Sommaire Exposé du litigeLa SA CNP CAUTION a effectué un paiement de 75.593,91 euros au CREDIT INDUSTRIEL DE L’OUEST en tant que caution pour un prêt immobilier accordé à monsieur [C] [U] et madame [Z] [J] épouse [U]. Ce prêt, d’un montant de 174.700 euros, a été consenti le 15 mai 2010. Monsieur [C] [U] a ensuite été placé en liquidation judiciaire le 14 septembre 2011, et cette procédure a été clôturée pour insuffisance d’actif le 4 décembre 2013. Après une première action en justice déclarée nulle, la SA CNP CAUTION a assigné les époux [U] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux pour obtenir le paiement d’une somme de 79.632,01 euros. Prétentions et moyens des partiesLa SA CNP CAUTION demande la condamnation solidaire des époux [U] au paiement de 79.632,01 euros, avec intérêts légaux et capitalisation des intérêts. Elle soutient son recours personnel basé sur l’article 2305 ancien du code civil, affirmant que les fautes du prêteur ne lui sont pas opposables. Les époux [U] contestent la créance, invoquant une déchéance de recours et un manquement au devoir de mise en garde par le prêteur. Ils demandent également des dommages et intérêts et des délais de paiement, arguant de leur situation financière difficile. MotivationLa SA CNP CAUTION a justifié son paiement par une quittance subrogative et a démontré avoir été poursuivie par le créancier. Les époux [U] n’ont pas prouvé qu’ils avaient informé la caution de leur changement d’adresse, ce qui a empêché la réception des courriers de mise en demeure. Le tribunal a écarté la perte du droit au recours de la caution, considérant que la créance était exigible. Concernant le montant, la SA CNP CAUTION a prouvé qu’elle avait réglé la somme due, et le tribunal a condamné les époux [U] à rembourser cette somme. Demande indemnitaire et délai de paiementLes époux [U] ont été déboutés de leur demande indemnitaire, le tribunal n’ayant pas constaté de faute de la part de la SA CNP CAUTION. De plus, leur demande de délai de paiement a été rejetée, car leur situation financière n’a pas été suffisamment démontrée. Ils avaient déjà eu des délais pour régler leur dette. Frais du procès et exécution provisoireLes époux [U] ont été condamnés aux dépens, y compris les frais d’exécution. La SA CNP CAUTION a également obtenu une somme pour les frais irrépétibles. L’exécution provisoire du jugement a été maintenue, le tribunal n’ayant pas trouvé d’éléments justifiant son écartement. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelle est la nature du recours de la SA CNP CAUTION contre les époux [U] ?La SA CNP CAUTION exerce un recours personnel fondé sur l’article 2305 ancien du Code civil, qui stipule que la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur. Ce recours est valable tant pour le principal que pour les intérêts et les frais. Cependant, la caution n’a de recours que pour les frais qu’elle a engagés depuis qu’elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle. Il est important de noter que ce recours personnel en remboursement est conditionné au paiement effectué par la caution. En vertu de l’article 2308 alinéa 2 du Code civil, lorsque la caution a payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura pas de recours contre lui si, au moment du paiement, ce débiteur avait des moyens pour faire déclarer la dette éteinte. Ainsi, la SA CNP CAUTION justifie son recours par la quittance subrogative du 14 octobre 2015, qui prouve qu’elle a payé la somme de 75.593,91 euros au titre de son engagement de caution. Quelles sont les conséquences de la liquidation judiciaire de Monsieur [C] [U] sur la créance de la SA CNP CAUTION ?La liquidation judiciaire de Monsieur [C] [U] a des conséquences directes sur la créance de la SA CNP CAUTION. En vertu de l’article L643-1 du Code de commerce, la liquidation judiciaire entraîne la cessation des paiements et la déclaration de l’insolvabilité du débiteur. Dans ce contexte, la créance de la SA CNP CAUTION devient exigible. En effet, la liquidation judiciaire de Monsieur [C] [U] a pour effet de rendre la dette due à la SA CNP CAUTION immédiatement exigible, ce qui lui permet d’agir en paiement contre les époux [U]. Il est également à noter que la SA CNP CAUTION a été appelée en garantie par le CIC SUD OUEST, ce qui renforce sa position pour réclamer le paiement de la créance. La SA CNP CAUTION a informé les débiteurs de son intention de procéder au paiement auprès du CIC avant la réalisation de ce paiement, ce qui est conforme aux exigences légales. Ainsi, la liquidation judiciaire de Monsieur [C] [U] a permis à la SA CNP CAUTION de justifier l’exigibilité de sa créance et d’agir en conséquence. Les époux [U] peuvent-ils contester l’exigibilité de la créance de la SA CNP CAUTION ?Les époux [U] tentent de contester l’exigibilité de la créance de la SA CNP CAUTION en se fondant sur l’article 2308 du Code civil, qui stipule que la caution perd son droit de recours si elle a payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, à condition que ce dernier ait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte. Cependant, dans cette affaire, la SA CNP CAUTION a démontré qu’elle avait été poursuivie en paiement par le CIC SUD OUEST, ce qui contredit l’argument des époux [U]. De plus, la SA CNP CAUTION a informé les débiteurs de son intention de procéder au paiement, ce qui est conforme aux exigences légales. Les époux [U] n’ont pas prouvé qu’ils avaient informé la SA CNP CAUTION de leur changement d’adresse, ce qui aurait pu justifier leur contestation. En outre, ils n’ont pas démontré qu’ils disposaient de moyens pour faire déclarer leur dette éteinte au moment du paiement effectué par la SA CNP CAUTION. Ainsi, les arguments des époux [U] concernant l’exigibilité de la créance ne sont pas fondés et ne peuvent pas être retenus. Quelles sont les implications de la demande de délai de paiement formulée par les époux [U] ?La demande de délai de paiement formulée par les époux [U] est régie par l’article 1343-5 du Code civil, qui permet au juge de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues, en tenant compte de la situation du débiteur et des besoins du créancier. Dans cette affaire, les époux [U] ont présenté des éléments concernant leur situation financière, notamment des attestations de droits Pôle emploi et des bulletins de salaire. Cependant, ils n’ont pas fourni de pièces actualisées de leur situation financière à la date des dernières écritures, ce qui limite la capacité du tribunal à apprécier la précarité de leur situation. De plus, le tribunal a constaté que les époux [U] avaient déjà bénéficié de délais de fait, étant donné qu’ils étaient au courant du paiement réalisé par la SA CNP CAUTION depuis plusieurs années. En conséquence, le tribunal a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’accorder un nouveau délai de paiement. Ainsi, la demande de délai de paiement des époux [U] a été rejetée, car ils n’ont pas démontré une situation financière suffisamment précaire pour justifier un tel report. Quelles sont les conséquences des frais de justice dans cette affaire ?Les frais de justice, ou dépens, sont régis par l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge. Dans cette affaire, les époux [U] ayant perdu l’instance, ils ont été condamnés solidairement au paiement des dépens, y compris les frais d’exécution mentionnés à l’article 695 du Code de procédure civile. En ce qui concerne les frais irrépétibles, l’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme déterminée pour couvrir les frais exposés et non compris dans les dépens. Dans ce cas, les époux [U] ont été condamnés à payer à la SA CNP CAUTION la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles. Ces décisions visent à garantir que la partie qui a gagné le procès ne soit pas pénalisée financièrement par les frais engagés pour faire valoir ses droits. Ainsi, les conséquences des frais de justice dans cette affaire sont significatives pour les époux [U], qui doivent assumer les coûts liés à leur perte en justice. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE
SUR LE FOND
53J
N° RG 21/09036 – N° Portalis DBX6-W-B7F-WARN
Minute n° 2024/00
AFFAIRE :
S.A. CNP CAUTION
C/
[C] [Y] [V] [U], [Z] [L] [E] [J] épouse [U]
Grosses délivrées
le
à
Avocats : la SCP JOLY CUTURI WOJAS REYNET- DYNAMIS AVOCATS
Me Aude LACLOTTE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 10 DECEMBRE 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré
Madame Myriam SAUNIER, Vice-Président,
Statuant à Juge Unique
Greffier, lors des débats et du prononcé
Isabelle SANCHEZ, Greffier
DÉBATS
A l’audience publique du 08 Octobre 2024
JUGEMENT
Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile
DEMANDERESSE
S.A. CNP CAUTION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Carolina CUTURI-ORTEGA de la SCP JOLY CUTURI WOJAS REYNET- DYNAMIS AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX
DÉFENDEURS
Monsieur [C] [Y] [V] [U]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Madame [Z] [J] épouse [U]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentés par Maître Aude LACLOTTE, avocat au barreau de BORDEAUX
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Suivant quittance subrogative du 8 octobre 2015, la SA CNP CAUTION s’est acquittée du paiement de la somme de 75.593,91 euros au profit du CREDIT INDUSTRIEL DE l’OUEST en exécution de son engagement de caution souscrit dans le cadre d’un prêt immobilier consenti le 15 mai 2010 d’un montant de 174.700 euros à monsieur [C] [U] et madame [Z] [J] épouse [U]. Monsieur [C] [U] a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ouverte le 14 septembre 2011 et clôturée pour insuffisance d’actif par jugement du 04 décembre 2013.
Après une première procédure engagée le 14 juin 2017 devant le tribunal de grande instance de Saint Nazaire, ayant abouti au prononcé de la nullité du jugement en raison de la nullité affectant l’acte introductif d’instance, par acte délivré le 22 novembre 2021, la SA CNP CAUTION a fait assigner monsieur [C] [U] et madame [Z] [J] épouse [U] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de condamnation solidaire au paiement de la somme de 79.632,01 euros.
La clôture est intervenue le 11 septembre 2024 par ordonnance du juge de la mise en état du même jour.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 janvier 2024, la SA CNP CAUTION sollicite du tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
de condamner solidairement monsieur [C] [U] et madame [Z] [U] à lui payer la somme de 79.632,01 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2021,d’ordonner la capitalisation des intérêts,de débouter monsieur [C] [U] et madame [Z] [U] de leurs demandes,de condamner solidairement monsieur [C] [U] et madame [Z] [U] au paiement des dépens, en ce compris ceux de la procédure d’exécution, et à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Au soutien de sa demande en paiement, la société CNP CAUTION fait valoir qu’elle exerce son recours personnel fondé sur l’article 2305 ancien du code civil, recours résultant du paiement effectué et démontré. Elle soutient que dans ce cadre les fautes éventuelles du prêteur, créancier principal, lui sont inopposables, notamment s’agissant des moyens développés par monsieur et madame [U] au titre d’un manquement au devoir de mise en garde. En réponse à la contestation de l’exigibilité de la créance du prêteur, elle prétend justifier s’être acquittée du montant des sommes entre les mains du CIC.
Elle soutient que les époux [U] ne peuvent se prévaloir d’une perte de recours sur le fondement de l’article 2308 du code civil dans sa version antérieure au 1er janvier 2022, dont les conditions d’application cumulatives ne sont pas réunies. Ainsi, elle expose avoir effectivement été appelée en garantie par le CIC SUD OUEST. Elle soutient également avoir informé les débiteurs de son intention de procéder au paiement auprès du CIC avant la réalisation de ce paiement, qu’elle n’est pas tenue de démontrer la réception de ce courrier, et qu’elle n’est pas responsable du fait que les débiteurs ne l’ont pas informée de leur changement d’adresse. Enfin, elle indique que le défaut d’exigibilité de la dette dont se prévalent les époux [U] ne constitue pas un moyen de la faire déclarer éteinte. En tout état de cause, elle ajoute que l’exigibilité de la dette résulte, conformément à l’article L643-1 du code de commerce, de la liquidation judiciaire dont a fait l’objet monsieur [U].
S’agissant du montant de la créance de la banque CIC SUD OUEST, la société CNP CAUTION indique s’être acquittée du montant correspondant au décompte transmis par le prêteur comprenant le solde dû, déduction faite de l’indemnité conventionnelle réduite à néant et d’intérêts, et que la lettre d’information préalable correspondait à ce montant total sans déduction des sommes finalement abandonnées dans l’intérêt des époux [U].
Pour s’opposer à la demande indemnitaire reconventionnelle, la SA CNP CAUTION prétend qu’en l’absence de lien contractuel entre elle et les époux [U], son engagement la liant au prêteur, ceux-ci ne peuvent invoquer sa responsabilité contractuelle. Subsidiairement, elle conteste tout manquement en ce qu’elle a réglé une créance exigible de la société CIC SUD OUEST à l’égard des époux [U], qu’il ne lui appartenait pas de remettre en cause la déchéance des intérêts, et qu’il ne peut lui être opposé l’absence de démarches amiables dès lors que les débiteurs ne l’ont pas informé de leur changement de domicile, ce qui ne leur a pas permis de recevoir le courrier préalable. Elle ajoute que les débiteurs ne disposant d’aucun moyen pour faire déclarer leur dette éteinte, ils ne peuvent invoquer un préjudice.
En réponse à la demande de délai de paiement, la SA CNP CAUTION oppose à monsieur et madame [U] l’ancienneté de la dette, leur absence de proposition de versement de mensualités pendant ce délai, et l’absence de garantie quant au règlement à l’issue du délai sollicité.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 12 août 2024, monsieur [C] [U] et madame [Z] [J] épouse [U] demandent au tribunal :
à titre principal :de débouter la SA CNP CAUTION de l’ensemble de ses demandes,reconventionnellement, de la condamner à leur payer la somme de 75.693,91 euros à titre de dommages et intérêts,d’ordonner la compensation entre les sommes éventuellement duesà titre subsidiaire de leur accorder les plus larges délais de paiement,en tout état de cause :de condamner la SA CNP CAUTION au paiement des dépens, et à leur payer chacun la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,d’écarter l’exécution provisoire du jugement.
N° RG 21/09036 – N° Portalis DBX6-W-B7F-WARN
Au soutien du rejet de la demande en paiement formée par la SA CNP CAUTION, monsieur et madame [U] font valoir qu’elle doit être déchue de son recours personnel exercé sur le fondement de l’article 2305 du code civil compte tenu de la violation des dispositions de l’article 2308 du code civil. Ainsi, ils émettent des réserves tant sur l’exigibilité de la dette que sur le montant réglé, en ce que la société CNP aurait réglé la somme de 75.593,91 euros le 14 octobre 2015, alors que d’une part la société CREDIT INDUSTRIEL DE L’OUEST leur a réclamé le 25 juin 2014 la somme totale de 68.114,41 euros, et d’autre part la mise en demeure préalable adressée par la CNP mentionnait un engagement de la caution à hauteur de 87.745,81 euros. Ils ajoutent que si la société CNP verse un courrier du créancier sollicitant le paiement, celle-ci a mis plus d’un an et demi à régler le montant dû. Enfin, ils prétendent que la société CNP ne justifie pas les avoir avertis du paiement de la dette entre les mains du créancier en ne prouvant pas la réception d’un tel courrier, les courriers adressés l’ayant été à leur ancienne adresse.
Ils exposent également être fondés à se prévaloir, sur le fondement des articles L313-12 et L341-27 du code de la consommation, de la déchéance du droit aux intérêts, compte tenu du manquement du banquier à son devoir de mise en garde relatif au risque d’endettement excessif.
A l’appui de leur demande indemnitaire, monsieur et madame [U] font valoir, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, que la société CNP CAUTION a commis une faute pour avoir réglé au créancier la dette sans vérifier son exigibilité, qu’elle n’a ensuite entrepris aucune démarche amiable avant de saisir la juridiction, ce dont il résulte un préjudice pour eux évalué à hauteur de la somme qui leur est réclamée.
Au soutien de leur demande subsidiaire de délai de paiement, monsieur et madame [U] exposent, au visa de l’article 1343-5 du code civil, qu’ils se trouvent dans une situation financière qui ne leur permet pas de régler les sommes réclamées, en ce qu’ils ont dû céder l’intégralité de leur patrimoine pour faire face à leurs dettes, leurs ressources actuelles leur permettant uniquement de subvenir à leurs besoins.
Ils exposent que cette situation financière commande également d’écarter l’exécution provisoire.
Sur la demande en paiement formée par la SA CNP CAUTION
En vertu de l’article 2305 du code civil, dans sa version antérieure au 1er janvier 2022, la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur. / Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ; néanmoins la caution n’a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu’elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle. / Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts, s’il y a lieu.
Ce recours personnel en remboursement est conditionné au paiement fait par la caution, laquelle peut être déchue de son droit d’exercer son recours.
Sur la perte du droit au recours
En vertu de l’article 2308 alinéa 2 du code civil dans sa version antérieure au 1er janvier 2022, lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier.
En l’espèce, le droit au recours de la caution résulte de la quittance subrogative du 14 octobre 2015 laquelle démontre que la société CNP CAUTION s’est acquittée du paiement de la somme de 75.593,91 euros au titre de son engagement de caution portant sur le crédit immobilier conclu le 13 juin 2007 par les époux [U] avec le CREDIT INDUSTRIEL DE l’OUEST.
Par ailleurs, la société CNP CAUTION justifie avoir été poursuivie en paiement par la société SUD OUEST en exécution de son engagement de caution, par un courrier du 03 février 2014, dans lequel il est mentionné « nous appelons en paiement votre organisme au titre du financement immobilier accordé aux époux [U] » et auquel était joint un décompte des sommes dues. Le fait que le paiement effectif soit intervenu plus d’une année après ce courrier est inopérant pour démontrer l’existence d’une perte du droit au recours, ce délai étant sans incidence, étant relevé qu’il peut être retenu qu’il a pour objectif de laisser un délai suffisant aux débiteurs pour s’acquitter personnellement du paiement de leur dette ou de faire valoir son extinction.
En outre, la société CNP CAUTION démontre avoir adressé un courrier le 09 avril 2014 à monsieur et madame [U] les mettant en demeure de s’acquitter du montant des sommes dues auprès du créancier principal et qu’à défaut ils y procéderaient à leur place, avant de poursuivre le recouvrement de la créance. Elle produit également un courrier du 8 octobre 2015 les informant du paiement imminent. S’il est constant que ces courriers n’ont pas été distribués à monsieur et madame [U] et qu’ils ont été retournés avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse », les époux [U] ne démontrent toutefois pas avoir informé la société CNP CAUTION de leur changement d’adresse, celle-ci ayant pu légitimement considérer qu’ils demeuraient toujours à l’adresse du bien immobilier objet du contrat de prêt. En outre et en tout état de cause, ils n’établissent pas, et n’allèguent même pas, que l’adresse figurant sur le courrier aurait été fausse et n’aurait pas correspondu à leur précédente domiciliation. Le fait que leur nouvelle adresse ait pu être connue de leur établissement bancaire ne démontre pas que cette information ait été communiquée à la caution, le courrier de poursuite adressé par la société CIC à la société CNP le 03 février 2024 ne la mentionnant pas.
Enfin, monsieur et madame [U] n’exposent pas les moyens dont ils auraient pu se prévaloir pour soutenir que la dette était éteinte, par exemple du fait d’un remboursement. En effet, l’ensemble de leurs développements porte uniquement sur le caractère exigible de la dette et sur le montant effectivement dû au regard des montants différents figurant sur les courriers, deux éléments qui n’ont pas pour objectif de tendre à l’extinction de la dette, dont le principe même n’est pas contesté. De même, ne constitue pas un moyen de faire déclarer la dette éteinte le défaut allégué de mise en garde qu’ils opposent comme ayant été commis par la banque créancier principal. En effet, ce moyen de défense aurait uniquement pour objet de leur permettre de solliciter des dommages et intérêts, ou une déchéance du droit aux intérêts dans une proportion limitée.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, le moyen tendant à voir constater la perte du droit au recours par la SA CNP CAUTION sera écarté.
Sur le montant de la créance de la SA CNP CAUTION
En l’espèce, la SA CNP CAUTION justifie par la production d’un chèque établi le 12 octobre 2015 et adressé le 13 octobre 2015 s’être acquittée du montant de la somme de 75.593,91 euros, somme ayant fait l’objet d’une quittance subrogative établie le 14 octobre 2015.
Il résulte du décompte établi par le CIC le 03 février 2024 que cette somme correspond au montant des sommes dues au titre du capital restant dû à cette date.
S’il est constant que le courrier adressé à monsieur et madame [U] par la SA CNP CAUTION le 09 avril 2014 les invitait à régler à la société CIC la somme de 87.745,81 euros, il convient de relever que cette somme incluait des intérêts à hauteur de 26,97 euros et une indemnité conventionnelle de 12.124,93 euros qui ont finalement été déduites, ce qui est favorable aux débiteurs.
S’il résulte par ailleurs du courrier établi le 25 juin 2014 par la société CIC SUD OUEST qu’ils étaient redevables de la somme de 68.114,41 euros, il convient de constater que ce courrier, non destiné à la caution et non destiné à établir le montant de l’engagement de celle-ci, n’est par ailleurs accompagné d’aucun décompte permettant de le comparer à celui adressé à la SA CNP CAUTION. Celle-ci a dès lors valablement réglé le montant qui lui était réclamé et peut à ce titre exercer son recours personnel en remboursement.
Par conséquent, au regard de l’ensemble de ces éléments il convient de condamner solidairement monsieur [C] [U] et madame [Z] [J] épouse [U] à payer à la SA CNP CAUTION la somme de 75.593,91 euros à titre principal, avec intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2015, date du paiement réalisé.
La demande au titre de la capitalisation des intérêts sera rejetée, étant relevé que les dispositions des articles et L313-52 et L313-51 du code de la consommation interdisent de mettre à la charge de l’emprunteur des frais supplémentaires, disposition également applicable à la caution qui s’est substituée aux emprunteurs à la suite de leur défaillance.
Sur la demande indemnitaire formée par monsieur et madame [U]
En vertu de l’article 1382 devenu 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, l’absence de démarches amiables préalables ne constitue pas une faute de la SA CNP CAUTION, en l’absence d’obligation à ce titre, étant au surplus relevé qu’elle leur a adressé deux courriers à plusieurs mois d’intervalles avant de s’acquitter du paiement des sommes auprès du créancier principal.
Par ailleurs aucune faute au titre du paiement réalisé ne peut être retenue, la société CNP CAUTION ayant valablement avisé les époux [U] de ce qu’elle était actionnée en paiement et leur ayant laissé un délai très raisonnable de plus d’une année pour s’acquitter du paiement de cette somme, dont ils n’ignoraient pas l’existence compte tenu de la procédure collective et de l’inscription au fichier des incidents de paiement qui avait été mise en œuvre.
Elle a donc payé une somme qui était exigible.
Par conséquent, en l’absence de démonstration d’une faute commise par la SA CNP CAUTION, monsieur et madame [U] seront déboutés de leur prétention indemnitaire.
Sur la demande de délai de paiement
En vertu de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l’espèce, il résulte d’une attestation de droits pôle emploi établie le 23 janvier 2023 pour monsieur [C] [U] qu’il perçoit une allocation de 1.674 euros, et des bulletins de salaire établis en avril 2022 que madame [U] perçoit un revenu net d’un montant total de 2.135 euros pour son activité d’assistante maternelle.
Aucune pièce actualisée de leurs situations financières respectives à la date des dernières écritures du 12 août 2024 n’a été produite.
Ces éléments, par ailleurs non complétés par le justificatif des charges qu’ils disent supporter pour faire face à leurs besoins, ne permettent pas d’établir la précarité de leur situation financière. En outre, ils ont déjà bénéficié de larges délais de fait puisqu’ils connaissent à tout le moins depuis le 13 juin 2018, date de l’appel relevé contre la décision du tribunal judiciaire de Saint Nazaire, le paiement réalisé par la société CNP pour leur compte.
Par conséquent, au regard de ces éléments, il convient de débouter monsieur [C] [U] et madame [Z] [J] épouse [U] de leur demande de délai de paiement.
Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
Dépens
En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. /Les conditions dans lesquelles il peut être mis à la charge d’une partie qui bénéficie de l’aide juridictionnelle tout ou partie des dépens de l’instance sont fixées par les dispositions de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020.
En l’espèce, monsieur [C] [U] et madame [Z] [J] épouse [U] perdant la présente instance, il convient de les condamner solidairement au paiement des dépens incluant les frais d’exécution énumérés à l’article 695 du code de procédure civile.
Frais irrépétibles
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;[…] / Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. /Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent. / […]
En l’espèce, monsieur [C] [U] et madame [Z] [J] épouse [U] tenus au paiement des dépens, seront condamnés solidairement à payer à la SA CNP CAUTION la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles qu’elle supporte.
Exécution provisoire
Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
L’article 514-1 du code de procédure civile dispose que le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.
Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.
En l’espèce, aucun élément relatif à la précarité alléguée des époux [U] n’étant démontré, et aucun élément ne permettant de retenir qu’elle ne serait pas compatible avec la nature de l’affaire, il convient de dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit.
Le tribunal,
Condamne solidairement monsieur [C] [U] et madame [Z] [J] épouse [U] à payer à la SA CNP CAUTION la somme de 75.593,91 euros à titre principal, avec intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2015 ;
Rejette la demande de capitalisation des intérêts ;
Déboute monsieur [C] [U] et madame [Z] [J] épouse [U] de leur demande indemnitaire ;
Déboute monsieur [C] [U] et madame [Z] [J] épouse [U] de leur demande de délai de paiement ;
Condamne solidairement monsieur [C] [U] et madame [Z] [J] épouse [U] au paiement des dépens, en ce compris les frais d’exécution mentionnés à l’article 695 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement monsieur [C] [U] et madame [Z] [J] épouse [U] à payer à la SA CNP CAUTION la somme de 1.200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute monsieur [C] [U] et madame [Z] [J] épouse [U] de leur demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit du présent jugement ;
La présente décision est signée par Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, et Isabelle SANCHEZ, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT