la société CREDIT LOGEMENT des sommes suivantes :
– De la somme de 4.846,25 euros selon quittance subrogative du 13 juin 2022, au titre de l’accord référencé M15051193301.
– De la somme de 1.216,48 euros selon quittance subrogative du 13 juin 2022, au titre de l’accord référencé M15051193302.
– De la somme de 22.237,58 euros selon quittance subrogative du 19 décembre 2022, au titre de l’accord référencé M15051193301.
– De la somme de 81.255,54 euros selon quittance subrogative du 19 décembre 2022, au titre de l’accord référencé M15051193302.
 
II/ Le point de départ des intérêts au taux légal
Ainsi en vertu de l’article 2305 du Code Civil devenu l’article 2308 du Code civil, « la caution qui a payé tout ou partie de la dette a un recours personnel contre le débiteur tant pour les sommes qu’elle a payées que pour les intérêts et les frais.
Les intérêts courent de plein droit du jour du paiement. »
Il est admis que les intérêts visés par l’article 2305 du Code civil sont les intérêts de la somme que la caution a payée et, par ce fait, qu’elle a avancée au débiteur. Ces intérêts, qui ont couru de plein droit entre le jour où elle a payé le créancier et celui où le débiteur la rembourse, permettent de réparer le préjudice causé à la caution par le retard mis par le débiteur pour la rembourser. Ainsi, la caution qui a payé a droit aux intérêts de la somme qu’elle a acquittée entre les mains du créancier, au taux d’intérêt légal à compter de ce paiement, sauf convention contraire conclue par elle avec le débiteur et fixant un taux d’intérêt différent.
Ainsi, la dette produit des intérêts au taux légal à compter du paiement fait par la caution, et ce jusqu’à parfait achèvement, soit :

– Sur la somme de 4.846,25 euros, à compter du 13 juin 2022, et ce, jusqu’à parfait achèvement, au titre de l’accord référencé M15051193301.
– Sur la somme de 1.216,48 euros, à compter du 13 juin 2022, et ce, jusqu’à parfait achèvement, au titre de l’accord référencé M15051193301.
– Sur la somme de 22.237,58 euros, à compter du 19 décembre 2022, et ce, jusqu’à parfait achèvement, au titre de l’accord référencé M15051193301.
– Sur la somme de 81.255,54 euros, à compter du 19 décembre 2022, et ce, jusqu’à parfait achèvement, au titre de l’accord référencé M15051193301.
 
III/ Sur la capitalisation des intérêts
L’article 1154 du code civil, devenu 1343-2 du Code civil, dispose que « les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière ».
Il est admis qu’en application de l’article L. 312-23 de l’ancien code de la consommation, devenu l’article L.313-52 du code de la consommation, qu’aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 du code de la consommation ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation d’un prêt immobilier ou de défaillance prévus par ces articles, ce qui fait obstacle à l’application de la capitalisation des intérêts.
Ainsi, la capitalisation des intérêts ne peut être demandée au débiteur défaillant d’un emprunt immobilier. Cette interdiction concerne tant l’action du prêteur contre l’emprunteur, que les recours personnel et subrogatoire exercés contre celui-ci par la caution (1ère chambre civile, 20 avril 2022, n° 20-23.617).
Dès lors, la société CREDIT LOGEMENT sera déboutée de sa demande en vue de la capitalisation des intérêts.
 
IV / Sur les demandes accessoires
 
A- Sur les dépens 
En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, Monsieur [T], partie perdante, doit donc être condamné aux entiers dépens qui seront recouvrés directement par Maître Charlotte GUITTARD – Membre de la SCP DAMOISEAU et Associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
 
B- Sur l’article 700 du code de procédure civile 
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Condamné aux dépens, Monsieur [T], indemnisera la société CREDIT LOGEMENT de ses frais non compris dans les dépens par une somme qu’il est équitable de fixer à 1.200 euros.
 
C- Sur l’exécution provisoire 
L’exécution provisoire de la présente décision est de droit s’agissant d’une instance introduite devant la juridiction du premier degré à compter du 1er janvier 2020 en application de l’article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019. 
En l’espèce, aucun motif ne permet de l’écarter.

PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort par jugement réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,
 
CONDAMNE Monsieur [O] [T] à verser à la société CREDIT LOGEMENT les sommes suivantes :
– La somme de 4.846,25 euros, laquelle produira intérêts au taux légal, à compter du 13 juin 2022, et ce, jusqu’à parfait achèvement, au titre de l’accord référencé M15051193301.
– La somme de 1.216,48 euros, laquelle produira intérêts au taux légal, à compter du 13 juin 2022, et ce, jusqu’à parfait achèvement, au titre de l’accord référencé M15051193301.
– La somme de 22.237,58 euros, à compter du 19 décembre 2022, et ce, jusqu’à laquelle produira intérêts au taux légal, parfait achèvement, au titre de l’accord référencé M15051193301.
– La somme de 81.255,54 euros, laquelle produira intérêts au taux légal, à compter du 19 décembre 2022, et ce, jusqu’à parfait achèvement, au titre de l’accord référencé M15051193301.
DÉBOUTE la société CREDIT LOGEMENT de sa demande relative à la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;
CONDAMNE Monsieur [O] [T] à payer à la société CREDIT LOGEMENT la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [O] [T] aux dépens qui seront recouvrés directement par Maître Charlotte GUITTARD – Membre de la SCP DAMOISEAU et Associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
RAPPELLE l’exécution provisoire de droit du présent jugement.

Ainsi fait et rendu le CINQ SEPTEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE, par Julie HORTIN, Juge, assistée de Sylvie CADORNE, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent Jugement.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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