Reconnaissance d’une obligation de paiement et suspension des effets d’une clause résolutoire dans le cadre d’un bail commercial

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Reconnaissance d’une obligation de paiement et suspension des effets d’une clause résolutoire dans le cadre d’un bail commercial

Contexte de l’affaire

La société ACCES VALEUR PIERRE SCPI a engagé une procédure en référé le 25 avril 2024 contre la société KAZAM, preneuse d’un bail commercial, pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail, demander le paiement de loyers impayés et ordonner l’expulsion du preneur.

Accord amiable entre les parties

Les parties ont convenu, par écrit le 5 novembre 2024, que KAZAM reconnaît une dette de 250.078,24 euros pour loyers et charges dus jusqu’au 31 décembre 2024. Cet accord stipule un versement initial de 60.000 euros, suivi d’une saisie conservatoire de 23.422,03 euros, et le paiement du solde en 16 mensualités de 10.000 euros chacune.

Conditions de l’accord

L’accord prévoit que si KAZAM ne respecte pas les paiements, la totalité des sommes dues deviendra immédiatement exigible et la clause résolutoire sera activée. En contrepartie, ACCES VALEUR PIERRE renonce à sa demande d’acquisition de la clause résolutoire, à condition que KAZAM exécute ses obligations.

Décision du juge des référés

Le juge des référés a constaté que la clause résolutoire était acquise en raison du non-paiement des loyers. Il a accordé à KAZAM un délai rétroactif pour s’acquitter de la somme provisionnelle de 250.078,24 euros, tout en suspendant les effets de la clause résolutoire pendant ce délai.

Ordonnance rendue

Le 10 décembre 2024, le tribunal a condamné KAZAM à payer la somme provisionnelle de 250.078,24 euros, avec des modalités de paiement spécifiques. En cas de non-paiement d’une mensualité, la clause résolutoire sera immédiatement acquise, et chaque partie conservera ses dépens.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelles sont les conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire dans un bail commercial ?

La mise en œuvre de la clause résolutoire dans un bail commercial est régie par l’article L 145-41 du Code de commerce. Cet article stipule que la clause résolutoire peut être invoquée par le bailleur en cas de défaut de paiement des loyers.

Pour que la clause résolutoire soit applicable, plusieurs conditions doivent être remplies :

1. Défaut de paiement : Le preneur doit être en défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement de payer. Ce défaut doit être manifestement fautif.

2. Bonne foi du bailleur : Le bailleur doit être en mesure d’invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause. Cela signifie qu’il doit avoir respecté ses obligations contractuelles et ne pas avoir agi de manière abusive.

3. Clarté de la clause : La clause résolutoire doit être dénuée d’ambiguïté et ne nécessiter aucune interprétation. En effet, selon la jurisprudence, la clause résolutoire d’un bail doit s’interpréter strictement.

Ainsi, si ces conditions sont réunies, le juge des référés peut constater l’acquisition de la clause résolutoire, comme le prévoit l’article 835 du Code de procédure civile.

Quel est le rôle du juge des référés dans ce type de litige ?

Le juge des référés joue un rôle crucial dans les litiges relatifs aux baux commerciaux, notamment en matière d’urgence. Selon l’article 834 du Code de procédure civile, le juge des référés peut ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse.

Il peut également prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.

L’article 835, alinéa 2, précise que le juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Dans le cas présent, le juge a constaté l’acquisition de la clause résolutoire et a ordonné le paiement d’une provision sur les loyers impayés, en tenant compte de l’accord amiable entre les parties.

Quelles sont les conséquences d’un non-respect des obligations de paiement dans le cadre d’un bail commercial ?

Le non-respect des obligations de paiement dans le cadre d’un bail commercial peut entraîner des conséquences graves pour le preneur. En vertu de l’accord amiable entre les parties, si le preneur ne respecte pas le paiement d’une mensualité ou d’un terme de loyer à son échéance, plusieurs conséquences s’appliquent.

Tout d’abord, la totalité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible. Cela signifie que le bailleur pourra réclamer l’intégralité de la dette sans attendre la fin de l’échéancier convenu.

Ensuite, la clause résolutoire sera immédiatement acquise et produira tous ses effets. Cela implique que le bailleur pourra demander l’expulsion du preneur et la résiliation du bail, conformément aux dispositions de l’article L 145-41 du Code de commerce.

Enfin, le preneur pourrait également faire face à des frais supplémentaires liés à la procédure d’expulsion et à d’autres conséquences juridiques, telles que l’inscription d’une hypothèque judiciaire sur ses biens.

Comment se déroule le processus de saisie conservatoire dans ce contexte ?

La saisie conservatoire est une mesure de protection qui permet à un créancier de garantir le recouvrement de sa créance avant qu’un jugement définitif ne soit rendu. Dans le cadre d’un bail commercial, comme dans le cas de la société KAZAM, la saisie conservatoire peut être ordonnée pour sécuriser le paiement des loyers impayés.

Selon l’article 49 du Code de procédure civile, la saisie conservatoire peut être pratiquée sur les biens du débiteur, à condition que la créance soit sérieusement contestable.

Dans le cas présent, la société KAZAM a acquiescé à la saisie conservatoire pratiquée par la SCPI ACCES VALEUR PIERRE pour la somme de 23.422,03 euros. Cela signifie qu’elle a reconnu la légitimité de la créance et a accepté que ses fonds soient bloqués pour garantir le paiement.

La saisie conservatoire est une mesure temporaire qui doit être suivie d’une action en justice pour obtenir un jugement définitif sur la créance. Si le débiteur ne s’acquitte pas de sa dette, le créancier pourra demander la conversion de la saisie conservatoire en saisie-exécution.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
24/53482
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/53482

N° Portalis 352J-W-B7I-C4RWD

N° : 4

Assignation du :
25 avril 2024

[1]

[1] 2 copies exécutoires
délivrées le :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 10 décembre 2024

par Fabrice VERT, Premier Vice-Président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assisté de Arnaud FUZAT, Greffier.

DEMANDERESSE

La S.C.P.I. ACCES VALEUR PIERRE
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Nicolas BOYTCHEV, avocat au barreau de PARIS – #L0301

DEFENDERESSE

La S.A.R.L. KAZAM
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Ardavan AMIR ASLANI de la SELARL COHEN AMIR-ASLANI, avocats au barreau de PARIS – #L0038

DÉBATS

A l’audience du 05 novembre 2024, tenue publiquement, présidée par Fabrice VERT, Premier Vice-Président, assisté de Arnaud FUZAT, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Vu l’assignation en référé, en date du 25 avril 2024, délivrée à la requête de la société ACCES VALEUR PIERRE SCPI, bailleur, devant le président du tribunal judiciaire de céans tendant, principalement, à voir constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant les parties, condamner le preneur à payer une provision sur loyers impayés et indemnités d’occupation et à voir ordonner son expulsion ;

Vu les observations orales des parties et leur accord écrit visé le 5 novembre 2024 par lesquels, suite à un accord amiable, la société KAZAM, défenderesse, reconnaît expressément être redevable envers la demanderesse de la somme de 250.078,24 euros au titre des loyers et charges dus jusqu’au 31 décembre 2024 et s’engage à les lui régler, par un versement de 60.000 euros à la date de l’ordonnance d’abord ; en acquiesçant ensuite à une saisie conservatoire pratiquée par la demanderesse entre les mains de l’établissement bancaire de la défenderesse pour la somme de 23.422,03 euros ; en lui versant finalement le solde de 166.656,24 euros en 16 mensualités de 10.000 euros chacune à compter du 28 décembre 2024, en plus de ses loyers et charges courants, et le solde à la 17ème mensualité. Cet accord prévoit en cas de non respect du paiement d’une mensualité à la date prévue ou d’un terme de loyer à son échéance que la totalité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible et que la clause résolutoire produira ses effet. En contrepartie de quoi, sous réserve de la parfaite exécution de ses obligations par la défenderesse, la demanderesse renoncera à sa demande d’acquisition de la clause résolutoire, celle-ci sera réputée n’avoir jamais été acquise.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties et à leurs observations à l’audience pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile.

MOTIFS

Il résulte des dispositions conjuguées des articles 834 et 835 du code de procédure civile, que le juge des référés peut, dans tous les cas d’urgence, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend et que, même en présence d’une contestation sérieuse, il peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile dispose que le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable ».

Le juge des référés a le pouvoir de constater l’acquisition de la clause résolutoire délibérée en application des dispositions de l’article L 145-41 du code de commerce.

Le juge des référés peut constater la résiliation de plein droit du bail au titre d’une clause contenue à l’acte à cet effet, à condition que :
– le défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement de payer visant la clause résolutoire soit manifestement fautif,
– le bailleur soit, de toute évidence, en situation d’invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause,
– la clause résolutoire soit dénuée d’ambiguïté et ne nécessite pas interprétation ; en effet, la clause résolutoire d’un bail doit s’interpréter strictement.

En l’espèce, la soumission du bail au statut des baux commerciaux ne donne lieu à aucune discussion.

La société KAZAM est preneuse de locaux commerciaux pour l’exercice de l’activité de « café ; restaurant ; discothèque » dépendant d’un immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 6] ;

Le bailleur a fait délivrer au preneur un commandement, en date du 23 février 2024, visant la clause résolutoire insérée au bail et reproduisant les dispositions de l’article L 145-41 du code de commerce, d’avoir à payer la somme de 131.626,64 euros au titre des loyers et charges impayées au 20 février 2024, premier trimestre 2024 inclus ;

S’il est établi que les causes du commandement de payer n’ont pas été réglées dans le délai d’un mois par le preneur, et, partant, que la clause résolutoire a été acquise à la date du 23 mars 2024 ; il y a lieu, compte tenu de l’accord des parties, d’accorder un délai rétroactif à la défenderesse pour s’acquitter, selon l’échéancier convenu entre les parties et présent au dispositif, de la somme provisionnelle non sérieusement contestable de 250.078,24 euros actualisée au 31 décembre 2024, quatrième trimestre compris, et de suspendre, pendant le cours de ce délai, les effets de la clause résolutoire.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, rendue par mise à disposition au greffe, exécutoire à titre provisoire,

Condamnons la SARL KAZAM à payer à la SCPI ACCES VALEUR PIERRE la somme provisionnelle de 250.078,24 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 31 décembre 2024 quatrième trimestre 2024 inclus ;

Autorisons la SARL KAZAM à se libérer de sa dette en un premier versement à la date de l’ordonnance de 60.000 euros ; en acquiesçant à la saisie conservatoire pratiquée par la SCPI ACCES VALEUR PIERRE entre les mains de la SA MONTE PASCHI BANQUE pour la somme de 23.422,03 euros ; et en versant au demandeur la somme de 166.656,24 euros en 16 mensualités de 10.000 euros chacune à compter du 28 décembre 2024 et les suivantes le 28 de chaque mois, en plus de ses loyers et charges courants, et le solde à la 17ème mensualité ;

Disons que, faute du paiement, à bonne date d’une seule des mensualités, et huit jours après l’envoi d’une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception,
° la totalité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible,
° la clause résolutoire sera immédiatement acquise et produira tous ses effets,

Disons que chaque partie conservera ses dépens,

Disons n’y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes,

Fait à Paris le 10 décembre 2024.

Le Greffier, Le Président,

Arnaud FUZAT Fabrice VERT


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