Reconnaissance de la Maladie Professionnelle : Conditions et Délais à Respecter

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Reconnaissance de la Maladie Professionnelle : Conditions et Délais à Respecter

Contexte Professionnel de Monsieur [I] [V]

Monsieur [I] [V], né en 1964, a exercé comme artisan taxi de janvier 2009 à juillet 2015. Après une période de chômage, il a déclaré avoir travaillé comme aide familiale pour une personne handicapée de sa famille jusqu’au décès de cette dernière en décembre 2019. Aucune preuve de ces activités n’a été fournie.

Déclaration de Maladie Professionnelle

Le 15 juillet 2020, Monsieur [I] [V] a déposé une déclaration de maladie professionnelle pour une « tendinite chronique » qu’il affirmait avoir depuis 2011. Un certificat médical du 6 juillet 2020 a confirmé une tendinopathie chronique de l’épaule droite, avec des traitements inefficaces et une demande d’avis chirurgical.

Enquête de l’Assurance Maladie

L’Assurance Maladie a mené une enquête, au cours de laquelle Monsieur [I] [V] a décrit ses tâches d’aide familiale, précisant une charge de travail hebdomadaire de 28 heures. Un questionnaire rempli par la famille de l’employeur a corroboré ses déclarations, ajoutant d’autres tâches ménagères.

Analyse Médicale et Administrative

Une concertation médico-administrative a révélé une rupture partielle de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite, avec une première constatation médicale au 22 mai 2017. Le rapport d’enquête a noté une exposition au risque de 23 ans pour son activité de taxi, mais a conclu à un dépassement du délai de prise en charge.

Décision du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles

Le 27 juillet 2021, l’Assurance Maladie a refusé la reconnaissance de la pathologie, citant l’absence de lien direct entre le travail de taxi et la maladie. Monsieur [I] [V] a contesté cette décision, mais la commission de recours amiable a également rejeté sa demande en décembre 2021.

Recours Judiciaire

Monsieur [I] [V] a saisi le tribunal judiciaire de Paris en février 2022. Le jugement du 23 mai 2023 a déclaré son recours recevable, mais a ordonné un second avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles.

Audiences et Demandes

Lors de l’audience du 18 septembre 2024, Monsieur [I] [V] a demandé la prise en charge de sa pathologie et une expertise judiciaire, soutenant que son dossier avait été égaré. L’Assurance Maladie a maintenu son refus, soulignant le dépassement du délai de prise en charge.

Décision Finale du Tribunal

Le tribunal a confirmé l’avis défavorable du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles, rejetant la demande de Monsieur [I] [V] pour la reconnaissance de sa maladie comme professionnelle. Il a également rejeté la demande d’expertise judiciaire et a condamné Monsieur [I] [V] aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
22/00395
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] 2 Expéditions exécutoires délivrées aux parties en LRAR le :
2 Expéditions délivrées aux avocats en LS le :

PS ctx protection soc 3

N° RG 22/00395 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWERO

N° MINUTE :

Requête du :

08 Février 2022

JUGEMENT
rendu le 06 Novembre 2024
DEMANDEUR

Monsieur [I] [V]
[Adresse 1]
[Localité 2]

Représenté par Maître David COURTILLAT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

ASSURANCE MALADIE DE [Localité 6] DIRECTION CONTENTIEUX ET LUTTE CONTRE LA FRAUDE
POLE CONTENTIEUX GENERAL
[Adresse 4]
[Localité 3]

Représentée par Maître Rachel LEFEBVRE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame RANDOULET, Magistrate
Madame GOSSELIN, Assesseur
Monsieur JUFFORGUES, Assesseur

assistés de Marie LEFEVRE, Greffière

Décision du 06 Novembre 2024
PS ctx protection soc 3
N° RG 22/00395 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWERO

DEBATS

A l’audience du 18 Septembre 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2024.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [I] [V], né en 1964, a exercé la profession d’artisan taxi entre le 2 janvier 2009 et le 1er juillet 2015, il a été demandeur d’emploi puis depuis le 1er septembre 2018, il déclare avoir exercé la profession “ d’aide familiale pour s’occuper d’une personne handicapée de sa famille (Monsieur [V] [S], employeur décédée le 30 décembre 2019). Aucun élément n’est produit sur ces activités.

Il a établi une déclaration de maladie professionnelle le 15 juillet 2020 mentionnant “tendinite chronique depuis 9 ans” avec une première constatation médicale en “ mars 2011″.

Le certificat médical initial daté du 6 juillet 2020 mentionne “droit: tendinopathie chronique du sus épineux droit depuis 9 ans. Infiltrations, kinésithérapie ineficaces; Avis chirurgical demandé; Demande maladie professionnelle après avis du rhumatologie, Dr. [F]” avec une date de première constatation médicale au 6 juillet 2020 et prescrit des soin sans arrêt de travail jusqu’au 6 octobre 2020.

L’Assurance Maladie a procédé à une enquête en envoyant un questionnaire à l’assuré qui l’a renseigné le 2 février 2021.
Il y indiquait ses taches ( entre le 1er mars 2018 et le 31 janvier 2020, dernier jour de travail) “ménage, courses, toilette, accompagnement médecin, hopital, faire manger et aider l’employeur à rester debout, repassage, pousser le fauteuil roulant (immeuble sans ascenseur) avec une durée hebdomadaire de 28 heures de travail, une durée moyenne journalière de 4 heures de travail sur 7 jours par semaine. Il précisait que “le temps journalier moyen du bras décollé du reste du corps était de plus de 2h/jour et plus de 3 jours par semaine”.

Le questionnaire employeur renseigné le 15 février 2021, rempli par “la famille Monsieur [V] [S]”, sans autre précision d’identité de signataire, à la même adresse mentionne exactement les mêmes déclarations que l’assuré sauf à y ajouter “ promenandes, sorties, rangement étagères, nettoyage vitre, toute aide quotidienne, cuisine”.

La concertation médico-administrative signée le 31 mars 2021 mentionne : “rupture partielle coiffe des rotateurs épaule droite, IRM épaule droite du 2 juillet 2020, dr. SHUPAK”, une une date de première constatation médicale au “22 mai 2017″ et conclut à la transmission au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la condition liée au respect du délai de prise en charge fixée au tableau n° 57 des maladies professionnelles n’étant pas remplie.

Le rapport de synthèse de l’enquête administrative du 31 mars 2021, retenant la date de première constatation médicale au 22 mai 2017 conclut à une durée totale d’ exposition au risque de 23 ans pour l’activité de chauffeur de taxi, période de travail du 1er janvier 1992 au 30 juin 2015: 11h en moyenne par jour, mouvements entre 60° et 90° pendant 5h/jour (bras sur le volant), une période de chomage du 1er juillet 2015 au 22 mai 2017, une date de fin d’exposition au 30 juin 2015, une liste limitative des travaux respectée mais un délai de prise en charge dépassé de 10 mois et 21 jours ( au 22 mai 2017).

Le 14 mai 2021, l’Assurance Maladie de [Localité 6] a écrit à l’assuré et la “famille Monsieur. [V] [S]” à la même adresse, pour l’aviser de la transmission du dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 6], et a transmis le dossier à la même date au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 6].

Le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 6] a reçu le dossier complet le 14 mai 2021 dans le cadre de l’article L 461-1 alinéa 6 du Code de la Sécurité Sociale.

Il retient la date de première constatation médicale au 22 mai 2017. Le comité n’a pas eu connaissance de l’avis du médecin du travail (ni du rapport circonstancié de l’employeur.)

Par décision du 27 juillet 2021, la caisse a notifié le refus de reconnaissance de la pathologie au titre de la législation professionnelle compte tenu de l’avis défavorable du 15 juillet 2021 du comité au motif que “les éléments du dossier médical et les conditions et l’organisation du travail telles qu’elles sont rapportées par l’enquête administrative ne permettent pas de retenir un lien direct entre les conditions du travail (artisan taxi) et la pathologie déclarée par certificat médical du 6 juillet 2020″.

Monsieur [I] [V] a saisi la commission de recours amiable de l’Assurance Maladie le 10 septembre 2021 (réception le 13 septembre 2021) qui a rejeté la demande le 14 décembre 2021.

Suivant recours enregistré le 8 février 2022, le conseil de Monsieur [I] [V] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Paris.

Par jugement en date du 23 mai 2023, le Pôle Social de Paris a :
déclaré le recours de monsieur [I] [V] recevable;avant dire droit, dit que le dossier de Monsieur [I] [V] sera soumis pour second avis au Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de [Localité 5] ( Pays de la Loire), Sursis à statuer sur les demandes de Monsieur [I] [V] dans l’attente de ce deuxième avis ;réservé toutes autres demandes et les dépens.

L’avis du CRRMP Région PAYS DE LA LOIRE a été notifié aux parties le 19 juillet 2024.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 18 septembre 2024.

A l’audience, Monsieur [I] [V], assisté, a sollicité oralement à titre principal la prise en charge de sa pathologie au titre de la législation sur les maladies professionnelles et à titre subsidiaire, a demandé que soit ordonnée une expertise judiciaire.

Au soutien de ses demandes, il fait valoir qu’un refus de pris en charge lui a été opposé du fait du dépassement du délai de prise en charge et ce de façon erronée car la CPAM aurait égaré son dossier initial. Il sollicite la possibilité de transmettre une note en délibéré au soutien de ses prétentions à savoir un relevé de carrière, justifiant d’une continuité d’emploi postérieurement à l’année 2015 ainsi qu’une preuve de l’égarement de son dossier par la Caisse.

La Caisse, représentée, conclut oralement au rejet des demandes formulées par Monsieur [V] et à la confirmation du refus de pris en charge de la pathologie de ce dernier au titre de la législation sur la maladie professionnelle. Elle fait valoir que le médecin conseil a considéré que la première constatation médicale de la pathologie de l’assuré était fixée en 2017 alors même que ce dernier avait cessé ses fonctions de chauffeur de taxi en 2015. Elle relève que les deux CRRMP ont rendu une décision défavorable à la prise en charge de la pathologie de Monsieur [V].

Le Tribunal a autorisé Monsieur [V] à produire une note en délibéré jusqu’au 02 octobre 2024 et a laissé la possibilité à la Caisse d’y répondre le cas échéant jusqu’au 30 octobre 2024.

Après les débats, l’affaire a été mise en délibéré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de reconnaissance de maladie professionnelle

Aux termes des dispositions de l’article L.461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée professionnelle toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées dans ce tableau.

Dans l’hypothèse où l’une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime. Dans ces conditions, l’avis d’un CRRMP doit être obtenu afin qu’il se prononce sur l’existence d’un lien direct entre le travail habituel du malade et sa pathologie.

En outre, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 146 du code de procédure civile, « Une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver.

En aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve ».

En l’espèce, Monsieur [I] [V] conteste le refus de prise en charge par la Caisse de l’affection déclarée au titre de la législation sur les risques professionnels soutenant l’existence d’un lien direct et essentiel entre son travail et sa maladie déclarée par certificat médical initial du 06 juillet 2020.

Les deux avis rendus par les CRRMP concluent notamment au dépassement du délai de prise en charge en fixant la première constatation médicale au 22 mai 2017, date de prescription de l’examen ou de réalisation de l’examen à savoir une radio de l’épaule droite).

En outre, sur la base des pièces du dossier, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la Région PAYS DE LA LOIRE a toutefois rendu un avis défavorable le 08 mars 2024, retenant que “Il s’agit d’un homme de 53 as à la date de la constatation médicale exerçant la profession d’artisan taxi de janvier 2009 à juillet 2015 puis sans activité professionnelle puis auxiliaire de vie pour son père du 1er mars 2018 au 30 décembre 2019. L’avis du médecin du travail n’a pas été reçu. Le délai observé est de 692 jours au lieu du délai requis dans le tableau de 1 an (soit 327 jours de dépassement). Le dernier jour de travail exposant est le 30 juin 2015 et correspond à la fin d’activité d’artisan taxi. L’histoire évolutive ne permet pas de faire remonter cette pathologie à une date antérieure à la date de première constatation médicale [fixée au 22 mai 2017]. Après avoir étudié les pièces médico-administratives du dossier, le Comité ne retrouve pas d’éléments d’histoire clinique objectifs permettant de réduire le délai de prise en charge et ce d’autant que les différentes activités professionnelles exercées ne sont pas particulièrement délétères pour l’épaule. Il considère, en l’absence de toute pièce supplémentaire contributive fournie à l’appui du recours, qu’aucun élément ne permet d’émettre un avis contraire çà celui du CRRMP précédent. En conséquence, il ne peut être retenu de lien direct entre l’affection présentée et le travail habituel de la victime ».

Cet avis confirme l’avis rendu par le CRRMP de Paris Ile de France le 15 juillet 2021, au motif que les « éléments du dossier médical et les conditions et l’organisation du travail telles qu’elles sont rapportées par l’enquête administrative ne permettent pas de retenir un lien direct entre les conditions de travail et la pathologie déclarée par certificat médical du 06 juillet 2020 ».

Il convient de constater que, malgré l’opportunité qui lui a notamment été offerte de produire des pièces dans le cadre du délibéré, Monsieur [I] [V] ne communique aucun nouvel élément qui serait susceptible de remettre en cause les conclusions concordantes de deux CRRMP.

Dans ces conditions, il convient d’entériner l’avis rendu le 8 mars 2024 par le CRRMP de la Région PAYS DE LA LOIRE et ainsi de débouter Monsieur [I] [V] de sa demande de prise en charge de la maladie déclarée par certificat médical du 06 juillet 2020 au titre de la législation sur les risques professionnels.

Au surplus, et en l’absence d’éléments nouveaux apportés par le requérant au soutien de sa demande d’expertise judiciaire, il y a lieu de rejeter cette demande.

Sur les mesures accessoires

Monsieur [I] [V] qui succombe à la présente instance est condamnée aux dépens conformément à l’article 696 du Code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe ;

Vu le jugement avant dire droit rendu le 23 mai 2023 par le service du contentieux social du Tribunal judiciaire de Paris,

Vu l’avis rendu le 08 mars 2024 par le Comité Régional de Reconnaissance Des Maladies Professionnelles Région Pays de la Loire

Déboute Monsieur [I] [V] de sa de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie déclarée par certificat médical en date du 06 juillet 2020 ;

Déboute Monsieur [I] [V] de sa demande d’expertise judiciaire,

Et en conséquence,

Entérine l’avis rendu par le Comité Régional de Reconnaissance Des Maladies Professionnelles Région Pays de la Loire du 08 mars 2024 ;

Condamne Monsieur Monsieur [I] [V] aux dépens ;

Rappelle que tout appel du présent jugement doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d’un mois à compter de sa notification ;

Fait et jugé à Paris le 06 Novembre 2024

La Greffière La Présidente

N° RG 22/00395 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWERO

EXPÉDITION exécutoire dans l’affaire :

Demandeur : M. [I] [V]

Défendeur : ASSURANCE MALADIE DE [Localité 6] DIRECTION CONTENTIEUX ET LUTTE CONTRE LA FRAUDE

EN CONSÉQUENCE, LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE mande et ordonne :

A tous les huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ladite décision à exécution,
Aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d`y tenir la main,
A tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu`ils en seront légalement requis.

En foi de quoi la présente a été signée et délivrée par nous, Directeur de greffe soussigné au greffe du Tribunal judiciaire de Paris.

P/Le Directeur de Greffe

7ème page et dernière


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