M. [V] [Z] et Mme [M] [F] épouse [Z] ont acquis un terrain en octobre 2011 et y ont construit une maison, réceptionnée en septembre 2013. Des fuites et infiltrations sont apparues par la suite. Une expertise a été ordonnée en juillet 2019, mais des complications ont conduit à la caducité de la désignation de l’expert en décembre 2023. Les époux [Z] ont assigné plusieurs entreprises devant le juge des référés pour obtenir une provision. Le juge a déclaré leur demande irrecevable en décembre 2023, décision qu’ils ont contestée en appel en janvier 2024. Ils réclament une provision de 21 909,75 euros, arguant que les entreprises sont responsables des désordres. Les entreprises, quant à elles, soutiennent que leur responsabilité n’est pas établie et que l’expertise est inachevée. La cour a constaté que la responsabilité des entreprises était partiellement établie pour certains désordres, mais pas pour tous. Elle a donc condamné les sociétés Coquart et Fermetures Leichnam à verser une provision de 10 000 euros aux époux [Z], tout en rejetant la demande contre la société IRD. Les dépens de première instance et d’appel ont été mis à la charge des sociétés défenderesses, et une indemnité a été accordée aux époux [Z] pour les frais irrépétibles.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N°
[Z]
[F] épouse [Z]
C/
S.A. COQUART
S.A.R.L. IRD
S.A. FERMETURES DE L’AISNE ENSEIGNE FERMETURES LEICHNAM
CJ/SGS/VB/DPC
COUR D’APPEL D’AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU DIX OCTOBRE
DEUX MILLE VINGT QUATRE
Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 24/00336 – N° Portalis DBV4-V-B7I-I7CL
Décision déférée à la cour : ORDONNANCE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT-QUENTIN DU VINGT ET UN DECEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [V] [Z]
né le 15 Mai 1970 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Madame [M] [F] épouse [Z]
née le 02 Avril 1977 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentés et plaidant par Me Pierre LOMBARD, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
APPELANTS
ET
S.A. COQUART agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée et plaidant par Me Alysée CHEVALLIER substituant Me Jean-François DEJAS de la SCP MATHIEU-DEJAS-LOIZEAUX-LETISSIER, avocats au barreau de LAON
S.A.R.L. IRD agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Philippe VIGNON de la SCP PHILIPPE VIGNON-MARC STALIN, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
S.A. FERMETURES DE L’AISNE ENSEIGNE FERMETURES LEICHNAM agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Philippe VIGNON de la SCP PHILIPPE VIGNON-MARC STALIN, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
INTIMEES
DEBATS :
A l’audience publique du 13 juin 2024, l’affaire est venue devant Mme Clémence JACQUELINE, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024.
La Cour était assistée lors des débats de Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière assistée de M. [E] [B], greffier stagiaire.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre, Présidente, M. Douglas BERTHE, Président de chambre et Mme Clémence JACQUELINE, Conseillère, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L’ARRET :
Le 10 octobre 2024, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
* *
DECISION :
M. [V] [Z] et Mme [M] [F] épouse [Z] ont, suivant acte du 22 octobre 2011, acheté un terrain sis [Adresse 2] à [Localité 1]. Selon permis de construire du 5 mars 2012 et procès-verbal de réception définitive de travaux en date du 13 septembre 2013, ils y ont fait construire une maison qui a par la suite présenté des fuites et infiltrations.
Une expertise a été ordonnée selon ordonnance de référé du 26 juillet 2019. M. [K] a commencé les opérations d’expertise, a été remplacé par M. [G] qui a établi une note le 22 mai 2023 et demandé une consignation complémentaire de 10 739,16 euros qui n’a pas été versée entraînant la caducité de la désignation de l’expert prononcée par une ordonnance du 5 décembre 2023.
Par actes de commissaire de justice des 17 et 18 octobre 2023, les époux [Z] ont fait assigner la SA Coquart, chargée du gros oeuvre, la SAS IRD, couvreur, et la SA Fermetures de l’Aisne, chargée du lot menuiserie, ayant pour nom commercial Fermetures Leichnam, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint Quentin en paiement de provision.
Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 21 décembre 2023, le juge des référés a déclaré irrecevable la demande des époux [Z], dit qu’ils supporteront la charge des dépens de l’instance de référé et rejeté les demandes d’article 700 du code de procédure civile.
M. et Mme [Z] ont interjeté appel de cette décision par déclaration du 19 janvier 2024.
Par leurs dernières conclusions signifiées le 29 mai 2024, ils demandent à la cour d’infirmer l’ordonnance entreprise, de débouter les intimées de leurs moyens fins et conclusions, à titre principal, de condamner solidairement, par provision, les intimées à leur payer une provision ad litem de 21 909,75 euros, subsidiairement, de répartir cette somme comme suit : société Coquart, 64% soit 14 022,29 euros, société Leichnam 21% soit 4 601,05 euros et la société IRD 15% soit 3 286,45 euros, les condamner solidairement au paiement par provision des dites sommes, les condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Ils exposent que dans la note d’expertise en date du 22 janvier 2022, l’expert judiciaire a constaté l’existence de fuite et d’un défaut d’étanchéité au niveau de la fenêtre de la salle de bains et en terrasses et retient la responsabilité des entreprises intimées quant aux désordres observés. Ils évaluent leur créance au montant des frais d’expertise déjà engagés par eux ou réclamés à titre de provision, soit 21 909,75 euros. Ils indiquent que les entreprises n’ont jamais contesté leur responsabilité auprès de l’expert.
Subsidiairement, ils proposent de répartir la provision en fonction de la part des marchés de ces entreprises dans le coût global de la construction.
Par ses dernières conclusions signifiées le 3 avril 2024, la S.A. Coquart demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise, en tout état de cause, débouter les époux [Z] de l’ensemble de leurs conclusions, condamner les époux [Z] au paiement d’une indemnité de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens.
Elle affirme que la cause des désordres n’est pas identifiée de manière formelle et que les opérations d’expertise judiciaire n’ont pas abouti à des conclusions définitives. Elle soutient que sa responsabilité dans l’existence de ces désordres n’est pas caractérisée et que l’expertise en cours vise à déterminer les responsabilités des entreprises.
Par leurs dernières conclusions signifiées le 26 mars 2024, la SARL IRD et la SA Fermetures de l’Aisne demandent à la cour de confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise, en tout état de cause, de débouter les époux [Z] de l’ensemble de leurs demandes, condamner les époux [Z] à verser à la SA Fermetures Leichnam la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, condamner les époux [Z] à verser à la SARL IRD la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elles exposent que l’expertise judiciaire n’est pas achevée, que leur responsabilité n’est pas établie et qu’un nouvel expert a été désigné en remplacement du précédent et sera amené à reprendre toutes les opérations d’expertise. Elles estiment qu’il existe de ce fait une contestation sérieuse sur le fond du litige. Enfin, elles soutiennent que la provision ad litem n’est pas de droit et que les époux [Z] ne demandent pas une provision pour faire face aux frais à venir mais pour obtenir le remboursement des frais d’expertise passés.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
La clôture de la procédure est intervenue le 30 mai 2024 et l’affaire a été fixée pour être plaidée le 13 juin 2024.
MOTIFS
L’article 835 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où 1’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier.
En l’espèce, l’expertise judiciaire ordonné le 26 juillet 2019 n’a toujours pas conduit au dépôt d’un rapport définitif en raison de la nécessité de remplacer deux experts et de la période de Covid dans une moindre mesure.
Ces opérations d’expertise sont désormais suspendues car M. et Mme [Z] n’ont pas réglé la consignation complémentaire mise à leur charge de 10 739,16 euros à la suite du dernier changement d’expert et ce alors que les honoraires du précédent expert ont été taxés à la somme de 11 170,59 euros. Les honoraires de l’expert sont pour partie constitués des factures des entreprises Coquart et Leichnam mandatés par l’expert dans le cadre des opérations d’expertise pour réaliser diverses investigations.
La demande de provision ad litem formée par M. et Mme [Z] vise en réalité à assurer le règlement de ladite provision afin que l’expertise se poursuive.
Ils affirment que l’imputabilité des désordres aux entreprises est indiscutable.
Dans sa note du 22 janvier 2022, l’expert, M. [K], indique bien qu’il existe une responsabilité partagée entre l’entreprise Coquart et les fermetures Leichnam. Il évoque un point très spécifique s’agissant de la recherche de fuite sur la fenêtre de la salle de bain qui résulte d’un défaut d’étanchéité du précadre réalisé par la société Coquart et du défaut d’étanchéité de la fenêtre au niveau du bas du volet roulant posé par les Fermetures Leichnam.
Face à la demande de l’expert de la société Coquart, qui sollicitait une troisième recherche de fuite pour déterminer un pourcentage de responsabilité entre Coquart et les Fermetures Leichnam, l’expert a indiqué qu’elle n’était pas nécessaire car elle n’aurait de valeur que pour les constats opérés sur la fenêtre de la salle de bain sans permettre de déterminer un pourcentage de responsabilité entre Coquart et les Fermetures Leichnam concernant toutes les fenêtres.
Il en ressort que l’expert judiciaire a bien considéré que les deux entreprises étaient responsables de fuites en périphérie sur les fenêtres. Il indique d’ailleurs plus loin dans sa note, qu’à défaut de procéder à une troisième recherche de fuite, il conviendrait de définir les travaux nécessaires à la reprise des désordres.
La responsabilité des deux sociétés est donc établie à l’égard des époux [Z]. Il importe peu que la part de responsabilité de chacune ne soit pas établie dès lors que les sociétés sont tenues in solidum à l’égard des époux [Z] qui ne sont pas concernés par la question de la contribution à la dette. Dans le cadre de l’expertise amiable de la MAIF, les deux sociétés avaient d’ailleurs convenu de réaliser les travaux de reprise à leurs frais.
Cependant, l’expertise perdure sans qu’aucun des experts n’ait à ce jour explicitement apprécié la responsabilité des sociétés mises en cause s’agissant des désordres en toiture à la suite de la reprise de la cheminée et pour les fuites en toiture. La société IRD a indiqué dans un courrier du 18 avril 2013 qu’elle n’était pas responsable des fuites à la suite de la reprise de la cheminée dès lors que, selon elle, la société Coquart a changé plusieurs fois de place le conduit de la cheminée en perçant le toit terrasse. Les seuls rapports de recherche de fuite ne permettent pas à ce stade d’établir la responsabilité de l’une ou l’autre des entreprises mises en cause.
Dans ces conditions, les époux [Z] ne justifient que partiellement de l’existence d’une créance non sérieusement contestable à l’égard des sociétés Coquart et Fermetures Leichnam, s’agissant des travaux de reprise imposés par les fuites en périphérie sur les fenêtres, qui n’impliquent pas la société IRD.
Compte tenu du coût des honoraires de M. [K] et du montant de la provision allouée au nouvel expert, mais en tenant compte du fait que la responsabilité des entreprises n’est pas établie s’agissant de l’ensemble des désordres objets de l’expertise, il convient de condamner la société Coquart et les Fermetures Leichnam à régler in solidum une provision ad litem de 10 000 euros aux époux [Z].
L’ordonnance sera donc infirmée y compris s’agissant des dépens.
Les sociétés Coquart et Fermetures Leichnam seront condamnées aux dépens de première instance et d’appel et au paiement d’une indemnité de 2 000 euros à M. et Mme [Z] au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
M. et Mme [Z] seront par ailleurs condamnés à verser une indemnité de 1 000 euros à la société IRD au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
Infirme l’ordonnance entreprise,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne in solidum la société Coquart et la SA Fermetures de l’Aisne à payer à M. [V] [Z] et Mme [M] [F] épouse [Z] la somme de 10 000 euros à titre de provision pour les besoins du procès ;
Déboute M. [V] [Z] et Mme [M] [F] épouse [Z] du surplus de leur demande ;
Condamne la société Coquart et la SA Fermetures de l’Aisne aux dépens de première instance et d’appel ;
Condamne la société Coquart et la SA Fermetures de l’Aisne à verser à M. [V] [Z] et Mme [M] [F] épouse [Z] une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;
Condamne M. [V] [Z] et Mme [M] [F] épouse [Z] à verser à la société IRD une indemnité de 1000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE