Recevabilité de l’appel et relevé de forclusion

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Recevabilité de l’appel et relevé de forclusion

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4IF

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 JANVIER 2023

N° RG 22/01307

N° Portalis DBV3-V-B7G-VBH6

AFFAIRE :

S.A.S. FRAIKIN ASSETS

C/

S.A.R.L. FCM SERVICES

….

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Novembre 2021 par le Tribunal de Commerce de Nanterre

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2021L01784

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Anne-Sophie REVERS

Me Véronique BUQUET-ROUSSEL

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. FRAIKIN ASSETS

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentant : Me Anne-Sophie REVERS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 4

Représentant : Me Timothée BERTRAND, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

S.A.R.L. FCM SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 4]

S.A.S. ALLIANCE, mission conduite par Me [J] [B] ès qualités de mandataire judiciaire de la société FCM SERVICES

[Adresse 2]

[Localité 4]

S.E.L.A.R.L. BCM mission conduite par Me [Z] [O] ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société FCM SERVICES

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462N° du dossier 6822

Représentant : Me Yvon THIANT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller et Madame Delphine BONNET, conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,

La SAS Fraikin assets qui a pour activité la location et la maintenance de véhicules industriels et commerciaux en Europe et la SARL FCM services, qui exploite une activité de transport public routier de marchandises ou de location de véhicules industriels pour le transport de marchandises, ont conclu plusieurs contrats pour la location de véhicules.

A la suite de factures impayées, le tribunal de commerce de Nanterre, par jugement du 29 mars 2019, a notamment condamné la société FCM services à payer diverses sommes à la société Fraikin assets pour un montant total en principal de 64 887,40 euros et a ordonné la compensation entre ce montant et les sommes de 6 793,75 euros et 22 391,23 euros déjà réglées.

Un appel a été interjeté à l’encontre de ce jugement.

Par jugement en date du 26 novembre 2019, publié au Bodacc le 5 décembre suivant, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société FCM services.

Dans le cadre de la procédure d’appel du jugement du 29 mars 2019, le magistrat de la mise en état, par ordonnance contradictoire du 9 janvier 2020, a constaté l’interruption de l’instance du fait de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

La société Fraikin assets, par lettre du 19 mai 2020 reçue au greffe le lendemain, a sollicité le relevé de forclusion de sa créance.

Par ordonnance du 25 mai 2021, notifiée par courrier daté du 28 mai 2021, le juge-commissaire désigné dans la procédure collective de la société FCM services a rejeté la demande en relevé de forclusion de la société Fraikin assets.

Par jugement du 30 juillet 2021, le plan de redressement de la société FCM services a été adopté.

Par acte d’huissier du 14 septembre 2021, la société Fraikin assets a formé opposition à l’ordonnance du juge-commissaire devant le tribunal de commerce de Nanterre, lequel, par jugement contradictoire du 25 novembre 2021, a :

– rejeté la demande en relevé de forclusion de la société Fraikin assets ;

– confirmé l’ordonnance du juge-commissaire du 25 mai 2021 ;

– condamné la société Fraikin assets à payer à la société FCM services au titre de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 2 000 euros, déboutant du surplus ;

– condamné la société Fraikin assets aux dépens.

Ce jugement a été signifié le 5 janvier 2022 à la société Fraikin assets.

Par déclaration en date du 4 mars 2022, cette dernière a interjeté appel du jugement devant la présente cour, étant précisé qu’elle en avait auparavant relevé appel, le 7 février 2022, devant la cour d’appel de Paris et que le dossier y a fait l’objet d’une radiation le 8 mars 2022.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 5 mai 2022, la société Fraikin assets demande à la cour de :

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

– la recevoir en ses demandes ;

En conséquence,

– la relever de la forclusion de l’article L.622.24 du code de commerce ;

En tout état de cause,

– condamner la société FCM services au remboursement de toutes les sommes perçues dans le cadre de l’exécution du jugement du 25 novembre 2021 ;

– condamner la société FCM services au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société FCM services à régler les dépens de première instance et d’appel au titre de l’article 699 du code de procédure civile.

La société FCM services, la société Alliance et la Selarl BCM, chacune en qualité respectivement de mandataire judiciaire et de commissaire à l’exécution du plan, ces deux dernières étant intervenues volontairement, dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 5 septembre 2022, demandent à la cour de :

– dire que la saisine de la présente cour est irrecevable ;

– confirmer le jugement du 25 novembre 2021 ;

– rejeter la demande de relevé de forclusion de la société Fraikin assets ;

– débouter la société Fraikin asset de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner la société Fraikin asset à payer à la société FCM services la somme de 6 000 euros au titre de frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Fraikin asset aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la recevabilité de l’appel :

En réponse à la fin de non-recevoir soulevée par les intimées, la société Fraikin assets expose, en première partie de ses écritures, que c’est par erreur qu’elle a interjeté appel le 7 février 2022, dernier jour du délai d’appel au regard de l’article 642 du code de procédure civile et de la signification du jugement, devant la cour d’appel de Paris qui était incompétente territorialement ; elle soutient qu’au regard des articles 2241 alinéa 2 et 2231 du code civil, elle a bénéficié d’un nouveau délai d’un mois à compter de la saisine de la cour d’appel de Paris, laquelle a suspendu le délai de forclusion d’un mois pour interjeter appel et lui a permis de saisir valablement la cour d’appel de Versailles.

Les intimées contestent l’application des articles 2231 et 2241 du code civil dès lors que la cour d’appel de Paris a rendu une décision de radiation et non une décision d’incompétence.

Elles font valoir que la saisine de la cour d’appel incompétente donne lieu à une fin de non-recevoir qui n’interrompt pas le délai de forclusion que constitue le délai d’appel de sorte qu’en l’espèce l’appel n’a pu être interrompu par la première déclaration d’appel, elle-même irrecevable, l’article 2241 ne visant pas les fins de non-recevoir.

S’il est exact que l’appel formé devant une cour d’appel dans le ressort de laquelle n’est pas située la juridiction attaquée n’est pas recevable, il est cependant constant qu’en l’espèce l’appel interjeté par erreur par la société Fraikin assers devant la cour d’appel de Paris qui n’était pas compétente territorialement, s’agissant de l’appel d’un jugement du tribunal de commerce de Nanterre, n’a pas été déclaré irrecevable.

Par conséquent, la cour peut faire application des dispositions de l’article 2241 selon lesquelles la demande en justice, portée devant une juridiction incompétente, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion, étant précisé par l’article 2231 du même code que l’interruption fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien. Il convient de préciser que la radiation de l’affaire est sans effet sur la poursuite de l’interruption du cours de la prescription ou de la forclusion, résultant de la saisine d’une juridiction ; en effet la radiation, conformément à l’article 377 du code de procédure civile, emporte suspension de l’instance et non son extinction, les dispositions de l’article 2243 du code civil n’étant pas en ce cas applicables.

Il ressort des éléments du dossier que la signification du jugement dont appel, laquelle précise que le délai d’appel est d’un mois, est intervenue le 5 janvier 2022 de sorte qu’en application des articles 641 et 642 du code de procédure civile, le 5 janvier étant un samedi, le délai d’appel a expiré le 7 février 2022, date à laquelle la société Fraikin assets a interjeté appel devant la cour d’appel de Paris.

Cette déclaration a interrompu le délai d’appel de sorte que l’appel, intervenu le 7 mars 2022 devant la présente cour, est recevable et n’est pas tardif.

Sur la demande de la société appelante d’être relevée de la forclusion :

La société Fraikin assets, si elle ne conteste pas que la société FCM services a relevé appel du jugement la condamnant en paiement et que par ordonnance du 9 janvier 202 il a été prononcé l’interruption de l’instance d’appel au regard de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société intimée, expose, sur le fondement de l’article L.622-26 du code de commerce, qu’elle répond aux deux conditions, au demeurant alternatives, posées par ce texte. Elle fait valoir que d’une part il est incontestable qu’elle n’a pas été mentionnée par la société FCM services sur la liste des créanciers prévue au deuxième alinéa de l’article L.622-6 et fournie au mandataire judiciaire alors même que celle-ci aurait dû faire état de l’instance en cours et de la condamnation prononcée, observant que dans l’avis qu’elle avait émis sur la requête en relevé de forclusion, maître [B] avait indiqué que le créancier remplissait les conditions de fond de l’article L.622-26 dans la mesure où il ne figurait pas sur la liste que lui avait remise le débiteur ; elle ajoute que comme l’a relevé le mandataire judiciaire, le texte n’exige plus une omission volontaire du débiteur et que la Cour de cassation a considéré que le créancier qui a été omis sur la liste des créanciers n’est pas tenu d’établir l’existence d’un lien de causalité entre cette omission et la tardiveté de sa déclaration de créance de sorte qu’elle n’a pas à justifier que sa défaillance n’est pas due de son fait comme il a été jugé à tort en première instance.

Elle soutient d’autre part que sa défaillance n’est pas due à son fait au sens de L.622-26 du code de commerce dès lors qu’elle n’a pas été informée de la procédure collective en dépit des instances engagées et ce, en raison d’une défaillance de son avocat qui ne lui a indiqué que le 28 avril 2020 que la société FCM services était en redressement judiciaire.

Les intimées qui observent que la société appelante reprend devant la cour ses arguments présentés devant le tribunal sans y apporter aucun élément nouveau, exposent que dans la mesure où la société FCM services considère ne pas être débitrice de la société appelante qui se prétend créancière, elle n’avait pas à indiquer son nom sur la liste des créances dès lors qu’il ne peut pas lui être imposé, en application de la présomption édictée par l’article L.622-24 alinéa 3 du code de commerce, de déclarer pour le compte d’un prétendu créancier une créance dont elle conteste l’existence. Elle ajoute que jusqu’à l’obtention par l’appelante d’une décision ayant autorité de la chose jugée, la société Fraikin assets n’est pas créancière au sens de l’article L.622-6 de sorte qu’elle n’avait pas à figurer dans la liste de ses créanciers et qu’au surplus cette obligation particulière édictée par ce texte n’est pas d’ordre public, ce texte étant basé sur un devoir d’information qui est susceptible d’être rempli par tout moyen équivalent. Elle relève à cet égard que la société Fraikin assets a été suffisamment informée de la procédure de redressement judiciaire par l’ordonnance du 9 janvier 2020 de sorte qu’elle doit supporter les conséquences de son absence de ‘production’ au passif, celle-ci ne démontrant pas que sa défaillance à le faire dans les délais n’est pas de son fait et a été causé par une force majeure de sorte que sa demande de relevé de forclusion doit être rejetée.

Selon les articles L. 622-24 et R.622-24, à partir de la publication du jugement d’ouverture au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans le délai de deux mois.

Conformément aux dispositions de l’article L.622-26 du code de commerce, en son premier alinéa, à défaut de déclaration dans les délais précités, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s’ils établissent que leur défaillance n’est pas due à leur fait ou qu’elle est due à une omission du débiteur lors de l’établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l’article L. 622-6.

Il est prévu à l’alinéa 3 du même article que l’action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six mois, lequel court à compter de la publication du jugement d’ouverture.

Dès lors que le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire a été publié au Bodacc le 5 décembre 2019, la demande en relevé de forclusion, introduite par la société Fraikin assets par lettre du 19 mai 2020 adressée au juge-commissaire qui l’a reçue le lendemain, est recevable.

Les deux motifs de relevé de forclusion prévus à l’article précité sont alternatifs et l’omission du débiteur lors de l’établissement de la liste des créanciers en constitue un cas autonome, indépendant du premier et de la connaissance que le créancier pouvait avoir de l’ouverture de la procédure collective, celui-ci n’ayant pas alors à prouver que sa défaillance n’est pas due à son fait.

En outre, l’article L.622-26, dans sa version applicable au dossier, n’exige plus que le créancier fasse la démonstration du caractère volontaire de son omission de la liste établie par le débiteur, étant de surcroît jugé que le créancier omis n’est pas tenu d’établir l’existence d’un lien de causalité entre cette omission et la tardiveté de sa déclaration de créance .

Il ressort de la liste des créanciers, transmise au juge-commissaire qui a signé l’état des créances le 26 août 2020, que la société Fraikin assets n’y figure pas de sorte que, infirmant le jugement, sa demande de relevé de forclusion doit être accueillie, la société FCM services ne pouvant valablement soutenir qu’elle n’avait pas à mentionner l’appelante sur la liste de ses créanciers dès lors qu’une condamnation, faisant l’objet d’un appel, avait été prononcée et qu’aucun arrêt définitif n’était intervenu ; les dispositions relatives à la procédure collective sont en outre d’ordre public, la remise par le débiteur de la liste de ses créanciers à l’administrateur et au mandataire judiciaire en application de l’article L.622-6 du code de commerce étant une obligation légale.

L’article R.622-25 disposant que le juge peut décider que les frais de l’instance en relevé de forclusion seront supportés par le débiteur qui n’a pas mentionné la créance sur la liste prévue par l’article L.622-6 ou n’a pas porté utilement cette créance à la connaissance du mandataire judiciaire dans le délai prévu par l’article R.622-24, il convient de prévoir que les dépens de première instance et d’appel seront supportés par la société FCM services et liquidés en frais privilégiés de la procédure collective.

La société FCM services étant en procédure collective, il n’y a pas lieu en équité à application de l’article 700 du code de procédure civile et il ne peut pas y avoir de recouvrement direct des dépens par l’avocat de la société appelante.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire

Déclare l’appel de la société Fraikin assets recevable ;

Infirme le jugement du 25 novembre 2021 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Infirme l’ordonnance du juge-commissaire désigné dans la procédure collective de la société FCM services, en date du 25 mai 2021 ;

Relève la société Fraikin assets de la forclusion prévue à l’article L.622-24 du code de commerce ;

Rejette les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les dépens de première instance et d’appel seront supportés par la société FCM services et recouvrés en frais privilégiés de la procédure collective de cette dernière.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président,

 


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