RAPPORT AU PREMIER MINISTRE
La loi du 17 janvier 1989 modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, au-delà de la mise en place du Conseil supérieur de l’audiovisuel, a défini les missions d’intérêt général dont toutes les chaînes de télévision se trouvent investies.
Au nombre de ces missions figure celle de la promotion de la création audiovisuelle française, facteur essentiel de la vitalité de notre culture.
Le projet de décret ci-joint traduit cette préoccupation: il fixe en effet les obligations imposées aux chaînes de télévision en matière de diffusion d’oeuvres cinématographiques et audiovisuelles originaires de la Communauté économique européenne et d’expression originale française.
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Avant l’adoption de la loi du 17 janvier 1989, la loi du 30 septembre 1986 prévoyait déjà que le régime de diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles par les services de télévision autorisés était fixé par décret en Conseil d’Etat.
Des décrets d’application actuellement encore en vigueur ont fixé le régime suivant pour l’ensemble des services de télévision autorisés, diffusés en clair ou cryptés: les oeuvres cinématographiques et audiovisuelles annuellement diffusées doivent, pour 60 p. 100 au moins d’entre elles, être d’origine communautaire et pour 50 p. 100 au moins d’expression originale française.
Des dispositions identiques sont prévues par les cahiers des missions et des charges d’Antenne 2 et F.R. 3 pour les seules oeuvres audiovisuelles. Mais ces proportions ne sont applicables, pendant une période transitoire, qu’à certaines heures et pendant certains jours, considérés comme étant de grande écoute.
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La loi du 17 janvier 1989 a apporté deux innovations à l’article 27 de la loi du 30 septembre 1986. D’une part, le régime de diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles doit être fixé par décret en Conseil d’Etat pour les chaînes publiques et les différentes catégories de services autorisés. D’autre part, afin d’éviter certaines pratiques des chaînes ayant pour effet de dénaturer les obligations qui leur sont imposées, la loi du 17 janvier 1989 précise que ces obligations doivent être fixées notamment aux heures de grande écoute.
RAPPORT AU PREMIER MINISTRE
Le projet de décret fixant les principes généraux concernant la contribution au développement de la production cinématographique et audiovisuelle ainsi que l’indépendance des producteurs à l’égard des diffuseurs est pris en application de l’article 27 (3o) de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986,
modifiée par la loi du 17 janvier 1989.
Il vise à contribuer à la construction d’une industrie française des programmes forte et diversifiée, apte à répondre aux besoins des diffuseurs, en France et dans les pays étrangers notamment, membres de la Communauté économique européenne.
Trois objectifs essentiels ont été retenus dans cette optique:
– assurer une orientation des ressources des diffuseurs vers la production d’oeuvres audiovisuelles durables constituant un patrimoine tant économique que culturel;
– garantir une pluralité des centres d’initiative de production et de création en évitant que les diffuseurs ne constituent, par intégration verticale, des groupes autarciques peu propices à la diversité culturelle, à la circulation des oeuvres et à la concurrence économique;
– favoriser la circulation des oeuvres tant sur le territoire national entre les diffuseurs français qu’en direction des chaînes étrangères.
Les mesures contenues dans ce texte ont été élaborées avec le souci de fixer des règles simples, transparentes et aisément vérifiables.
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La nécessité de multiplier les lieux de création et de conception des oeuvres audiovisuelles appelle le développement d’une production indépendante à l’égard des diffuseurs. Cette exigence culturelle ne peut être remplie que si les entreprises de production indépendante, passage obligé d’une industrie française des programmes puissante et diversifiée, se renforcent économiquement et financièrement.
Afin d’approfondir l’analyse des enjeux économiques et culturels liés à ces questions, le Gouvernement avait en novembre 1988 confié au directeur général de l’Institut de financement du cinéma et des industries culturelles une mission de réflexion et de propositions. Ce travail, mené en concertation avec l’ensemble des composantes de la profession, a mis en valeur les conditions propres à assurer, par la régulation des rapports entre producteurs et diffuseurs, un dynamisme compétitif de la production française. Le projet de décret s’inspire largement des propositions formulées dans ce rapport.
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Article
Le projet de décret ci-joint fixe les modalités d’application du nouvel article 27 (2o) pour Antenne 2 et F.R. 3 et pour l’ensemble des services autorisés diffusés en clair par voie hertzienne terrestre.
Les sociétés nationales de programmes et les services diffusés en clair par voie hertzienne terrestre ont l’obligation de diffuser, dans le nombre total annuel d’oeuvres cinématographiques, d’une part, dans le total du temps consacré à la diffusion d’oeuvres audiovisuelles, d’autre part, et en particulier aux heures de grande écoute (définies comme l’ensemble des heures comprises entre 18 et 23 heures ainsi que les heures comprises, le mercredi, entre 14 et 18 heures):
– au moins 60p. 100 d’oeuvres originaires de la Communauté économique européenne; cette disposition illustre la priorité absolue que le Gouvernement entend donner à la diffusion d’oeuvres d’origine européenne sur les antennes de l’ensemble des services de télévision soumis au droit français;
– au moins 50 p. 100 d’oeuvres d’expression originale française.
Le régime de diffusion s’appliquant aux services autorisés diffusés en clair par satellite et celui s’appliquant aux services autorisés cryptés diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite sont ceux prévus respectivement par les décrets no 87-36 du 26 janvier 1987 et no 89-35 du 24 janvier 1989 qui demeurent en vigueur.
L’entrée en application de ce nouveau régime doit se dérouler en deux étapes:
– de la date de publication de ce décret au 31 décembre 1991, les chaînes devront respecter les obligations de diffusion portant uniquement sur la totalité du temps de diffusion;
– les obligations de diffusion portant sur les heures de grande écoute ne seront applicables qu’à compter du 1er janvier 1992.
Tel est l’objet du présent décret que nous avons l’honneur de soumettre à votre approbation.
Article
Après avoir donné, dans le titre Ier, les définitions utiles à la mise en oeuvre des dispositions de ce décret, le titre II définit le cadre de la contribution des diffuseurs au développement de la production cinématographique ainsi que les principes permettant d’assurer l’indépendance des producteurs d’oeuvres cinématographiques.
Les sociétés publiques et les services autorisés à caractère national diffusés en clair par voie hertzienne terrestre contribuent au développement de la production d’oeuvres cinématographiques d’expression originale française à hauteur de 3 p. 100 de leur chiffre d’affaires annuel net. Ces dépenses regroupent les apports au titre de coproducteur de la filiale cinématographique et les préachats de droits de diffusion exclusifs du diffuseur dont relève cette filiale.
L’indépendance des producteurs à l’égard des diffuseurs est assurée par l’obligation faite aux sociétés publiques et aux services privés à caractère national diffusés en clair par voie hertzienne terrestre de n’intervenir en tant que coproducteur d’une oeuvre cinématographique que par le biais d’une filiale exclusivement consacrée à cette activité.
En outre, pour le respect de l’obligation exprimée en terme de pourcentage de chiffre d’affaires évoquée plus haut, les dépenses de production ne sont prises en compte que si elles respectent les deux conditions suivantes:
– la filiale cinématographique d’un diffuseur n’est pas coproducteur majoritaire d’une oeuvre cinématographique d’expression originale française ni coproducteur majoritaire français en cas de coproduction internationale;
– l’apport financier en part producteur de la filiale cinématographique ne représente pas plus de la moitié des sommes investies par le diffuseur dans la production d’une oeuvre cinématographique d’expression originale française.
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Le titre III est consacré aux contributions des diffuseurs au développement de la production audiovisuelle et à l’indépendance des producteurs à l’égard des diffuseurs. Il s’applique aux sociétés nationales de programmes Antenne 2 et F.R. 3 et aux sociétés de télévision diffusées en clair par voie hertzienne terrestre.
Article
L’obligation de consacrer un certain pourcentage du chiffre d’affaires au développement de la production audiovisuelle figurant dans les décisions d’autorisation de l’autorité de régulation de l’audiovisuel est étendue aux chaînes publiques. Pour tenir compte de la diversité de situation des diffuseurs, un régime optionnel leur est proposé:
– soit consacrer au moins 15 p. 100 de leur chiffre d’affaires annuel net à la production d’oeuvres audiovisuelles d’expression originale française et de diffuser au moins 120 heures d’oeuvres audiovisuelles d’expression originale française en première diffusion en clair en France et en première partie de soirée;
– soit consacrer au moins 20 p. 100 de leur chiffre d’affaires annuel net à la production d’oeuvres originaires de la Communauté économique européenne et au moins 15 p. 100 de ce même chiffre d’affaires à la production d’oeuvres audiovisuelles d’expression originale française.
L’option ainsi proposée a pour souci de tenir compte des vocations et des situations financières différentes des diffuseurs au regard de la contribution qu’ils peuvent apporter au développement de la production originale française.
L’introduction des oeuvres communautaires permet d’inciter les diffuseurs français à coproduire des oeuvres avec des partenaires européens et ainsi d’élargir le marché de ces programmes pour accélérer leur rentabilité économique.
Pour limiter les phénomènes de concentration et d’intégration verticale et horizontale et donc assurer l’indépendance des producteurs à l’égard des diffuseurs, il n’a pas paru opportun d’édicter une interdiction générale et absolue pour un diffuseur de détenir plus d’un certain pourcentage du capital d’une entreprise de production.
Les dispositions retenues n’ont pas non plus pour intention de réglementer l’ensemble des relations entre diffuseurs et producteurs. Il appartient aux organisations professionnelles représentatives d’étendre et de préciser par la voie d’accords négociés les règles minimales posées par ce projet.
Le dispositif proposé privilégie une approche incitant les diffuseurs qui doivent respecter l’obligation de production à consacrer un minimum de 10 p. 100 de leur chiffre d’affaires annuel net à des commandes de production d’oeuvres audiovisuelles répondant à trois critères.
Le premier critère concerne l’indépendance de l’entreprise de production par rapport au diffuseur avec lequel le contrat de production est signé. Cette indépendance se définit par la faiblesse des liens en capital (moins de 5 p. 100 ) entre les deux signataires du contrat et leurs actionnaires.
Les deux autres critères portent sur des dispositions devant figurer dans les contrats pour:
– favoriser la circulation des oeuvres audiovisuelles grâce à une incitation à la réduction de la durée des droits de diffusion exclusifs;
– améliorer la rémunération des producteurs et accroître leur responsabilité artistique et financière en leur réservant la qualité de producteur délégué.
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Tel est l’objet du présent décret que nous avons l’honneur de soumettre à votre approbation.
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