Réception et Responsabilité dans le Cadre de Travaux de Construction : Analyse des Conditions et Conséquences

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Réception et Responsabilité dans le Cadre de Travaux de Construction : Analyse des Conditions et Conséquences

M. [M] [T] et Mme [W] [B] épouse [T] ont engagé M. [F] [C] pour des travaux d’extension de leur maison, débutant le 15 octobre 2016 et arrêtés le 15 juillet 2017. Après une mise en demeure restée sans réponse, M. [C] a demandé un paiement pour le solde des travaux. Les époux [T] ont alors saisi le tribunal judiciaire de Valence, qui a ordonné une expertise. Le rapport d’expertise a été déposé en janvier 2019. En novembre 2020, le tribunal a débouté les époux de leurs demandes contre la société d’assurance MIC insurance, tout en condamnant M. [C] à les indemniser pour divers préjudices. Les époux [T] ont interjeté appel de ce jugement. Dans leurs conclusions, ils demandent la reconnaissance d’une réception tacite des travaux, la responsabilité de M. [C] pour malfaçons, et la garantie de l’assurance pour les préjudices subis. De son côté, la société MIC insurance conteste la réception des travaux et la mobilisation des garanties, demandant la mise hors de cause de l’ancienne compagnie d’assurance. Elle plaide également pour la réduction des indemnités demandées par les époux [T] et l’application de franchises contractuelles.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 septembre 2024
Cour d’appel de Grenoble
RG
21/02684
N° RG 21/02684 – N° Portalis DBVM-V-B7F-K5PR

N° Minute :

C1

Copie exécutoire délivrée

le :

à

Me Emmanuelle MILLIAT

SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 24 SEPTEMBRE 2024

Appel d’un jugement (N° R.G. 19/01939) rendu par le tribunal judiciaire de Valence en date du 10 novembre 2020, suivant déclaration d’appel du 17 juin 2021

APPELANTS :

M. [M] [T]

né le 16 Juin 1981 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 7]

Mme [W] [B] épouse [T]

née le 10 Avril 1982

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentés et plaidant par Me Emmanuelle MILLIAT, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉS :

M. [F] [C]

en liquidation judiciaire

né le 03 Novembre 1981 à [Localité 8] (TURQUIE)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 1]

S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT ès qualité de mandataire judiciaire de Monsieur [C]

[Adresse 6]

[Localité 1]

non représentés

Société MIC INSURANCE (MILLENNIUM INSURANCE COMPANY) représentée en France par LEADER UNDERWRITING, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 5]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Fabien GIRAULT, avocat au barreau de Paris substitué et plaidant par Me Margaux BERETTI, avocat au barreau de PARIS

INTERVENANTE VOLONTAIRE

Société MIC INSURANCE COMPANY prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Fabien GIRAULT, avocat au barreau de Paris substitué et plaidant par Me Margaux BERETTI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle Cardona, présidente

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,

Mme Ludivine Chetail, conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 27 mai 2024, Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, et Mme Ludivine Chetail, conseillère, qui a fait son rapport, assistées de Mme Caroline Bertolo, greffière, ont entendu seules les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [M] [T] et Mme [W] [B] épouse [T] sont propriétaires d’une maison d’habitation située à [Localité 7] (Drôme).

Suivant un devis en date du 6 septembre 2016, ils ont confié à M. [F] [C], assuré auprès de la société MIC insurance, l’exécution de travaux d’extension et d’aménagement de leur maison.

Les travaux ont débuté le 15 octobre 2016. Le chantier a été arrêté le 15 juillet 2017.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 24 août 2017, les époux [T] ont mis en demeure M. [C] de terminer les travaux.

Par courrier du 15 octobre 2017, M. [C] a sollicité le paiement d’une somme de 2 254,36 euros TTC au titre du solde des travaux.

Par ordonnance du 10 janvier 2018, à la demande des époux [T], le juge des référés du tribunal judiciaire de Valence a ordonné une expertise, confiée à M. [Z]. Par ordonnance du 4 avril 2018, les opérations d’expertise ont été étendues à la compagnie Millenium insurance company, assureur de M. [C], devenue depuis la société MIC insurance.

L’expert a déposé un rapport définitif le 31 janvier 2019.

Par assignations en date des 14 juin et 5 juillet 2019, M. [M] [T] et Mme [W] [B] épouse [T] ont saisi le tribunal judiciaire de Valence aux fins d’indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement en date du 10 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Valence a :

– débouté M. [M] [T] et Mme [W] [B] épouse [T] de leurs demandes, fins et prétentions dirigées à l’encontre de la société MIC insurance ;

– dit que les travaux n’ont pas fait l’objet d’une réception tacite et dit n’y avoir lieu au prononcé d’une réception judiciaire ;

– dit que M. [F] [C] a manqué à son obligation contractuelle de résultat ;

– condamné M. [F] [C] à payer à M. [M] [T] et Mme [W] [B] épouse [T] :

la somme de 57 790 euros HT, soit 63 569 euros TTC, au titre des travaux de reprise,

la somme de 5 146,80 euros TTC au titre des travaux d’urgence et de mise en sécurité,

la somme de 9 100 euros arrêtée au mois de mars 2019 au titre du préjudice de jouissance,

la somme de 7 000 euros au titre des frais de déménagement-réaménagement et de location d’une maison le temps des travaux,

la somme de 1 825 euros au titre des moins-values,

la somme de 15 092,82 euros au titre des sommes indûment versées ;

– condamné en outre M. [F] [C] à payer à M. [M] [T] et Mme [W] [B] épouse [T] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la société MIC insurance de sa demande présentée à ce titre ;

– dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire du jugement ;

– condamné M. [F] [C] aux dépens qui comprendront les frais d’expertise (les frais de consultation du sapiteur inclus), distraits au profit de Me Marion Hassain de la SELARL Avicenne.

Par déclaration d’appel en date du 17 juin 2021, M. [M] [T] et Mme [W] [B] épouse [T] ont interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 mai 2024, les appelants demandent à la cour de réformer le jugement déféré et statuant de nouveau :

– Sur la réception des travaux :

à titre principal : juger que les travaux réalisés par M. [C] ont fait l’objet d’une réception tacite à la date du 15 juillet 2017 ;

à titre subsidiaire : fixer la réception judiciaire des travaux réalisés par M. [C] à la date du 15 juillet 2017 ;

– Sur les responsabilités et désordres :

à titre principal : juger que les travaux réalisés par M. [C] sont affectés de désordres et malfaçons engageant sa responsabilité décennale ;

à titre subsidiaire : juger que les travaux réalisés par M. [C] sont affectés de désordres et malfaçons engageant sa responsabilité contractuelle de droit commun ;

déclarer en tout état de cause M. [C] responsable des désordres affectant l’ouvrage ;

juger que M. [C] n’a pas réalisé toutes les prestations prévues au contrat, constituant une moins-value de 1 825 euros ;

juger que M. [C] a perçu indument la somme de 15 092,82 euros par rapport au montant du marché convenu entre les parties ;

– Sur les garanties :

à titre principal : condamner la société Millenium insurance company limited devenue MIC insurance ou subsidiairement la société MIC insurance company à garantir M. [C] au titre de sa responsabilité décennale ;

à titre subsidiaire : condamner la société MIC insurance ou subsidiairement la société MIC insurance company à garantir M. [C] au titre de ses manquements contractuels dans le cadre de la garantie responsabilité civile générale, que ce soit pendant les travaux ou après réception ;

en toutes hypothèses : déclarer nulle, non écrite et écarter la clause du contrat d’assurance souscrit par M. [C] auprès de la société Millenium insurance company limited devenue MIC insurance ainsi rédigée : « l’abandon de chantier en cours est formellement exclu des garanties » ;

en conséquence : condamner solidairement la société MIC Insurance et la société MIC insurance company à verser à M. et Mme [T] la somme de 133 521,02 euros outre intérêts légaux à compter de la date l’assignation, constituée des postes suivants :

– 72 956,40 euros TTC au titre des travaux de reprise,

– 5 146,80 euros TTC au titre des travaux d’urgence et de mise en sécurité,

– 7 000 euros au titre des frais de déménagement/réaménagement, location d’une maison le temps des travaux,

– 31 500 euros au titre du préjudice de jouissance,

– 1 825 euros au titre des moins-values,

– 15 092,82 euros au titre des sommes indûment versées ;

– constater l’admission par le juge-commissaire de la créance de M. et Mme [T] au passif de la procédure collective de M. [C] pour un montant de 164 482,24 euros et à titre chirographaire, fixer en tant que de besoin, la créance de M. et Mme [T] au passif de la procédure collective de M. [C] pour un montant de 164 482,24 euros selon les postes suivants :

72 956,40 euros TTC au titre des travaux de reprise,

5 146,80 euros TTC au titre des travaux d’urgence et de mise en sécurité,

7 000 euros au titre des frais de déménagement/réaménagement, location d’une maison le temps des travaux,

31 500 euros au titre du préjudice de jouissance,

1 825 euros au titre des moins-values,

15 092,82 euros au titre des sommes indûment versées,

25 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

5 961,22 euros au titre des dépens, décomposé comme suit :

– Première instance : droit de plaidoirie : 13 euros, frais d’assignation : 69,95 euros ([C]) + 70,95 euros (Millenium), frais d’expertise : 4 079 euros, honoraires sapiteur : 1 100 euros

– Procédure d’appel : droit de plaidoirie : 13 euros, timbre fiscal : 225 euros, signification déclaration d’appel : 39,84 euros, signification conclusions : 70,48 euros, assignation d’appel en cause : 70 euros, significations de l’arrêt à venir : 210 euros ;

– débouter les sociétés MIC insurance et MIC insurance company de toutes leurs demandes reconventionnelles, principales ou subsidiaires contraires ;

– condamner solidairement les sociétés MIC insurance et MIC insurance company ou subsidiairement, toute autre partie intimée à payer à M. et Mme [T] la somme de 25 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner solidairement les sociétés MIC insurance et MIC insurance company ou subsidiairement, toute autre partie intimée, aux entiers dépens de première instance et d’appel y compris les frais d’expertise incluant les frais inhérents à l’intervention de M. [P], en qualité de sapiteur.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 mai 2024, la société MIC Insurance (Millenium insurance company) et la SA MIC insurance company demandent à la cour de :

– à titre liminaire :

juger qu’à effet du 30 avril 2021, le portefeuille de contrats d’assurance souscrits en libre prestation de services auprès de la compagnie Millenium insurance company limited, et correspondant à des risques localisés en France, a été transféré à la compagnie MIC insurance company, entité dont le siège social est situé en France et immatriculée au RCS de Paris sous le n°885 241 208 ;

en conséquence, prononcer la mise hors de cause de la compagnie MIC insurance (Millenium insurance company) et donner à la compagnie MIC insurance company de son intervention volontaire à la présente procédure, en lieu et place de la compagnie Millenium insurance company ;

– à titre principal, sur l’absence de mobilisation des garanties de la compagnie MIC insurance company :

juger que les travaux litigieux de M. [F] [C] n’ont fait l’objet ni d’une réception expresse, ni d’une réception tacite ;

rejeter la demande de fixation de la réception judiciaire à la date du 17 juillet 2014 ;

juger que l’ensemble des malfaçons alléguées étaient en tout état de cause visibles et connues des maîtres de l’ouvrage en cours de chantier ;

juger la clause du contrat souscrit par M. [F] [C] auprès de la compagnie MIC insurance stipulant « Exclusions : Sont exclus des garanties du présent contrat tous sinistres ayant pour origine des faits ou circonstances connus du souscripteur antérieurs à la date d’effet de la présente proposition. L’abandon de chantier en cours est formellement exclu des garanties » formelle et limitée conformément aux dispositions de l’article L.113-1 du code des assurances ;

juger que M. [F] [C] a abandonné le chantier des époux [T] ;

en conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que les travaux n’ont pas fait l’objet d’une réception tacite et dit n’y avoir lieu au prononcé d’une réception judiciaire et en ce qu’il a rejeté l’ensemble des demandes formées à l’encontre de la compagnie MIC insurance company, et débouter les époux [T] ainsi que tout concluant de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de la compagnie MIC insurance company ;

– à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour fixait la réception judiciaire des travaux à la date du 15 juillet 2017 :

assortir la réception des réserves visées dans l’assignation en référé expertise des époux [T] du 12 février 2018 ;

juger que l’intégralité des désordres allégués par les époux [T] étaient réservés à la réception ;

en conséquence, juger que la responsabilité décennale de M. [F] [C] ne saurait être engagée au titre du présent litige ;

juger que la garantie décennale souscrite par M. [F] [C] auprès de la compagnie MIC insurance company n’a pas vocation à être mobilisée au titre du présent litige ;

confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté l’ensemble des demandes formées à l’encontre de la compagnie MIC insurance company ;

débouter les époux [T] ainsi que tout concluant de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de la compagnie MIC insurance company ;

– au surplus, juger que la garantie « responsabilité civile professionnelle » de la compagnie MIC insurance company n’a pas vocation à couvrir les manquements contractuels de l’assuré et la reprise de l’ouvrage ;

juger qu’en tout état de cause les différents postes de demande de Mme et M. [T] sont exclus de la garantie « responsabilité civile professionnelle » de la compagnie MIC insurance company de manière formelle, précise et limitée ;

en conséquence, juger que la garantie « Responsabilité civile professionnelle » souscrite par M. [F] [C] auprès de la compagnie MIC insurance company ne saurait être mobilisée au titre du présent litige ;

confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté l’ensemble des demandes formées à l’encontre de la compagnie MIC insurance company ;

débouter les époux [T] ainsi que tout concluant de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de la compagnie MIC insurance company ;

– à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour entrait en voie de condamnation à l’encontre de MIC insurance company :

réduire à la somme de 114 672 euros le montant de l’indemnisation susceptible d’être accordée aux époux [T] ;

faire application des franchises contractuelles prévues au contrat de la société MIC insurance company, soit :

– 3 000 euros au titre de la garantie décennale ;

– 3 000 euros au titre de la garantie « responsabilité civile professionnelle » pour les dommages matériels ;

– 3 000 euros au titre de la garantie « responsabilité civile professionnelle » pour les dommages immatériels ;

– en tout état de cause :

débouter Mme et M. [T] et tout contestant de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;

condamner Mme et M. [T], et tout succombant, à verser à la compagnie Millenium insurance la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et la somme de 6 000 euros au même titre pour la procédure d’appel ;

condamner Mme et M. [T], et tout succombant, aux entiers dépens, lesquels pourront être directement recouvrés par la SELARL Lexavoué Grenoble, représentée par Me Alexis Grimaud, du barreau de Grenoble, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Les conclusions de la société MIC insurance et de la SA MIC insurance company ont été notifiées à la SELARL étude Balincourt, ès qualité de mandataire judiciaire de M. [F] [C], intimé défaillant, le 17 juillet 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent arrêt est réputé contradictoire, la SELARL étude Balincourt ayant été citée, ès qualités d’administrateur de M. [F] [C], à personne habilitée.

1. Sur la réception de l’ouvrage

Moyens des parties

M. et Mme [T] se prévalent à titre principal d’une réception tacite des travaux à la date du 15 juillet 2017. Ils soutiennent que M. [C] a terminé son intervention le 15 juillet 2017 avec l’achèvement des enduits et à cette date ils avaient pris possession de l’ouvrage et payé intégralement les travaux réalisés et facturés par M. [C] et en déduisent que la présomption de réception tacite est constituée.

A titre subsidiaire, ils demandent le prononcé d’une réception judiciaire à la date du 15 juillet 2017. Ils font valoir que l’ouvrage était en état d’être reçu le 15 juillet 2017 et qu’ils ont d’ailleurs habité les lieux.

La SA MIC insurance company soutient que les travaux qui étaient réalisés par M. [C], qui n’étaient pas terminés, n’étaient pas en état d’être réceptionnés à la date du 15 juillet 2017. Les courriers envoyés par les époux [T] attestent incontestablement de l’absence de volonté équivoque d’accepter l’ouvrage en l’état.

Réponse de la cour

En application de l’article 1792-6 du code civil, la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

La réception judiciaire de l’ouvrage ne peut être prononcée qu’en l’absence de réception amiable (Civ. 3ème, 12 octobre 2017, n° 15-27.802).

En l’espèce, aucune réception expresse n’a été réalisée.

La réception de l’ouvrage peut être tacite si la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage d’accepter cet ouvrage est établie (Civ. 3ème, 16 novembre 2022, n° 21-21.577).

En l’espèce, si le paiement du prix et la prise de possession des lieux permet de présumer l’intention des époux [T] de recevoir l’ouvrage, le fait qu’ils aient mis en demeure l’entrepreneur de reprendre les travaux et aient à plusieurs reprises contesté leur qualité exclut une réception tacite en ce qu’il établit la volonté non équivoque des maîtres de l’ouvrage de ne pas l’accepter.

Il ne peut donc être constaté que l’ouvrage a fait l’objet d’une réception tacite.

En l’absence de réception amiable, la réception judiciaire peut être ordonnée si les travaux sont en état d’être reçus (Civ. 3ème; 12 octobre 2017, n° 15-27.802), ce qui est subordonné à l’absence de désordres affectant la solidité de l’immeuble (Civ. 3ème, 11 janvier 2012, n° 10-26.898).

Selon un constat d’huissier du 24 mars 2017, une partie de l’extension ne disposait pas d’une couverture et le toit terrasse était dépourvu d’étanchéité. Cependant, il est constant et non contesté que postérieurement à cette date, M. [C] est de nouveau intervenu sur le chantier.

L’expert judiciaire a relevé que :

– il n’y avait aucun chaînage en tête de mur et aucun chaînage vertical à côté des ouvertures, de manière non conforme aux règles de l’art, ce qui compromet la solidité de l’ouvrage (pages 18 et 19) ;

– la dalle présentait un risque d’effondrement en l’absence de mise en place d’étais (pages 22 et 23) ;

– la charpente présentait également un risque d’effondrement en l’absence de calage (page 24).

Par suite, quand bien même les époux [T] auraient habité une zone de la partie rénovée de la maison à la date du 15 juillet 2017, les constatations de l’expert montrent que l’ouvrage n’était pas habitable puisqu’il présentait un risque d’effondrement.

Il n’est donc pas possible de prononcer une réception judiciaire.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

2. Sur la responsabilité de M. [F] [C]

Moyens des parties

M. et Mme [T] soutiennent à titre principal que M. [F] [C] doit sa garantie décennale et à titre subsidiaire qu’il engage sa responsabilité contractuelle de droit commun en ce qu’il était tenu d’une obligation de résultat.

La SA MIC insurance company ne répond pas sur ce point.

Réponse de la cour

Dès lors qu’aucune réception n’a été réalisée amiablement ou tacitement ni prononcée judiciairement, il ne peut être mis en oeuvre la garantie décennale de M. [C] à l’égard des époux [T]. En revanche, M. [C] est susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle.

En application de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

L’entrepreneur est tenu à l’égard du maître de l’ouvrage d’une obligation de résultat (Civ. 3ème, 27 janvier 2010, n° 08-18.026 ; 27 avril 2011, n° 09-70.527).

Il est établi tant par les courriers adressés par les époux [T] à M. [C] que du rapport de l’expert judiciaire que M. [C] a abandonné le chantier et a commis de graves malfaçons en réalisant les murs en élévation, les piliers en béton soutenant la dalle couvrant les terrasses extérieures, la dalle elle-même, la charpente, la couverture et les enduits de façade.

M. [C] a ainsi commis des fautes qui causent à un préjudice aux époux [T] et engage sa responsabilité contractuelle.

Cependant, M. [F] [C] a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Aubenas en date du 8 février 2022.

En application des articles L. 622-21 et L. 622-22 du code du commerce, ce jugement a interrompu ou interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent jusqu’à la déclaration de créance des époux [T] en date du 25 mars 2022, et l’instance ne peut désormais tendre qu’à la constatation de la créance et à la fixation de son montant.

Il convient donc d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné M. [F] [C] à indemniser les époux [T] et de fixer la créance de ce dernier à l’égard des époux [T].

3. Sur la garantie de la SA MIC insurance company et de la société MIC insurance

a) sur la demande de mise hors de cause de la société MIC insurance

Moyens des parties

La société MIC insurance demande sa mise hors de cause aux motifs qu’elle a transféré à la SA MIC insurance company son portefeuille de contrats d’assurance souscrits en libre prestation de services à compter du 30 avril 2021.

Les époux [T] ne répondent pas sur ce point.

Réponse de la cour

Il ressort d’un extrait du registre du commerce et des sociétés en date du 11 juillet 2021 que la SA MIC insurance company a été immatriculée le 17 juillet 2020.

Aux termes d’un avis publié au Journal officiel le 12 juin 2021, l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution a indiqué que les autorités de contrôle de Gibraltar avaient approuvé le 15 avril 2021, avec prise d’effet le 30 avril 2021, le transfert partiel par l’entreprise d’assurance Millenium insurance company Ltd, de son portefeuille de contrats d’assurance non-vie souscrits en libre prestation de services et correspondant à des risques localisés en France avec les droits et obligations qui s’y rattachent à la société d’assurance MIC insurance company.

Ces informations sont insuffisantes à démontrer que la société MIC insurance est déchargée de toute obligation à l’égard de son assuré.

Il convient donc de débouter la société MIC insurance et la SA MIC insurance company de leur demande de ce chef.

b) sur la garantie due par l’assureur

Moyens des parties

M. et Mme [T] soutiennent à titre principal que la garantie décennale est mobilisable et à titre subsidiaire que la garantie responsabilité civile générale est mobilisable. Ils estiment que les sociétés intimées ne justifient nullement d’une résiliation effective et se prévalent de l’alinéa 4 de l’article L.124-5 du code des assurances. Ils sont fondés à solliciter la prise en charge de leur préjudice par l’assurance au titre de la responsabilité civile exploitation (avant réception). Ils demandent que les clauses d’exclusion opposées par les sociétés MIC insurance et MIC insurance company soient considérées comme nulles et non écrites, d’une part au motif qu’elle ne son pas suffisamment précises, formelles et limitées au sens de l’article L.113-1 du code des assurances et d’autre part au motif qu’elles ne figurent pas en caractères très apparents comme l’exige l’article L. 112-4 du code des assurances.

La SA MIC insurance company soutient qu’elle n’a pas vocation à garantir la responsabilité civile professionnelle au motif qu’à titre principal le contrat d’assurance conclu auprès d’elle était résilié à la date de la réclamation et qu’à titre subsidiaire la garantie ‘responsabilité civile professionnelle’ n’avait pas vocation à s’appliquer en raison de l’abandon du chantier par l’assuré en raison d’une exclusion de garantie claire, précise et limitée et donc opposable aux demandeurs en application de l’article L.113-1 du code des assurances.

Réponse de la cour

Dès lors que la garantie décennale de M. [C] a été écartée, il convient de déterminer si les conditions de mise en oeuvre du contrat d’assurance responsabilité civile sont réunies.

– sur la résiliation du contrat

Un simple avis de résiliation pour non-paiement adressée à la société Prowess le 8 février 2017 ne permet pas d’établir que le contrat liant la société MIC insurance à M. [C] ait été valablement résilié.

– sur l’exclusion de garantie

Les conditions particulières du contrat prévoient (page 4) :

« Sont exclus des garanties du présent contrat tous sinistres ayant pour origine des faits ou circonstances connus du souscripteur antérieures à la date d’effet de la présente proposition. L’abandon de chantier en cours est formellement exclu des garanties. »

Selon l’article L. 113-1 alinéa 1er du code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

En l’espèce, l’exclusion est parfaitement formelle et limitée en ce qu’elle vise une circonstance particulière constituée par l’abandon de chantier.

Selon l’article L. 112-4 in fine du code des assurances, les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.

Cependant, la validité formelle d’une clause d’exclusion de garantie ne peut être contestée, en application de ce texte, que par les parties au contrat d’assurance (Civ. 3ème, 28 octobre 2003, n° 01-13.490).

Les époux [T] ne sont donc pas recevables à contester la validité de la clause d’exclusion de garantie pour cause d’abandon de chantier.

Comme indiqué précédemment, il est établi que M. [C] a cessé les travaux, malgré les courriers adressés par les époux [T]. Cette interruption injustifiée des travaux constitue un abandon de chantier.

Par suite, la société MIC insurance et la SA MIC insurance company ne doivent pas leur garantie aux époux [T].

Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté les époux [T] de leur demande d’indemnisation dirigée à l’encontre de la société MIC insurance.

4. Sur l’indemnisation des époux [T]

Moyens des parties

M. et Mme [T] sollicitent :

– la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a fixé à la somme de 5 146,80 euros TTC les travaux d’urgence et de mise en sécurité ;

– l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a fixé à la somme de 63 569 euros TTC les travaux de reprise et la fixation de ce poste à la somme de 72 956,40 euros TTC correspondant au devis de la société B2S bâtiment ;

– la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a fixé à la somme de 7 000 euros les frais de déménagement-réaménagement et de location de maison le temps des travaux ;

– l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a fixé à la somme de 9 100 euros le préjudice de jouissance arrêté au mois de mars 2019 et la fixation de ce poste à la somme de 31 500 euros ;

– la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a fixé à la somme de 1 825 euros les moins-values.

Réponse de la cour

– sur les travaux de reprise

L’expert a évalué ce poste de préjudice à la somme de 63 569 euros TTC en se fondant sur une évaluation réalisée par un ingénieur en structure qui a estimé que les travaux nécessaires étaient les suivants :

– la dépose et la repose de la toiture avec une charpente neuve ;

– le confortement de la structure de l’étage ;

– le confortement des poutres de la dalle en béton armé ;

– les embellissements ;

– les étanchéités sur les dalles des auvents.

Aux termes d’un devis établi par la société B2S bâtiment le 10 décembre 2018, les mêmes travaux ont a été évalués à la somme de 72 956,40 euros TTC.

Ce devis a été soumis à l’appréciation de l’expert, qui s’est cependant pas expliqué sur les raisons qui l’ont conduit à l’écarter.

L’évaluation réalisée par la société B2S bâtiment, plus précise et détaillée que celle retenue par l’expert, apparaît de nature à assurer une réparation intégrale du préjudice matériel des époux [T].

Il convient donc d’infirmer le jugement déféré de ce chef et de fixer ce poste de préjudice à la somme de 72 956,40 euros.

– sur le préjudice de jouissance

L’expert a évalué ce poste de préjudice à la somme de 400 euros par mois à compter du mois de septembre 2017 concernant l’étage et à la somme de 300 euros par mois à compter du mois de novembre 2018 concernant le séjour.

Le préjudice de jouissance subi par les époux [T] durant les travaux de reprise d’une durée de trois mois est déjà indemnisé au titre des frais de déménagement-réemménagement.

Il convient donc de fixer ce poste de préjudice à la somme de 29 400 euros [48 x 400 + 300 x 34], arrêtée au mois de septembre 2021 comme demandé par les époux [T]. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce sens.

5. Sur les frais du procès

En application des articles L. 622-17 et L. 622-22 du code du commerce, les instances en cours au moment de l’ouverture d’une procédure collective tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant, dont celles au titre des frais irrépétibles et des dépens (Civ. 3ème, 8 juillet 2021, 19-18.437).

Par suite, il convient d’infirmer le jugement déféré de ce chef et de fixer au passif de la procédure collective de M. [F] [C] les dépens de première instance, comprenant les frais d’expertise judiciaire, et les dépens de l’instance d’appel, outre les sommes dues en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’il a condamné M. [F] [C] à payer à M. [M] [T] et Mme [W] [B] épouse [T] :

– la somme de 57 790 euros HT soit 63 569 euros TTC, au titre des travaux de reprise ;

– la somme de 5 146,80 euros TTC au titre des travaux d’urgence et de mise en sécurité ;

– la somme de 9 100 euros arrêtée au mois de mars 2019 au titre du préjudice de jouissance ;

– la somme de 7 000 euros au titre des frais de déménagement-réaménagement et de location d’une maison le temps des travaux ;

– la somme de 1 825 euros au titre des moins-values ;

– la somme de 15 092,82 euros au titre des sommes indûment versées ;

– la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

et l’a condamné aux dépens comprenant les frais d’expertise ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déboute la société MIC insurance et la SA MIC insurance company de leur demande tendant à la mise hors de cause de la société MIC insurance ;

Déclare M. [M] [T] et Mme [W] [B] épouse [T] irrecevables en leur demande tendant à l’annulation de la clause du contrat d’assurance excluant toute garantie en cas d’abandon de chantier ;

Fixe l’indemnisation due à M. [M] [T] et Mme [W] [B] épouse [T] comme suit :

– la somme de 72 956,40 euros, au titre des travaux de reprise ;

– la somme de 5 146,80 euros au titre des travaux d’urgence et de mise en sécurité ;

– la somme de 29 400 euros arrêtée au mois de septembre 2021 au titre du préjudice de jouissance ;

– la somme de 7 000 euros au titre des frais de déménagement-réaménagement et de location d’une maison le temps des travaux ;

– la somme de 1 825 euros au titre des moins-values ;

– la somme de 15 092,82 euros au titre des sommes indûment versées ;

Fixe au passif de la procédure collective de M. [F] [C] la créance de M. [M] [T] et Mme [W] [B] épouse [T] la somme totale de 131 421,02 euros à titre d’indemnisation de leurs préjudices ;

Fixe au passif de la procédure collective de M. [F] [C] la créance de M. [M] [T] et Mme [W] [B] épouse [T] en application de l’article 700 du code de procédure civile à la somme de 6 000 euros ;

Fixe au passif de la procédure collective de M. [F] [C] les dépens de la première instance, comprenant les frais d’expertise judiciaire, et les dépens de l’instance d’appel ;

Déboute M. [M] [T] et Mme [W] [B] épouse [T] de leur demande en application de l’article 700 du code de procédure civile dirigée contre la société MIC insurance et la SA MIC insurance company ;

Déboute la société MIC insurance et la SA MIC insurance company de leur demande en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE                                        LA PRÉSIDENTE


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