Reconnaissance d’un événement traumatique sur le lieu de travail et ses implications sur la santé mentale du salarié

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Reconnaissance d’un événement traumatique sur le lieu de travail et ses implications sur la santé mentale du salarié

Contexte de l’affaire

M. [L] [Z], salarié de l’association « [4] », a déclaré un accident du travail à la caisse primaire d’assurance-maladie le 22 décembre 2020, suite à une altercation avec son employeur survenue le 5 novembre 2020. Cette altercation, qui s’est produite alors qu’il était assis à son bureau, a entraîné un syndrome anxio-dépressif.

Déclaration et refus de reconnaissance

M. [Z] a fourni un certificat médical initial rectificatif daté du 5 novembre 2020, mentionnant des symptômes d’anxiété. Après enquête, la caisse a refusé de reconnaître l’accident du travail par une lettre datée du 19 mars 2021. M. [Z] a contesté cette décision en saisissant la commission de recours amiable (CRA), qui a également rejeté son recours lors de sa séance du 23 septembre 2021.

Procédure judiciaire

M. [Z] a ensuite porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de Rouen, qui a rendu un jugement le 25 août 2022, rejetant son recours et le condamnant aux dépens. M. [Z] a formé appel par déclaration électronique le 23 septembre 2022.

Arguments de M. [Z]

M. [Z] soutient avoir été agressé verbalement par son employeur le 5 novembre 2020, ce qui a entraîné un traumatisme psychologique. Il a quitté son bureau pour consulter un médecin et a été en arrêt de travail depuis, souffrant de divers troubles liés à l’incident.

Arguments de la caisse

La caisse a demandé la confirmation du jugement, arguant que l’altercation verbale n’était pas corroborée par des témoins et que M. [Z] n’avait pas subi d’altération brutale de ses facultés mentales, sa situation étant déjà dégradée avant l’incident. Elle a également contesté l’existence d’un fait accidentel.

Éléments de preuve

Le tribunal a examiné divers éléments, y compris des attestations de l’épouse de M. [Z] et d’une amie, ainsi que des consultations médicales qui ont mis en évidence une dégradation de son état de santé en lien avec l’altercation. Ces éléments ont été jugés suffisants pour établir l’existence d’un accident du travail.

Décision de la cour

La cour a infirmé le jugement du tribunal de Rouen, reconnaissant que M. [Z] avait été victime d’un accident du travail le 5 novembre 2020. La caisse a été condamnée aux dépens et à verser 1 000 euros à M. [Z] au titre de l’article 700 du code de Procédure civile.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 novembre 2024
Cour d’appel de Rouen
RG
22/03120
N° RG 22/03120 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JFYC

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 15 NOVEMBRE 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

21/00677

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DE ROUEN du 25 Août 2022

APPELANT :

Monsieur [L] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Stéphane PASQUIER de la SELARL PASQUIER, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE RED

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 19 Septembre 2024 sans opposition des parties devant Madame DE BRIER, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame POUGET, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 19 septembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 novembre 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 15 Novembre 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

* * *

Faits ET Procédure :

M. [L] [Z], salarié de l’association « [4] » en qualité de médiateur culturel, a lui-même adressé à la caisse primaire d’assurance-maladie (la caisse) de [Localité 7]-[Localité 6]-[Localité 5] une déclaration d’accident du travail datée du 22 décembre 2020 évoquant une vive altercation avec l’employeur survenue le 5 novembre 2020 à 9h45 sur son lieu de travail habituel, alors qu’il était assis à son bureau, ayant entraîné comme lésions un syndrome anxio-dépressif.

Il a également communiqué un certificat médical initial rectificatif daté du 5 novembre 2020 faisant état de : « anxiété. Ruminations anxieuses ».

Après enquête, et par lettre du 19 mars 2021, la caisse a notifié à M. [Z] son refus de reconnaître l’existence d’un accident du travail.

Contestant cette décision, il a saisi la commission de recours amiable (CRA) de la caisse.

Dans le silence de celle-ci, il a poursuivi sa contestation en saisissant le tribunal judiciaire de Rouen, pôle social.

Dans sa séance du 23 septembre 2021, la CRA a rejeté son recours.

Par jugement du 25 août 2022, le tribunal a :

– rejeté le recours formé par M. [Z],

– dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de Procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

– condamné M. [Z] aux dépens.

Par déclaration électronique du 23 septembre 2022, M. [Z] a formé appel.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Soutenant oralement ses écritures (remises au greffe le 9 avril 2024), M. [Z] demande à la cour d’infirmer le jugement et en conséquence de :

– infirmer l’avis défavorable émis par la caisse aux termes de sa décision du 19 mars 2021 confirmée par la CRA dans sa décision du 28 septembre 2021 et reconnaître le caractère professionnel de son accident du 5 novembre 2020,

– condamner la caisse à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de Procédure civile, ainsi qu’à supporter les dépens de l’instance, qui comprendront les frais d’exécution de l’arrêt à intervenir.

M. [Z] expose avoir été agressé verbalement par son employeur au temps et au lieu du travail, menacé par l’employeur et la s’ur de ce dernier, et ce le 5 novembre 2020, alors qu’il avait réclamé un rappel de frais et de tickets-restaurant par courrier du 3 novembre précédent. Il ajoute avoir immédiatement (à 10h30) quitté le bureau pour se rendre chez son médecin traitant, ayant subi un traumatisme de nature psychologique, puis déposer une main courante, et se trouver en arrêt de travail depuis lors, souffrant d’isolement, de la peur de croiser son agresseur, de troubles du sommeil, incapable psychologiquement et physiquement de reprendre le travail.

Soutenant oralement ses écritures (remises au greffe le 14 juin 2024), la caisse demande à la cour de confirmer le jugement.

Elle soutient que l’altercation verbale alléguée ne repose que sur les propos du salarié, qui en outre ne précise pas les propos qui l’auraient traumatisé ; qu’il n’y a pas de témoin identifié alors que selon M. [Z] l’employeur aurait hurlé ; que l’employeur ignore l’existence d’un fait accidentel au 5 novembre 2020 ; que les pièces produites ne font que relater les propos du salarié ; qu’il n’est donc pas établi l’existence d’un fait soudain ou anormal survenu à cette date. Elle ajoute que M. [Z] n’a pas subi une altération brutale de ses facultés mentales, puisqu’il subissait une situation professionnelle dégradée au sein de l’association depuis plusieurs mois, et soutient que son état de santé semble être dû à une accumulation arrivée à son paroxysme le 5 novembre 2020 ; qu’une accumulation ne peut caractériser un accident du travail.

Pour un plus ample exposé des Faits, de la Procédure, des moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises à l’audience.

MOTIFS DE L’ARRÊT :

I. Sur la demande de reconnaissance d’un accident du travail

En vertu de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.

Sur le fondement de cet article, il est admis que constitue un accident du travail tout fait précis survenu soudainement au cours ou à l’occasion du travail et qui est à l’origine d’une lésion corporelle.

En l’espèce, il est constant que M. [Z] a été placé en arrêt de travail le 5 novembre 2020, et les éléments produits aux débats mettent en évidence que cet arrêt lui a été prescrit dans la matinée, vers 11 heures, dans le cadre d’une consultation en urgence, et qu’il présentait alors une anxiété importante. Il s’est également vu prescrire à cette occasion de l’Alprazolam, qu’un pharmacien lui a délivré dans la matinée. Il est par ailleurs établi que si l’arrêt de travail a initialement été rédigé dans le cadre d’une maladie simple, son médecin traitant a ultérieurement indiqué qu’ « à [son] sens », cet arrêt pouvait entrer dans le cadre d’un accident du travail, et a alors rédigé le certificat médical initial rectificatif. M. [Z] a par ailleurs déposé une main courante le 6 novembre 2020 concernant un « litige a/s droit du travail ». Son épouse atteste de ce qu’il est rentré à la maison en larmes le 5 novembre 2020, évoque des problèmes de sommeil qui n’existaient pas auparavant et la tension ressentie par la famille dès lors que M. [Z] vivait pas bien les Faits survenus son lieu de travail cette matinée du 5 novembre. Mme [N] [D], présentée par M. [Z] comme une amie, atteste quant à elle avoir reçu un appel téléphonique de celui-ci le 5 novembre vers 10h30, au cours duquel elle a tenté de le calmer et de le rassurer « tellement il était dans un état second ».

M. [Z] justifie en outre avoir rencontré le 24 novembre 2020 le médecin du travail, qui rapporte le stress et l’anxiété ressentis par le salarié depuis le 5 novembre 2020, celui-ci les reliant à un conflit avec son employeur, en évoquant un refus de sa demande de rupture conventionnelle en septembre 2020 et une altercation sur son poste de travail lorsque l’employeur a reçu le courrier envoyé par son avocat.

Ces éléments objectifs établissent une dégradation brutale de son état de santé le 5 novembre 2020 dans la matinée, alors qu’il est constant qu’il était alors au temps et au lieu du travail.

M. [Z] justifie par ailleurs de la réception le 4 novembre 2020 par son employeur d’une lettre de son avocat évoquant une absence de remboursement de frais, l’absence de tickets-restaurant et la privation de jours de congé.

Ces éléments et circonstances corroborent objectivement les allégations du salarié quant à la survenue soudaine d’une altercation avec son employeur dans la matinée du 5 novembre 2020, quand bien même les propos tenus ne seraient pas précisément rapportés, et quant au lien entre cette altercation et la dégradation de son état de santé.

M. [Z] établit donc l’existence d’un accident du travail. Le jugement est infirmé en ce sens.

Pour autant, il n’y a pas lieu d’infirmer les décisions de la caisse et de sa commission de recours amiable, dès lors que la juridiction judiciaire statuant en matière de contentieux de la sécurité sociale n’est pas juge des décisions prises par l’organisme de sécurité sociale ou sa commission de recours amiable, mais bien du litige lui-même.

II. Sur les frais du procès

La caisse, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

S’agissant spécifiquement des dépens afférents aux actes et Procédures d’exécution, il est rappelé que la présente décision permet le recouvrement des frais de son exécution forcée, que leur charge est régie par les dispositions d’ordre public de l’article L. 111-8 du code des Procédures civiles d’exécution, et que le juge du fond ne peut statuer par avance sur le sort de ces frais.

Par suite, la caisse est condamnée à payer à M. [Z] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de Procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 25 août 2022 par le tribunal judiciaire de Rouen, pôle social,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que M. [L] [Z] a été victime d’un accident du travail le 5 novembre 2020,

Condamne la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 7]-[Localité 6]-[Localité 5] aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la caisse à payer à M. [Z] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de Procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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