La Banque Postale Financement a accordé un prêt personnel de 18.000 euros à Mme [P] le 30 juin 2017, remboursable en 60 mensualités. En février 2018, la Banque a mis en demeure Mme [P] pour des échéances impayées. Un avenant a été signé en mars 2018 pour réduire les mensualités. Malgré des mises en demeure en 2020 pour des mensualités impayées, la Banque a assigné Mme [P] en paiement. Le 29 novembre 2021, le juge a déclaré la Banque irrecevable dans ses demandes et a condamné celle-ci à une amende civile. La Banque a fait appel de cette décision en janvier 2022, demandant la réformation du jugement et le paiement de sommes dues par Mme [P]. Elle conteste l’analyse du premier juge concernant l’avenant au contrat, soutenant qu’il s’agissait d’un réaménagement et non d’un nouveau contrat. Mme [P] n’a pas constitué avocat pour l’appel.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
C/
[M] [P]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
2ème chambre civile
ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2024
N° RG 22/00004 – N° Portalis DBVF-V-B7G-F3C4
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 29 novembre 2021,
rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité du Creusot – RG : 21/00238
APPELANTE :
LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié de droit au siège social sis :
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Catherine BATAILLARD, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 12
INTIMÉE :
Madame [M] [P]
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 6] (71)
domiciliée :
[Adresse 3]
[Localité 4]
non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 21 décembre 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre,
Michèle BRUGERE, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
Après rapport fait à l’audience par l’un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 14 Mars 2024 pour être prorogée au 2 mai 2024, au 4 juillet 2024 et au 05 Septembre 2024,
ARRÊT : rendu par défaut,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 12 février 2018, la Banque Postale a adressée à Mme [P] une mise en demeure de régularisé des échéances impayées.
Le 30 mars 2018, les parties ont signé un avenant de réaménagement réduisant les mensualités à 207,58 euros.
Par lettres recommandées des 2 septembre et 20 novembre 2020, le prêteur a vainement mis en demeure Mme [P] de régler 5 mensualités impayées avant de la faire assigner en paiement.
Par jugement du 29 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection du Creusot a :
– déclaré la SA La Banque Postale Consumer Finance irrecevable en ses demandes ;
– condamné la SA La Banque Postale Consumer Finance au paiement d’une amende civile d’un montant de 1 500 euros ;
– débouté la SA La Banque Postale Consumer Finance de sa demande de condamnation de Mme [M] [P] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SA La Banque Postale Consumer Finance aux dépens de l’instance ;
– rappelé que la décision est exécutoire de plein droit.
Suivant déclaration au greffe en date du 3 janvier 2022, la société La Banque Postale Consumer Finance a relevé appel de cette décision.
Selon ses dernières conclusions déposées devant la cour le 28 août 2023 et signifiées le 22 août précédent à Mme [P], la Banque Postale demande à la cour, au visa des articles 1100, 1124, 1125 du code civil, L.311 et suivants du code de la consommation, de :
– réformer le jugement entrepris ;
– déclarer recevable et bien fondée l’action de La Banque Postale Consumer Finance ;
– prononcer la déchéance du terme du contrat ;
– condamner Mme [P] [M] à payer à La Banque Postale Consumer Finance la somme de 16.153 euros assortie d’intérêts au taux contractuel de 4,22 % sur 14.879,86 euros à compter du 20 novembre 2020, et au taux légal pour le surplus ;
réformant le jugement entrepris,
– déclarer l’action en paiement de La Banque Postale Consumer Finance nullement constitutive d’un abus de droit ;
en conséquence,
– supprimer toute condamnation à amende civile ;
– condamner Mme [P] [M] à payer à La Banque Postale Consumer Finance la somme de 1.200 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [P] [M] aux entiers dépens de première instance comprenant pour ces derniers notamment les frais de la requête en injonction de payer (51,07 euros) et les frais d’actes ainsi que les frais de recherches cadastrales (36,05 euros) et les dépens d’appel.
La Banque Postale critique l’analyse du premier juge qui a estimé que l’avenant a modifié l’économie du contrat, qu’il ne constitue pas un réaménagement du même prêt, mais un nouveau contrat, et qu’il n’a en conséquence pas pu entrainer de report de la date du premier incident non régularisé qu’il a fixé au 10 février 2019.
Elle soutient que l’avenant a fait suite à des difficultés de règlement et visait à réduire le montant des échéances, sans modification des autres stipulations, notamment le taux des intérêts contractuels, qu’il constitue un réaménagement du prêt, et que son assignation n’est pas tardive.
Elle conteste avoir abusé de son droit d’agir en paiement.
La déclaration d’appel et les premières conclusions de la Banque Postale ont été respectivement signifiées à Mme [P] les 16 février et 19 avril 2022.
L’intimée n’a pas constitué avocat devant la cour dont la décision sera rendue par défaut.
L’offre préalable de prêt a été régularisée le 30 juin 2017 et se trouve soumise aux dispositions du code de la consommation dans leur rédaction entrée en vigueur le 1er mai 2011 et issue de l’ordonnance du 14 mars 2016 et du décret du 29 juin 2016.
1°) sur la fin de non recevoir tirée de la forclusion :
En application de l’article R.312-25 du code de la consommation, les actions en paiement engagées à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être engagées dans les deux ans de l’évènement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
Le texte dispose en outre que : « Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 732-1 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l’article L. 733-1 ou la décision du juge de l’exécution homologuant les mesures prévues à l’article L. 733-7».
Le 30 mars 2018, Mme [P] et la Banque Postale ont régularisé un avenant au contrat de prêt initial, nommé « réaménagement de crédit ».
Selon les termes de cet acte, a été réaménagé le règlement des sommes restant dues au titre du capital restant dû, correspondant à 54 échéances et du montant des impayés incluant les intérêts de retard et les pénalités sur les 3 mensualités demeurées impayées.
Le taux nominal des intérêts de 4,22 % n’a pas été modifié, mais le montant initial des mensualités de 351, 59 euros a été réduit à 207, 58 euros, la durée du prêt était allongée du double, puisqu’il était prévu 111 échéances et un terme au 10 juillet 2027 au lieu du 10 septembre 2022, et le coût total du crédit a également augmenté de 2593 euros, passant de 20.186, 03 à 22.779, 08 euros.
Ainsi que le stipule l’avenant, les parties n’ont pas entendu changer les autres conditions du contrat de crédit qui ont continué à s’appliquer sans novation du contrat initial.
Contrairement à l’analyse du premier juge, la prise en compte de l’ensemble des sommes dues par Mme [P], incluant le capital restant dû, les intérêts échus impayés, les intérêts de retard et les pénalités calculées sur les mensualités échues impayées, au titre de la dette d’amortissement est insuffisante à écarter la qualification de réaménagement du prêt initial en ce que les sommes ainsi ajoutées au seul capital emprunté ne sont que les conséquences de l’exécution du prêt et non des sommes supplémentaires mises à la disposition de l’emprunteur.
Par ailleurs, l’allongement de la durée d’amortissement n’est que le corollaire de la réduction du montant des échéances qui devait permettre à la débitrice d’en supporter la charge, et l’alourdissement du coût du crédit résulte de la modification de la durée du prêt qui génère une production d’intérêts et des frais d’assurance supplémentaires.
Il doit également être relevé que le 12 février 2018, la Banque Postale a mis en demeure Mme [P] de régulariser les mensualités impayées en invoquant la faculté de prononcer la déchéance du terme, que néanmoins, elle ne s’en est pas prévalue, et que l’avenant, signé dès le 30 mars 2018, n’a pas eu pour finalité d’éviter au prêteur la forclusion de son action en paiement, mais bien de poursuivre l’exécution du prêt selon de nouvelles modalités.
L’avenant ayant procédé à un réaménagement du prêt, le point de départ du délai de forclusion doit donc être fixé au premier incident non régularisé intervenu postérieurement et que l’historique des règlements versé aux débats permet de fixer au 10 avril 2020.
La Banque Postale a présenté une requête en injonction de payer le 2 février 2021 qui a été rejetée et a assigné Mme [P] en paiement le 20 mai 2021, avant l’expiration du délai biennal de forclusion, de sorte que son action est recevable.
En conséquence, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.
2°) sur la demande en paiement :
En application de l’article 4 des conditions générales du prêt, la défaillance de l’emprunteur dans le remboursement du prêt permet au prêteur de lui réclamer le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus impayés, des primes d’assurances impayées, des intérêts de retard au taux du prêt et d’une indemnité égale à 8 % du capital restant dû.
L’historique du compte de Mme [P] fait apparaître que depuis le 10 avril 2020, la débitrice n’a honoré aucune des échéances.
La Banque Postale était donc en droit de se prévaloir de la déchéance du terme ce qu’elle a fait par mise en demeure de son mandataire du 20 novembre 2020 et rend sans objet sa demande de la prononcer.
La créance est justifiée par le décompte arrêté au 16 décembre 2020 produit par l’établissement de crédit, le contrat de prêt, l’avenant, les tableaux d’amortissement et l’historique des paiements et conduit à retenir les sommes suivantes :
– capital restant dû : 13. 219, 22 euros
– mensualités impayées : 1660, 64 euros
– indemnité légale de 8 % : 1147, 86 euros.
En conséquence, Mme [P] sera condamnée à payer à la Banque Postale la somme de 14.879,86 euros augmentée des intérêts de retard au taux contractuel de 4,22 % l’an à compter du 20 novembre 2020.
3°) sur les dépens d’instance :
Mme [P] succombant aux prétentions de la Banque Postale devra supporter les dépens afférents aux instances engagées à son encontre, incluant les frais de requête en injonction de payer, mais pas ceux de levée de matrice cadastrale qui constituent des frais de recouvrement et non d’instance.
Infirme le jugement du tribunal de proximité du Creusot en date du 29 novembre 2021,
statuant à nouveau,
Déclare la SA Banque Postale Consumer Finance recevable en ses demandes,
Condamne Mme [M] [P] à payer à la SA Banque Postale Consumer Finance la somme de 14.879,86 euros augmentée des intérêts de retard au taux contractuel de 4,22 % l’an à compter du 20 novembre 2020,
Condamne Mme [M] [P] aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais de requête en injonction de payer,
Déboute la SA Banque Postale Consumer Finance de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Le Greffier, Le Président,