Contexte de la Déclaration de Maladie ProfessionnelleMme [E] [Y], employée de la société [5], a soumis une déclaration de maladie professionnelle à la caisse primaire d’assurance maladie du [Localité 4] le 1er septembre 2017. Cette déclaration était accompagnée d’un certificat médical daté du 23 juin 2017, mentionnant une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite, à prendre en charge selon le tableau 57 A. Décision de Prise en Charge et ContestationLe 14 juin 2018, la caisse a informé Mme [Y] et la société de sa décision de prise en charge de l’affection au titre de la législation sur les risques professionnels. La société a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, qui a confirmé la décision de la caisse lors de sa séance du 10 septembre 2018. Procédure JudiciaireLe 14 septembre 2018, la société a saisi le pôle social du tribunal judiciaire du Havre pour contester la décision. Le tribunal a rendu un jugement le 11 juillet 2022, rejetant le recours de la société. En réponse, la société a interjeté appel le 24 août 2022, demandant l’infirmation du jugement et la déclaration d’inopposabilité de la décision de prise en charge. Arguments des PartiesLa société a demandé une expertise médicale subsidiaire, tandis que la caisse a demandé la confirmation du jugement initial et le rejet de la demande d’inopposabilité. Les parties ont été renvoyées à leurs conclusions pour un exposé détaillé de leurs arguments. Analyse des Conditions de Prise en ChargeSelon l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, une maladie peut être présumée d’origine professionnelle si elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles. La pathologie en question, une rupture de la coiffe des rotateurs, nécessite une objectivation par IRM, condition non remplie dans ce cas. Conclusion de la CourLa cour a infirmé le jugement du tribunal judiciaire du Havre, déclarant inopposable la décision de prise en charge de la caisse à la société. La caisse a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelles sont les conditions de reconnaissance d’une maladie professionnelle selon le Code de la sécurité sociale ?La reconnaissance d’une maladie professionnelle est régie par l’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale. Cet article stipule que : « Est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. » Si certaines conditions, telles que le délai de prise en charge ou la durée d’exposition, ne sont pas remplies, la maladie peut néanmoins être reconnue d’origine professionnelle si elle est directement causée par le travail habituel de la victime. De plus, une maladie non désignée dans un tableau peut être reconnue d’origine professionnelle si elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime, entraînant un décès ou une incapacité permanente d’au moins 25 %. La reconnaissance de l’origine professionnelle nécessite également un avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Quel est le rôle du tableau 57A des maladies professionnelles dans la reconnaissance des pathologies ?Le tableau 57A des maladies professionnelles précise les pathologies qui peuvent être reconnues comme maladies professionnelles. Il inclut : – La tendinopathie aiguë non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs, Pour bénéficier de la présomption d’origine professionnelle, la maladie déclarée doit correspondre précisément à celle décrite dans le tableau, avec tous ses éléments constitutifs. Il est également précisé que la pathologie doit être constatée conformément aux éléments de diagnostic prévus, ce qui implique que des examens comme l’IRM sont souvent nécessaires pour établir la condition médicale. Quels sont les effets d’une décision de prise en charge de la caisse primaire d’assurance maladie ?La décision de prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie a des effets juridiques significatifs. Elle établit la présomption d’origine professionnelle de la maladie, ce qui permet à l’assuré de bénéficier de droits spécifiques, notamment en matière d’indemnisation. Cependant, cette décision peut être contestée par l’employeur, comme cela a été le cas dans l’affaire présentée. Si la décision est déclarée inopposable, cela signifie que l’employeur n’est pas tenu de respecter les conséquences de cette décision, notamment en ce qui concerne les obligations financières liées à la prise en charge de la maladie. Dans le cas présent, la cour a infirmé la décision de prise en charge, déclarant celle-ci inopposable à la société, ce qui a des implications directes sur les droits de l’assurée et les obligations de l’employeur. Quelles sont les conséquences d’un jugement infirmant une décision de prise en charge de maladie professionnelle ?Lorsqu’un jugement infirme une décision de prise en charge de maladie professionnelle, comme dans le cas de Mme [Y], cela a plusieurs conséquences : 1. Inopposabilité de la décision : La décision de prise en charge de la caisse devient inopposable à l’employeur, ce qui signifie qu’il n’est pas tenu de respecter les obligations qui en découlent. 2. Dépens : La partie perdante, en l’occurrence la caisse primaire d’assurance maladie, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ce qui implique qu’elle doit couvrir les frais de justice engagés par la société. 3. Impact sur l’assurée : L’assurée peut perdre ses droits à indemnisation ou à des soins pris en charge au titre de la maladie professionnelle, ce qui peut avoir des conséquences financières et médicales importantes. Ainsi, l’infirmation de la décision de prise en charge peut avoir des répercussions significatives tant pour l’employeur que pour l’assurée. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 15 NOVEMBRE 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
18/00365
Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DU HAVRE du 11 Juillet 2022
APPELANTE :
S.A.S. [5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Corinne POTIER de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Marine GAINET-DELIGNY, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU [Localité 4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 26 Septembre 2024 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 26 septembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 novembre 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 15 Novembre 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [E] [Y], salariée de la société [5] (la société), a adressé à la caisse primaire d’assurance maladie du [Localité 4] (la caisse) une déclaration de maladie professionnelle le 1er septembre 2017, accompagnée d’un certificat médical initial établi le 23 juin 2017, ainsi libellé : « (‘) présente une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite. Cette pathologie est à prendre en charge au titre du tableau 57 A droite. Ci-joint le compte-rendu d’échographie et l’avis du chirurgien ».
Par courrier du 14 juin 2018, la caisse a notifié à l’assurée et à la société sa décision de prise en charge de l’affection au titre de la législation sur les risques professionnels.
La société a contesté cette décision devant la commission de recours amiable qui, en sa séance du 10 septembre 2018, a confirmé la décision de la caisse.
Par requête en date du 14 septembre 2018, la société a poursuivi sa contestation en saisissant le pôle social du tribunal judiciaire du Havre, lequel par jugement du 11 juillet 2022, a rejeté le recours formé par la société.
Le 24 août 2022, la société en a relevé appel et par conclusions remises le 15 mai 2024, soutenues oralement, elle demande à la cour de :
– infirmer toutes les dispositions du jugement entrepris,
– lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de la caisse,
– subsidiairement, ordonner une mesure d’expertise médicale dans les conditions de l’article R. 142-16 du code de la sécurité sociale.
Par conclusions remises le 16 septembre 2024, soutenues oralement, la caisse demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
– rejeter la demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge formée par la société.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens.
En application de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé (25 %).
Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.
Pour bénéficier de la présomption d’origine professionnelle, la maladie déclarée doit correspondre précisément à celle décrite au tableau avec tous ses éléments constitutifs et doit être constatée conformément aux éléments de diagnostic éventuellement prévus.
Le tableau 57A des maladies professionnelles vise la tendinopathie aiguë non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs, la tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM ainsi que la rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM.
En l’espèce, la pathologie instruite par la caisse, après avis de son médecin conseil, est une rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite.
Comme l’indique à raison la société, la pathologie considérée oblige à une objectivation par IRM. Il est toutefois admis que la condition médicale puisse être établie par un arthro-scanner en cas de contre-indication à l’IRM.
En l’espèce, aucun de ces examens n’est produit.
En effet, il est fourni un compte-rendu opératoire du 12 juillet 2017 dont il ressort que l’assurée était opérée initialement pour une tendinopathie calcifiante de la coiffe des rotateurs et que le chirurgien, le docteur [W], indique avoir eu « la surprise de trouver à la partie postérieure du supra épineux une rupture tendineuse non transfixiante réalisant une perforation de la face superficielle sur environ 50 % (‘) cette lésion est importante et très mobile ; Il n’apparaît pas possible de la laisser en place. On décide donc de réaliser une chirurgie réparatrice (‘) ».
Ledit compte-rendu ne peut utilement se substituer à l’IRM qui constitue une condition réglementaire du tableau 57 A des maladies professionnelles pour objectiver la pathologie instruite.
Aussi, c’est à tort que les premiers juges ont confirmé la décision de prise en charge de la maladie par la caisse.
La décision déférée doit donc être infirmée et celle de prise en charge de la caisse doit être déclarée inopposable à la société.
L’intimée, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
La cour,
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire du Havre du 11 juillet 2022 ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare inopposable à la société [5] la décision de prise en charge de la caisse du 14 juin 2018 au titre de la maladie professionnelle de Mme [Y] ;
Condamne la caisse primaire d’assurance maladie du [Localité 4] aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE