Reconnaissance de la Faute Inexcusable de l’Employeur : Analyse des Obligations de Sécurité et des Conséquences d’un Accident du Travail

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Reconnaissance de la Faute Inexcusable de l’Employeur : Analyse des Obligations de Sécurité et des Conséquences d’un Accident du Travail

Engagement et Poste de M. [C] [L]

M. [C] [L] a été engagé par la société anonyme [12] en tant qu’agent d’entretien à partir du 30 avril 2012. À partir du 1er novembre 2019, il a été promu responsable technique au sein d’une maison de retraite, l’établissement [11] à [Localité 14].

Accident de Travail

Le 2 novembre 2020, M. [C] [L] a subi un accident de travail alors qu’il vérifiait la chaufferie. Selon la déclaration d’accident, il aurait glissé en descendant d’une échelle, se blessant au genou droit. Le certificat médical a confirmé un traumatisme du genou et d’autres douleurs, entraînant un arrêt de travail jusqu’au 16 novembre 2020.

Reconnaissance de l’Accident par la CPAM

La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Seine-Saint-Denis a reconnu l’accident comme étant lié à la législation sur les risques professionnels le 17 novembre 2020.

Demande de Conciliation et Notification de Rente

M. [C] [L] a demandé une Procédure amiable de conciliation en septembre 2021, mais n’a pas reçu de réponse de la SA [12]. En janvier 2024, la CPAM a notifié l’attribution d’une rente à compter du 19 décembre 2023, avec un taux d’incapacité permanente fixé à 19 %.

Procédure Judiciaire

Le 18 octobre 2023, M. [C] [L] a saisi le tribunal judiciaire de Bobigny pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur. L’affaire a été mise en état et renvoyée à une audience de plaidoirie prévue pour le 5 mai 2024.

Arguments de M. [C] [L]

M. [C] [L] soutient que son accident est dû à la faute inexcusable de son employeur, qui avait conscience des dangers liés à l’accès à la chaufferie. Il évoque des rapports techniques antérieurs et des devis pour améliorer la sécurité, qui n’ont pas été mis en œuvre.

Réponse de la SA [12]

La SA [12] conteste les demandes de M. [C] [L], arguant que la faute inexcusable ne se présume pas et que les circonstances de l’accident ne sont pas établies. Elle souligne que le salarié était responsable de la sécurité et qu’il avait reçu une formation adéquate.

Position de la CPAM

La CPAM a indiqué qu’elle s’en remettait à l’appréciation du tribunal concernant la reconnaissance de la faute inexcusable et a sollicité le bénéfice de l’action récursoire.

Éléments de Droit

Le tribunal a rappelé que la faute inexcusable de l’employeur est caractérisée par un manquement à l’obligation de sécurité, lorsque celui-ci avait conscience du danger et n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger le salarié.

Conclusions du Tribunal

Le tribunal a conclu que l’accident de M. [C] [L] était dû à la faute inexcusable de son employeur. Il a ordonné la majoration de la rente et a décidé d’ordonner une expertise médicale pour évaluer les préjudices subis par M. [C] [L].

Provisions et Actions Récursoires

Le tribunal a accordé une provision de 3000 euros à M. [C] [L] et a fait droit à l’action récursoire de la CPAM contre l’employeur pour récupérer les montants dus.

Suivi de l’Expertise

Une expertise médicale a été ordonnée pour évaluer les préjudices, avec un rapport à remettre dans un délai de quatre mois. Les frais d’expertise seront avancés par la CPAM.

Prochaines Étapes

L’affaire a été renvoyée à une audience de plaidoirie prévue pour le 5 mai 2025, avec des instructions pour les parties de conclure sur le fond dès réception du rapport d’expertise.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Bobigny
RG
23/01879
Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/01879 – N° Portalis DB3S-W-B7H-YJUK
Jugement du 15 NOVEMBRE 2024

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 15 NOVEMBRE 2024

Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 23/01879 – N° Portalis DB3S-W-B7H-YJUK
N° de MINUTE : 23/02261

DEMANDEUR

Monsieur [C] [L]
[Adresse 7]
[Localité 9]
représenté par Me Majda BENKIRANE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G 815

DEFENDEUR

CPAM DE SEINE-SAINT-DENIS
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Mylène BARRERE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 2104

S.A. [13]
Siège : [Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Laurence PENAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0424

COMPOSITION DU TRIBUNAL

DÉBATS

Audience publique du 02 Septembre 2024.

Madame Pauline JOLIVET, Présidente, assistée de Madame Dominique RELAV, Greffier.

A défaut de conciliation, l’affaire a été plaidée, le tribunal statuant à juge unique conformément à l’accord des parties présentes et représentées.

JUGEMENT

Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe, assistée de Dominique RELAV, Greffier.

Transmis par RPVA à : Me Mylène BARRERE, Me Majda BENKIRANE, Me Laurence PENAUD

Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/01879 – N° Portalis DB3S-W-B7H-YJUK
Jugement du 15 NOVEMBRE 2024

Faits ET Procédure

M. [C] [L] a été engagé suivant contrat de travail à durée indéterminée par la société anonyme [12] en qualité d’agent d’entretient à compter du 30 avril 2012. Suivant avenant du 1er novembre 2019, il occupe l’emploi de responsable technique. Il exerce au sein d’une maison de retraite, l’établissement [11] à [Localité 14].

Il a été victime d’un accident du travail le 2 novembre 2020.

La déclaration d’accident établie le 4 novembre 2020 par l’employeur indique :
“Activité de la victime lors de l’accident : le salarié vérifiait la chaufferie en terrasse.
Nature de l’accident : le salarié déclare qu’en descendant de l’échelle, il aurait glissé et se serait cogné le genou droit contre une marche de l’échelle.
Objet dont le contact a blessé la victime : échelle.
Siège des lésions : jambe, y compris genou (droit(e))
Nature des lésions : douleur”.

Le certificat médical initial rédigé par le docteur [S] le 3 novembre 2020 mentionne : “chute d’une échelle, traumatisme du genou droit par choc sur un barreau. Traumatisme du mollet par impact sur le sol. Douleur dans le dos par le choc” et prescrit un arrêt de travail jusqu’au 16 novembre 2020.

Par décision du 17 novembre 2020, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Seine-Saint-Denis a pris en charge l’accident de M. [C] [L] au titre de la législation sur les risques professionnels.

M. [C] [L] a été informé par lettre du 19 juin 2023 que l’absence de réponse de la SA [12] ne permettait pas de faire droit à sa demande de Procédure amiable de conciliation sur le fondement des articles L. 452-1 à L. 452-4 du code de la sécurité sociale formulée le 9 septembre 2021.

Par lettre du 30 janvier 2024, la CPAM a notifié à l’assuré sa décision relative à l’attribution d’une rente à compter du 19 décembre 2023, son taux d’incapacité permanente étant fixé à 19 % dont 4 % pour le taux professionnel.

Par requête reçue le 18 octobre 2023, M. [C] [L] a saisi le service du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny d’une demande aux fins de voir reconnaître que son accident du 2 novembre 2020 est dû à la faute inexcusable de son employeur.

A défaut de conciliation possible, l’affaire a été appelée à l’audience de mise en état du 4 décembre 2023, date à laquelle un calendrier de Procédure a été fixé. Elle a fait l’objet d’un nouveau renvoi à l’audience de plaidoirie du 5 mai 2024. Elle a été appelée et retenue à l’audience du 2 septembre 2024, date à laquelle les parties, présentes ou représentées, ont été entendues en leurs observations.

Par conclusions récapitulatives n° 2, déposées et soutenues oralement à l’audience précitée, M. [C] [L], assisté de son conseil, demande au tribunal, sur le fondement des articles L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale de :
– déclarer son recours recevable ;
– juger que son accident du 2 novembre 2020 est la conséquence d’une faute inexcusable de son employeur, la SA [12] ;
– ordonner la majoration de la rente dans les proportions maximales prévues par l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;
– avant dire droit, sur l’évaluation du préjudice, ordonner une mesure d’expertise pour évaluer celui-ci ;

– déclarer le jugement commun et opposable à la CPAM de Seine-Saint-Denis ;
– lui accorder une provision de 10 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices ;
– condamner la SA [12] à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de Procédure civile.

M. [Z] expose qu’en qualité de responsable technique, il était chargé de contrôler la chaufferie sur le toit et qu’il devait passer par une échelle débouchant sur une trappe de désenfumage. Il expose qu’il s’est blessé en descendant l’échelle. Il soutient que les conditions de l’accident sont parfaitement établies et n’ont pas été remises en cause par l’employeur au moment de la déclaration.
Il fait valoir que les conditions de reconnaissance de la faute inexcusable sont réunies. Il indique que son employeur avait nécessairement conscience du danger, notamment en raison d’un rapport technique du 27 avril 2017 qualifiant les conditions de sécurité pour l’accès à la chaufferie de moyennes. Il souligne que malgré des signalements réguliers, l’employeur n’a jamais pris de mesures pour prémunir ses salariés du risque de chute.
Il rappelle qu’il était responsable de la maintenance des équipements mais pas de la sécurité des lieux. Il ajoute que des devis avaient été établis en 2016 pour remplacer l’échelle par un escalier ou une échelle avec sécurité antichute. Il soutient que l’employeur a manqué à ses obligations concernant le travail en hauteur et la fourniture d’un équipement de travail conforme. Il souligne qu’il n’a jamais bénéficié d’une formation sur la sécurité.

Par conclusions en défense n° 2 responsives et récapitulatives, déposées et soutenues oralement à l’audience, la SA [12], représentée par son conseil, demande au tribunal de :
à titre principal,
– débouter M. [C] [L] de l’ensemble de ses demandes,
– le condamner à lui verser la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de Procédure civile,
à titre subsidiaires,
– débouter M. [Z] de sa demande de majoration de rente,
– limiter la mission de l’expert à l’examen des postes de préjudices complémentaires limitativement énumérés,
– débouter le demandeur de sa demande de provision, ou à tout le moins, la réduire à de plus justes proportions,
– dire et juger que la provision sera avancée par la CPAM.

Au soutien de ses prétentions, la société rappelle que l’existence de la faute inexcusable de l’employeur ne se présume pas et qu’il appartient au salarié d’en rapporter la preuve.
Elle fait valoir que les circonstances de l’accident sont indéterminées, la version du salarié résultant de ses écritures étant différente de celle transmise à l’employeur au moment de l’accident, ce qui fait obstacle à la reconnaissance d’une faute inexcusable.

Elle ajoute qu’en tout état de cause, le salarié ne démontre pas l’existence d’une faute inexcusable. Elle souligne que la réglementation à laquelle il fait référence relative au travail en hauteur est inapplicable puisqu’il ne s’agit pas d’un poste de travail mais uniquement d’un moyen d’accès. Elle fait valoir qu’elle n’a nullement été informée de difficultés liées aux conditions d’accès à la chaufferie alors même qu’il incombait au demandeur, en sa qualité de responsable technique, d’assurer le respect des règlements et consignes de sécurité. Elle ajoute qu’il bénéficiait de chaussures de sécurité et qu’il a été régulièrement formé tout au long de son contrat.
Sur la rente, elle fait valoir que le demandeur ne justifie pas de sa consolidation.
Sur la demande de provision, elle soutient qu’elle n’est pas justifiée.

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Seine-Saint-Denis (CPAM) régulièrement représentée, s’en rapporte à l’appréciation du tribunal sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable et sollicite le bénéfice de l’action récursoire.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l’article 455 du code de Procédure civile, renvoie aux écritures de celles-ci.

L’affaire a été mise en délibéré au 4 octobre 2024, prorogé à la date figurant en tête du présent jugement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en reconnaissance de la faute inexcusable

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, “L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.”

Aux termes de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, “lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.”

En droit, le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

La reconnaissance de la faute inexcusable suppose établie au préalable l’existence d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

La faute inexcusable ne se présume pas et il appartient à la victime ou ses ayants droits d’en apporter la preuve. En particulier, il incombe au salarié de prouver que son employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

L’appréciation de la conscience du danger relève de l’examen des circonstances de fait, notamment de la nature de l’activité du salarié ou du non-respect des règles de sécurité.

Sur les circonstances de l’accident

La SA [12] exploite sous l’enseigne Korian une maison de retraite située à [Localité 14] sous le nom “[11]”.
Selon la fiche métier “responsable technique”, les missions confiées à ce dernier sont :
– garantir la bonne réalisation de la maintenance préventive et curative de l’établissement, notamment, en :
prenant en charge la maintenance des installations techniques en inspectant les locaux et le matériel pour détecter et corriger les défaillances,appliquant le plan de maintenance préventif mis en place par le RMS (responsable maintenance et sécurité),veillant à la conformité des installations techniques,relevant les défaillances techniques (cahier, GMAO),informant la direction de l’établissement et le RMS de tout incident ou accident technique.- garantir le respect des règles de sécurité et d’hygiène, notamment, en :
assurant le respect des règlements et des consignes de sécurité (envers lui-même, le personnel de l’établissement et les prestataires extérieurs),contrôlant le bon fonctionnement des systèmes de mise en sécurité incendie,préparant et participant aux commissions de sécurité.
Pour exercer ces missions, le salarié doit notamment pouvoir accéder à la chaufferie qui se situe sur le toit-terrasse du bâtiment dont l’accès se fait par une échelle ainsi qu’il résulte des photographies produites et des documents de contrôle technique interne.

Selon la déclaration d’accident établie le 4 novembre 2020, le salarié a été vérifier la chaufferie en terrasse. Il a déclaré qu’en descendant de l’échelle, il aurait glissé et se serait cogné le genou droit contre une marche de l’échelle.
Dans ses dernières écritures, il indique qu’il a fait une chute de 5 mètres, en descendant de l’échelle après avoir contrôlé la chaufferie, et qu’il a atterri sur ses pieds.

Il a été examiné le jour même par un médecin de l’établissement, le docteur [F], qui a prescrit la réalisation d’une radiographie du genou en raison d’un traumatisme direct du genou droit, examen réalisé le jour même.

Il résulte de ce qui précède qu’en descendant du toit terrasse où il avait été contrôler la chaufferie, M. [Z] s’est blessé en utilisant l’échelle qui permet l’accès au toit.

L’employeur ne peut valablement soutenir que les circonstances du fait accidentel ne sont pas établies alors qu’elles correspondent à ce qu’il a mentionné dans la déclaration d’accident sans réserve.

Les circonstances de l’accident – chute en descendant l’échelle menant au toit – sont donc déterminées.

Sur la conscience du danger

La conscience du danger qui caractérise la faute inexcusable de l’employeur s’apprécie in abstracto et renvoie à l’exigence d’anticipation raisonnable des risques. Il n’appartient dès lors pas au demandeur d’apporter la preuve de la connaissance effective du risque auquel il était exposé par son employeur.

Cette conscience du danger n’implique pas que celui-ci soit évident et décelable sur-le-champ et peut résulter de la réglementation en matière de sécurité au travail.

Le seul fait pour un salarié d’avoir été exposé à l’occasion de son travail au risque ne suffit pas à caractériser la faute inexcusable. Il appartient en effet à la victime d’apporter la preuve de la conscience du danger que devait avoir l’employeur et de l’absence de mise en œuvre de mesures nécessaires pour l’en préserver.

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail : “l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.”

Aux termes de l’article L. 4121-2 du même code : “l’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

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3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.”

En l’espèce, il résulte des documents issus des contrôles techniques interne que celui du 26 mai 2015, mentionne, en ce qui concerne le contrôle du bâtiment, pour les locaux techniques, le domaine chaufferie se situant sur le toit terrasse un état “moyen” en raison d’un accès difficile. Celui du 27 septembre 2016 mentionne le même état “moyen” en raison de l’accès avec une échelle.

Il résulte par ailleurs des pièces produites par le demandeur que des devis avaient été établis en 2016 pour modifier l’accès : pose d’une échelle avec renfort sécurité antichute ou création d’un escalier pour accès au terrasse du 3ème étage.

Les dispositions de l’article R. 4323-63 du code du travail évoquées par le salarié relatives à l’exécution du travail en hauteur ne sont pas applicables en l’espèce. En revanche, les dispositions des articles R. 4321-1 – “l’employeur met à la disposition des travailleurs les équipements de travail nécessaires, appropriés au travail à réaliser ou convenablement adaptés à cet effet, en vue de préserver leur santé et leur sécurité.” – et R. 4321-2 du même code – “l’employeur choisit les équipements de travail en fonction des conditions et des caractéristiques particulières du travail. Il tient compte des caractéristiques de l’établissement susceptibles d’être à l’origine de risques lors de l’utilisation de ces équipements.”, le sont.

Par ailleurs, le paragraphe 2 de la sous section 4 de la section 8 du chapitre III du titre II du Livre III du code du travail, relatif aux échelles, escabeaux et marchepieds, comprend notamment des dispositions sur les échelles d’accès (article R. 4323-87 du code du travail) et sur leur utilisation. L’article R. 4323-88 du même code dispose : “Les échelles sont utilisées de façon à permettre aux travailleurs de disposer à tout moment d’une prise et d’un appui sûrs.”

Il résulte de ces éléments que le risque de chute liée à l’utilisation de l’échelle d’accès était identifié et il est donc établi que l’employeur avait conscience du danger auquel le salarié était exposé.

Sur les mesures prises par l’employeur

Contrairement à ce que soutient l’employeur, le fait que M. [Z], en sa qualité de responsable technique, n’ait pas fait application de son droit d’alerte ne saurait l’exonérer de l’obligation de sécurité qui pèse sur lui. Le risque de chute n’est au surplus pas un danger grave et imminent mais un risque inhérent à l’utilisation des échelles.

Si le salarié a pu suivre de nombreuses formations dans son domaine d’intervention, il n’est pas établi que l’employeur a pris des mesures préventives pour diminuer le risque de chute.

Le remplacement de l’échelle par une échelle dotée d’un renfort sécurité antichute, pour laquelle un devis a été établi en 2016, était de nature à diminuer le risque. Il est constant que cet équipement n’était pas installé au moment de l’accident.

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’alors que l’employeur avait conscience du danger, il n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger le salarié.

En conséquence, il y a lieu de retenir que l’accident du travail dont M. [Z] a été victime le 2 novembre 2020 résulte de la faute inexcusable de son employeur, la SA [12].

Sur les conséquences de la faute inexcusable à l’égard de la victime

Sur la majoration de la rente

Aux termes de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, “lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.”

Aux termes de l’article L. 452-2 du même code, “dans le cas mentionné à l’article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. […]
Lorsqu’une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d’incapacité totale. […]
La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans des conditions déterminées par décret.”

En l’espèce, M. [Z] a été consolidé le 18 décembre 2023. Son taux d’incapacité permanente partielle a été fixé à 19 % dont 4 % pour le taux professionnel pour “séquelles indemnisables d’un traumatisme du genou droit traité chirurgicalement et compliqué d’algodystrophie consistant en la persistance d’une limitation de la flexion et extension du genou droit avec douleur, gêne fonctionnelle et incidence professionnelle”.

En application des dispositions précitées, la faute inexcusable de l’employeur étant reconnue, l’assuré a droit à la majoration de la rente.

Sur la réparation des préjudices

Aux termes de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, « indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétique et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle».

Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que la victime d’un accident du travail causé par une faute inexcusable commise par l’employeur puisse demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

L’évaluation des préjudices nécessitant dans le cas d’espèce une expertise médicale, elle sera ordonnée sur cette base, selon les modalités précisées dans le dispositif du présent jugement.

Les frais d’expertise seront avancés par la caisse primaire d’assurance maladie en application des dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

Il sera rappelé que la charge de la preuve incombe au demandeur pour toutes demandes excédant les constatations de l’expert médical.

Sur la demande de provision

En application du 3° de l’article 789 du code de Procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le tribunal peut accorder une provision au créancier.

Au soutien de sa demande, M. [Z] produit diverses pièces médicales qui permettent l’octroi d’une provision à hauteur de 3000 euros.

Sur l’action récursoire de la caisse primaire d’assurance maladie

En application de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, déjà cité, la réparation des préjudices alloués à la victime d’un accident du travail dû à la faute inexcusable de l’employeur est versée directement au bénéficiaire par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur.
Il en est de même de la majoration prévue par l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale.

En application des dispositions précitées, la faute inexcusable étant retenue, il convient de faire droit à l’action récursoire de la CPAM de Seine-Saint-Denis et dire qu’elle pourra exercer son action récursoire à l’encontre de l’employeur.

Les autres demandes et les dépens seront réservées dans l’attente du dépôt du rapport de l’expert.

Sur l’exécution provisoire

L’exécution provisoire sera ordonnée en application des dispositions de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par décision contradictoire, mixte, rendue en premier ressort par mise à disposition au greffe,

Dit que l’accident du travail dont M. [C] [L] a été victime le 2 novembre 2020 est dû à la faute inexcusable de son employeur la SA [12] ;

Ordonne la majoration de la rente conformément aux dispositions de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;

Dit que la majoration suivra l’évolution éventuelle du taux d’incapacité attribué ;

Fait droit à l’action récursoire de la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis;

Avant dire droit sur la réparation du préjudice, ordonne une expertise médicale judiciaire ;

Désigne pour y procéder,

le Docteur [R] [X],
demeurant au [Adresse 5]
Tél: [XXXXXXXX01]
Courriel: [Courriel 10]

Lequel aura pour mission après voir examiné M. [C] [L], entendu les parties en leurs dires et observations, consulté le dossier, pris connaissance des témoignages ou attestations, s’être entouré de tous renseignements et avoir consulté tous documents médicaux et techniques utiles, de donner son avis sur les préjudices suivants et de les évaluer comme suit :

A partir des déclarations de la victime imputables au fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d’hospitalisation s’il y a lieu et, pour chaque période d’hospitalisation, la nature et le nom de l’établissement, le ou les services concernés et la nature des soins,Indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables à l’accident et, si possible, la date de la fin de ceux-ci,Décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l’autonomie et, lorsque la nécessité d’une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nécessité et son imputabilité,Décrire, à partir des différents documents médicaux, les lésions initiales et les principales étapes de l’évolution,Prendre connaissance et interpréter les examens complémentaires produits,Recueillir toutes les doléances actuelles de la victime en l’interrogeant sur les conditions d’apparition des douleurs et de la gêne fonctionnelle, sur leur importance et sur leurs conséquences,Procéder dans le respect du contradictoire à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,Analyser dans une discussion précise et synthétique l’imputabilité entre l’accident, les lésions initiales et les séquelles invoquées en se prononçant sur :la réalité des lésions initiales,la réalité de l’état séquellaire,l’imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales.Déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine, directe et exclusive avec l’accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou ses activités habituelles,Si l’incapacité fonctionnelle temporaire n’a été que partielle, en préciser le taux,Préciser la durée des arrêts de travail au regard des organismes sociaux au vue des justificatifs produits ; si cette durée est supérieure à l’incapacité temporaire retenue, dire si ces arrêts sont liés au fait dommageable,Établir le bilan fonctionnel en décrivant les mouvements, gestes et actes rendus difficiles ou impossibles,Dresser un bilan situationnel en précisant l’incidence des séquelles,Préciser la situation professionnelle de la victime avant l’accident, ainsi que le rôle qu’auront joué les conséquences directes et certaines de l’accident sur l’évolution de cette situation: reprise de l’emploi antérieur, changement de poste, changement d’emploi, nécessité de reclassement ou d’une formation professionnelle, possibilité d’un travail adapté, restriction à un travail occupationnel, inaptitude absolue et définitive à toute activité rémunératrice,Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées du fait des blessures subies (avant consolidation). Les évaluer selon l’échelle habituelle de 7 degrés,Décrire un éventuel état antérieur en interrogeant la victime et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles. Dans cette hypothèse : – Au cas où il aurait entraîné un déficit fonctionnel antérieur, fixer la part imputable à l’état antérieur et la part imputable au fait dommageable ;
– Au cas où il n’y aurait pas de déficit fonctionnel antérieur, dire si le traumatisme a été la cause déclenchante du déficit fonctionnel actuel ou si celui-ci se serait de toute façon manifesté spontanément dans l’avenir ;
Chiffrer, par référence au « Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun » le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (état antérieur inclus) imputable à l’accident, résultant de l’atteinte permanente d’une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu’elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après consolidation ; dans l’hypothèse d’un état antérieur, préciser en quoi l’accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation ;Donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique, en précisant s’il est temporaire ou définitif. L’évaluer selon l’échelle habituelle de 7 degrés, indépendamment de l’éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit fonctionnel proprement dit,Dire s’il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s’il recouvre l’un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l’acte sexuel proprement dit (impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction),Donner un avis sur l’assistance temporaire par une tierce personne, Evaluer, s’il y a lieu, le besoin d’aménagement du logement et/ou du véhicule, Donner un avis sur l’existence d’un préjudice d’agrément (l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir) et l’évaluer le cas échéant, Donner un avis sur tous autres préjudices permanents exceptionnels atypiques directement liés au handicap permanent (préjudices dont reste atteint la victime après sa consolidation et dont elle peut légitimement souhaiter obtenir une réparation).
Rappelle que l’expert peut prendre l’initiative de recueillir l’avis de tout spécialiste de son choix pour exécuter sa mission en vertu de l’article 278 du code de Procédure civile ;

Dit que l’expert devra, de ses constatations et conclusions, rédiger un rapport qu’il adressera au greffe du tribunal dans les quatre mois de sa saisine et au plus tard le 15 mars 2025 ;

Dit que la coordinatrice du service du contentieux social est chargée du suivi des opérations d’expertise conformément aux articles 273 et suivants du code de Procédure civile ;

Dit qu’il appartient à l’expert de solliciter une prorogation s’il pense ne pas pouvoir tenir les délais sans attendre que le greffe du tribunal lui adresse une lettre de rappel pour délai expiré ;

Dit que dans cette hypothèse, l’expert doit préciser les motifs de sa demande de prorogation et indiquer précisément le délai sollicité ;

Dit qu’en cas d’empêchement ou de carence de l’expert, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance ;

Dit que les frais d’expertise seront avancés par la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis ;

Fixe à la somme de 1 300 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert qui devra être consignée entre les mains du Régisseur d’Avances et de Recettes du tribunal judiciaire de Bobigny, avant le 15 décembre 2024 par la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis ;

Disons que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet ;

Ordonne le renvoi de l’affaire à l’audience de plaidoiries du service du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny du

lundi 5 mai 2025 à 11 heures – 7ème étage salle G
[Adresse 2]
[Adresse 2] ;

Accorde à M. [C] [L] une provision de 3000 euros ;

Dit que la notification de la présente décision par lettre recommandée avec accusé de réception vaut convocation des parties à cette audience ;

Dit qu’il appartient aux parties de conclure sur le fond dès réception du rapport d’expertise pour être en état de plaider à l’audience de renvoi ;

Réserve les autres demandes ;

Ordonne l’exécution provisoire ;

Rappelle que tout appel du présent jugement doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d’un mois à compter de sa notification.

Fait et mis à disposition au greffe, la minute étant signée par :

La greffière La présidente
Dominique RELAV Pauline JOLIVET


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