Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l’exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé

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Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l’exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé

Monsieur le Président de la République,

La faculté d’un exercice en commun, sous forme de société, des professions libérales réglementées a été ouverte par la publication de la

loi n° 72-1151 du 23 décembre 1972

qui est venue modifier la

loi n° 66-879 du 29 novembre 1966

relative aux sociétés civiles professionnelles. L’article 2 de celle-ci autorise l’exercice en commun, au sein d’une même entité dotée de la personnalité morale, de professions libérales différentes.

La même faculté a été ouverte, dès son adoption, par la

loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990

relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales.

Toutefois ni les dispositions relatives aux sociétés civiles professionnelles pluri-professionnelles ni celles relatives aux sociétés d’exercice libéral pluri-professionnelles n’ont fait l’objet de dispositions réglementaires d’application. De ce fait, elles sont demeurées inapplicables.

L’impossibilité d’exercer en commun, sous forme de société, différentes professions libérales n’a toutefois pas empêché que se développent, d’une part, les collaborations informelles entre professionnels et, d’autre part, la mise en commun de ressources matérielles, voire la mise en commun de ressources financières au bénéfice de différentes structures d’exercice.

L’actionnariat commun de sociétés exerçant une même profession a pris la forme de sociétés de participations financières de professions libérales, sorte de « holdings », instituées par la

loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001

portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier dite loi « Murcef » et surtout par la

loi n° 2011-331 du 28 mars 2011

de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées. Cette forme alternative d’inter-professionnalité reste toutefois en deçà des ambitions initiales en ce que l’inter-professionnalité ne porte que sur le capital et non sur l’exercice. Ce n’est du reste que très récemment qu’un décret, le

décret n° 2014-354 du 19 mars 2014

, pris pour l’application de l’article 31-2 de la loi du 31 décembre 1990 précitée, a autorisé effectivement la constitution de sociétés de participation financière aux fins de détenir des parts ou actions de sociétés ayant pour objet l’exercice de deux ou plusieurs des professions d’avocat, de notaire, d’huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire, d’expert-comptable, de commissaire aux comptes ou de conseil en propriété industrielle.

Par ailleurs, dans le domaine des professions de santé, le législateur est intervenu de nouveau, par la

loi n° 2011-940 du 10 août 2011

modifiant certaines dispositions de la

loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009

portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, cette fois pour créer un statut spécifique : celui des « sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires » depuis lors prévues aux

articles L. 4041-1 à L. 4043-2 du code de la santé publique

. Le

décret n° 2012-407 du 23 mars 2012

relatif aux sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires est venu compléter ce même code en y insérant les articles R. 4041-1 et suivants. Cette avancée reste toutefois limitée, tant en termes de professions concernées qu’en termes de développement potentiel : il s’agit en effet de sociétés civiles, non de sociétés de capitaux.

C’est ce constat qu’a fait le Parlement au cours des travaux d’élaboration de la

loi n° 2015-990 du 6 août 2015

pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques : en dehors de la mise en commun de moyens matériels ou de celle, très récente, de ressources financières entre des personnes appartenant à des professions libérales différentes et hormis le cas particulier des professions de santé, les structures interprofessionnelles d’exercice, c’est-à-dire celles qui pourraient offrir aux entreprises un point d’entrée unique pour la réalisation de leurs affaires, n’ont pu se développer. Aussi le 2° de l’article 65 de la loi du 6 août 2015 a-t-il habilité le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour faciliter la création de sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs professions réglementées du droit et du chiffre. Le législateur a ainsi entendu permettre à ces professionnels d’organiser leur exercice sous des formes sociales incluant davantage de pluridisciplinarité au bénéfice de leurs clients, entreprises comme particuliers. Ceux-ci pourront ainsi se voir proposer des gammes complètes de prestations à des prix rendus plus attractifs par la mutualisation des charges. Le législateur a également entendu ouvrir à ces professionnels du droit et du chiffre, qui évoluent sur un marché très dynamique, de nouvelles perspectives commerciales face à la concurrence internationale.

Prise en vertu de cette habilitation, l’ordonnance ouvre la voie à la création de sociétés d’exercice de plusieurs professions libérales, dénommées « sociétés pluri-professionnelles d’exercice ».

L’ordonnance insère l’ensemble des dispositions générales applicables à ces sociétés pluri-professionnelles d’exercice dans un titre nouveau de la loi du 31 décembre 1990 qui proposera, aux professionnels libéraux du droit désireux d’entreprendre une activité sous la forme d’une société commerciale, l’ensemble des formes sociales d’exercice existante en droit interne à l’exception de celles conférant la qualité de commerçant. C’est l’objet du titre Ier.

Les articles 1er et 2 de l’ordonnance introduisent des modifications rédactionnelles tandis que son article 3 introduit, dans la loi du 31 décembre 1990, les articles 31-3 à 31-12 qui constituent le titre IV bis nouveau.

L’article 31-3 pose le principe de la constitution d’une société dont l’objet est l’exercice de deux ou plusieurs professions parmi les neuf qu’il énumère : avocat, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, commissaire-priseur judiciaire, huissier de justice, notaire, administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, conseil en propriété industrielle et expert-comptable.

L’ordonnance offre à ces professionnels libéraux la plus grande souplesse possible. L’article 31-4 prévoit que la société peut revêtir toute forme sociale, à l’exception de celles qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant. Il s’agira en pratique soit d’une société civile soit de l’une des formes prévues au

code de commerce

, notamment la société à responsabilité limitée et la société anonyme. Dans ce second cas, à moins que les professionnels choisissent de constituer une société d’exercice libérale régie également par le titre Ier de la loi du 31 décembre 1990, la société ainsi créée sera essentiellement régie par les dispositions de droit commun, propres à la forme sociale choisie.

Toutefois le même article 31-4 étend aux sociétés pluri-professionnelles d’exercice certaines dispositions applicables aux sociétés d’exercice libéral, notamment celles en vertu desquelles :

– les sociétés ne peuvent accomplir les actes d’une profession déterminée que par l’intermédiaire d’un de leurs membres ayant qualité pour exercer cette profession ;

– les sociétés ne peuvent exercer les professions constituant son objet social qu’après y avoir été autorisées ou déclarées auprès des autorités compétentes ;

– chaque associé répond sur l’ensemble de son patrimoine des actes professionnels qu’il accomplit tandis que la société est solidairement responsable avec lui.

L’article 31-5 autorise la société à exercer des activités commerciales, à titre accessoire. Toutefois, conformément à l’exigence, résultant du d du 2° de l’article habilitant le Gouvernement à légiférer, de prendre en considération les incompatibilités propres à chaque profession, une activité accessoire n’est autorisée que dès lors qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne l’interdit expressément à l’une des professions constituant l’objet social de la société.

L’article 31-6 énumère les personnes physiques ou morales qui sont autorisées à détenir tout ou partie du capital. Comme le prévoient les dispositions du a du 2° de l’article habilitant le Gouvernement à légiférer, la totalité du capital et des droits de vote doit être détenue, directement ou indirectement, par des personnes exerçant l’une des professions exercées en commun au sein de ladite société ou par des personnes légalement établies dans un Etat membre de l’Union européenne, dans un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse et exerçant en qualité de professionnel libéral, dans l’un de ces Etats, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d’une qualification nationale ou internationale reconnue correspondant à celle d’une ou plusieurs des professions constituant l’objet social de la société. Conformément au b du 2° de l’article habilitant le Gouvernement à légiférer, l’article 31-6 prévoit, de façon générale, que la société doit comprendre, parmi ses associés, au moins un membre de chaque profession qu’elle entend exercer.

L’article 31-7 est relatif à la dénomination de la société pluri-professionnelle d’exercice qui doit être identifiée en cette qualité.

Comme le prévoient les dispositions du c et du e du 2° de l’article habilitant le Gouvernement à légiférer, le premier alinéa de l’article 31-8 impose aux statuts de la société de garantir, d’une part, l’indépendance de l’exercice professionnel des associés, des collaborateurs et des salariés et, d’autre part, le respect des dispositions réglementaires encadrant l’exercice de sa profession, notamment celles relatives à la déontologie.

Comme le prévoient les dispositions du d du 2° de l’article habilitant le Gouvernement à légiférer, le second alinéa du même article 31-8 impose aux associés et plus généralement à tous les professionnels exerçant au sein de la société de s’informer mutuellement des liens d’intérêts susceptibles d’affecter leur exercice. Forts de ces informations, les professionnels pourront agir conformément à leur déontologie propre, et notamment déclineront celles des missions susceptibles de faire émerger un conflit d’intérêt.

L’article 31-9 encadre la relation contractuelle ente la société et son client ou la désignation de la société au titre d’un mandat de justice de façon à préserver le libre choix du client ou du juge.

L’article 31-10 rappelle les obligations déontologiques de loyauté et de confidentialité ou de secret professionnel, propres à chaque profession. Son second alinéa y ménage une exception limitée de façon à organiser le partage d’informations au sein de la société, en particulier pour y accomplir des missions communes ou tout simplement faciliter l’exercice des autres professionnels, dans l’intérêt du client et avec son accord expresse ou dans la limite du mandat de justice confié à la société.

L’article 31-11 prévoit l’obligation d’assurance de la société au titre de sa responsabilité civile professionnelle.

L’article 31-12 renvoie au décret en Conseil d’Etat les modalités d’application des dispositions exposées ci-dessus.

L’article 4 modifie la loi du 29 novembre 1966 précitée en vue de faciliter l’intégration des sociétés civiles professionnelles dans des sociétés pluri-professionnelles d’exercice.

Le titre II comporte l’ensemble des articles, numérotés 5 à 12, modifiant les dispositions propres à chacune des professions susceptibles d’être exercées au sein d’une société pluri-professionnelle d’exercice. Chacun de ces articles :

– autorise expressément l’exercice sous cette forme ;

– exige, conformément au b du 2° de l’article habilitant le Gouvernement à légiférer, que la société comprenne parmi ses associés une personne physique qui remplit les conditions pour exercer la profession ;

– exige, conformément au f du 2° de l’article habilitant le Gouvernement à légiférer, la représentation d’un membre en exercice de chaque profession au sein du conseil d’administration ou du conseil de surveillance ;

– lève, le cas échéant, les incompatibilités entre l’exercice des professions considérées et la qualité d’associé ou de dirigeant d’une société pluri-professionnelle d’exercice ;

– renvoie au décret en Conseil d’Etat le soin de prévoir le régime d’autorisation d’exercice de chaque profession.

Tel est l’objet de la présente ordonnance que nous avons l’honneur de soumettre à votre approbation.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de notre profond respect.

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