Recherche d’antériorité : les agences de communication responsables

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Recherche d’antériorité : les agences de communication responsables

Responsabilité d’une agence de communication

La responsabilité d’une agence de communication peut être engagée en l’absence de recherche d’antériorité alors qu’elle s’est vue confiée par son client une prestation de lancement de marque. 

Devis descriptif opposable

En l’occurrence, le devis accepté par le client comportait 4 postes :

1- Stratégie de communication,

2- Logo et déclinaisons,

3- Nom de marque,

4- Baseline.

La prestation proposée était une prestation de création et de dépôt de marque «’clé en main’», non pas une prestation de création uniquement.  Précisément, le poste 3 du devis «’nom de marque’» stipulait d’une part, les «’recherches créatives’» consistant en «’brainstorming’» et « en recherches des pistes créatives’» et d’autre part, la «’création du nom de marque’» comportant la «’vérification des droits d’utilisation’» et le «’dépôt du nom dans les 4 classes correspondantes’».

Absence de recherche réelle et sérieuse d’antériorités

Le client a démontré une absence de recherche réelle et sérieuse d’antériorités de la part de l’agence sur le terme déposé à titre de marque (attaqué en contrefaçon par un déposant tiers). En effet, aucun élément du dossier n’attestait de l’effectivité des diligences de la société. Aucune pièce versée au débat n’établissait la vérification de la disponibilité de la marque avant son dépôt, ce qui nécessitait de la part de l’agence la recherche d’antériorités et l’identification sérieuse d’éventuelles antériorités gênantes.

Responsabilité du professionnel

En sa qualité de professionnel chargé non seulement de la création d’une marque mais aussi de son dépôt, face à sa cliente profane en matière de propriété intellectuelle, en dépit de l’existence de 12 rendez-vous et d’échanges, la société devait procurer à son client toutes informations utiles sur le choix de la marque, y compris le choix du signe et des classes de produits et services, voire sur le territoire de protection, sur l’effet de son dépôt et sur le risque lié aux antériorités.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 10 Mars 2022

N° RG 19/01583

N° Portalis DBVX-V-B7D-MHJB

Décision du Tribunal de Commerce de Lyon

Au fond

du 08 janvier 2019

X

C/

SARL F G

APPELANTE :

Mme A X

née le […] à Vénissieux

[…]

69190 SAINT-FONS

Représentée par Me Eric DUMOULIN de la SCP DUMOULIN – ADAM, avocat au barreau de LYON, toque : 1411 et ayant pour avocat plaidant, Me Yann LORANG, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Thimothée FRINGANS-OZANNE, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SARL F G

[…]

[…]

Représentée par Me Denis QUENSON de la SELARL INCEPTO AVOCATS – DROIT DE L’ENTREPRISE, avocat au barreau de LYON, toque : 703, substitué par Me Lorraine LERAT, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 12 Mars 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Janvier 2022

Date de mise à disposition : 10 Mars 2022

Audience tenue par H-A I, président, et Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier

A l’audience, H-A I a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– H-A I, président

– Catherine CLERC, conseiller

– Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Catherine CLERC, pour le président empêché, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL F G (nom commercial «’Agence 33 degrés’») exerce à Lyon une activité d’agence de publicité et conseil en communication.

En 2015, préalablement à la constitution de sa société spécialisée dans le commerce de chaussures féminines de grande taille, Mme A X demeurant à Saint Fons a fait appel aux services de la société F G pour le lancement de sa marque.

Le 1er septembre 2015, elle a accepté un devis pour un montant réduit de moitié suivant une «’offre start up -50’%’» à une estimation entre 5.200€ HT et 6.700€ HT visant un «’lancement de marque’» comportant une stratégie de communication, la création d’un logo avec ses déclinaisons, la recherche d’une marque créative et une «’baseline’» (slogan).

Mme X a invoqué des manquements contractuels à l’égard de la société F G.

Sur son assignation du 21 mars 2016 et par ordonnance du 17 mai 2016, le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon a condamné la société F G à lui verser la somme provisionnelle de 8.040€ correspondant au prix payé en rejetant la demande au titre du préjudice moral. Par arrêt du 4 juillet 2017, la présente cour d’appel a réformé cette ordonnance eu égard à l’absence de pouvoir de la juridiction des référés.

Par acte du 11 octobre 2017, Mme X a fait assigner au fond la société F G.

Par jugement du 8 janvier 2019, le tribunal a :

• jugé que la société F G n’a commis aucun manquement contractuel en proposant à Mme X d’utiliser la marque «’D’» pour l’exercice de son activité, après avoir procédé aux recherches d’antériorité nécessaires,

• jugé que Mme X ne rapporte pas la preuve que l’utilisation de la marque «’D’» a constitué une contrefaçon ou une concurrence déloyale au préjudice du tiers exploitant pour une activité distincte d’architecte d’intérieur,

• jugé que la société F G a exécuté ses obligations contractuelles de bonne foi, en fournissant les prestations objet du contrat, dans les délais qui figurent dans le planning contractuel, débouté en conséquence Mme X de l’intégralité de ses demandes,•

• condamné Mme X à verser à la société F G 1.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.•

Mme X a interjeté appel par acte du 28 février 2019.

Par conclusions du 27 mai 2019 fondées sur les articles 1134, 1147, 1149 et 1184 du code civil, L.712-6 et L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, Mme X demande à la cour de :

recevoir son appel comme régulier et bien fondé,• réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,•

• juger qu’en ne procédant pas à des recherches d’antériorité comme elle s’y était engagée, qu’en ne livrant pas une prestation exempte de tout vice, qu’en ne respectant pas les délais de livraison de la prestation auxquels elle s’était engagée, qu’en ne livrant pas la prestation définitive comme elle s’y était engagée, la société F G a manqué à ses obligations,

• juger que la société F G a généralement manqué à son obligation de conseil s’agissant des recherches d’antériorité, et en ne lui conseillant pas de ne pas déposer la marque «’D’»,

• juger que la société F G a exécuté ses obligations contractuelles de mauvaise foi en l’encourageant à choisir la marque «’D’», en la déposant en son nom (de F G) et non au sien, en réservant en son nom (de F G) et non au sien le nom de domaine «’D.fr’», en refusant de signer sans raison le contrat de cession de la marque «’D’» à son profit et en ne répondant pas à ses sollicitations, en conséquence,• condamner la société F G à lui payer les sommes de’:• 11.378,14€ au titre du préjudice économique subi,• 5.000€ de dommages-intérêts pour perte de temps et perte de chance,• 5.000€ au titre du préjudice moral,• outre celle de 6.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,• et aux dépens,•

• le tout sous astreinte de 100€ par jour de retard constaté, passé un délai de 8 jours à compter de la signification de l’arrêt, la cour se réservant la faculté de liquider l’astreinte.

Par conclusions du 29 juillet 2019 fondées sur les articles 1147 et suivants du code civil dans leur version applicable au cas d’espèce, la SARL F G demande à la cour de :

confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,•

• y ajoutant, condamner Mme X à lui verser une somme de 5.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.• MOTIFS

Mme X engage la responsabilité contractuelle de F G pour réclamer l’indemnisation des préjudices qu’elle dit avoir subis du fait des manquements contractuels de cette dernière.

A noter que les parties invoquent la marque litigieuse sous l’orthographe «’D’» ou «’D’». La présente décision la discute sous le premier terme.

Les manquements de F G

En droit, une convention oblige les parties qui y souscrivent, exigeant une exécution de bonne foi de leur part, et sa résolution peut être demandée en justice si l’un des cocontractants n’a pas rempli ses obligations, permettant notamment à l’autre de solliciter des dommages-intérêts à titre d’indemnisation.

En fait, le devis accepté par Mme X le 1er septembre 2015 comporte 4 postes’:

1- Stratégie de communication,

2- Logo et déclinaisons,

3- Nom de marque,

4- Baseline.

La prestation proposée par F G est donc une prestation de création et de dépôt de marque «’clé en main’», non pas une prestation de création uniquement, comme le souligne utilement Mme X.

En substance, l’appelante reproche à F G divers manquements sous l’angle de l’absence de réalisation effective et dans le délai convenu des prestations visées au devis, du manquement à l’obligation de conseil et de la mauvaise foi dans l’exécution contractuelle, en soulignant -ce qui est crédible- que ces prestations convenues devaient conduire notamment à la création d’une marque utilisable tant esthétiquement que juridiquement de sorte à lui permettre le lancement et l’exploitation de sa nouvelle activité sans risque notamment juridique.

L’essentiel de sa motivation repose en effet sur la marque qui apparaît comme l’élément-clé de l’ensemble de la stratégie de communication envisagée et dont dépendent le logo et la baseline, à tel point que le devis est intitulé «’lancement de marque’».

Précisément, le poste 3 du devis «’nom de marque’» stipule’à charge de F G :

– d’une part, les «’recherches créatives’» consistant en «’brainstorming’» et « en recherches des pistes créatives’»,

– et d’autre part, la «’création du nom de marque’» comportant la «’vérification des droits d’utilisation’» et le «’dépôt du nom dans les 4 classes correspondantes’».

Les délais•

S’agissant tout d’abord des délais contractuels, si aucune mention n’est apposée sur le devis, en revanche le planning élaboré par F G et communiqué à Mme X, donc inclus dans le champ contractuel, qui note également -contrairement à ce que soutient F G- que la fin de la prestation est visée à février 2016 (lancement de la communication), vise clairement que l’étape «’choix du nom de marque et dépôt du nom’» doit être clôturée semaine 42 d’octobre 2015 (12-18 octobre). Aucun accord ultérieur n’y a apporté de modification.

En indiquant avoir adressé à Mme X un dossier de stratégie de communication (sa pièce 11, visée en p.3 de ses écritures) basé sur la marque «’D’» comportant plusieurs propositions de logos, plusieurs propositions de baselines ainsi qu’une charte graphique, en novembre 2015, tout en affirmant -contradictoirement- que l’ensemble de la prestation a été achevée à la fin du mois d’octobre 2015 (p.18 de ses écritures), F G affirme que ce planning n’était qu’indicatif, ce qui ne résulte nullement du contrat ou des mentions de ce planning.

Or, les parties s’accordent à dater la réservation par F G du nom de domaine «’D.fr’» le 30 octobre 2015 et le dépôt du terme «’D’» à titre de marque le 13 novembre 2015, ce qui objective un non-respect par F G du délai contractuel précité (semaine du 12 octobre).

Par ailleurs, il doit être jugé que ce délai a été d’autant moins respecté que F G a manqué à son obligation de délivrer une marque exempte de risques.

La recherche d’antériorités•

Mme X démontre de la part de F G une absence de recherche réelle et sérieuse d’antériorités sur le terme «’D’» à laquelle cette dernière devait s’astreindre avant de le lui proposer, étant retenu que, contrairement à ce que soutient l’appelante, celle-ci a bien avalisé le choix de cette marque «’D’» comme en atteste l’échange de courriels entre les parties des 27 et 30 octobre 2015, peu important l’absence d’écrit à ce sujet.

En effet, aucun élément du dossier n’atteste de l’effectivité des diligences de F G, que celle-ci affirme sans offre de preuve, en vue de vérifier les droits d’utilisation de la marque comme stipulé au devis, marque dont l’enregistrement confère un monopole à son titulaire.

Par ailleurs, aucune pièce versée au débat n’établit la vérification de la disponibilité de la marque «’D’» avant son dépôt, ce qui nécessitait de la part de F G la recherche d’antériorités et l’identification sérieuse d’éventuelles antériorités gênantes.

En sa qualité de professionnel chargé non seulement de la création d’une marque mais aussi de son dépôt, face à sa cliente profane en matière de propriété intellectuelle, en dépit de l’existence de 12 rendez-vous et d’échanges, F G devait lui procurer toutes informations utiles sur le choix de la marque, y compris le choix du signe et des classes de produits et services, voire sur le territoire de protection, sur l’effet de son dépôt et sur le risque lié aux antériorités.

Particulièrement sur le choix de la marque, Mme X démontre qu’avant d’avoir informé F G de son choix des 4 classes 18, 25, 16 et 35 par son courriel du 30 octobre 2015, effectué sans conseils précis de la part de F G, elle l’avait alertée sur l’existence d’une marque «’D E’», déposée en 2008, au sujet de laquelle F G ne prouve aucune démarche.

Par 2 courriels du 27 octobre 2015, F G a répondu à Mme X que ce nom déposé étant «’D E’», celui de «’D’» (sans le second terme) pouvait être utilisé, avant de préciser par le second courriel que le nom de «’D’» pouvait être déposé dans les classes 18 et 35 (relatives en substance aux produits du cuir  »; et services de vente notamment de chaussures’ ) ainsi que 25 (vêtements, chaussures, chapellerie, …) dès lors que D E proposait «’du design et de l’architecture, ce qui s’éloigne complètement de votre secteur d’activité’».

Pour protester contre cette version, Mme X produit la réponse de D E du 27 octobre 2017 à la demande du conseil de Mme X du 20 septembre 2017 évoquant une «’opposition à l’utilisation de la marque D n°4225537’» et en joignant un imprimé de déclaration de non-opposition. Cette réponse alerte clairement, en termes de risques tant financiers que juridiques, sur l’utilisation de sa marque «’D’» et/ou toutes les marques commerciales comportant la racine D, ce nom étant la contraction du nom de sa gérante B C, et recouvrant diverses activités d’architecture, de décoration intérieure, de négoce d’objets et de meubles.

Dans ses écritures, F G rétorque, au visa de l’article L.713-3 1° (risque de confusion / signes) et L.714-5 (déchéance) du code de la propriété intellectuelle, que «’D E’», marque comportant un second terme (E), n’exploite qu’une activité d’architecture d’intérieur sans aucun rapport avec la commercialisation de chaussures pour femmes, ce qui vaut pour cette société déchéance des droits sur la marque’; que le dépôt de la marque «’D’» n’a jamais fait l’objet de contestation’et que la dirigeante de D E n’a pas signé la déclaration d’opposition ; qu’antérieurement au dépôt de la marque «’D’» et lors de son examen préalable, l’INPI n’a signalé aucune atteinte à un droit antérieur’; qu’en outre, aucun risque n’existait d’action en contrefaçon ou en concurrence déloyale face à une activité d’architecte d’intérieur’; donc que la marque «’D’» était suffisamment «’distinctive’» de celle de «’D E’».

Ce qui doit être écarté au vu des moyens pertinents de l’appelante.

La notion de distinctivité évoquée par F G est inopérante sans lien avec la ressemblance des signes’et, peu important l’absence d’opposition signée par D E, aucun élément objectif n’établit que la marque «’D’» est suffisamment dissemblable de celle de «’D E’», étant encore noté l’existence révélée par Mme X de diverses marques déposées en classe 25 pouvant constituer des antériorités gênantes.

La circonstance que l’activité de Mme X est essentiellement le commerce de chaussures féminines de grande taille est d’autant plus indifférente que la marque «’D E’» est enregistrée aussi pour la classe 25, également visée dans le dépôt opéré par F G de la marque «’D’» et rien ne justifie de la déchéance invoquée par F G d’autant moins que cette déchéance doit, comme le souligne Mme X, être sollicitée en justice.

Encore, il ne revient nullement à l’INPI de procéder à des recherches d’antériorité, qui incombent au déposant.

Ainsi, dès lors que la marque «’D E’» constitue une antériorité potentiellement opposable à «’D’» quand bien même il serait possible en cas d’action judiciaire de demander la déchéance, il est ainsi prouvé que, à défaut de recherches d’antériorités et de communication d’informations adaptées, F G n’a pas assuré la prestation convenue, plaçant ainsi Mme X dans une situation de risque juridique avéré.

Mme X est ainsi fondée à soutenir que F G n’a pas fourni totalement la prestation convenue pour n’avoir pas fourni une marque utilisable en toute sécurité, ni initialement, ni même en adaptant le travail commencé afin de débloquer la situation comme Mme X le lui a ultérieurement proposé.

Le titulaire du dépôt•

Par ailleurs, Mme X reproche à bon droit à F G d’avoir procédé au dépôt de la marque sous son propre nom (de F G) au lieu du sien (Mme X), cette modalité n’étant pas contractuellement visée entre les parties et n’ayant pas été expliquée à Mme X qui n’a pas été à même de la refuser, à tel point que par courriel du 10 novembre 2015, Mme X demande à F G de lui «’confirmer qui sera propriétaire de la marque D » Moi en tant que personne physique ou la société D’».

Dans son courriel du 12 novembre 2015, F G a expressément écrit que «’si vous décidez de retenir définitivement la marque «’D’» qui est notre création et notre propriété intellectuelle, il va de soi que nous vous céderons la marque pour 1 euro (dès la facture soldée)’». Au lieu de respecter son obligation, en dépit du paiement annoncé de sa facture par la cliente, et également du transfert de nom de domaine de F G à Mme X confirmé par la facture du 11 décembre 2015 (puisque ce nom de domaine avait également été inscrit au nom de F G ce qui n’était pas plus contractuellement convenu), F G n’a pas opéré la cession de la marque déposée à son nom, empêchant Mme X de bénéficier d’une marque valide et utilisable pour débuter son exploitation.

Désormais, F G ne peut utilement soutenir que ce dépôt à son nom procédait d’une garantie de paiement, sous prétexte d’une clause de réserve de propriété que l’appelante critique utilement. En effet, d’une part, une telle clause, certes possible pour le travail de création graphique, ne s’applique pas au dépôt d’une marque du fait que la propriété de la marque résulte précisément de son dépôt et non pas d’un fait antérieur. D’autre part, aucun élément n’évoque un quelconque risque de non-paiement de la part de Mme X, tandis que F G admet l’acquittement par celle-ci de la totalité du prix, à la suite de la facture présentée par F G le’27 novembre 2015 réduite au montant porté au devis à la suite de l’accord d’un avoir de 444,60€ TTC du 11 décembre 2015.

Or, cet enregistrement au nom de F G a contraint Mme X à des démarches ultérieures, à sa charge, pour proposer à F G le 11 décembre 2015 un contrat de cession de marque à son profit, que F G en dépit de nombreuses relances n’a pas signé, prétextant de la non-conformité du contrat, et ce, sans aucunes explications, celle de l’absence prétendue de son conseil en fin de l’année 2016 communiquée ensuite n’étant pas plus justifiée. D’ailleurs, ce conseil n’évoque dans ses écritures aucun motif excusant l’absence d’acceptation de sa cliente de signer ce contrat, le prétendu renoncement à la marque de la part de Mme X, qu’elle avance, énoncée dans la mise en demeure du 20 janvier 2016 adressée par le conseil de Mme X, sollicitant au contraire la poursuite des relations par la finalisation de toute urgence des nouveaux logo et baseline et du dépôt aux frais de F G d’une nouvelle marque.

L’attitude à risque•

Au surplus, par courriel du 18 décembre 2015, F G, indiquant «’ne pouvoir en dire davantage pour l’instant’» (sur la signature du contrat de cession de marque), a affirmé à Mme X que «’votre démarrage d’activité peut commencer cela n’est pas bloquant, vous avez votre identité (logo, charte graphique) et votre nom (D)’».

Une telle affirmation, contraire à toute vigilance nécessitée par la matière alors que la marque déposée n’était pas exempte de vice, et n’était même pas la propriété de Mme X, est révélatrice de la mauvaise foi de F G qui lui a conseillé une attitude à risque.

Le refus de modifications•

Enfin, F G n’a pas accepté, comme le lui a proposé Mme X, d’apporter des modifications à ses prestations, ce qui était possible en conservant partie de sa création graphique, voire comme l’indique Mme X, en contrepartie d’honoraires supplémentaires, ce que F G n’a pas voulu envisager.

Ces constatations et considérations, qui autorisent Mme X à exciper de la mauvaise foi de sa cocontractante pertinemment développée dans ses écritures, en sus du non-respect de ses obligations contractuelles, fondent sa demande de retenir les divers manquements examinés à charge de F G, conduisant à l’indemnisation de ses préjudices en lien causal.

Les préjudices de Mme X

En droit, le cocontractant qui n’exécute pas ses obligations ou les exécute avec retard est condamné à verser à son adversaire des dommages-intérêts qui sont en général de la perte subie et du gain manqué. La perte de chance est par ailleurs constituée par la disparition de la probabilité d’un événement favorable et se chiffre à une proportion de la chance perdue.

En fait, Mme X sollicite l’indemnisation de ses préjudices comme suit’:

11.378,14€ au titre du préjudice économique,• 5.000€ de dommages-intérêts pour perte de temps et perte de chance,• et 5.000€ au titre du préjudice moral.•

Elle prouve que, du fait des manquements contractuels imputés à F G, elle s’est trouvée contrainte’:

– de contracter avec des sociétés tierces pour parvenir, ce dont elle justifie, au dépôt le 2 mars puis le 27 juin 2016 auprès de l’INPI d’une demande d’enregistrement pour une nouvelle marque «’Lymanyaa’», marque verbale puis semi-figurative, et entre-temps à l’immatriculation le 12 avril 2016 de sa société dénommée Mariame (et non Mariam Création comme l’avait suggéré F G) exploitant la commercialisation de sa gamme de chaussures sous cette marque,

– et de renoncer corrélativement à la marque «’D’», restée propriété de F G, alors qu’elle lui avait payé le prix total convenu, étant souligné que celle-ci n’est pas fondée à lui reprocher sa prudence à ne pas utiliser cette marque eu égard aux risques précédemment relevés.

F G est infondée à prétendre avoir exécuté les prestations convenues et que la réparation devrait s’apprécier au seul chiffrage du poste «’nom de marque’» de 1.200€ HT figurant sur le devis, dès lors que c’est la totalité du «’lancement de marque’» objet du devis, qui est l’objet de l’inexécution.

Le préjudice économique•

Il est justifié par les productions de Mme X à hauteur de la somme de 11.378,14€ totalisant’:

– le montant reversé par celle-ci à F G à la suite de l’exécution de l’arrêt d’appel en référé soit 9.554,14€ incluant le prix des prestations payé à F G à hauteur de 8.040€, prestations dont Mme X n’a pu finalement bénéficier par suite des risques qu’elle encourait, outre divers frais,

– les dépenses supplémentaires globales de 1.824€ acquittées entre mars et juin 2016 auprès d’une part, des sociétés tierces soit 720€ TTC versés à l’EURL Graine de Pub pour la création du logo et une intervention d’une heure, 600€ TTC versés à Mme Z pour la création de l’identité visuelle et l’identité de la nouvelle marque «’Limanyaa’», ainsi qu’auprès de l’INPI soit 252€ TTC pour le dépôt de la marque française nominale «’Limanyaa’» en classes 16, 18, 25 et 35 (n°4253471) et 252€ TTC pour le dépôt de la marque figurative (notée dans les écritures de son conseil) dans les mêmes classes (n°4283263).

Ce préjudice est directement et certainement lié aux manquements contractuels retenus à l’encontre de F G.

La perte de chance et perte de temps•

Mme X sollicite à ce titre deux sommes de 2.500€ chacune.

Il est certain en premier lieu qu’elle a été privée de la possibilité de présenter son entreprise lors de l’événement du 4 février 2016, date à laquelle il était indispensable de posséder une image de marque et une identité graphique nécessaires pour assurer marketing et communication. Comme elle l’indique, elle a perdu la chance de débuter son activité sous les meilleurs auspices.

Un tel préjudice estimé en terme de perte de chance, relié à l’incapacité de F G de remplir ses obligations, doit toutefois être limité à la somme de 2.000€, eu égard aux éléments de fait de l’espèce.

F G, qui à tort qualifie cette demande de préjudice éventuel, échoue également à écarter une telle prétention à défaut de justifier que la renonciation à la marque «’D’» est du seul fait de Mme X.

En revanche, sa demande tirée du temps perdu dans le démarrage de son activité doit être rejetée. Même s’il est exact, comme elle l’observe, que le temps est un élément précieux dans le monde des affaires, elle soutient que le logo de son entreprise devait être reproduit sur la semelle intérieure et extérieure des chaussures et que le retard à en disposer a décalé la production au Portugal, mais n’en offre aucune preuve.

Le préjudice moral•

Dans ce contexte de création d’une entreprise, Mme X invoque à juste titre, en dépit des protestations de la part de F G, avoir subi un préjudice de nature morale, du fait des agissements de la part de celle-ci, par suite des nombreux contretemps et faux espoirs qu’elle a dû gérer, de la dévalorisation de son image lors de la journée du 4 février 2016 ayant pu laisser croire à un manque de sérieux ou de compétence de sa part, ainsi que du stress enduré.

Il est justement évalué à la somme de 5.000€.

Globalement, l’indemnisation de Mme X à la charge de F G se chiffre au montant de 18.378,14€ (11.378,14€ + 2.000€ + 5.000€).

Les intérêts moratoires sont dus au taux légal à compter de ce jour et capitalisés de plein droit à l’anniversaire d’un an de la présente décision.

Les mesures annexes

Partie perdante, F G supporte les dépens de première instance et d’appel, ayant en outre la charge de verser une indemnité de procédure à l’appelante.

Enfin, la condamnation de F G étant de nature financière, il n’y a pas lieu de l’assortir d’une astreinte. La demande afférente de Mme X est rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne la société F G à payer à Mme A X la somme globale de18.378,14€ ainsi détaillée’:

11.378,14€ au titre du préjudice économique subi,• 2.000€ de dommages-intérêts pour perte de chance,• 5.000€ au titre du préjudice moral,•

Déboute Mme A X du surplus de sa demande au titre de la perte de chance et de celle au titre de la perte de temps,

Rappelle que les intérêts moratoires sont dus au taux légal à compter de ce jour et sont capitalisés de plein droit à compter du 10 mars 2023,

Condamne la société F G à verser à Mme A X une indemnité de procédure de 6.000€,

Déboute la société F G de sa demande du même chef,

Condamne la société F G aux dépens de première instance et d’appel,

Déboute Mme A X de sa demande d’astreinte.

Le Greffier, Pour le Président empêché


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