Your cart is currently empty!
Faute pour un prestataire internet de justifier d’avoir exercé son activité sous un lien de subordination constante avec son client, c’est à bon droit que les juges ont débouté celui-ci de sa demande de reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail.
Selon les dispositions de l’article L. 8221-6 du code du travail, sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription, les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au registre national des entreprises en tant qu’entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales […], l’existence d’un contrat de travail pouvant toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci. L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. Il appartient à la cour de rechercher les conditions de fait dans lesquelles le prestataire a travaillé pour le compte de la société. En la cause, Mme [R] [I] a été engagée par la société Upbiz, dirigée par M. [C] [V], en tant que directrice marketing à partir de juin 2019. Elle a saisi le conseil de prud’hommes de Perpignan en janvier 2022, après que la société a mis fin à son contrat en mai 2021, demandant la reconnaissance de son contrat de travail et des indemnités. Le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent en avril 2023. Mme [I] a interjeté appel et a été autorisée à assigner la société à jour fixe devant la Cour d’appel de Montpellier. En octobre 2023, la société Upbiz a été placée en liquidation judiciaire. Mme [I] a demandé à la cour d’infirmer le jugement initial et de reconnaître son statut de salariée, ainsi que de lui accorder diverses sommes en raison de la rupture de son contrat. Elle a soutenu que sa relation de travail était subordonnée et qu’aucun contrat de prestation de service n’avait été signé. La société a contesté son statut d’associée, affirmant qu’elle n’avait pas été formellement enregistrée comme telle. La cour a confirmé le jugement initial et a condamné Mme [I] aux dépens d’appel. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 17 OCTOBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 23/02518 – N° Portalis DBVK-V-B7H-P2JB
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 27 AVRIL 2023
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN
N° RG F 22/00008
APPELANTE :
Madame [R] [I]
née le 30 Décembre 1991 à [Localité 7] (50)
de nationalité Française
Domiciliée[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Mandine CORTEY LOTZ de la SELARL CORTEY LOTZ & MARCHAL AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Assistée par Me Céline HERNANDEZ de la SELARL CELINE HERNANDEZ AVOCAT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant
INTIMEE :
SELARL [J] [U], liquidateur judiciciaire de la sociéte SARL URBIZ
Domiciliée [Adresse 2]
[Localité 6]
INTERVENANTE :
Association UNEDIC – DELEGATION AGS – CGEA DE [Localité 3]
Domiciliée [Adresse 4]
[Localité 3]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Juin 2024,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre
Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère
Madame Magali VENET, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Naïma DIGINI
ARRET :
– réputé contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Naïma DIGINI, Greffier.
* *
FAITS ET PROCÉDURE
Soutenant avoir été engagée par la société Upbiz, gérée par M. [C] [V], laquelle développait une activité de formation professionnelle continue en matière de développement commercial et marketing sur internet en qualité de directrice marketing à compter de juin 2019, relation contractuelle à laquelle la société aurait subitement mis fin en mai 2021, Mme [R] [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Perpignan le 4 janvier 2022 aux fins de voir reconnaître l’existence d’un contrat de travail, juger que la rupture au 12 mai 2021, abusive et contestable, est imputable à l’employeur et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, lequel par jugement contradictoire du 27 avril 2023 s’est déclaré incompétent et a invité les parties à mieux se pourvoir.
Le 11 mai 2023, Mme [I] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par requête du même jour, elle a sollicité l’autorisation d’assigner à jour fixe la société Upbiz, devant la Cour d’appel de Montpellier, conformément aux dispositions des articles 83 et suivants du code de procédure civile.
Par ordonnance du 17 mai 2023, Mme [I] a été autorisée à assigner à jour fixe la société intimée et l’affaire a été fixée à l’audience du 16 octobre 2023.
Le 7 juin 2023, une copie de l’assignation à comparaître à jour fixe devant la Cour d’appel de Montpellier a été déposée par clerc assermenté à l’adresse de la société Upbiz, qui a constaté l’absence de son gérant, M. [V].
Le 13 juin 2023, l’appelant a été avisé de l’absence de constitution d’avocat par l’intimé dans le délai prescrit, afin que celui-ci procède par voie de signification en application de l’article 902 du code de procédure civile.
Par jugement du tribunal de commerce Le 11 octobre 2023, la société Upbiz a été placée en liquidation judiciaire.
Le 16 octobre 2023, l’affaire a été renvoyée à l’audience de plaidoirie 15 janvier 2024.
‘ Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 11 mai 2023, Mme [I] demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :
Se déclarer compétente pour statuer sur sa demande au titre de l’existence d’un contrat de travail et sur les demandes salariales et indemnitaires qui en sont la conséquence,
Juger qu’elle a occupé les fonctions de directrice marketing du 10 juin 2019 au 12 mai 2021 pour la société Upbiz, dans le cadre d’un lien de subordination et qu’elle était par conséquent liée par un contrat de travail avec cette société, qui a rompu le contrat dans des circonstances brutales,
Juger que la société n’est pas fondée à se prévaloir de son statut d’associée pour écarter l’existence d’un contrat de travail,
Juger que le poste occupé relève de la catégorie cadre et du palier 27 de la convention collective applicable,
Condamner la société à lui verser les sommes suivantes :
– 73 640,07 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du juin 2019 au 12 mai 2021, outre la somme de 7 364,01 euros brut au titre des congés payés afférents,
– 10 578, 21 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 057, 82 euros au titre des congés payés afférents,
– 1 909, 95 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– 12 341, 25 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 3 526, 07 euros net à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure,
– 10 578, 21 euros net à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice distinct subi du fait de la brutalité de la rupture du contrat de travail,
– 21 156, 42 euros net à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
Ordonner à la société Upbiz de cesser d’utiliser son image à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
Fixer le salaire de référence à la somme de 3526, 07 euros,
Juger que les intérêts courront à compter de la demande en justice et donner l’autorisation de capitaliser,
Condamner la société à lui remettre un solde de tout compte, un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes aux condamnations qui seront prononcées, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 10 jours suivant la notification de la décision devant intervenir,
Condamner l’employeur à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
Débouter la société Upbiz de sa demande reconventionnelle au titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Mme [I] soutient qu’après avoir été sollicitée par M. [V], fondateur et dirigeant de la société Upbiz pour lui apporter gratuitement son assistance et son expertise afin de réaliser une vidéo de présentation de sa société, la relation de travail s’est développée et s’est pérennisée à compter du 10 juin 2019, M. [V] lui demandant d’accomplir des prestations de travail pour le développement de sa société en lui faisant miroiter dans un premier temps que plus la société développerait sa branche d’activité de marketing digitale et plus il pourrait lui renvoyer des clients sur sa micro entreprise, sans qu’il n’y ait de rémunération immédiate convenue si ce n’est l’espoir de lui renvoyer des clients à terme et ce jusqu’au 12 mai 2021 date à laquelle la société lui coupait tous les accès informatiques.
Elle précise que l’ensemble des tâches techniques réalisées pour la société de développement des outils digitaux, ont été effectuées dans le cadre d’une relation de travail subordonnée, et ce non pas en sa qualité d’auto-entrepreneur, sous l’identité ‘[R] [I] Copywriter’, mais sous celle d’ Upbiz avec les moyens matériels de la société et sous la direction de M. [V].
Elle indique que la seule prestation que la société intimée lui a rémunérée est le travail de développement de prospect grâce au développement du marketing digital qu’elle accomplissait auprès des clients Upbiz, qu’elle ne facturait pas directement aux clients mais à Upbiz qui prenait une marge sur le travail réalisé en facturant directement ses clients.
L’appelante fait valoir qu’aucun contrat de prestation de service n’a été signé ni aucune facturation n’a été émise pour ce travail de développement des outils digitaux de la société Upbiz qui a duré de juin 2019 au 12 mai 2021.
Pour répondre à l’argumentation que la société lui a opposé en première instance à savoir qu’elle était associée de fait à la société, Mme [I] rappelle que l’associé est seulement propriétaire de parts sociales ou d’actions lui conférant une participation au sein du capital social de la société et n’est pas porteur d’un mandat social lui permettant d’accomplir une prestation de travail. Elle précise que si M. [V] lui a fait miroiter un statut d’associé en lui promettant une rétribution future sur les dividendes et lui a soumis les documents de cession de parts sociales qu’elle a certes signés et réglés au prix de 4 500 euros, M. [V] n’a pas daigné déposer et réaliser les formalités juridiques correspondantes et ce malgré les promesses et relance. Elle considère donc qu’en l’absence d’accomplissement des formalités obligatoires, le statut d’associé n’est pas valable et en tout état de cause n’est pas opposable aux tiers. En toute hypothèse, elle n’a jamais pris de décision sur l’aspect financier, social et juridique de la société Upbiz ni même perçu le moindre dividende.
‘ Régulièrement citées par assignation en intervention forcée délivrées par acte d’huissier de justice en date du 27 décembre 2023, conformes aux dispositions de l’article 902 du code de procédure civile, à laquelle étaient annexées le jugement entrepris, la déclaration d’appel, l’ordonnance du premier président et l’assignation à jour fixe ainsi que les conclusions et bordereau de pièces, la Selarl [J] [U], représentée par Maître [J] [U], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Upbiz, et l’AGS n’ont pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
Il résulte de l’article 472 du code de procédure civile qu’en appel, si l’intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.
Aux termes de l’article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Le jugement entrepris est ainsi motivé :
« Le conseil constate que Mme [I] ne fournit pas de contrat de travail, (elle) ne percevait pas non plus de salaire, qu’il n’y avait pas de lien de subordination permanent. En revanche, elle facturait directement ses clients par le biais de sa micro entreprise, le conseil ne trouve donc pas de rattachement entre les deux parties. En conséquence, le conseil se déclare incompétent et invite les parties à mieux se pourvoir. »
Après avoir relaté les circonstances dans lesquelles M. [V], gérant de la société Upbiz, spécialisée dans la vente de formation commerciale auprès d’entreprises, l’a contactée, en sa qualité d’auto entrepreneur spécialisée dans le marketing digital et a souscrit auprès d’elle une formation en ligne sur la rédaction d’un calendrier éditorial en mars 2018, Mme [I] fait valoir au soutien de son action que :
– M. [C] lui a proposé en juin 2019 de ‘l’aider’ à développer Upbiz vers une nouvelle branche afin d’étendre ses parts de marché sur le secteur de la prospection digitale (comment obtenir plus de prospect grâce à internet). Sa première démarche va consister à lui demander de lui apporter gratuitement son assistance et son expertise afin de réaliser une vidéo de présentation de la société Upbiz pour son site internet ;
– à partir de cette date, la relation de travail se développait et se pérennisait ;
– M. [C] lui a fait miroiter dans un premier temps que plus la société développera sa branche d’activité de marketing digitale ce qui lui permettra de lui renvoyer des clients sur sa micro-entreprise,
– il va lui demander de développer et de s’investir activement pour développer la branche d’activité de la société Upbiz sans qu’il n’y ait de rémunération immédiate convenue si ce n’est l’espoir de lui renvoyer des clients à terme. Il va insidieusement lui demander de travailler exclusivement sur son projet de développement de la branche d’activité de markéting digital de la société Upbiz au détriment de ses autres projets professionnels auxquels elle aurait pu s’intéresser pour son propre compte, évoquant en septembre 2019 une association lorsque l’activité décollera ;
– elle a été intégrée au sein de l’équipe Upbiz, M. [C] la présentant publiquement comme étant sa ‘directrice marketing’, la société mettant à sa disposition les outils de travail nécessaires, à savoir adresse électronique, carte de visite, ordinateur portable, code d’accès Upbiz.
Mme [I] soutient que l’ensemble des tâches techniques réalisées pour la société ont été effectuées dans le cadre d’une relation de travail subordonnée, considérant que la société va utiliser et profiter de son image commerciale sur internet et de sa force de travail et de ses compétences techniques dans le digital pour lui demander, sans formalisation d’un contrat de prestation de service :
‘ Réalisation de la stratégie marketing de la société,
‘ Tournage de vidéos de présentation de la société,
‘ Création et conception de contenu pour le site internet Upbiz,
‘ Alimentation hebdomadaire du site au travers d’article de blog, de newsletters et animation hebdomadaire des réseaux sociaux de la société Upbiz.
Elle indique que tout le travail technique de développement de la société Upbiz et la gestion du contenu de ses supports de marketing digital et d’acquisition de client n’ont pas été rémunérés et ont été réalisés sous le nom Upbiz, avec le matériel de l’entreprise et sous un lien de subordination de M. [C] qui dirigeait les opérations, en ajoutant que le seul travail qui lui a été rémunéré est ce même travail de développement de prospect grâce au développement du marketing digital qu’elle accomplissait auprès des clients Upbiz, en précisant qu’elle ne facturait pas directement les clients mais Upbiz qui prenait une marge sur le travail réalisé en facturant directement ses clients.
Elle souligne que son travail de développement des outils digitaux de la société Upbiz n’a en revanche pas été facturé par elle à la société Upbiz, les seules factures qu’elle a éditées à la société intimée mentionnant le nom du client pour lequel elle est intervenue.
En droit, le contrat de travail est celui par lequel une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la subordination d’une autre, moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Selon les dispositions de l’article L. 8221-6 du code du travail, sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription, les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au registre national des entreprises en tant qu’entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales […], l’existence d’un contrat de travail pouvant toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. Il appartient à la cour de rechercher les conditions de fait dans lesquelles Mme [I] a travaillé pour le compte de la société Upbiz.
Étant immatriculée au registre du commerce et des sociétés et ayant facturé mensuellement des prestations de service à la société Upbiz d’octobre 2019 à mars 2021, il incombe donc à Mme [I] , faute de pouvoir se prévaloir d’un contrat de travail apparent, de rapporter la preuve que l’activité technique litigieuse qu’elle affirme avoir développée dans l’intérêt de la société Upbiz l’a été sous un lien de subordination constante de cette dernière.
À bon droit, la requérante expose que le statut d’associée de la société, imparfait et inopposable aux tiers faute pour la société d’avoir accompli les formalités d’enregistrement du contrat de cession de parts sociales, que lui a opposé la société défenderesse en première instance n’est pas incompatible avec une activité salariée.
À suivre son argumentation, elle aurait développé parallèlement deux activités sous des statuts distincts, l’une de développement marketing au profit de la clientèle de la société Upbiz qu’elle a facturée à celle-ci selon des factures mensuelles versées aux débats (pièce appelante n°23) et, par ailleurs, une activité salariée portant sur des prestations dites techniques, dont elle doit rapporter la preuve qu’elle les a exercées sous la subordination de la société intimée.
Les messages de M. [C] que la requérante met en exergue dans ses conclusions, aux termes desquels il lui propose de s’associer, ce qu’il adviendra en janvier 2020, au moins dans les rapports entre associés de la société, sont dépourvus de force probante.
De même, dans ce contexte de projet d’association, qui se concrétisera par l’acquisition par l’appelante de parts sociales de la société Upbiz, il ressort des courriels échangés par la requérante, qui développait une activité indépendante de copywriter, et le dirigeant de la société Upbiz, que la requérante présente comme une ‘startup’, par lesquels, de première part, Mme [I] interroge M. [C] sur le point de savoir s’il ‘serait touchy si [R] [I] COPYWRITER devienne une agence de marketing de contenu en sachant que [R] [I] fait aussi partie de Upbiz’, ce à quoi son interlocuteur lui répondait que ‘cela dépendait de comment on communique’, de deuxième part, Mme [I] interroge M. [C] pour savoir ‘cela pouvait être pertinent de mettre sur son Linkedin qu’elle travaillait pour la société Upbiz ”, de troisième part, M. [C] l’interroge pour savoir si ‘elle souhaite une adresse mail Upbiz pour échanger avec nos clients ”, puis si ‘elle souhaite des cartes de visites Upbiz ”, de quatrième part, que M. [C] la présente sur un site professionnel dénommé Carbao en qualité de ‘directrice marketing’, de cinquième part, que la société a mis à sa disposition un ordinateur, et enfin que M. [C] lui a délivré un justificatif pour se déplacer durant la crise sanitaire du Covid 19, ce qui ne lui était pas nécessaire en sa qualité de professionnelle indépendante, est sans portée.
Pour le surplus, Mme [I] établit que :
– elle apparaît sur une vidéo de présentation de l’activité de la société Upbiz, dont l’appelante précise, par ailleurs, que sa réalisation lui a été demandée par M. [C] à titre gracieux, et qu’elle est présentée sur le site internet de la société comme membre de l’équipe.
– Elle est présentée sur la page Linkedin de la société Upbiz comme « employée » sur le poste de CMO (Chief Marketing Officer), c’est à dire Directrice Marketing et également sur le poste de « copywriter » c’est-à-dire concepteur-rédacteur de contenus.
– elle facturait à la société Upbiz les prestations de marketing digital qu’elle réalisait pour les clients de la société Upbiz, les dites factures mentionnant les noms de divers clients tels : Pereneo, Ftel, Ezoptima, Buroespresso, Be up, 1min1job, pronostic games, […].
Certes, Mme [I] établit que M. [V] pouvait la solliciter pour des entretiens téléphoniques ou en visio conférence :
Pièce 6 : SMS du 26/06/2019 : ‘t’es prête à faire un entretien prospect par Hangout avec moi ”
Pièce 6-10 : SMS du 28/05/2020 : ‘finalement c’est bon. J’ai vu avec [Z] sans forcément t’appeler. Je te rappelle demain pour faire un point si tu es dispo. Et peux-tu me donner un créneau pour [F] car il a un empêchement pour demain […]’
Pièce 6-12 : SMS du 18/08/2020 : ‘je t’appelais pour […] t’es dispo demain dans l’ AM’ J’ai un accompagnement à créer avec toi. Comment ça va ”
Pièce 6-1 : SMS du 25/07/2019 : ‘t’es dispo ”
Pièce 6-2 : SMS du 05/08/2019 ‘coucou, t’as un moment aujourd’hui ou demain AM pour un call ”
Pièce 6-3 : SMS du 13/08/2019 : ‘t’as une dispo cet AM ou demain ” […], ce à quoi Mme [I] lui répond : ‘cet AM je suis de sortie avec mes parents et demain je garde les gosses de mon frère […]’ – ‘c’était surtout pour faire le point suite au RDV, avec Buroespresso […]’
Pièce 6-9 : SMS du 22/05/2020 : ‘coucou, on a rendez-vous à 9H30, on se connecte un peu avant pour définir l’ordre du jour ”, ce à quoi Mme [I] lui répond : ‘j’étais sur 11H comme la dernière fois. Donne moi 5 mn […]
Pièce 6-10 : SMS du 28/05/2020 : cf ci-dessus
Pièce 6-15 : exemples de RDV pour la stratégie UPBIZ
Au soutien de son argumentation selon laquelle le dirigeant de la société intimée lui adressait des directives de travail, Mme [I] communique les pièces suivantes :
Pièce 6-4 : SMS du 01/11/2019 de M. [V] : ‘nomadplay : hangout le 13/11 à 9h avec [K] la directrice commerciale, [O] la chargée de com et la PDG. Hubspot : kick off le 12/11 à 17h. On a accès au logiciel + aux ressources + à la certif ; Upbiz : 1/ j’ai validé pour le site web+ design et charte graphique : livraison prévue fin décembre ; 2/ j’ai fait un prêt pro pour financer le site + la facture Hubspot (comme ça, la tréso est toujours dispo !) 3/ j’ai vu [S], on a fait une formation en commun de commerciaux chez Linkt télécom. Il est ok pour que tu rentres dans la boîte. Bref j’avais plein de chose à te dire mais je voulais te laisser tranquille’;
Pièce 6-5 SMS du 29/01/2020 : ‘pour Ezoptima j’aimerai que tu me donnes le temps passé en stratégie et mise en place opérationnelle (calendrier édito etc) l’ensemble de la production de contenus que tu souhaites mettre en place sur 12 mois (article, newsletters etc) optimisation du site web en copywriting). Je te fais une confiance totale et aveugle pour le reste : be up, 1min1job, buroespresso et pronostic games. Je vois où on en est sur le site Upbiz et au pire je te laisse gérer la fin avec [Z] et [N].
Pièce 6-6 : SMS du 03/03/2020 de Mme [I] qui indique à M. [V] : ‘Prends tout le temps qu’il faut (émoticone en forme de coeur) quoi que je puisse faire pour vous, tu me dis […]’
Pièce 6-9 : SMS du 22/05/2020 : cf ci-dessus
Pièce 6-11 : courriel du 06/08/2020 : ‘je veux bien que tu dupliques surtout pour l’ebook’
Pièce 6-12 : SMS du 18/08/2020 : cf ci-dessus
Au soutien de son argumentation selon laquelle M. [V] contrôlait son travail, Mme [I] communique les pièces suivantes :
Pièce 6-6 : SMS du 03/03/2020 : cf ci-dessus
Pièce 6-7 : SMS du 26/03/2020 : en réponse au message de Mme [I] lui indiquant ‘coucou ! Tu peux vérifier le rétro planning que j’ai préparé pour Ezoptima avant que je lui envoie stp,’ M. [C] lui répond ‘je regarde ça et je te redis […]
Pièce 6-8 : SMS du 03/05/2020 : en réponse au message de Mme [I] lui indiquant : ‘[…] j’ai préparé un mail que je dois lui envoyer mais je voulais ton avis avant’, M. [C] lui répond, ‘ […] donc oui, complètement’.
Pièce 6-13 : SMS du 01/10/2020 : en réponse au message de Mme [I] lui indiquant : ‘il faut prendre des risques pour avancer dans tous les cas [C], et les risques sont très largement mesurés tu fais bien de suivre tes envies, ton feeling […] et Tu n’as pas validé les mails pour les e-mails Be up ”, M. [C] lui répond : ‘sous l’eau […] je m’en occupe aujourd’hui’
Pièce 6-14 : SMS du 27/10/2020 : en réponse au message de Mme [I] lui indiquant ‘tu pourras regarder pour valider le compte Maierlite sur ton adresse […]’, M. [C] lui répond ‘déjà fait […]’
Au soutien de son argumentation selon laquelle elle effectuait des missions techniques de travail, Mme [I] affirme qu’elle a mis en place le Site internet de la société Upbiz et l’ensemble de son rédactionnel (wording) et son alimentation et suivi régulier. Elle vise quelques messages échangés en avril 2020, sous la pièce n°7, avec M. [V] et M. [X], ‘founder CEO de YMJ agence digitale’, sur le site internet de la société, la requérante expliquant avoir préparé 3 articles à éditer, interrogeant ce prestataire extérieur sur l’éditeur de texte à utiliser, ce dernier précisant que M. [V] est administrateur et Mme [I] éditrice.
Elle se prévaut encore de la rédaction d’articles de blog sur le site internet, qu’elle verse aux débats (pièce n°8), dont elle affirme qu’ils étaient soumis avant publication à la validation de M. [V]. Elle affirme avoir participé à la stratégie marketing et marketing digital de la société Upbiz et vise diverses pièces figurant sous sa pièce référencée n°9, à la rédaction de l’E-book, à la gestion du pilotage clients (pièce n°11). Elle verse aux débats des échanges qui ne sont pas analysés, des copies d’agenda électroniques mentionnant des rendez-vous ‘pilotage projet upbiz’, ou bien des noms de clients de la société pour lesquels elle a facturé ses prestations (be-up, 1min pour 1job, etc).
Parmi les messages communiqués, l’appelante indique, en avril 2020 à M. [V] qui lui annonce des montants Cross data 3k€, Pereneo 17k€ […], ‘on va aller chercher tous ce qu’on peut aller chercher après ce confinement, comme ça même en cas de récession on aura carburé avant ahah’ Je suis motivée comme une dingue quand je vois les chiffres qui évoluent et même les clients sont ravis ( même si on a encore des optimisations à faire mais c’est normal aussi, notre process est pas éprouvé encore). Si je te dis : réaliser des vidéos courtes (important à retenir ahah) l’iphone pour linkedin avec juste une idée à développer, t’es chaud ‘ […]) ; en septembre 2020, elle sollicite l’annulation d’un rendez-vous en expliquant ‘nous sommes focus sur le recrutement d’un nouveau commercial pour nous permettre de dégager plus de temps […]’, en juillet 2020, elle indique à divers interlocuteurs qu’ ‘avec [C], nous avons décidé de réaliser un document de pilotage de projet à la fin de chaque mois […]’.
Alors que les clients Ezoptima, Buroespresso, Be up, 1min1job, pronostic games, cités dans les mails invoqués par la requérante comme caractérisant des instructions ou le contrôle de son travail sont des clients pour lesquels Mme [I] a facturé ses prestations à la société Upbiz, il ne ressort pas de l’analyse des éléments communiqués par l’appelante qu’elle démontre avoir développé son activité pour le compte de la société Upbiz sous la subordination constante de cette dernière, mais qu’elle a concouru effectivement à son développement en facturant ses prestations et en entretenant avec M. [C] une relation non pas d’employeur à salariée mais une relation entre deux entrepreneurs indépendants qui se sont associés, de fait, sur un projet commun consistant au développement d’une activité commerciale profitable à terme aux deux parties, sur lequel ils échangeaient régulièrement sur un plan égalitaire, Mme [I] demandant à M. [V] son avis, formulant des propositions et participant à des décisions avec le dirigeant.
Faute pour l’appelante de justifier d’avoir exercé cette activité sous un lien de subordination constante, c’est à bon droit que les premiers juges ont débouté Mme [I] de sa demande de reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail, avant de se déclarer incompétent pour apprécier ses demandes subséquentes.
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
Condamne Mme [I] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,