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Pôle famille
Etat des personnes

N° RG 20/38465 –
N° Portalis 352J-W-B7E-CTFJW

ND

N° MINUTE :
[1]

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AIDE JURIDICTIONNELLE

JUGEMENT
rendu le 22 Octobre 2024
DEMANDERESSE

Madame [A] [R]
élisant domicile au cabinet de Me Louisa LE GALL
[Adresse 9]
[Localité 12]
représentée par Me Louisa LE GALL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0209

DÉFENDERESSES

Madame [W] [R]
[Adresse 6]
[Localité 11]
représentée par Me Julia IVANCOVSKY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0882
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C-75056-2024-019852 du 20/08/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)

Madame [K] [H]
chez ASSOCIATION [14]
[Adresse 10]
[Localité 13]
représentée par Me Séverine PIERROT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0209
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/007904 du 06/05/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)

MINISTÈRE PUBLIC

Isabelle MULLER-HEYM

Décision du 22 Octobre 2024
Pôle famille – Etat des personnes
N° RG 20/38465 – N° Portalis 352J-W-B7E-CTFJW

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nastasia DRAGIC, vice-présidente
Sabine CARRE, vice-présidente
Anne FREREJOUAN DU SAINT, juge

assistées des greffières, Emeline LEJUSTE, lors des débats et de Karen VIEILLARD, lors du prononcé

DÉBATS

A l’audience du 01 octobre 2024 tenue en chambre du conseil.
Après clôture des débats, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.

JUGEMENT

Contradictoire
en premier ressort
Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Nastasia DRAGIC, Présidente, et par Karen VIEILLARD, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 7 janvier 1993, l’enfant [A] [J] a été inscrite sur les registres de l’état civil de la mairie de [Localité 17] (Essonne) comme étant née le [Date naissance 8] 1993 de [O] [J], né le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 18] (Sénégal) et de [K] [H], née le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 16] (Sénégal), son épouse.

Par ordonnance du tribunal de grande instance de Paris rendue le 13 octobre 2010, la rectification de l’acte de naissance de [A] [J] a été ordonnée en ce sens qu’elle est née de “[W] [R] née le [Date naissance 7] 1973 à [Localité 15] (Gambie)” au lieu de [K] [H], née à [Localité 16] (Sénégal) le [Date naissance 4] 1973 et que les mentions “de [O] [J] né le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 18] (Sénégal) plongeur” et “son épouse” ont été supprimées. Le tribunal a également dit que l’enfant porterait désormais le nom de [R] au lieu de [J].

Le 21 juillet 2011, l’officier de l’état civil de la mairie de [Localité 17] (Essonne) a porté mention de cette rectification sur l’acte de naissance de [A] [J], désormais [A] [R].

Le 13 octobre 2011, [M] [Y], né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 15] (Gambie), a reconnu [A] [R] devant l’officier de l’état civil de [Localité 17] (Essonne), ainsi qu’il est mentionné en marge de son acte de naissance.

Par actes en date du 3 novembre 2020, Mme [A] [R] a fait assigner Mme [U] (en réalité [W]) [R], née le [Date naissance 7] 1973 à [Localité 15] (Gambie), de nationalité gambienne, et Mme [K] [H], née le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 16] (Sénégal), de nationalité sénégalaise, devant le tribunal de céans en contestation et recherche de maternité.

Suivant jugement mixte en date du 7 juin 2022, le tribunal, faisant application de la loi française, a notamment :
déclaré Mme [A] [R] recevable en son action en contestation de maternité ;déclaré Mme [A] [R] recevable en son action en recherche de maternité ;avant-dire droit sur les demandes présentées, ordonné une expertise comparative des empreintes génétiques ;réservé les dépens.
Le 2 février 2024, l’expert a déposé son rapport aux termes duquel il a indiqué que Mme [W] [R] n’est pas la mère biologique de Mme [A] [R] et que la maternité de Mme [H] vis-à-vis de Mme [A] [R] est extrêmement vraisemblable.

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 mai 2024, Mme [A] [R] demande au tribunal de :
– dire que Mme [W] [R] n’est pas sa mère biologique,
– dire que Mme [H] est sa mère biologique,
– dire qu’elle se nommera désormais [H],
– dire que sa filiation sera mentionnée en marge de son acte de naissance ;
– condamner Mme [H] aux entiers dépens, comprenant les frais d’expertise.

Au soutien de ses prétentions, Mme [A] [R] rappelle que Mme [H] a accouché de deux filles sur le territoire français, elle-même et sa sœur [U], née le [Date naissance 5] 1993 ; qu’elles sont toutes deux issues de l’union de leur mère et de M. [O] [J], né le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 18] (Sénégal) ; qu’après leur naissance, Mme [H] et M. [J] sont repartis vivre au Sénégal et se sont mariés coutumièrement le [Date mariage 1] 1995 ; que cependant, en 1998, M. [J] a épousé Mme [W] [R], en Gambie ; que par la suite, se réclamant être désormais M. [M] [Y], il a fait venir en France sa seconde épouse, Mme [W] [R], avec laquelle il a eu d’autres enfants ; que lorsqu’elle a sollicité la délivrance de copies intégrales des actes de naissance de ses deux filles, Mme [H] a constaté avec effarement que la filiation de ces dernières avait été modifiée par ordonnance rectificative rendue le 13 octobre 2010 par le tribunal de grande instance de Paris, à la demande de M. [M] [Y] et Mme [W] [R] ; qu’en effet, il avait alors été considéré que ces derniers avaient apporté la preuve d’une usurpation d’identité, de sorte qu’il avait été fait droit à leurs demandes de rectification tant de son acte de naissance que de celui de sa sœur [A] ; que désormais, il ressort clairement de l’expertise génétique que Mme [W] [R] n’est pas sa mère biologique et qu’en revanche, la maternité de Mme [H] apparait extrêmement vraisemblable.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 26 juillet 2024, Mme [W] [R] demande au tribunal de :
– juger qu’elle n’est pas la mère de Mme [A] [R] ;
– juger que Mme [H] est la mère biologique de Mme [A] [R] ;
– débouter les parties adverses de toutes leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;
– dire que les dépens seront à la charge du trésor public.

Au soutien de ses prétentions, elle rappelle qu’elle et son époux sont arrivés en France sous de fausses identités à savoir M. [O] [J], en lieu et place de M. [M] [Y] et elle-même sous l’identité de Mme [H] ; que par requête du 16 février 2010, ils ont sollicité la rectification des actes de naissance de leurs six enfants, ainsi que, par erreur, des deux enfants que M. [M] [Y] avait eus avec Mme [H], sollicitant que soient rectifiés lesdits actes en ce que soient désignés M. [M] [Y] né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 15] (Gambie) en tant que père et Mme [W] [R] née le [Date naissance 7] 1973 à [Localité 15] (Gambie) en tant que mère ; que maîtrisant mal la langue française, elle n’était pas en mesure de comprendre les implications de cette demande de rectification ; que c’est ainsi que, de manière erronée, depuis l’ordonnance du 13 octobre 2010, la filiation maternelle de la demanderesse apparaît comme étant établie à son égard. S’agissant de la demande tendant à la voir condamner aux dépens, elle indique ne pas disposer des ressources financières nécessaires au paiement des frais de procédure et soutient que la rectification de l’acte de naissance de la demanderesse résulte d’une erreur commise par la préfecture, elle-même n’ayant jamais contesté l’établissement de la filiation de Mme [A] [R] à l’égard de Mme [H].

Mme [H] a constitué avocat le 17 décembre 2021 mais n’a jamais conclu.

Le ministère public, à qui l’affaire a été communiquée conformément aux dispositions de l’article 425 1° du code de procédure civile, n’a pas formulé d’observations.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 septembre 2024 et l’affaire renvoyée à l’audience du 1er octobre 2024 pour être plaidée puis mise en délibéré au 22 octobre 2024.

Le tribunal,

Dit que Mme [W] [R], née le [Date naissance 7] 1973 à [Localité 15] (Gambie), n’est pas la mère de l’enfant [A] [R], née le [Date naissance 8] 1993 à [Localité 17] (Essonne) ;

Ordonne la mention de ces dispositions du présent jugement en marge de l’acte de naissance de [A] [R], née le [Date naissance 8] 1993, dressé sur les registres de l’état civil de la mairie de [Localité 17] (Essonne) sous le numéro 0023 ;

Dit que Mme [K] [H], née le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 16] (Sénégal), est la mère de l’enfant [A] [R], née le [Date naissance 8] 1993 à [Localité 17] (Essonne) ;

Dit que l’enfant se nommera « [H] » ;

Ordonne la mention de ces dispositions du présent jugement en marge de l’acte de naissance de [A] [R], née le [Date naissance 8] 1993, dressé sur les registres de l’état civil de la mairie de [Localité 17] (Essonne) sous le numéro 0023 ;

Condamne Mme [W] [R] et Mme [K] [H] in solidum aux dépens de la présente instance, en ce compris les frais d’expertise ;

Fait à Paris le 22 octobre 2024.

La Greffière La Présidente

Karen VIEILLARD Nastasia DRAGIC