Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance est prise en application des
3° et 4° du I de l’article 109 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016
de modernisation de la justice du XXIe siècle qui habilite le Gouvernement à prendre des mesures relevant du domaine de la loi et nécessaires pour :
– d’une part, assurer la compatibilité de la législation, notamment du
code de la propriété intellectuelle
, avec les deux règlements de l’Union européenne formant le « paquet brevet » qui ont été adoptés à l’issue d’une procédure de coopération renforcée entre Etats membres : le règlement (UE) n° 1257/2012 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2012 mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet et le règlement (UE) n° 1260/2012 du Conseil du 17 décembre 2012 mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction ;
– d’autre part, mettre en œuvre l’accord sur la juridiction unifiée du brevet signé à Bruxelles le 19 février 2013 (ci-après : « l’accord »).
La protection des brevets européens est aujourd’hui régie par la Convention de Munich du 5 octobre 1973 dite « convention sur le brevet européen » (CBE). Les brevets européens sont délivrés par l’Office européen des brevets (OEB). Ce dispositif comporte toutefois des lacunes :
– la protection octroyée n’a pas d’effet automatique dans l’ensemble des 38 Etats parties car le brevet européen est constitué d’une pluralité de brevets nationaux. La partie française du brevet européen étant assimilée à un brevet français, le titulaire doit demander la validation de son brevet dans chaque pays où il souhaite bénéficier d’une protection. Cette situation génère des frais importants pour ce titulaire : taxes de délivrance, coûts de traductions dans certains Etats membres, annuités de maintien en vigueur ;
– il n’existe pas de juridiction unique pour les brevets européens. En cas d’atteinte portée à ses droits sur les territoires de plusieurs Etats membres de l’Union européenne, le titulaire du brevet européen est souvent contraint, en pratique, de saisir plusieurs juridictions nationales. Ainsi, une juridiction française, saisie d’une demande en contrefaçon ou en nullité d’un brevet européen, ne statue, en général, que sur la partie française du brevet européen et pour le préjudice subi en France dès lors que le domicile du défendeur ou le fait générateur de la contrefaçon n’est pas situé en France. Enfin, lors d’une demande en nullité du brevet européen, la juridiction française doit se limiter à statuer sur la partie française du brevet. Cette situation est source d’insécurité juridique pour le titulaire d’un brevet européen.
Dans ce contexte, les règlements (UE) précités et l’accord poursuivent un double objectif :
– renforcer les droits des titulaires de brevets en créant le brevet européen à effet unitaire, qui confère des droits ayant une portée uniforme sur le territoire de tous les Etats membres participant à la coopération renforcée, tout en diminuant les coûts ;
– rationaliser les contentieux en créant une juridiction unifiée dont les décisions s’appliqueront sur le territoire de l’ensemble des Etats membres contractants.
Ainsi, les inventions pourront être protégées en Europe, soit par un brevet européen, tel qu’il existe aujourd’hui, soit par un brevet européen à effet unitaire.
L’accord entrera en vigueur après la ratification par treize Etats dont l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France, cette dernière l’ayant d’ores et déjà ratifié par la
loi n° 2014-199 du 24 février 2014
. Les deux règlements (UE) seront applicables à la date d’entrée en vigueur de l’accord.
L’entrée en vigueur de ce « paquet brevet » nécessite de modifier ou d’adapter les dispositions du
code de la propriété intellectuelle
pour :
– intégrer le brevet européen à effet unitaire dans l’ordre juridique interne : cela impose de modifier la structure de ce code, de prévoir l’articulation entre les différents brevets, de compléter les dispositions relatives à l’information des tiers par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) et d’étendre les effets du brevet européen à effet unitaire aux territoires d’outre-mer ;
– prévoir une dérogation à la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris pour les actions mentionnées au paragraphe 1 de l’article 32 de l’accord portant sur des brevets européens à effet unitaire qui relèveront de la compétence exclusive de la juridiction unifiée du brevet ;
– limiter la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris aux actions portant sur les brevets européens ayant fait l’objet d’une dérogation à la compétence exclusive de la juridiction unifiée du brevet, en application du paragraphe 3 de l’article 83 de l’accord, et ce pour la durée de vie desdits brevets ;
– prévoir, pendant la période transitoire de sept ans renouvelable une fois, la compétence concurrente temporaire du tribunal de grande instance de Paris et de la juridiction unifiée du brevet pour les litiges portant sur des brevets européens en application du paragraphe 1 de l’article 83 de l’accord. Au cours de cette période, les actions en contrefaçon ou en nullité pourront être portées, au choix du demandeur, soit devant la juridiction unifiée du brevet, soit devant le tribunal de grande instance de Paris ;
– tirer les conséquences de la compétence concurrente temporaire du tribunal de grande instance de Paris et de la juridiction unifiée du brevet pour garantir aux justiciables un égal accès au juge qui pourra être saisi de faits identiques de contrefaçon, en alignant le droit interne avec les dispositions de l’accord sur les délais de prescription de l’action en contrefaçon et de l’action en nullité du brevet, ainsi que sur la qualité pour agir en contrefaçon ;
– supprimer l’insécurité juridique pour les titulaires de brevets compte tenu d’une incompatibilité entre, d’une part, le droit interne dans la mesure où il est applicable aux brevets européens devant le tribunal de grande instance de Paris et, d’autre part, les dispositions de droit matériel prévues par l’accord applicables à ces mêmes brevets européens devant la juridiction unifiée : sont concernées la notion de l’épuisement des droits du titulaire de brevet et, dans une moindre mesure, la définition de l’acte de contrefaçon par la mise dans le commerce.
L’ordonnance comprend quatre titres et vingt-cinq articles.
Le code de la propriété intellectuelle est modifié conformément aux articles 2 à 18 de l’ordonnance. Le code des procédures civiles d’exécution est modifié conformément à l’article 20.
Le titre Ier contient les dispositions applicables aux brevets (articles 2 à 10).
Le titre Ier est divisé en trois chapitres. Chaque chapitre prévoit, pour les brevets qui en sont l’objet, les dispositions communes à ces brevets.
Le chapitre Ier comprend les dispositions relatives aux brevets français, aux brevets européens et aux brevets européens à effet unitaire.
Le chapitre IV « Application de conventions internationales » du titre Ier du livre VI du code de la propriété intellectuelle est modifié pour faire référence à l’accord, étendre l’application dudit chapitre au droit de l’Union européenne et créer, au sein de la section I intitulée « Brevets européens », deux sous-sections : l’une consacrée aux brevets européens et l’autre, aux brevets européens à effet unitaire. Le regroupement de l’ensemble des règles relatives à ces deux types de brevets européens au sein d’une même section est de nature à favoriser la bonne articulation et compréhension des dispositions respectives applicables à ces brevets.
La section 3 intitulée « Brevets communautaires » relative à l’application de la convention de Luxembourg signée le 15 décembre 1975, qui n’est jamais entrée en vigueur et à laquelle succède l’accord, est abrogée (articles 2 et 3).
L’article 4 prévoit, en premier lieu, la possibilité d’un cumul de protection entre, d’une part, un brevet français et, d’autre part, un brevet européen qui n’a pas fait l’objet d’une dérogation à la compétence exclusive de la juridiction unifiée du brevet, en application du paragraphe 3 de l’article 83 de l’accord.
En l’état actuel, l’article L. 614-13 exclut le principe d’un cumul de protection entre un brevet français et un brevet européen. Le brevet français cesse ses effets au moment où le brevet européen portant sur la même invention est définitivement délivré au même inventeur ou à son ayant cause avec la même date de dépôt ou de priorité. Le brevet européen se substitue donc au brevet français. Toutefois, le brevet français subsiste tant que le sort du brevet européen n’est pas définitivement fixé. Il subsiste ainsi pendant le délai de neuf mois, à compter de la délivrance du brevet européen, au cours duquel une opposition peut être formée à son encontre. Le brevet français subsiste également en cas d’opposition, jusqu’à la clôture de cette procédure (qui peut durer plusieurs années). Il existe donc, en pratique, une période de coexistence entre les deux titres.
L’article L. 614-13 est modifié pour prévoir la possibilité d’un cumul entre un brevet français et un brevet européen, même au-delà de la période d’opposition, sous réserve toutefois que le brevet européen n’ait pas fait l’objet d’une dérogation à la compétence exclusive de la juridiction unifiée du brevet (article 4).
Cette solution est permise par la convention sur le brevet européen signée à Munich le 5 octobre 1973, qui laisse un choix aux Etats membres quant à l’opportunité d’admettre un cumul de protection. Cette faculté n’a pas été remise en cause par le « paquet brevet ».
L’objectif poursuivi par le cumul de protection est de renforcer la sécurité juridique des titulaires de brevets lorsqu’une contrefaçon est commise uniquement en France. Il convient d’éviter que, lorsqu’une contrefaçon n’est pas commise sur le territoire d’autres Etats membres, le titulaire d’un brevet européen soit contraint de saisir d’une action en contrefaçon la juridiction unifiée du brevet (en particulier après la période transitoire) sur la base de son brevet européen avec un risque d’annulation du titre pour l’ensemble des pays couverts (la nullité du titre étant alors le plus souvent invoquée en défense).
Cette solution, qui a également été adoptée en Allemagne, soumet le brevet français et le brevet européen à la compétence de deux juridictions différentes.
En revanche, en cas de dérogation à la compétence exclusive de la juridiction unifiée, le système actuel perdure. Le cumul de protection est exclu dans la mesure où le brevet européen se substitue alors au brevet français. Afin de garantir la sécurité juridique, il est prévu que l’extinction et l’annulation ultérieure du brevet européen, ainsi que le retrait de la dérogation à la compétence exclusive de la juridiction unifiée du brevet, n’ont pas d’incidence sur la cessation des effets du brevet français.
En second lieu, l’article 4 modifie l’article L. 614-14 afin d’adapter le parallélisme des actes affectant le brevet européen et le brevet français aux possibilités de cumul de protection entre un brevet européen et un brevet français. Ainsi, un acte portant sur le brevet français n’est valable que si le même acte porte également sur le brevet européen correspondant. De même, toute inscription d’un acte concernant un brevet français auprès du registre national des brevets tenu par l’INPI n’est opposable aux tiers que si la même inscription a été faite auprès du registre européen des brevets pour l’acte portant sur le brevet européen correspondant. Ces dispositions n’ont vocation à s’appliquer que pendant la période de coexistence temporaire des deux titres.
L’introduction d’un cumul entre le brevet français et le brevet européen qui n’a pas fait l’objet d’une dérogation à la compétence exclusive de la juridiction unifiée du brevet rend la modification de l’article L. 614-14 nécessaire afin que les dispositions relatives aux actes et à leur publicité soient applicables à cette nouvelle hypothèse de cumul. Les dispositions de l’article L. 614-14 continueront à s’appliquer aux brevets européens qui ont fait l’objet d’une dérogation à la compétence exclusive de la juridiction unifiée du brevet tant que les deux titres coexistent.
L’article 5 modifie l’article L. 614-15 afin de tirer les conséquences des dispositions relatives au cumul de protection sur le sort des actions devant le tribunal de grande instance de Paris ayant pour objet un brevet français en cas de demande de délivrance d’un brevet européen en cours d’instance.
Le premier alinéa de l’article L. 614-15 dispose que le tribunal sursoit à statuer dans l’attente de la délivrance du brevet européen dès lors que la demande de délivrance de ce brevet est faite en cours d’instance. Si cette règle se justifie actuellement dans la mesure où le brevet européen se substitue au brevet français, elle devra désormais ne s’appliquer que dans l’hypothèse où le brevet européen a fait l’objet d’une dérogation à la compétence exclusive de la juridiction unifiée, puisqu’il s’agit de la seule hypothèse dans laquelle le cumul de protection demeure exclu (article 5).
L’article 6 contient une disposition de coordination liée à la création d’une nouvelle sous-section dédiée au brevet européen.
L’article 7 prévoit les nouvelles dispositions (articles L. 614-16-1 à L. 614-16-4) prenant place au sein de cette sous-section.
L’article L. 614-16-1 énonce, dans un premier alinéa, qu’un effet unitaire peut être conféré à un brevet européen dans les conditions prévues au premier paragraphe de l’article 3 du règlement (UE) n° 1257/2012. Le deuxième alinéa prévoit, conformément à l’article 4 de ce règlement, que l’octroi de l’effet unitaire entraîne la disparition rétroactive des effets conférés, en France, par le brevet européen.
L’article L. 614-16-2 énonce expressément que l’inscription au registre de la protection unitaire conférée par un brevet, tenu par l’OEB, des actes transmettant ou modifiant les droits attachés à un brevet européen à effet unitaire rend ces actes opposables aux tiers. Il s’agit d’une reprise de l’article L. 614-11 relatif au brevet européen. L’objectif poursuivi est de prévoir les effets à l’égard des tiers de la publicité effectuée au registre de la protection unitaire conférée par le brevet.
Les articles L. 614-16-3 et L. 614-16-4 tirent les conséquences de l’admission, à l’article L. 614-13, d’une possibilité de cumul de protection entre un brevet français et un brevet européen.
L’article L. 614-16-3 énonce la règle du cumul de protection entre un brevet européen à effet unitaire et un brevet français.
L’article L. 614-16-4 prévoit les conséquences de ce cumul. Il contient des dispositions identiques à celles de l’article L. 614-14 relatives au brevet européen. Il est précisé, d’une part, que les transferts et modifications des droits attachés au brevet européen à effet unitaire ne peuvent pas être effectués indépendamment de ceux portant sur le brevet français correspondant. D’autre part, il est indiqué que toute publicité afférente à ces actes doit être effectuée auprès des deux registres tenus respectivement par l’OEB et par l’INPI.
Le chapitre II est intitulé « Dispositions relatives à la diffusion légale des informations relatives aux brevets européens ».
Il prévoit, dans un article unique (article 8), des dispositions qui complètent celles prévues à l’article L. 612-22 relatives aux informations publiées par l’INPI s’agissant des brevets européens.
En premier lieu, le nouvel article L. 612-22-1 prévoit que l’INPI diffuse par l’intermédiaire, d’une part, du Bulletin officiel de la propriété industrielle et, d’autre part, de sa base de données publique la mention de l’enregistrement de l’effet unitaire et de la date de prise d’effet du brevet européen à effet unitaire en application de l’article 4 du règlement (UE) n° 1257/2012 du 17 décembre 2012.
L’INPI assure actuellement la diffusion auprès des tiers des informations relatives aux brevets européens (actes transmettant ou modifiant les droits attachés, limitations et renonciation, déchéance ou nullité). Or, l’entrée en vigueur du brevet européen à effet unitaire emporte la disparition rétroactive des effets, en France, du brevet européen. La diffusion auprès des tiers d’une information fiable et à jour sur le statut des brevets européens poursuit donc un objectif de sécurité juridique.
En second lieu, le nouvel article L. 612-22-1 prévoit que l’INPI diffuse, par l’intermédiaire du Bulletin officiel de la propriété industrielle et de sa base de données publique, la mention d’une dérogation à la compétence exclusive de la juridiction unifiée du brevet (ou du retrait de cette dérogation) en application des paragraphes 3 et 4 de l’article 83 de l’accord. La diffusion de ces informations tend également à garantir aux tiers (y compris les juridictions françaises) une information complète sur le statut des brevets européens.
Le chapitre III est intitulé « Dispositions relatives aux droits conférés par les brevets européens et par les brevets français ». Il comporte des dispositions relatives à l’étendue des droits conférés par les brevets européens produisant des effets en France et par les brevets français.
Dans la mesure où l’accord contient des dispositions relatives aux droits conférés par les brevets européens et les brevets européens à effet unitaire qui divergent de celles prévues par le
code de la propriété intellectuelle
, il est choisi, dans un but de sécurité juridique et de renforcement des droits des titulaires de brevets, d’aligner les dispositions du
code de la propriété intellectuelle
sur celles de l’accord sur deux points :
– la définition des actes de contrefaçon (article 9) : les mots : « mise dans le commerce » figurant aux articles L. 613-3, L. 613-6 et L. 615-1 sont remplacés par les mots : « mise sur le marché », le mot : « propriétaire » du brevet est remplacé par le mot : « titulaire ». Les expressions : « mise sur le marché » et « titulaire » du brevet étant celles employées par l’accord, la modification remplit un objectif d’uniformisation des termes recouvrant une même notion ;
– la définition de la notion d’épuisement des droits, c’est-à-dire l’exception au monopole conféré par un brevet, lorsque son titulaire a consenti à la première mise en circulation du produit breveté sur le marché, prévue par l’
article L. 613-6 du code de la propriété intellectuelle
: l’article 10 modifie les contours de cette notion pour prévoir, à l’instar de l’accord, que le consentement du titulaire du brevet à la première mise en circulation du produit n’est pas nécessairement « exprès ». En outre, l’article L. 613-6 prévoit désormais que le breveté peut s’opposer à la commercialisation du produit lorsqu’il démontre l’existence de motifs légitimes. Ces modifications tendent à assurer la libre circulation des marchandises, tout en préservant les droits du titulaire de brevet.
Le titre II est intitulé « Dispositions relatives aux actions en justice portant sur les brevets européens et les brevets français » (articles 11 à 14).
Les articles 11 et 12 tendent à garantir aux justiciables un égal accès au juge pour des faits identiques de contrefaçon qui, pendant la période transitoire, pourront être portés à la connaissance soit de la juridiction unifiée, soit de la juridiction nationale.
L’article 11 concerne les personnes habilitées à engager une action en contrefaçon, en particulier les titulaires de licences sur un brevet européen ou français.
Si l’accord autorise tout type de licenciés à introduire une action en contrefaçon, sous certaines conditions, l’article L. 615-2 réserve l’introduction de cette action au titulaire du brevet et au licencié exclusif.
L’article L. 615-2 est donc modifié pour permettre au licencié non exclusif d’engager une action en contrefaçon si le contrat de licence le permet expressément et sous réserve de l’information préalable du titulaire de droits. Dans un souci de cohérence, les modalités d’introduction de l’action par le licencié exclusif sont légèrement réaménagées pour reprendre les termes de l’accord. En outre, dans un objectif d’harmonisation des terminologies contenues dans un même article, l’expression : « titulaire du brevet » remplace l’expression : « propriétaire du brevet ».
L’article 12 modifie les règles relatives au délai de prescription de l’action en contrefaçon.
La durée du délai de prescription de l’action en contrefaçon est fixée à cinq ans, tant dans le
code de la propriété intellectuelle
que dans l’accord.
Le point de départ de ce délai est néanmoins différent puisque l’article L. 615-8 retient le jour de la réalisation des actes de contrefaçon tandis que l’accord fixe le point de départ au jour où le requérant a eu connaissance ou avait raisonnablement lieu d’avoir connaissance du dernier fait justifiant l’action.
Dans ces conditions, l’article L. 615-8 est modifié pour retenir un point de départ du délai de prescription conforme à l’accord. Le titulaire de droits pourra agir aussi bien devant la juridiction unifiée que devant le tribunal de grande instance de Paris sans insécurité juridique quant à la prescription de son action. Il convient également de garantir la sécurité juridique du défendeur à l’action.
L’article L. 615-8 est également toiletté pour corriger une erreur de renvoi. Cet article n’ayant vocation qu’à régir la prescription des actions de nature civile, il est renvoyé non pas au chapitre V qui comporte, dans une première section, les dispositions applicables aux actions civiles et, dans une seconde section, celles applicables aux actions pénales, mais uniquement à la première section.
L’article 13 prévoit la création d’un nouvel article L. 615-8-1 aux termes duquel l’action en nullité du brevet est imprescriptible.
Le nouvel article L. 615-8-1 répond à la volonté de sécurisation juridique en harmonisant le
code de la propriété intellectuelle
avec le droit issu de l’accord. L’accord ne soumet l’action en nullité d’un brevet devant la juridiction unifiée du brevet à aucun délai de prescription. Pour leur part, les juridictions françaises font application du délai quinquennal de droit commun prévu à l’
article 2224 du code civil
. La distorsion entre ces deux régimes est particulièrement préjudiciable pour les titulaires de brevets.
A l’article 14 est créé un nouvel article L. 615-18 qui déroge à l’article L. 615-17 relatif à la compétence exclusive des tribunaux de grande instance déterminée par voie réglementaire (en l’occurrence le tribunal de grande instance de Paris). Est ainsi prévue la compétence exclusive de la juridiction unifiée du brevet lorsque l’action figure parmi les actions mentionnées au paragraphe 1 de l’article 32 de l’accord, et porte :
– soit sur un brevet européen à effet unitaire ;
– soit sur un brevet européen ou une demande de brevet européen qui n’a pas fait l’objet d’une dérogation à la compétence exclusive de cette juridiction en application du troisième paragraphe de l’article 83 de l’accord.
Toutefois, au cours de la période transitoire prévue au premier paragraphe de l’article 83 de l’accord, les actions civiles en contrefaçon et les demandes en nullité d’un brevet européen pourront être portées soit devant les juridictions compétentes en application de l’article L. 615-17, soit devant la juridiction unifiée du brevet. La disposition transitoire du premier paragraphe de l’article 83 de l’accord est prévue à l’article 21 de l’ordonnance.
Le titre III comporte les dispositions relatives à l’outre-mer (articles 15 à 19 et article 22).
Les articles 16 et 17 ont pour objet d’étendre aux îles Wallis et Futuna les dispositions nouvelles prévues par la présente ordonnance tout en adoptant une présentation plus explicite à l’article L. 811-1 des dispositions du titre Ier du livre VI qui y sont applicables.
L’article 18 rend applicables les dispositions des règlements (UE) n° 1257/2012 et n° 1260/2012 du 17 décembre 2012, qui créent le brevet européen à effet unitaire, à Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les Terres australes et antarctiques françaises et les îles Wallis et Futuna. En effet, conformément au régime d’association entre l’Union européenne et les pays et territoires d’outre-mer, ces deux règlements n’ont pas vocation à s’y appliquer directement. Toutefois, l’Etat, qui est compétent pour légiférer sur ces territoires en matière de propriété industrielle, peut y rendre les règlements applicables, à l’instar de ce que prévoyait l’
ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001
portant adaptation au droit communautaire du
code de la propriété intellectuelle
et du code des postes et télécommunications, s’agissant des marques communautaires. Cette extension de la portée géographique du brevet européen à effet unitaire a pour objectif d’assurer la protection la plus large possible aux titulaires de droits (étant précisé que le brevet européen actuel couvre les pays et territoires d’outre-mer) et de conférer pleine efficacité à l’accord en permettant à la juridiction unifiée du brevet de se prononcer pour ces territoires.
Pour Wallis-et-Futuna, l’article L. 615-2 est réécrit car l’article L. 613-17-1 auquel il renvoie n’est pas applicable dans les îles Wallis et Futuna en application de l’
article 48 de la loi n° 2007-1544
de lutte contre la contrefaçon du 29 octobre 2007.
L’article 19 porte sur l’application des dispositions de l’ordonnance dans les îles Wallis et Futuna, ainsi que, pour ce qui concerne les dispositions relevant de la compétence de l’Etat, dans les Terres australes et antarctiques françaises, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
Le titre IV de l’ordonnance comporte les dispositions diverses et finales.
Afin de lever toute difficulté liée à l’exécution en France d’une décision prononcée par la juridiction unifiée du brevet, l’article 20 ajoute à la liste des titres exécutoires, prévue par l’
article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution
, les décisions rendues par cette juridiction.
L’article 21 prévoit les dispositions transitoires s’agissant de la compétence concurrente temporaire du tribunal de grande instance de Paris et de la juridiction unifiée du brevet, évoquée ci-dessus.
L’article 22 porte sur l’application des dispositions de l’ordonnance en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, pour les dispositions qui entrent dans le domaine de l’organisation judiciaire relevant de la compétence de l’Etat. Les dispositions de procédures civiles applicables à ces mêmes collectivités sont quant à elles prévues au III de l’article 19.
La date de l’entrée en vigueur de l’ordonnance est fixée à la date d’entrée en vigueur de l’accord. De plus, il est prévu que la mesure prévoyant l’imprescriptibilité de l’action en nullité devant les juridictions françaises est sans effet sur une prescription acquise. Cette mesure s’appliquera lorsque le délai de prescription de l’action n’était pas expiré à la date de son entrée en vigueur (article 23).
Il est renvoyé à un décret en Conseil d’Etat pour les conditions d’application des dispositions de l’ordonnance (article 24).
Tel est l’objet de la présente ordonnance que nous avons l’honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de notre profond respect.
Liens relatifs
Liens relatifs
Extrait du Journal officiel électronique authentifié
PDF –
241,5 Ko