Recevabilité des Conclusions et Résiliation Contractuelle : Analyse des Obligations et Préjudices en Droit Civil

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Recevabilité des Conclusions et Résiliation Contractuelle : Analyse des Obligations et Préjudices en Droit Civil

Les époux [V] ont confié à la société AISH, devenue SFMI, la construction de leur maison pour un montant de 181 700 euros, avec un coût supplémentaire de 9 480 euros pour des travaux réservés. Un permis de construire a été obtenu le 3 mars 2017, et une assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès d’Aviva. Suite à des désordres constatés, les époux ont assigné le constructeur pour désigner un expert judiciaire, ce qui a conduit à un protocole d’accord non respecté. Ils ont résilié le contrat le 18 février 2020, imputant la faute au constructeur. En réponse, la société SFMI a contesté cette résiliation et a demandé le paiement de diverses sommes. Le tribunal a condamné les époux à payer certaines sommes à SFMI tout en déboutant leurs demandes. La société SFMI a ensuite été placée en liquidation judiciaire, et les époux ont interjeté appel. Ils ont demandé la réformation du jugement, la résiliation du contrat aux torts exclusifs de SFMI, et la fixation de créances au passif de la liquidation. La cour a confirmé certaines décisions du tribunal tout en prononçant la résiliation du contrat aux torts exclusifs de SFMI et en fixant des créances à son passif.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 septembre 2024
Cour d’appel de Grenoble
RG
22/04378
N° RG 22/04378 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LTRS

N° Minute :

C3

Copie exécutoire délivrée

le :

à

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 10 SEPTEMBRE 2024

Appel d’un jugement (N° R.G. 21/00558) rendu par le tribunal judiciaire de Bourgoin Jallieu en date du 22 novembre 2022, suivant déclaration d’appel du 8 décembre 2022

APPELANTS :

M. [C] [V]

né le 25 Mai 1965 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Mme [N] [V] née [M]

née le 13 Mai 1956 à [Localité 8] (ITALIE)

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉES :

S.A.S. SOCIETE FRANCAISE DE MAISONS INDIVIDUELLES SFMI prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

S.E.L.A.R.L. [T] prise en la personne de Me [J] [T] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SFMI

[Adresse 6]

[Localité 4]

non représentées

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle Cardona, présidente

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,

Mme Ludivine Chetail, conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 27 mai 2024, Mme Ludivine Chetail, conseillère, et Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, chargée du rapport, assistées de Caroline Bertolo, greffière, ont entendu seules les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 4 septembre 2016, les époux [V] ont confié à la société AISH, absorbée ultérieurement par la société SFMI, la construction de leur maison d’habitation à [Localité 5].

Le prix convenu s’élevait à 181 700 euros, et le coût des travaux réservés par les maîtres de l’ouvrage à 9 480 euros.

Une assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la société Aviva, tandis que la garantie de livraison était confiée à la société CBL Insurance.

Le permis de construire a été accordé le 3 mars 2017.

Se plaignant de désordres, les époux [V] ont assigné leur constructeur en vue de la désignation d’un expert judiciaire, ce qui a été ordonné par décision du 21 novembre 2018.

Les parties ont conclu un protocole d’accord.

Ce protocole n’ayant pas été respecté selon eux, les époux [V] ont procédé à la résiliation du contrat de construction aux torts exclusifs du constructeur par courrier du 18 février 2020.

La société SFMI a assigné les époux [V] en vue de contester la résiliation à ses torts exclusifs et de les faire condamner à lui régler une somme de 34 373,64 euros au titre du reliquat des appels de fonds hors d’eau et hors d’air ainsi qu’une somme de 18 146,2 euros au titre d’un manque à gagner outre 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 22 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Bourgoin Jallieu a :

– condamné M. [C] [V] et Mme [N] [V] à payer à la société française de maisons individuelles la somme de 34 373,64 euros ;

– condamné M. [C] [V] et Mme [N] [V] à payer à la société française de maisons individuelles la somme de 18 146,20 euros ;

– débouté M. [C] [V] et Mme [N] [V] de la demande de condamnation de la société française de maisons individuelles au paiement de la somme de 27 281,20 euros ;

– débouté M. [C] [V] et Mme [N] [V] de la demande de condamnation de la société française de maisons individuelles au paiement de la somme de 30 874,55 euros ;

– débouté M. [C] [V] et Mme [N] [V] de la demande de condamnation de la société française de maisons individuelles au paiement de la somme de 21 690,58 euros ;

– débouté M. [C] [V] et Mme [N] [V] de la demande de condamnation de la société française de maisons individuelles au paiement d’une indemnité de 7 000 euros et d’une indemnité de 5 000 pour préjudice moral ;

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

Par jugement du 29 novembre 2022, la société SFMI a fait l’objet d’une liquidation judiciaire.

Me [T] a été désigné ès qualités de liquidateur judiciaire.

Par déclaration en date du 8 décembre 2022, les époux [V] ont interjeté appel du jugement.

Par courrier recommandé, ils ont procédé à la déclaration de leurs créances entre les mains du liquidateur.

Dans leurs conclusions notifiées le 2 mars 2023 et signifiées le 24 mars 2023 à la SFMI et à la SELARL [T], les époux [V] demandent à la cour de:

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a:

condamné M. [C] [V] et Mme [N] [V] à payer à la société française de maisons individuelles la somme de 34 373,64 euros ;

condamné M. [C] [V] et Mme [N] [V] à payer à la société française de maisons individuelles la somme de 18 146,20 euros ;

débouté M. [C] [V] et Mme [N] [V] de la demande de condamnation de la société française de maisons individuelles au paiement de la somme de 27 281,20 euros ;

débouté M. [C] [V] et Mme [N] [V] de la demande de condamnation de la société française de maisons individuelles au paiement de la somme de 30 874,55 euros ;

débouté M. [C] [V] et Mme [N] [V] de la demande de condamnation de la société française de maisons individuelles au paiement de la somme de 21 690,58 euros ;

débouté M. [C] [V] et Mme [N] [V] de la demande de condamnation de la société française de maisons individuelles au paiement d’une indemnité de 7 000 euros et d’une indemnité de 5 000 pour préjudice moral ;

dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

– le confirmer pour le surplus et, statuant à nouveau :

– prononcer la résiliation du contrat de construction de maison individuelle au 18 février 2020 aux torts exclusifs de la société SFMI ;

– ordonner la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société SFMI des créances suivantes :

27 281,20 euros au titre des travaux de reprises des malfaçons dont les chiffrages établis par devis seront à indexer sur l’indice BT01 au jour de la signification par huissier de la décision à intervenir ;

2 362,10 euros au titre de l’assurance dommage-ouvrage ;

27 397,44 euros au titre des pénalités de retard ;

30 874,55 euros au titre de l’irrégularité du prix dont les chiffrages établis par devis seront à indexer sur l’indice BT01 au jour de la signification par huissier de la décision à intervenir ;

21 690,58 euros au titre du préjudice matériel ;

7 000 euros au titre du préjudice moral subi par Madame [V],

5 000 euros au titre du préjudice moral subi par Monsieur [V] ;

15 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

les entiers dépens de première instance et d’appel ;

– ordonner, à titre subsidiaire, la compensation judiciaire entre les créances réciproques connexes et constater en conséquence l’extinction de la créance de la société SFMI.

Au soutien de leurs demandes, les époux [V] exposent que les fautes commises par la société SFMI justifient la résiliation du contrat à ses torts exclusifs.

Ils énoncent à cet égard que l’absence d’achèvement du chantier caractérise un abandon de celui-ci par le constructeur, que de multiples malfaçons ont été relevées, que la société n’a pas respecté les termes du protocole d’accord signé par les parties.

Ils précisent que leurs demandes portent uniquement sur les reprises des malfaçons, qu’aucune demande n’est formulée au titre des travaux nécessaires pour terminer l’ouvrage par la réalisation du second ‘uvre, le contrat ayant été rompu au stade hors d’air.

Ils contestent devoir une quelconque somme à la société SFMI, compte tenu des sommes dues par cette dernière au titre des pénalités de retard, et de la retenue de 8 000 euros qu’ils ont opérée, justifiée selon eux au vu de la carence du constructeur.

Ils contestent également tout manque à gagner de l’intimée, les premiers juges ayant pris en compte un mauvais fondement juridique.

Ils refusent de procéder au remboursement des sommes facturées au titre de l’assurance dommages-ouvrage, puisque la société SFMI n’a pas produit la convention de garantie conclue avec l’assureur dommages-ouvrage, fixant la cotisation réellement reversée pour le chantier des époux [V], et n’a pas davantage justifié par la facture de l’assureur, du paiement de ce montant.

Ils font état de l’irrégularité du prix et rappellent que le législateur a fait peser sur le professionnel une obligation de chiffrage renforcé, qui concerne non seulement les travaux qu’il réalise, mais également ceux dont le maître de l’ouvrage se réserve l’exécution (et qu’il fera réaliser à des entreprises extérieures), en application de l’article L.231-2 du code de la construction. Ils rappellent également qu’en cas de sous-évaluation du prix d’une prestation dans la notice descriptive, ce qui est le cas en l’espèce pour plusieurs postes, le constructeur devait prendre en charge la différence.

Ils énoncent que le cumul entre pénalités de retard et indemnisation des préjudices est possible.

Les époux [V] ont notifié de nouvelles conclusions le 28 novembre 2023, la seule différence portant sur les entiers dépens de première instance et d’appel, avec droit pour Maître [L] [S] d’en recouvrer directement ceux dont il aurait fait l’avance sans en recevoir provision, en application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

La SFMI, représentée par son liquidateur, cité à personne habilitée, n’a pas constitué avocat, l’arrêt sera réputé contradictoire.

La clôture a été prononcée le 15 mai 2024.

MOTIFS

Sur la recevabilité des conclusions du 28 novembre 2023

Il résulte de la procédure que les conclusions du 28 novembre 2023, si elles ont bien été notifiées par message RPVA et portées de ce fait à la connaissance de la cour, n’ont été signifiées ni à Me [T], ni à la société SFMI par voie de commissaire de justice. Elles sont donc irrecevables et seules peuvent être prises en compte les précédentes conclusions signifiées le 24 mars 2023.

Sur la résiliation du contrat

Selon l’ancien article 1184 du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Les époux [V] ont visé l’article 1226 du code civil dans leur courrier de mise en demeure, mais ce dernier était inapplicable compte tenu de la date à laquelle le contrat CCMI a été signé. Ils ne pouvaient donc pas comme leur permet cet article, prononcer la résolution du contrat de manière unilatérale, mais uniquement demander celle-ci en justice, comme l’indique l’article 1184 précité. En revanche, leur courrier doit s’interpréter comme étant une volonté de faire valoir une exception d’inexécution, étant observé que l’article 1184 reste en tout état de cause applicable devant la juridiction.

Il n’y a dès lors pas lieu de savoir si les manquements reprochés à l’autre partie sont suffisamment graves, mais uniquement de vérifier que l’une des parties a ou non satisfait à son engagement.

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que suite aux malfaçons constatées tant par l’expert mandaté par les époux [V] que par celui mandaté par la société AISH, un protocole d’accord a été signé le 22 mars 2019, aux termes duquel la société SFMI:

– acceptait de prendre en charge financièrement les deux bureaux d’étude structure et thermique demandés par l’expert [I].

– acceptait de prendre en charge les reprises telles qu’énumérées par le rapport de Monsieur [I], à savoir :

collage des joints non conformes

défauts de conformité des ferraillages

verticalité et aplomb des murs et poteaux hors tolérances

non-conformité de croisement des joints dans un angle

alignement et rectitude des poteaux hors tolérances

appui des coffres de volets roulants non conformes

appui des poutres BA insuffisant

bétonnage grossier des tableaux terre cuite entraînant un phénomène de fissuration dans le temps

croisements des angles à 120° mal réalisés avec fissuration dans le temps

fissuration verticale

existence de ponts thermiques très nombreux

fixations sous le talon des poutrelles mal réalisées

traitements des joints verticaux non respectés

pose des menuiseries extérieures mal réalisée

existence d’humidité dans doublage

non-conformité du trop-plein terrasse

contre-pente couvertines

– acceptait de remplacer à ses frais les menuiseries qui pourraient être abîmées pendant les travaux

– acceptait de corriger le décrochet et supprimer le 2ème poteau mis en place suivant photo ci-après

– acceptait de changer les tuiles posées par les tuiles initialement prévue à savoir des Tuiles Béton Innotech Graphite

– acceptait d’effectuer les travaux de façade conformément à la couleur initialement choisie : blanc lumière et gris clair

– s’engageait sur la modification traitée en directe avec le plaquiste à savoir la réalisation casquette pour encastrer la haute de la cuisine ensuite du constat de la non-conformité de la hauteur du plafond

– acceptait de remplacer la PAC avec liaison hydraulique (prévue au contrat) par une PAC avec liaison frigorifique.

– acceptait de procéder en fin des travaux prévus aux présentes au nettoyage du chantier

– s’engageait à faire procéder par l’intermédiaire de Monsieur [I] un constat de bonne exécution des travaux prévus au présent protocole qui vaudra PV de réception des ouvrages en l’état et à prendre en charge les frais de ce dernier et à exécuter sa ns délais les remarques ou corrections qu’il pourrait solliciter en vue de respecter les termes du présent protocole conformément à l’article 2 ci-après [..].

– s’engageait à verser à M et Mme [V] la somme 5 000 euros en dédommagement de tous les frais déboursés par les maîtres d’ouvrage pour le litige sur les malfaçons de l’ouvrage ( frais d’expertise frais d’avocat, frais de procédure). Cette somme sera reversée aux clients par chèque à la signature des présentes par toutes les parties

– s’engageait à verser une somme de 1 000 euros en dédommagement de la diminution de la surface habitable. Cette somme sera reversée aux clients par chèque à la signature des présentes par toutes les parties.

Les pénalités de retards prévues au contrat sont applicables à compter du 22 novembre 2018 (délai non négociable).

En contrepartie, les maîtres d’ouvrage s’engageaient notamment à accepter de régler au constructeur la somme de 63 416,50 euros correspondant aux appels de fond restés impayés sous réserve du constat de la bonne exécution des travaux qui serait établi par Monsieur [I] :

– AF du hors d’eau en date du 2 mars 2018 d’un montant de 36 197,20 euros

– AF du hors d’air en date du 20 mars 2018 d’un montant de 27 219,30 euros

Au titre du délai d’exécution, il était indiqué :

Le constructeur s’engage à exécuter les travaux ci-dessus sous la maîtrise d’oeuvre de Monsieur [I].

Les maîtres d’ouvrage après constat de bonne exécution de Monsieur [I] s’engagent à verser dans un délai de 15 jours la somme de 63416,50 euros sur laquelle seront déduites des pénalités de retard calculées à compter du 22 novembre 2018.

Les époux [V], qui ont procédé au paiement de la somme de 29 042,86 euros, correspondant selon eux à la somme due, dont ils ont déduit 8 000 euros à titre de garantie pour les travaux restant à exécuter et le solde au titre des pénalités de retard, versent aux débats un courrier de mise en demeure de leur Conseil en date du 5 février 2020, ainsi et surtout que deux constats d’huissier en date des 18 février et 12 mars 2020.

Il résulte de ces constats que les joints du carrelage, les grilles d’entrée d’air sur certaines porte-fenêtres, la reprise des couvertines n’ont pas été réalisés, que la teinte de l’enduit de façade n’est pas uniforme, que le chantier n’est pas déblayé, que les ponts thermiques n’ont pas été traités, avec des espaces de 3 cm entre le pied de certaines portes et le sol.

Par ailleurs, et comme l’indiquaient les appelants, M. [I] dans son attestation en date du 22 janvier 2020, indique simplement: ‘j’atteste que les préconisations rédigées par le bureau d’études A2B afin de pallier aux (sic) malfaçons rencontrées sur la structure maçonnée l’ont été au regard de règles parasismiques en vigueur.

Sous réserve de la bonne réalisation de ces dernières, et du respect des recommandations du bureau d’études, la structure ne présente plus de risques particuliers’.

Cette attestation ne signifie nullement que les travaux prévus ont été correctement réalisés.

Les époux [V] rapportent donc la preuve que la société AISH devenue SFMI n’a pas respecté ses engagements, ce qui justifie de faire application de l’article 1184 du code civil et de prononcer la résiliation du contrat, à compter du 18 février 2020.

Sur le paiement des travaux de reprise

Certains travaux ne correspondent pas à ceux devant être repris par la société AISH devenue SFMI dans le protocole d’accord. Seuls seront retenus les travaux relatifs aux couvertines et aux façades, pour un montant de 20352, 40 euros.

Sur les pénalités de retard

Les articles L.231-2 i) et R.231-14 du code de la construction et de l’habitation disposent qu’en cas de retard de livraison, les pénalités de retard dues par le constructeur ne peuvent être fixées à un montant inférieur à 1/3000e du prix convenu par jour de retard.

Le prix étant de 181 462 euros, la pénalité journalière s’élève 1/3000e du prix, soit 60,48 euros.

Le retard ouvrant droit aux pénalités étant de 453 jours (jusqu’au 18 février 2020), c’est à juste titre que le premier juge a calculé le montant des pénalités à la somme de 27 397,44 euros.

La somme qui devait être payée de 63 416,50 euros supposait que les travaux aient été effectués par la société SFMI, avec attestation de M. [I]. Or tel n’est pas le cas, et la retenue de 8 000 euros opérée par les époux [V], sachant qu’ils ont payé une somme de 29 042,86 euros, qu’ils n’étaient nullement dans l’obligation de payer au vu des termes du protocole, est légitime.

Sur l’application de l’article 28 du contrat CCMI

Cet article n’est applicable que dans le cadre de l’article 1794 du code civil, qui ne sert pas de fondement à l’action des époux [V], la demande est rejetée.

Sur le remboursement des sommes facturées au titre de l’assurance dommages-ouvrage

Les époux [V] communiquent la facture émise par la société AISH devenue SFMI, pour un montant de 2 362,10 euros, mais la preuve n’est pas rapportée que la convention a bien été signée, c’est à juste titre que le premier juge a condamné l’intimée au remboursement de cette somme.

Sur le prix

Selon l’article L.231-2 du code de la construction, « c) la consistance et les caractéristiques techniques du bâtiment à construire comportant tous les travaux d’adaptation au sol, les raccordements aux réseaux divers et tous les éléments d’équipement intérieur ou extérieur indispensable à l’implantation et à l’utilisation de l’immeuble ;

d) le coût du bâtiment à construire, égal à la somme du prix convenu et, s’il y a lieu, du coût des travaux dont le maître de l’ouvrage se réserve l’exécution, en précisant :

– d’une part le prix convenu qui est forfaitaire et définitif [‘] et qui comporte la rémunération de tout ce qui est à la charge du constructeur, y compris le coût de la garantie livraison ;

– d’autre part, le coût des travaux dont le maître de l’ouvrage se réserve l’exécution, ceux-ci étant décrits et chiffrés par le constructeur et faisant l’objet, de la part du maître de l’ouvrage, d’une clause manuscrite spécifique et paraphée par laquelle il en accepte le coût et la charge ».

Selon l’article R231-4, « est annexé au contrat visé à l’article L.231-2 une notice descriptive conforme à un modèle type agréé par arrêté du ministre chargé de la construction et de l’habitation indiquant les caractéristiques techniques tant de l’immeuble lui-même que des travaux d’équipement intérieur ou extérieur qui sont indispensables à l’implantation et à l’utilisation de l’immeuble.

Cette notice fait la distinction prévue à l’article L.231-2 (d) entre ces éléments selon que ceux-ci sont ou non compris dans le prix convenu. Elle indique le coût de ceux desdits éléments dont le coût n’est pas compris dans le prix.

La notice mentionne les raccordements de l’immeuble à l’égout et aux distributions d’eau, de gaz, d’électricité ou de chauffage, en distinguant ceux qui sont inclus dans le prix et, s’il y a lieu, ceux dont le coût reste à la charge du maître de l’ouvrage ».

Il résulte du contrat signé le 4 septembre 2016 que plusieurs travaux étaient réservés aux maîtres d’ouvrage, évalués aux sommes suivantes :

– 440 euros au titre de l’évier de cuisine

– 280 euros au titre du lavabo dans la salle de bain

– 1 600 euros au titre des peintures intérieures

– 200 euros au titre de l’attestation BBIO

– 2 400 euros au titre du chemin d’accès provisoire pour les travaux

– 4 500 euros au titre des installations nécessaires aux branchements à l’intérieur du terrain et les eaux pluviales,

soit un total de 9 420 euros.

Les époux [V] sollicitent une somme de 27 281,20 euros en se fondant sur les articles précités, toutefois, c’est à juste titre que le premier juge a souligné que la somme demandée l’était dans le cadre d’une exécution forcée du contrat alors qu’ils sollicitaient une résiliation.

Les époux [V] ne présentent pas leurs prétentions comme une demande de dommages-intérêts et ne caractérisent pas un préjudice susceptible de résulter de la résiliation du contrat, celles ci seront donc rejetées.

Sur les dommages et intérêts

Les époux [V] ne justifient pas au vu des pièces produites d’un préjudice distinct de celui réparé par les pénalités de retard s’agissant d préjudice matériel et notamment des loyers.

En revanche, ils caractérisent l’existence d’un préjudice moral, distinct, qui justifient de leur allouer à chacun la somme de 3 000 euros.

La société SFMI succombant à l’instance, il convient de fixer au passif le coût des dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Déclare irrecevables les conclusions du 28 novembre 2023 ;

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :

– débouté M. [C] [V] et Mme [N] [V] de la demande de condamnation de la société française de maisons individuelles au paiement de la somme de 27 281,20 euros,

– débouté M. [C] [V] et Mme [N] [V] de la demande de condamnation de la société française de maisons individuelles au paiement de la somme de 30 874,55 euros,

– débouté M. [C] [V] et Mme [N] [V] de la demande de condamnation de la société française de maisons individuelles au paiement de la somme de 21 690,58 euros,

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a :

– condamné M. [C] [V] et Mme [N] [V] à payer à la société française de maisons individuelles la somme de 34 373,64 euros,

– condamné M. [C] [V] et Mme [N] [V] à payer à la société française de maisons individuelles la somme de 18 146,20 euros,

– débouté M. [C] [V] et Mme [N] [V] de la demande de condamnation de la société française de maisons individuelles au paiement d’une indemnité de 7 000 euros et d’une indemnité de 5 000 euros pour préjudice moral ;

et statuant de nouveau,

Prononce la résiliation du contrat de construction de maison individuelle au 18 février 2020 aux torts exclusifs de la société SFMI ;

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société SFMI les sommes suivantes:

– 20 352,40 euros au titre des travaux de reprise,

– 2 362,10 euros au titre de l’assurance dommage-ouvrage,

– 27 397,44 euros au titre des pénalités de retard,

– 3 000 euros au titre du préjudice moral subi par Madame [V],

– 3 000 euros au titre du préjudice moral subi par Monsieur [V],

– 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– le coût des dépens ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE                                        LA PRÉSIDENTE


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