Réception tacite et volonté d’acceptation : Clarifications sur les conditions de validation des travaux dans le cadre d’un contrat de construction.

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Réception tacite et volonté d’acceptation : Clarifications sur les conditions de validation des travaux dans le cadre d’un contrat de construction.

M. et Mme [T] ont entrepris des travaux de surélévation de leur maison, faisant appel à M. [Z] en tant que maître d’œuvre et à la société Elea pour divers travaux. Ils ont souscrit une assurance dommages ouvrage auprès de la société Acasta European Insurance Company. Après avoir constaté des malfaçons, ils ont demandé une expertise judiciaire. Le tribunal de grande instance de Paris a reconnu la réception tacite des travaux et a condamné la société Elea et son assureur à indemniser M. et Mme [T] pour des préjudices matériels et immatériels. La Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Rhône Alpes Auvergne a interjeté appel, contestant la réception des travaux et la responsabilité de son assureur. M. et Mme [T] ont également fait appel, demandant la confirmation du jugement initial. La cour a finalement infirmé certaines décisions du tribunal, notamment la réception tacite des travaux, et a rejeté les demandes de M. et Mme [T] à l’encontre de la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

13 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
21/02939
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 6

ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2024

(n° /2024, 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02939 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDDWK

Décision déférée à la Cour : jugement du 12 janvier 2021 – tribunal judiciaire de PARIS RG n° 19/03967

APPELANTE

Société CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES RHONE ALPES AUVERGNE, caisse de réassurances mutuelles agricoles exerçant sous l’enseigne GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Matthieu MALNOY, avocat au barreau de PARIS, substitué à l’audience par Me Aude MEHAUPE, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [P], [K], [I] [T]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Pierre MORELON, avocat au barreau de PARIS, toque : B0151, substitué à l’audience par Me Printis VAINQUEUR, avocat au barreau de PARIS

Madame [B], [S], [G] [C] épouse [T]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Pierre MORELON, avocat au barreau de PARIS, toque : B0151, substitué à l’audience par Me Printis VAINQUEUR, avocat au barreau de PARIS

Société ACASTA EUROPEAN INSURANCE COMPANY LIMITED prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

GIBRALTAR

Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Ayant pour avocat plaidant Me Hélène LACAZE, avocat au barreau de PARIS, substituée à l’audience par Me François-Nicolas PETIT, avocat au barreau de PARIS

Compagnie d’assurances MUTUELLE FRATERNELLE D’ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 8]

N’a pas constitué avocat – signification de la déclaration d’appel le 24 mars 2021 à personne morale

S.A.R.L. ELEA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 7]

N’a pas constitué avocat – signification de la déclaration d’appel le 05 mars 2021 à étude

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 23 mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Valérie GUILLAUDIER, conseillère faisant fonction de présidente

Mme Laura TARDY, conseillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Valérie Guillaudier, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Manon CARON

ARRET :

– par défaut.

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Laura TARDY,conseillère pour la conseillère faisant fonction de présidente empêchée, et par Alexandre DARJ, greffier, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. et Mme [T] ont fait réaliser des travaux de surélévation de leur maison d’habitation située [Adresse 1] à [Localité 6] (77).

Sont intervenus à l’opération :

– M. [Z], maître d’oeuvre ;

– la société Elea pour les travaux de gros ‘uvre, maçonnerie, isolation thermique, couverture en zinc, menuiseries extérieures et intérieures, plomberie sanitaire, chauffage et VMC, carrelage, faïences et électricité.

Les maîtres de l’ouvrage ont souscrit auprès de la société Acasta European Insurance Company Ltd une police d’assurances dommages ouvrage.

Après l’envoi de mises en demeure à la société Elea, M. et Mme [T] ont fait constater le 4 août 2017 par un huissier de justice des désordres et malfaçons et l’état d’avancement du chantier.

A la demande de M. et Mme [T], le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux a, par ordonnance du 4 octobre 2017, ordonné une mesure d’expertise.

L’expert a déposé son rapport le 26 juin 2018.

Par acte en date du 27 février 2019, M. et Mme [T] ont assigné la société Elea et son assureur, la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Rhône Alpes Auvergne, leur assureur multirisque habitation, la Mutuelle Fraternelle Assurances (la MFA) et la société Acasta European Insurance Company devant le tribunal de grande instance de Paris en réparation de leurs préjudices.

Par jugement en date du 12 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :

Constate la réception tacite de l’ouvrage par M. et Mme [T] en date du 06 juillet 2017,

Déclare irrecevables les demandes de M. et Mme [T] dirigées à l’encontre de la société Acasta European Insurance Company,

Condamne solidairement la SARL Elea et son assureur la société Groupama Rhône alpes Auvergne à payer à M. et Mme [T] la somme de 102 232,08 euros au titre des préjudices matériels, avec actualisation selon l’indice FFB du coût de la construction, l’indice de référence étant celui en vigueur à la date du dépôt du rapport le 26 juin 2018, actualisé à l’indice au jour du présent jugement,

Condamne solidairement la SARL Elea et son assureur la société Groupama Rhône Alpes Auvergne à payer à M. et Mme [T] la somme de 10 000 euros au titre des préjudices immatériels,

Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la date du présent jugement,

Ordonne la capitalisation des intérêts par application de l’article 1343-2 du code civil,

Condamne M. et Mme [T] à payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement la SARL Elea et son assureur la société Groupama Rhône Alpes Auvergne aux entiers dépens, dont distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration en date du 12 février 2021, la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Rhône Alpes Auvergne a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour d’appel de Paris M. et Mme [T], la société Acasta European Insurance Company, la société MFA et la société Elea.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 21 octobre 2021, la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Rhône Alpes Auvergne, exerçant sous l’enseigne Groupama Rhône Alpes Auvergne, demande à la cour de :

A titre principal :

Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 12 janvier 2021 en ce qu’il a constaté la réception tacite de l’ouvrage, condamné solidairement la société Elea et son assureur la société Groupama à payer à M. et Mme [T] une somme de 102 232,08 euros au titre des préjudices matériels, avec actualisation selon l’indice FFB, une somme de 10 000 euros au titre des préjudices immatériels et aux entiers dépens.

Statuant à nouveau, sur la réception des travaux :

Dire et juger qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la réception tacite des travaux, faute de demande des maîtres de l’ouvrage en ce sens, en première instance,

Dire et juger que M. et Mme [T] n’ont pas manifesté de volonté sans équivoque de recevoir les travaux de la société Elea,

Dire et juger que les travaux réalisés par la société Elea n’étaient pas en état d’être reçus le 6 juillet 2017,

Dire et juger que les désordres, malfaçons et inachèvements des travaux de la société Elea étaient apparents lors du départ de l’entreprise,

En conséquence,

Débouter M. et Mme [T] de leur demande tendant à ce que soit prononcée la réception judiciaire des travaux au 6 juillet 2017,

Dire et juger que la responsabilité civile décennale de la société Elea ne peut être recherchée,

Statuant à nouveau, sur les garanties de la société Groupama Rhône Alpes Auvergne :

Dire et juger que la garantie de responsabilité civile décennale de la société Groupama Rhône Alpes Auvergne ne peut être mobilisée,

Dire et juger que la société Groupama Rhône Alpes Auvergne est fondée à opposer les exclusions de garantie figurant aux conditions générales de la police d’assurance au titre de la responsabilité civile générale avant et/ou après réception des travaux ;

Dire et juger que la société Groupama Rhône Alpes Auvergne ne garantit pas la réparation des malfaçons et non conformités affectant les travaux réalisés par la société Elea,

Dire et juger que la société Groupama Rhône Alpes Auvergne ne garantit pas le coût de l’achèvement des travaux contractuellement promis par la société Elea,

Dire et juger que la société Groupama Rhône Alpes Auvergne ne garantit pas les préjudices résultant des conséquences des malfaçons, non-conformités et inachèvements des travaux de la société Elea,

Dire et juger que la société Groupama Rhône Alpes Auvergne ne garantit pas les préjudices résultant des conséquences de la résiliation du marché de travaux de la société Elea,

Dire et juger qu’un préjudice moral et un trouble de jouissance ne constituent pas des préjudices pécuniaires et donc des dommages immatériels garantis par la société Groupama Rhône Alpes Auvergne,

En conséquence,

Dire et juger qu’aucune garantie de la société Groupama Rhône Alpes Auvergne n’a vocation à s’appliquer au litige,

Débouter M. et Mme [T] de l’intégralité de leurs demandes à l’encontre de la société Groupama Rhône Alpes Auvergne.

A titre subsidiaire :

Dire et juger que M. et Mme [T] ont résilié unilatéralement le contrat de louage d’ouvrage les liant à la société Elea,

Dire et juger que M. et Mme [T] sont responsables des conséquences de la résiliation unilatérale de ce contrat correspondant aux frais exposés pour la préservation des conditions de vie et à la reprise des existants endommagés du fait de la non réalisation des travaux, pour un montant de 18 792,45 euros,

Dire et juger qu’une somme de 61 110,99 euros correspondant au solde restant dû à la société Elea pour l’achèvement du chantier devra être déduite de toute condamnation qu’obtiendraient M. et Mme. [T], sauf à admettre un enrichissement sans cause,

Dire et juger que la société Groupama Rhône Alpes Auvergne est en droit d’appliquer sa franchise contractuelle d’un montant de 1 000 euros,

Condamner la société Acasta à relever et garantir indemne la société Groupama Rhône Alpes Auvergne de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre,

En tout état de cause :

Condamner solidairement M. et Mme [T] à payer à la société Groupama Rhône Alpes Auvergne une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d’appel au profit de la SELARL BDL Avocats conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 19 janvier 2022, la société Acasta european insurance company Ltd demande à la cour de :

Déclarer la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Rhône Alpes Auvergne, assureur de l’entreprise responsable, irrecevable en sa demande de condamnation à garantie dirigée à l’encontre de l’assureur par police dommages ouvrage, faute d’avoir qualité de bénéficiaire de ladite police, et en l’absence de démonstration d’une faute délictuelle de la société Acasta European Insurance Company en lien causal direct et certain avec les dommages dont réparation est demandée,

Déclarer M. et Mme [T] irrecevables en leur action à l’encontre de la société Acasta European Insurance Company, recherchée comme assureur dommages ouvrage, faute de s’être préalablement soumis à l’expertise amiable légale et publique de l’article L. 242-1 du code des assurances et de l’article A. 243-1 du même code, avant d’avoir agi en référé puis au fond,

Confirmer le jugement dont appel et renvoyer la société Acasta European Insurance Company hors de cause,

Déclarer M. et Mme [T] irrecevables en leurs demandes nouvelles, tendant à voir condamner l’assureur par police dommages ouvrage à leur payer, en sus de la somme de 8 000 euros sollicitée en première instance, l’ensemble des sommes qu’ils demandent à titre principal, et à voir constater la réception tacite de l’ouvrage non demandée en première instance.

Subsidiairement,

Débouter à tout le moins M. et Mme [T] de leurs demandes tendant à voir condamner la société Acasta European Insurance Company au paiement d’une somme de 8 000 euros en réparation d’une prétendue faute de refus de préfinancement, qui n’est justifiée ni dans son principe, ni dans son montant, à défaut de toute argumentation en fait, comme en droit,

À titre très subsidiaire,

Rejeter toute demande à l’encontre de la société Acasta European Insurance Company, au-delà de la somme de 38 000 euros correspondant au coût total des travaux exécutés, conformément aux dispositions de l’article 2.5.1 des conditions générales de la police, et tout au plus au-delà de la somme de 73 689,03 euros correspondant aux travaux de réparation de dommages matériels, aucune garantie n’étant due par la société Acasta European Insurance Company au titre de l’achèvement des travaux prévus, non plus qu’au titre de la réparation de dommages aux existants ou de dommages immatériels non garantis avant réception.

À titre infiniment subsidiaire,

Condamner la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Rhône Alpes Auvergne à relever et garantir la société Acasta European Insurance Company de toute éventuelle condamnation qui serait mise à sa charge en principal, intérêts, frais et dépens,

Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a limité le montant des dommages immatériels à la somme de 10 000 euros,

Condamner la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Rhône Alpes Auvergne et tous succombants à payer à la société Acasta European Insurance Company une somme de 8 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Rhône Alpes Auvergne et tous succombants aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ces derniers par la SCP Caroline Hatet dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 22 juillet 2021, M. et Mme [T] demandent à la cour de :

Les déclarer bien fondés, en l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Débouter la société Groupama Rhône Alpes Auvergne de toutes ses demandes principales et subsidiaires, fins et conclusions d’appel,

Débouter de toutes autres demandes l’encontre des concluants formées par tout contestant.

En conséquence :

A titre principal

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 12 janvier 2021

Et y ajoutant :

Statuant à nouveau, sur la réception :

– constater la réception tacite à la date de fin de chantier ou d’abandon de chantier, soit le 6 juillet 2017, avec les réserves formulées dans l’assignation,

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 12 janvier 2021 pour le surplus.

Condamner à titre principal les défendeurs solidairement au titre de la responsabilité civile décennale des constructeurs, et, à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun,

Condamner solidairement la société Elea et son assureur Groupama, ou tout autre mis en cause, en vertu de son inexécution contractuelle et sa qualité de constructeur à payer les sommes de :

1) en réparation du préjudice matériel la somme de 142 990,28 euros TTC se composant de 124329,58 euros TTC pour les travaux de reprises déjà payés (tableau 1), 18 660,70 euros TTC pour les devis des travaux de reprises restant à réaliser (tableau 2),

2) en réparation des frais pour la préservation des conditions de vie pour 5 348,07 euros TTC,

3) en réparation des frais pour la réparation de préjudices matériels dédiés aux frais d’emprunt, intérêts, et de justice pour 50 187,44 euros,

4) en réparation des préjudices moraux pour 65 000 euros tels que fixés par l’expert judiciaire,

5) en réparation du trouble de jouissance des conditions de vie anormale pendant les travaux pour 50000 euros,

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire, la responsabilité de la société Acasta devait être reconnue partiellement avec Groupama ou totalement,

Condamner la société Acasta à payer aux demandeurs les sommes demandées à titre principal ainsi que la somme de 8 000 euros en sa qualité d’assurance dommages-ouvrage agissant avant réception des travaux et ayant refusé sa garantie le 16 septembre 2019, en responsabilité pour faute dans le refus de préfinancement.

En tout état de cause,

Dire que la CFDP protection juridique de M. et Mme [T] et la société MFA se verront rendre opposable le jugement à venir et pourront faire valoir ce que de droit à titre récursoire en vertu des avances qu’elles auront faites,

Dire et juger que les dommages et intérêts alloués à titre de travaux feront l’objet d’une actualisation selon l’indice FFB du coût de la construction, depuis le dépôt du rapport au jour du jugement à intervenir,

Dire et juger que l’ensemble des condamnations portera intérêt au taux légal avec bénéfice de l’anatocisme en application de l’article 1343-2 du code civil,

Condamner in solidum l’appelante et tout succombant à payer à M. et Mme [T] la somme de 8 675 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner in solidum l’appelante et tout succombant à payer ou conserver à sa charge les entiers dépens de l’instance,

Débouter tous moyens et prétentions contraires aux présentes écritures et toutes demandes additionnelles qui pourraient être développées ultérieurement par tout contestant.

Par ordonnance du 12 mai 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable la demande de M. et Mme [T] de condamnation de la société Acasta european insurance company limited à leur payer les sommes réclamées à titre principal aux sociétés Elea et Groupama et recevable la demande de M. et Mme [T] tendant à constater la réception tacite.

La société Elea, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 5 mars 2021, n’a pas constitué avocat.

La MFA, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 24 mars 2021, n’a pas constitué avocat.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 25 avril 2024.

MOTIVATION

La cour constate que, dans le dispositif de ses conclusions, la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Rhône Alpes Auvergne ne sollicite pas l’annulation du jugement.

Dès lors que la cour n’est saisie d’aucune demande en ce sens, elle n’a pas à examiner le moyen selon lequel les premiers juges auraient statué ultra petita.

La cour rappelle que la demande formée à titre subsidiaire par M. et Mme [T] aux fins que la société Acasta soit condamnée à leur payer les sommes demandées à titre principal a été déclarée irrecevable par le conseiller de la mise en état.

Enfin, la cour constate que M. et Mme [T] demandent la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

Sur la réception

Les premiers juges ont constaté la réception tacite de l’ouvrage par M. et Mme [T] le 6 juillet 2017.

Moyens des parties

La Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Rhône Alpes Auvergne soutient qu’aucune réception des travaux, tacite ou judiciaire, ne saurait être retenue. Elle fait valoir qu’en cause d’appel, en application de l’article 564 du code de procédure civile, M. et Mme [T] ne peuvent demander que soit constatée une réception tacite de l’ouvrage dès lors que cette prétention n’avait pas été émise en première instance. Elle précise que les conditions de la réception tacite ne sont pas réunies en l’absence de manifestation de volonté sans équivoque de recevoir les travaux, la prise de possession de l’ouvrage étant insuffisante et les époux [T] n’ayant versé que la somme de 38 000 euros, ce qui représente moins de la moitié du montant du marché. Elle fait également valoir qu’il ne peut y avoir réception judiciaire puisque les époux [T] ne justifient pas que les travaux auraient été en état d’être reçus et soutiennent que l’inachèvement de la toiture a des conséquences importantes sur l’habitabilité de l’ouvrage.

M. et Mme [T] font valoir qu’ils n’ont jamais cessé de demeurer dans le pavillon en cours de travaux et ont fait preuve de leur volonté de réceptionner l’ouvrage caractérisée par le paiement des travaux, leur maintien dans les lieux et l’exécution de mesures conservatoires consistant en la pose en urgence d’une bâche. Ils précisent que, bien que dans leurs conclusions de première instance ils avaient demandé la réception judiciaire, il est manifeste qu’ils entendaient en réalité demander la réception tacite constatée judiciairement, compte-tenu de l’abandon du chantier par la société Elea, et qu’ils ont expressément exclu la possibilité de se fonder sur la réception judiciaire, laquelle implique de démontrer que l’ouvrage est en état d’être reçu. Ils soutiennent qu’en formulant une demande de réception tacite en appel, ils ont formé une prétention qui tend aux mêmes fins que celle soumise aux premiers juges, à savoir faire courir les délais des garanties légales des constructeurs, ce dont il résulte qu’il ne s’agit pas d’une prétention nouvelle. Ils indiquent qu’ils ont pris possession de leur pavillon en cours de travaux et fait preuve de leur volonté de réceptionner l’ouvrage, cette volonté non équivoque étant confortée par le paiement de la somme de 38 000 euros et l’exécution de mesures conservatoires.

Réponse de la cour

Aux termes de l’article 1792-6 du code civil, la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

La cour constate que, si en première instance M. et Mme [T] demandaient que soit prononcée la réception judiciaire de l’ouvrage, ils ne formulent plus cette demande en cause d’appel et sollicitent la confirmation du jugement en ce qu’il a constaté la réception tacite le 6 juillet 2017.

Il s’ensuit que la cour n’a pas à se prononcer sur la réception judiciaire des travaux dès lors qu’aucune demande en ce sens n’a été formée par les parties ( 3e Civ., 14 mars 2006, pourvoi n° 04-19.947, Bull. 2006, III, n° 62).

La demande de M. et Mme [T] aux fins que soit constatée la réception tacite, et partant, de confirmation du jugement, ne saurait être considérée comme nouvelle en cause d’appel dès lors que leur demande formée devant les premiers juges aux fins que soit prononcée la réception judiciaire tendait aux mêmes fins, voir appliquer la garantie légale prévue par l’article 1792 du code civil.

Il résulte de l’article 1792-6 du code civil que la réception tacite de l’ouvrage est caractérisée par la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de l’accepter. Cette volonté n’est présumée qu’en cas de prise de possession de l’ouvrage jointe au paiement intégral du prix des travaux.

En l’espèce, M. et Mme [T] ont confié à la société Elea des travaux de surélévation de leur maison d’habitation pour montant total de 96 110,99 euros TTC (pièce n°1 de M. et Mme [T]).

Ils ont versé un acompte d’un montant de 20 000 euros (pièce 2-1 de M. et Mme [T]) puis la somme de 18 000 euros correspondant à la facture n°21 de la société Elea (pièce 2-3 de M. et Mme [T]).

Cependant, le versement de la somme de 38 000 euros ne correspondant pas au paiement intégral du prix des travaux d’un montant total de 96 110,99 euros, il ne peut en être déduit aucune présomption de la volonté de M. et Mme [T] d’accepter l’ouvrage.

Dès lors, il appartient aux maîtres de l’ouvrage de démontrer leur volonté non équivoque d’accepter l’ouvrage réalisé par la société Elea.

Le 23 juin 2017, M. et Mme [T] ont adressé à la société Elea une lettre de mise en demeure en invoquant un ‘retard considérable’ mais également des désordres et non-conformités en ces termes: ‘nous constatons une inadéquation entre, d’une part, ce qui avait été entendu et validé par un devis accepté par les deux parties, et, d’autre part, ce qui a été effectivement réalisé (matériaux non conformes à ceux convenus et dont le changement n’a pas été validé par nos soins par exemple), mais également des défauts dans la réalisation de certains ouvrages…’ et aux fins de lui signifier ‘votre mise en demeure de nous rencontrer rapidement afin de faire le point sur ces dysfonctionnements, l’avancée des travaux, l’allongement inacceptable du délai de livraison du chantier terminé-n’ayant à ce jour aucune indication de votre part sur ce point-, ainsi que sur la suite à donner à notre collaboration.’ ( pièce n°5 de M. et Mme [T]).

Le 18 juillet 2017, M. et Mme [T] ont envoyé une nouvelle lettre de mise en demeure à la société Elea pour dénoncer le retard du chantier et des non-conformités et malfaçons. Ils concluent celle-ci en ces termes: ‘ Au niveau facturation, nous vous avons versé 38 000 euros TTC correspondant à environ 40% de l’avancement des travaux. Les acomptes ont été débloqués à chaque fois que vous nous avez fait des appels de fonds. En reprenant les postes chiffrés dans votre devis, nous arrivons à un total de travaux réalisés de 18 452,56 euros HT, soit 22 143,08 TTC (voir tableau ci-après). Il apparaît donc un trop perçu en votre faveur d’un montant de 15 856,92 euros TTC. A cette somme, il faut ajouter les 600 euros pour le bâchage de la charpente, somme qui est à votre charge (s’agissant de la protection de votre chantier) soit un total de 16 456,92 euros. Nous vous confirmons donc par la présente notre volonté de mettre fin à notre collaboration et vous demandons d’arrêter le chantier, d’évacuer tous les gravats, et de récupérer vos outils et votre échafaudage sous huit jours..’ (pièce n°6 de M. et Mme [T]).

Le 26 juillet 2017, le conseil de M. et Mme [T] a adressé un courrier à la société Elea faisant état ‘de manquements graves dans l’exécution de votre contrat’ et précisant que ces derniers ont ‘mandaté mon cabinet afin de résiliation contractuelle et obtention de dommages et intérêts y afférant'(pièce n°7 de M. et Mme [T]).

Il résulte de l’ensemble de ces courriers que M. et Mme [T] ont dénoncé, en cours de chantier, des retards et non-conformités, puis informé la société Elea de la rupture de leurs relations contractuelles.

Ils ont ensuite fait constater par un huissier de justice le 4 août 2017 des désordres et l’inachèvement du chantier.

Il n’ont ainsi jamais manifesté leur volonté non équivoque d’accepter l’ouvrage, ayant au contraire dénoncé à plusieurs reprises la qualité des travaux, comme non-conformes et affectés de désordres, et ayant demandé le remboursement d’une partie des sommes versées.

La seule prise de possession est insuffisante pour établir la volonté tacite des maîtres de l’ouvrage de réceptionner les travaux, étant observé qu’ils ont été réalisés dans leur maison d’habitation.

De même, le fait qu’ils aient entrepris des mesures provisoires de bâchage en raison de l’inachèvement des travaux est manifestement inopérant et ne peut démontrer une quelconque volonté non équivoque d’accepter l’ouvrage.

Pour l’ensemble de ces motifs, le jugement sera infirmé en ce qu’il a constaté la réception tacite de l’ouvrage par M. et Mme [T].

Statuant à nouveau, la demande de M. et Mme [T] tendant à cette constatation sera rejetée.

Sur la garantie de la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Rhône Alpes Auvergne

Moyens des parties

La Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Rhône Alpes Auvergne soutient que les travaux n’ayant pas été réceptionnés, ils ne relèvent pas de la garantie décennale et que sa garantie décennale n’a pas vocation à être mobilisée. En ce qui concerne la garantie responsabilité civile, elle fait valoir que seule la responsabilité civile quasi délictuelle est susceptible d’être prise en charge par un assureur, c’est-à-dire un dommage qui serait causé à un tiers au contrat de louage d’ouvrage ou à un ouvrage tiers, l’inexécution contractuelle ne pouvant être garantie. Elle indique que, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une assurance obligatoire, il appartient à la partie qui s’en prévaut de démontrer la clause du contrat qui permet la prise en charge de l’inexécution contractuelle de son assurée et que seules les garanties applicables avant réception sont susceptibles d’être mobilisées. Elle précise que sa garantie au titre de la responsabilité civile est exclue pour les préjudices matériels consistant en la reprise ou l’achèvement des travaux contractuellement prévus, ainsi que pour les conséquences des désordres, malfaçons, non conformités ou insuffisances des travaux.

M. et Mme [T] soutiennent que la société Elea était tenue d’une obligation de résultat, qu’ils ont été victimes d’un abandon de chantier et ont constaté des malfaçons importantes lors de la réalisation des travaux et que l’assurance souscrite par la société Elea auprès de la société Groupama couvre la responsabilité civile hors responsabilité décennale.

Réponse de la cour

Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En l’espèce, la société Elea a souscrit auprès de la société Groupama un contrat Bati solution avec effet au 17 janvier 2017.

Selon les conditions générales, le contrat garantit la responsabilité civile générale avant et/ou après réception des travaux (article 3-1), la responsabilité pour dommages de nature décennale (article 3-2) et la responsabilité civile, après réception, connexe à la responsabilité pour dommages de nature décennale (article 3-3).

Dès lors qu’aucune réception n’est intervenue, les articles 3-2 et 3-3 ne peuvent être appliqués au litige.

Selon l’article 3.1.1, l’objet de la garantie ‘responsabilité civile générale avant et/ou après réception des travaux’ est la prise en charge des ‘conséquences pécuniaires de la responsabilité incombant à l’assuré à raison de préjudices ne consistant pas en des dommages construction, dommages matériels intermédiaires, dommages matériels ou dommages immatériels visés aux articles 3.2 et suivants des présentes conditions générales, causés aux tiers par sa faute ou par le fait notamment de :

– ses travaux de construction,

– ses préposés,

– ses locaux professionnels permanents…

– ses travaux d’entretien…

– ses travaux réalisés dans le cadre des activités garanties, mais ne relevant pas de travaux de construction, par extension à l’objet du contrat.’

Sont exclus de la garantie les dommages affectant les travaux de l’assuré, réalisés en propre ou donnés en sous-traitance (article 3.1.3.15).

Sont également exclus les dommages résultant ‘du coût des réparations, remplacements et/ou réalisations de travaux nécessaires pour remédier à des désordres, malfaçons, non conformités ou insuffisances, et aux conséquences de ceux-ci, ayant fait l’objet, avant ou lors de la réception, de réserves de la part du contrôleur technique, d’un maître d’oeuvre, d’un entrepreneur ou du maître d’ouvrage, ainsi que tous préjudices en résultant’ (article 3.1.3.17).

Il résulte de l’ensemble de ces clauses, claires et précises, que l’abandon de chantier et les désordres et non conformités dénoncés par M. et Mme [T] qui ont justifié, selon eux, la résiliation du contrat avec la société Elea, ne sont pas des dommages garantis ou font l’objet d’une exclusion de garantie, étant rappelé que les désordres et malfaçons ont fait l’objet de réserves par les maîtres de l’ouvrage avant toute réception.

Dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu’il a retenu que la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Rhône Alpes Auvergne devait sa garantie et l’a condamnée solidairement avec la société Elea à réparer le préjudice de M. et Mme [T].

Statuant à nouveau, la cour rejette toutes les demandes dirigées contre elle.

Sur les frais du procès

Le sens de l’arrêt conduit à infirmer le jugement sur la condamnation de la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Rhône Alpes Auvergne aux dépens.

En cause d’appel, chaque partie conservera la charge de ses dépens et toutes les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 12 janvier 2021 en ses dispositions soumises à la cour, mais seulement en ce qu’il :

– constate la réception tacite de l’ouvrage par M. et Mme [T] en date du 06 juillet 2017,

– condamne la société Groupama Rhône Alpes Auvergne à payer à M. et Mme [T] la somme de 102232,08 euros au titre des préjudices matériels, avec actualisation selon l’indice FFB du coût de la construction, l’indice de référence étant celui en vigueur à la date du dépôt du rapport le 26 juin 2018, actualisé à l’indice au jour du présent jugement,

– condamne la société Groupama Rhône Alpes Auvergne à payer à M. et Mme [T] la somme de 10 000 euros au titre des préjudices immatériels,

– condamne la société Groupama Rhône Alpes Auvergne aux entiers dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Rejette la demande de M. et Mme [T] aux fins que soit constatée la réception tacite de l’ouvrage,

Rejette toutes les demandes de M. et Mme [T] à l’encontre de la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Rhône Alpes Auvergne,

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d’appel,

Rejette toutes les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, la conseillère pour la conseillère

faisant fonction de présidente empêchée,


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