Recevabilité des demandes et effets du décompte général dans les contrats de travaux publics

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Recevabilité des demandes et effets du décompte général dans les contrats de travaux publics

La société d’économie mixte locale Communale de [Localité 11] (Semsamar) a lancé la construction d’un ensemble immobilier à [Localité 12], avec la société d’architecture Abati Architecture comme maître d’œuvre et un groupement d’entreprises pour l’exécution des travaux. En mars 2018, la Semsamar a convoqué le groupement pour constater l’absence d’achèvement des travaux. En avril 2018, le groupement a cité la Semsamar devant le tribunal mixte de commerce de Cayenne pour désigner un expert. Un expert a été nommé en septembre 2018, et son rapport a été rendu en juin 2023.

En mars 2022, le groupement a cité la Semsamar, Abati Architecture et son assureur devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant des paiements pour des travaux et des dommages. La Semsamar a contesté la recevabilité des demandes du groupement, mais le juge de la mise en état a débouté la Semsamar et l’a condamnée à payer 2 500 euros au groupement. La Semsamar a interjeté appel de cette ordonnance.

Dans ses conclusions, la Semsamar a demandé l’infirmation de l’ordonnance et la déclaration d’irrecevabilité des demandes du groupement. Les autres parties ont demandé la confirmation de l’ordonnance initiale. La cour a finalement infirmé l’ordonnance du 13 juin 2023, déclarant irrecevables les demandes du groupement et condamnant ce dernier aux dépens. La Semsamar a également été condamnée à recevoir 2 500 euros.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
23/10917
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 6

ARRET DU 6 SEPTEMBRE 2024

(n° /2024, 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/10917 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CH2KR

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 juin 2023 – Tribunal judiciaire de PARIS RG n° 22/04014

APPELANTE

Société COMMUNALE DE [Localité 11] (SEMSAMAR GUYANE) prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 13]

[Localité 9] (GUYANE)

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

INTIMEES

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS – MAF, société d’assurance mutuelle, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

S.A.R.L. BATI SOLEIL GUYANE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 8] (GUYANE)

Représentée par Me Morgan JAMET de la SELEURL MJ AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0739, substitué à l’audience par Me Delphine TINGRY, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. BRAMACA CONSTRUCTION prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 7] (GUYANE)

Représentée par Me Morgan JAMET de la SELEURL MJ AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0739, substitué à l’audience par Me Delphine TINGRY, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. ART’BAT prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 12] (GUYANE)

Représentée par Me Morgan JAMET de la SELEURL MJ AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0739, substitué à l’audience par Me Delphine TINGRY, avocat au barreau de PARIS

S.C.P. [X] ET [L] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée à l’audience par Me Sébastien GOULET de la SELAS L ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 13 juin 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Valérie GUILLAUDIER, conseillère faisant fonction de présidente

Mme Laura TARDY, conseillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Laura Tardy dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Manon CARON

ARRET :

– contradictoire.

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Laura Tardy, conseillère, pour la conseillère faisant fonction de présidente empêchée et par Alexandre Darj, greffier présent lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société d’économie mixte locale Communale de [Localité 11] (la Semsamar) a entrepris, en qualité de maître d’ouvrage, la construction d’un ensemble immobilier sur le territoire de la commune de [Localité 12].

Ont participé aux opérations de construction :

– la société d’architecture [X] et [L] exerçant sous l’enseigne Abati Architecture, en qualité de maître d »uvre, assurée par la Mutuelle des Architectes Français (la société MAF),

– un groupement composé de la société Bâti Soleil Guyane, de la société Bramaca Construction et de la société Art’Bat, pour l’exécution.

Par lettre en date du 12 mars 2018, le maître d’ouvrage a convoqué le groupement aux fins de constatation contradictoire de l’exécution des travaux et de l’absence d’achèvement.

Par acte d’huissier délivré le 23 avril 2018, la société Bâti Soleil Guyane, la société Bramaca Construction et la société Art’Bat ont fait citer la Semsamar devant le président du tribunal mixte de commerce de Cayenne, statuant en référé, aux fins de désignation d’un expert.

Par ordonnance de référé du 12 septembre 2018, le juge des référés a désigné M. [G] [Z] en cette qualité. Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Cayenne du 13 mai 2019.

Par ordonnance du 1er octobre 2021, le juge en charge du contrôle des expertises a désigné M. [D] [V] en lieu et place de M. [Z], lui-même remplacé par M. [N] [W], qui a accepté la mission, par ordonnance du 17 décembre 2021.

Par actes délivrés les 15, 16 et 22 mars 2022, la société Bâti Soleil Guyane, la société Bramaca Construction et la société Art’Bat ont fait citer la Semsamar, la société [X] et [L] et son assureur la société MAF devant le tribunal judiciaire de Paris, sollicitant la condamnation de la première à verser diverses sommes au titre du solde des travaux réalisés au 30 mars 2018, des dépenses exposées par le groupement en raison du retard imputable au maître d’ouvrage et des frais supportés au titre de la caution lors du démarrage des travaux ainsi que la condamnation de tous les défendeurs à des dommages et intérêts.

M. [N] [W] a rendu son rapport d’expertise le 4 juin 2023.

Estimant que les sociétés Bâti Soleil Guyane, Bramaca Construction et Art’Bat avaient méconnu les stipulations du cahier des clauses administratives générales, la Semsamar a saisi le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir prononcer l’irrecevabilité de leurs demandes.

Par ordonnance en date du 13 juin 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :

– déboutons la société Communale de [Localité 11] de ses prétentions aux fins d’irrecevabilité ;

– condamnons la société Communale de [Localité 11] à payer 2 500 euros aux sociétés Bâti Soleil Guyane, Bramaca Construction et Art’Bat en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamnons la société Communale de Saint Martin aux dépens d’incident ;

– ordonnons le renvoi de l’affaire à l’audience du juge de la mise en état du 30 octobre 2023 à 10h10 pour les conclusions de la société Communale de [Localité 11] au fond.

Par déclaration en date du 20 juin 2023, la Semsamar a interjeté appel de l’ordonnance, intimant devant la cour d’appel de Paris les sociétés MAF, Bâti Soleil Guyane, Bramaca Construction, Art’Bat et [X] et [L].

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 17 juillet 2023, la Semsamar demande à la cour de :

– dire la Semsamar recevable et bien fondée en ses demandes et y faisant droit de :

– infirmer l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris, en ce qu’il a débouté la société Communale de Saint Martin de ses prétentions aux fins d’irrecevabilité, et l’a condamnée à payer la somme de 2 500 euros aux sociétés Bâti Soleil Guyane, Bramaca Construction et Art’Bat, ainsi qu’aux entiers dépens d’incident ;

Statuant à nouveau :

– déclarer irrecevable l’ensemble des demandes des sociétés Bâti Soleil Guyane, Bramaca Construction et Art’Bat contenues dans leur acte introductif d’instance ;

– renvoyer l’affaire à une audience de mise en état devant le tribunal judiciaire de Paris, pour conclusions au fond de la Semsamar qui entend former une demande reconventionnelle aux fins de paiement du solde du marché figurant au décompte général et définitif du marché de travaux ;

– condamner les sociétés Bâti Soleil Guyane, Bramaca Construction et Art’Bat à payer à la Semsamar la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner les sociétés Bâti Soleil Guyane, Bramaca Construction et Art’Bat à payer à la Semsamar la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner les sociétés Bâti Soleil Guyane, Bramaca Construction et Art’Bat aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 août 2023, la société [X] et [L] demande à la cour de :

– donner acte à la société [X] et [L] qu’elle s’en rapporte à justice quant à la recevabilité des demandes formées par les sociétés Bâti Conseil Guyane, Bramaca Construction et Art’Bat à l’encontre de la Semsamar.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 4 août 2023, la société MAF demande à la cour de :

– juger l’appel de la Semsamar mal fondé ;

Par voie de conséquence,

– confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris du 13 juin 2023 en toutes ses dispositions ;

– débouter la Semsamar de ses plus amples demandes ;

– condamner la Semsamar à 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 28 juillet 2023, la société Bâti Soleil Guyane, la société Bramaca Construction et la société Art’Bat demandent à la cour de :

– débouter la Semsamar de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

– recevoir la société Bâti-Soleil, la société Art’Bat et la société Bramaca Construction en l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Par conséquent :

– confirmer les termes de l’ordonnance querellée en ce qu’elle a :

– débouté la société Semsamar de ses prétentions aux fins d’irrecevabilité,

– condamné la société Semsamar à payer 2 500 euros aux sociétés Bâti Soleil Guyane, Bramaca Construction et Art’Bat en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Semsamar aux dépens d’incident,

– ordonné le renvoi de l’affaire à l’audience du juge de la mise en état du 30 octobre 2023 à 10h10 pour les conclusions de la société Semsamar au fond,

– condamner la Semsamar à payer la somme de 5 000 euros aux sociétés Bâti-Soleil, Art’Bat et Bramaca Construction sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 16 mai 2024.

MOTIVATION

Sur la recevabilité des demandes des sociétés Bâti Soleil Guyane, Bramaca Construction et Art’Bat

Moyens des parties :

La Semsamar sollicite l’infirmation de l’ordonnance du juge de la mise en état qui a rejeté ses fins de non-recevoir. Elle fait valoir que les parties ont entendu soumettre le marché de travaux conclu entre elles aux stipulations du cahier des clauses administratives générales (CCAG) approuvé par l’arrêté du 8 septembre 2009 et applicable aux marchés publics, lequel énonce qu’en-dehors de la procédure qu’il prévoit spécifiquement pour l’élaboration du décompte général et définitif (DGD), aucune somme ne peut être réclamée. Elle précise qu’il ressort de la combinaison des articles 45, 47, 13 et 50 du CCAG, qu’en cas de résiliation du marché, le maître d’ouvrage notifie au titulaire du marché le décompte de liquidation du marché, qui se substitue au décompte général, et celui-ci dispose alors d’un délai de trente jours à compter de la réception de ce décompte pour l’accepter ou le contester. Dans l’hypothèse où le titulaire du marché ne renvoie pas le décompte signé, et ne motive pas son refus de le signer, le décompte général notifié est réputé accepté par lui, et devient le décompte général définitif du marché. Elle indique que les sociétés membres du groupement n’ont pas contesté dans les délais le décompte général qu’elle leur a envoyé le 5 mars 2020, de sorte qu’il est devenu le DGD, et conteste que le courrier qu’elles lui ont adressé le 17 octobre 2015 constitue un mémoire en réclamation comme considéré par le juge de la mise en état, alors que ce courrier était antérieur au décompte général, qu’il s’agissait d’une proposition de revalorisation du marché de travaux et que les sommes réclamées dans ce courrier différaient de celles de leur acte introductif d’instance. Enfin, elle soutient que le caractère indivisible et intangible du DGD constitue une fin de non-recevoir, et que si l’on admet que les sociétés du groupement ont adressé un mémoire en réclamation en 2015, elles disposaient d’un délai de six mois à compter de la décision implicite de rejet pour saisir la juridiction judiciaire à peine de forclusion, ce qu’elles n’ont pas fait.

Les sociétés Bâti Soleil Guyane, Bramaca Construction et Art’Bat rappellent que, conformément à l’article 50.1.1 du CCAG, si un différend survient entre le titulaire et le maître d’oeuvre, le titulaire rédige un mémoire en réclamation exposant les motifs de son différend, le montant de ses réclamations et y joint tous les justificatifs, l’article ne prévoyant aucun délai à la rédaction du mémoire. Elles font valoir qu’elles ont adressé au maître d’ouvrage et au maître d’oeuvre leur mémoire conforme à l’article 50 par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 octobre 2015, avant notification du DGD, et sans réponse du maître d’ouvrage et du maître d’oeuvre. Elles sollicitent la confirmation de l’ordonnance du juge de la mise en état.

La société [X] et [L], exerçant sous l’enseigne Abati Architecture, s’en rapporte à justice.

La société MAF conclut à la confirmation de l’ordonnance puisque la prétention aux fins d’irrecevabilité de la Semsamar basée sur les articles 50 ou 13.4.5 du CCAG est insusceptible de prospérer.

Réponse de la cour :

L’article 1134 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, applicable au présent litige, dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Il résulte des pièces produites par les parties que la société Bâti Soleil Guyane a, le 29 octobre 2014, signé en qualité de mandataire du groupement formé avec les sociétés Bramaca Construction et Art’Bat un cahier des clauses administratives particulières (CCAP) établi par la Semsamar pour la construction d’un ensemble de cent trente logements à [Localité 12], dénommé [Adresse 10]. Aux termes de l’article 2 du CCAP (pièce 2 de la Semsamar), constitue une pièce du marché, au quatrième rang, le CCAG applicable aux marchés de travaux publics approuvé par l’arrêté du 8 septembre 2009 et publié au JO du 1er octobre 2009, sans restriction. Le CCAG Travaux est donc entré dans le champ contractuel et l’ensemble de ses dispositions lient les parties (Cass., 3e Civ., 8 février 2018, n° 17-10.039).

Par mise en demeure du 26 janvier 2018 visant l’article 46.3 du CCAG (cas de résiliation du marché pour faute du titulaire), la Semsamar a mis la société Bâti Soleil Guyane, en qualité de mandataire du groupement, en demeure de ‘mobiliser l’ensemble des moyens nécessaires pour rattraper votre retard sur les prestations listées ci-dessus.’ Le maître d’ouvrage a ajouté qu »en l’absence d’exécution au 30 mars 2018, je prononcerai, conformément à l’article 11.9 du CCAP, la résiliation pour faute du marché public (…) pour non-respect des obligations contractuelles dans les délais contractuels (46.3.1.c du CCAP Travaux).’

Un constat de l’avancement des travaux pour le mois de mars 2018 a été établi par le maître d’oeuvre et un procès-verbal de constat a été dressé par huissier le 5 avril 2018. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er juin 2018, la Semsamar a prononcé la résiliation du marché pour faute du titulaire, visant notamment les articles 46.3, 47 et 48 du CCAG Travaux.

Le 5 mars 2020, la Semsamar a fait signifier le décompte général valant décompte de liquidation à la société Bâti Soleil Guyane, en visant l’article 47.2 du CCAG Travaux.

Conformément à l’article 47.2.1 du CCAG Travaux, ‘en cas de résiliation du marché, une liquidation des comptes est effectuée. Le décompte de liquidation du marché, qui se substitue au décompte général prévu à l’article 13.4.2, est arrêté par décision du représentant du pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire.’

Le paragraphe 13.4 du CCAG est relatif au décompte général. L’article 13.4.5 stipule que ‘dans le cas où le titulaire n’a pas renvoyé le décompte général signé au représentant du pouvoir adjudicateur, dans le délai de quarante-cinq jours fixé à l’article 13.4.4, ou encore, dans le cas où, l’ayant renvoyé dans ce délai, il n’a pas motivé son refus ou n’a pas exposé en détail les motifs de ses réserves, en précisant le montant de ses réclamations comme indiqué à l’article 50.1.1, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient alors le décompte général et définitif du marché.’

Il résulte du paragraphe 13.4 du CCAG Travaux qu’il est organisé une procédure d’établissement du décompte général, que doit suivre l’établissement du décompte de liquidation, prévoyant sa transmission au titulaire et le cas échéant la contestation de celui-ci, et ce en plusieurs phases qui se succèdent chronologiquement. Ainsi, la contestation du décompte général suit sa notification, laquelle fait courir un délai pour que le titulaire fasse connaître sa position, d’acceptation avec ou sans réserves ou de refus. Il s’ensuit que le courrier adressé par la société Bâti Soleil Guyane à la Semsamar le 17 octobre 2015, cinq ans avant la notification du décompte de liquidation, ne peut être considéré comme une réponse du titulaire du marché à l’envoi du décompte de liquidation, ce courrier contenant en réalité des demandes d’actualisation à la hausse du marché à hauteur de la somme de 384 815,08 euros à valider au plus tard le 30 novembre 2015.

Le groupement de sociétés ne justifie pas avoir fait connaître au maître d’ouvrage et/ou au maître d’oeuvre sa position (acceptation avec ou sans réserves ou refus motivé) à la suite de la notification du décompte de liquidation. Il est donc réputé l’avoir tacitement accepté (Cass., 3e Civ., 16 septembre 2021, n° 20-11.060).

Conformément à l’article 13.4.5 précité, le décompte de liquidation est devenu le DGD et les sociétés Bâti Soleil Guyane, Bramaca Construction et Art’Bat ne sont plus recevables à le contester.

C’est à bon droit que la Semsamar leur a opposé une fin de non-recevoir tirée de l’absence de contestation du décompte de liquidation dans le délai imparti par le CCAG Travaux.

Quant au courrier du 17 octobre 2015, qui contenait une annexe 3 dénommée ‘mémoire de réclamation du décalage de chantier arrêté au 15/10/2015″, les sociétés Bâti Soleil Guyane, Bramaca Construction et Art’Bat ne justifient pas d’une réponse apportée par le maître d’ouvrage et/ou le maître d’oeuvre dans un délai de quarante-cinq jours à compter de sa notification conformément à l’article 50.1.2 du CCAG Travaux, ce qui équivaut à un rejet implicite de la demande (Cass., 3e Civ., 8 février 2018, n° 17-10.039).

Il appartenait donc au groupement de saisir les juridictions judiciaires dans un délai de six mois à compter du refus implicite, l’article 50.3.3 précisant que ‘passé ce délai, il est considéré comme ayant accepté cette décision (de rejet) et toute réclamation est irrecevable.’

Les sociétés Bâti Soleil Guyane, Bramaca Construction et Art’Bat ne justifient pas de la saisine d’une juridiction judiciaire dans le délai de six mois imparti. Les demandes contenues dans le mémoire en réclamation du 17 octobre 2015 sont donc irrecevables comme étant forcloses.

L’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris sera infirmée. Statuant à nouveau, la cour déclare irrecevables les demandes formées par les sociétés Bâti Soleil Guyane, Bramaca Construction et Art’Bat à l’encontre de la société Semsamar et afférentes au décompte de liquidation devenu DGD.

Sur les frais du procès

Le sens de l’arrêt conduit à infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau et y ajoutant, la cour condamne les sociétés Bâti Soleil Guyane, Bramaca Construction et Art’Bat aux dépens de première instance et d’appel et à verser à la Semsamar la somme de 2 500 euros.

Les autres demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME l’ordonnance rendue le 13 juin 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DECLARE irrecevables les demandes des sociétés Bâti Soleil Guyane, Bramaca Construction et Art’Bat à l’encontre de la société d’économie mixte locale Communale de [Localité 11] et fondées sur le décompte général et définitif,

CONDAMNE les sociétés Bâti Soleil Guyane, Bramaca Construction et Art’Bat aux dépens de première instance et d’appel,

ADMET les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE les sociétés Bâti Soleil Guyane, Bramaca Construction et Art’Bat à verser à la société d’économie mixte locale Communale de [Localité 11] la somme de deux mille cinq cent euros (2 500 euros),

REJETTE les autres demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La conseillère pour la conseillère faisant fonction de présidente empêchée,


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