Rappel à l’ordre ou sanction du salarié : comment les distinguer ?

·

·

,
Rappel à l’ordre ou sanction du salarié : comment les distinguer ?
Ce point juridique est utile ?

 Un email rappelant les règles applicables au salarié dans l’entreprise est un rappel à l’ordre et non une sanction. Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération (L.1331-1 du code du travail).

Si l’écrit est nécessaire à la qualification disciplinaire, il n’est pas suffisant. Il importe que l’employeur ait la volonté réelle de sanctionner un agissement fautif ce qui n’est pas le cas d’un simple rappel à l’ordre ou d’une lettre de « recadrage » dont l’objet est d’attirer l’attention du salarié sur des insuffisances et sur la nécessité de se ressaisir.

Ainsi, si la lettre / l’email se borne à exiger du salarié qu’il se ressaisisse ou qu’il change de comportement, elle sera considérée comme un simple rappel à l’ordre n’épuisant pas le pouvoir disciplinaire de l’employeur, peu important son envoi sous forme recommandée avec accusé de réception. Il en est de même lorsque l’employeur se réserve la possibilité de prendre une sanction.

Au cas d’espèce, le courriel adressé au salarié, rédigé à la suite d’une conversation téléphonique pour en confirmer les termes mentionnait « je te précise que ce mail constitue un simple rappel à l’ordre. Mais si tu venais à enfreindre à nouveau les principes professionnels qui s’appliquent à tous les journalistes de France Télévision, nous pourrions être amenés à prendre une sanction disciplinaire à ton encontre ». Il s‘agissait donc d’un rappel à l’ordre qui  ne remplissait pas les critères constitutifs d’une sanction.

Par cet email l’employeur n’avait par conséquent pas épuisé son pouvoir disciplinaire pour les faits antérieurs

Pour rappel, aux termes de l’article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait n’ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. Il appartient à l’employeur d’établir qu’il n’a été informé des faits que moins de deux mois avant l’engagement des poursuites.

Un fait fautif, dont l’employeur a eu connaissance plus de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement, peut être pris en considération lorsque le comportement du salarié s’est poursuivi dans ce délai.

Le point de départ du délai est constitué par le jour où l’agissement fautif est personnalisé, c’est-à-dire au jour où l’employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié. Ainsi, lorsqu’une enquête interne est diligentée aux fins de mesurer l’ampleur des fautes commises par un salarié, c’est la date à laquelle les résultats de l’enquête sont connus qui marque le point de départ du délai de deux mois.

Selon le principe « non bis in idem », une même faute ne peut pas faire l’objet de deux sanctions successives.

__________________________________________________________________

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 27 MAI 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/05254 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5PVY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Avril 2017 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F15/13285

APPELANT

Monsieur A X

[…]

[…]

Représenté par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148

INTIMÉE

SA FRANCE TELEVISIONS

[…]

[…]

Représentée par Me G BORTEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R271

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Corinne JACQUEMIN, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente de chambre

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère, rédactrice

Madame Roselyne NEMOZ-BENILAN, magistrat honoraire

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 18 juillet 2011, Monsieur A X a été engagé par la société France Télévisions en qualité de journaliste grand reporter, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée pour exercer ses fonctions au sein de la rédaction nationale de France 2 dans le service météo.

Par avenant à effet au 1er janvier 2014, il a été nommé chef de service d’information au service météo France 2 et France 3.

Dans le cadre de ses fonctions, M. X était amené à assurer la présentation des bulletins météo de France 2.

La relation de travail est régie par l’accord collectif d’entreprise France Télévisions du 28 mai 2013.

Le salarié a été convoqué par courrier du 9 octobre 2015 à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied conservatoire.

Cet entretien s’est tenu le 22 octobre suivant et M. X n’a pas souhaité saisir la commission de discipline.

M. X a été licencié pour faute le 30 octobre 2015 avec dispense d’effectuer son préavis.

Estimant que son licenciement était nul pour cause de discrimination, ou à tout le moins, prononcé sans cause réelle et sérieuse en raison de l’absence de toute faute commise dans le cadre de la promotion effectuée pour la parution d’un ouvrage dont il est l’auteur, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris par acte du 18 novembre 2015 pour faire valoir ses droits.

Par jugement du 27 avril 2017, la section Encadrement du conseil de prud’hommes de Paris a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes.

M. X a régulièrement interjeté appel selon déclaration du 11 avril 2018.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 25 avril 2018, l’appelant demande l’infirmation du jugement et requiert de la cour statuant à nouveau, à titre principal de :

— constater la nullité du licenciement qui lui a été notifié par LRAR du 30 10 2015 sur le fondement des articles L1132-1 du code du travail, 225-1 et 225-2 3 du code pénal s’agissant d’un licenciement sanctionnant l’expression par le salarié de ses convictions sociales et politiques ;

— ordonner en conséquence sa réintégration dans ses fonctions de chef du service météo de la société France Télévisions sous astreinte de 1000 euros par jour à compter du prononcé de la décision à intervenir et le paiement des salaires sur la période entre le 1er novembre 2015 jusqu’au jour de la réintégration ;

— condamner France Télévisions au paiement d’une indemnité de 40 000 euros en réparation du préjudice professionnel et moral subi du fait de la mise à pied dont il a fait l’objet et de son éviction brutale de ses fonctions ;

— dire qu’en l’absence de réintégration, l’employeur devra lui verser une somme de 200.000 euros en réparation du préjudice professionnel et moral, outre le paiement des salaires sur la période 1er novembre 2015 au jour du paiement de l’indemnité de 200 000 euros ;

à titre subsidiaire de :

— constater l’absence de toute cause réelle et sérieuse au licenciement prononcé contre Monsieur X et condamner l’employeur au paiement d’une indemnité de 40 000 euros en réparation du préjudice moral et professionnel lié à son éviction brutale et au paiement d’une indemnité de 200.000 euros en réparation du préjudice professionnel et moral découlant du licenciement.

En tout état de cause, une indemnité de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile est également sollicitée, outre le paiement des dépens de première instance et d’appel dont distraction dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 27 juillet 2018, la société France Télévisions sollicite la confirmation du jugement ainsi que le débouté des demandes de M. X et, y ajoutant, la condamnation du salarié à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et les entiers dépens.

Pour plus de précisions quant aux prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter au jugement et aux conclusions susvisées.

Le conseiller chargé de la mise en état a prononcé la fin de l’instruction par ordonnance de clôture du 15 janvier 2021 et a renvoyé l’affaire à l’audience du 26 mars 2021.

SUR QUOI

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et en limite son contrôle, est rédigée comme il suit :

« (…..) Vous avez été reçu le 1er octobre 2015 par P. G., Directeur de l’Information de FRANCE TELEVISIONS. Celui-ci vous a rappelé à cette occasion les obligations vous incombant après avoir constaté, à l’occasion de la publication de votre livre « Climat Investigation » et de sa campagne, que vous aviez clairement associé cette publication non seulement à votre appartenance à FRANCE TELEVISIONS mais également aux fonctions que vous exercez au sein de FRANCE TELEVISIONS, à savoir celles de Chef du Service Météo. Vous avez en effet signé une lettre ouverte au Président de la République sous la mention « A X ‘ Chef du Service météo de FRANCE TELEVISIONS. Auteur du livre Climat Investigation, à paraitre aujourd’hui aux Editions RING » mais aussi utilisé pour les besoins de cette promotion votre compte Twitter@phverdier associé aux deux mentions « Météo France 2 » et « Climat Investigation », votre appartenance à FRANCE TELEVISIONS ainsi que vos fonctions apparaissant également sur la 4e de couverture de votre livre.

Monsieur EG. vous avait donc notamment rappelé les principes professionnels au respect desquels vous étiez tenus, tels que définis par les dispositions de l’accord collectif d’entreprise FRANCE TELEVISIONS du 28 mai 2013, aux termes desquels, notamment :

– le journaliste, lorsqu’il s’exprime à titre privé, « ne peut se réclamer de son appartenance à FRANCE TELEVISIONS » et “doit toutefois avoir conscience que ses propos peuvent l’engager au-delà de la sphère privée”,

– « le journaliste ne saurait user de sa qualité de journaliste de FRANCE TELEVISIONS pour concourir à la publicité ou à la promotion d’un produit, d’une marque d’une entreprise, d’une association ou d’une fédération »,

Il vous avait également rappelé que ces principes devaient s’appliquer avec d’autant plus d’acuité qu’au-delà de votre qualité de journaliste au sein de FRANCE TELEVISIONS, vous y assumez les responsabilités particulières de Chef du Service Météo et donc une responsabilité éditoriale en ce domaine.

Vous aviez ainsi été invité à prendre désormais toutes les précautions d’usage en veillant notamment à rappeler que le propos de votre livre comme ceux que vous pouviez être amené à tenir dans le cadre de sa promotion vous étaient strictement personnels et n’engageaient nullement FRANCE TELEVISIONS, votre attention étant enfin attirée sur le fait qu’à défaut, vous pourriez vous exposer à une sanction disciplinaire.

Un compte rendu écrit de cet entretien vous a été adressé sous la forme d’un courriel le 3 octobre 2015.

Or, vous n’avez tenu aucun compte de cet entretien, ni donc de ce rappel, pourtant très clair, des obligations vous incombant.

Ainsi, dès le lendemain de cet entretien, à l’occasion de votre interview sur l’antenne de RMC, toujours dans le cadre de la promotion de votre livre, vous avez tenu les propos suivants : « Le livre n’est pas apprécié à la Direction de FTV, c’est un fait. Il se trouve que l’actionnaire de FTV c’est l’Etat, c’est aussi l’Etat qui organise la COP. Je dis, je décris ce que j’ai vu dans mon livre Climat Investigation. Je suis conscient que ça ne fait pas plaisir à tout le monde, et surtout à mes patrons, qui ont des pressions ».

Vous avez réitéré des propos de même nature le 5 octobre 2015 dans l’émission « C à vous » : « la position dans laquelle je me place en faisant ces révélations à la suite de mon livre, ce que j’ai totalement le droit de faire, peut poser un certain souci à une partie de mes employeurs dans la mesure où c’est une partie du gouvernement qui est l’organisatrice de la COP ».

Vous avez été encore plus clair dans votre propos dans le « Grand Direct des médias » sur Europe 1 du 15 octobre, lorsque pour évoquer la procédure dont vous veniez de faire l’objet, vous avez déclaré :« C’est possible que ce soit l’Elysée qui soit intervenu dans cette affaire. Quand quelqu’un se met au travers la route de la COP 21, ça gène l’Elysée ».

En d’autres termes, au travers notamment de ces propos (qui ne constituent que des illustrations non exhaustives de la tonalité générale de vos interventions dans le cadre de la promotion de votre livre), soit sous la forme d’affirmations péremptoires, soit sous celle de sous-entendus, soit encore sous celle de simples suppositions ou insinuations, vous avez fait état de pressions politiques prétendument exercées sur FRANCE TELEVISIONS et ayant déterminé la position de sa Direction, remettant ainsi publiquement en cause la fiabilité et la crédibilité de l’information telle qu’elle peut être délivrée sur nos chaines, ainsi que plus généralement l’indépendance de FRANCE TELEVISIONS, de ses dirigeants et de ses rédactions.

Le public de ces propos pourrait d’ailleurs à cet égard faire un lien avec ceux que vous tenez en voix off dans le clip de lancement de votre livre : « des médias aveuglés qui s’emballent et censurent sous la pression de leurs actionnaires et de la publicité » et en déduire que vous visiez déjà notamment FRANCE TELEVISIONS, sachant que ce clip commence par un premier plan séquence annonçant votre qualité de « Chef du Service Météo FRANCE TELEVISIONS » et se poursuit par votre propos introductif consistant, toujours en voix off, à préciser « tous les soirs, je m’adresse à cinq millions de français pour vous parler du vent, des nuages, du soleil et pourtant il y a quelque chose d’important, de très important que je n’ai pas pu vous dire parce que ce n’est ni le lieu, ni le moment ».

Postérieurement à l’entretien du 1er octobre 2015, vous n’avez par ailleurs toujours pas pris la peine, à plusieurs reprises, de préciser que vous vous exprimiez en votre nom personnel et que vos propos n’engageaient que vous mais en aucun cas, ni FRANCE TELEVISIONS, ni sa ligne éditoriale (cf vs interviews dans « C à vous » du 5 octobre 2015, dans « les Inrock » du 6 octobre 2015 ou encore, par exemple dans « Télé 2 semaines » du 11 octobre 2015).

Et lorsque dans certaines de vos interventions, vous avez consenti à préciser à minima que vous aviez réalisé seul cette enquête et qu’elle était indépendante de votre activité au sein de FRANCE TELEVISIONS, vous vous êtes alors généralement empressé d’ajouter « je le rappelle car on m’a demandé de le rappeler à FTV car bien évidemment ce livre a une forte résonnance aujourd’hui » (cf par exemple « Les Grandes Gueules du 2 octobre 2015) ou encore »faut absolument que je dise ça si non on me dit que c’est pas possible« et »c’est un peu schizophrène comme demande mais je le fais« ou »c’est ridicule« (cf »RTL Soir ‘ G J K« du 14 octobre 2015 ou »le Grand Direct des Médias” sur RTL du 15 octobre 2015).

Dans le même esprit, si après l’entretien du 1er octobre 2015, vous avez finalement modifié votre profil sur Twitter en supprimant la référence à FRANCE TELEVISIONS, c’est pour la remplacer par la mention « présentateur TV en France, je ne peux pas en dire davantage ».

En d’autres termes, vous avez ainsi clairement, délibérément et publiquement tourné en dérision une demande de votre hiérarchie, pourtant nécessairement légitime puisque consistant simplement à vous inviter à respecter les principes professionnels auxquels vous êtes tenus et qui vous avaient été rappelés quelques jours auparavant et ce, en cherchant délibérément à instrumentaliser cette demande légitime à des fins de promotion de votre livre, pour illustrer les pressions dont, selon vous, la Direction aurait prétendument fait l’objet et donc la pertinence des propos de votre livre.

A cela s’ajoute que si nous pouvions comprendre que vous ne pouviez faire modifier la 4e page de couverture de votre livre sur les exemplaires déjà édités, il s’avère qu’en dépit de l’entretien du 1er octobre et du rappel à cette occasion des principes professionnels auxquels vous étiez tenus, vous n’avez manifestement pris aucune disposition auprès de votre éditeur pour faire modifier, sur le site internet, les mentions figurant sur les pages de promotion de votre livre, pas plus que votre clip de lancement.

Pour que les choses soient claires et comme nous vous l’avons déjà fait observer lors de l’entretien préalable en réponse à l’argumentation que vous avez fait valoir à cette occasion, il ne s’agit évidemment et en aucun cas de vous reprocher vos prises de positions, quelles qu’elles soient, sur le sujet traité par votre livre, qui sont des positions personnelles, dont vous assumez l’entière responsabilité et que nous n’avons pas à juger, ni à apprécier en tant qu’employeur.

Nous devons en revanche tirer les conséquences d’un comportement caractérisant sans aucun doute possible, au regard des faits et illustrations précédemment exposés :

– des manquements persistants et réitérés à plusieurs reprises aux principes professionnels auxquels vous êtes tenus et ce, en dépit du rappel pourtant très clair dont vous avez fait l’objet à ce sujet, ce qui témoigne de votre part, non pas d’une simple négligence ou légèreté, que nous aurions alors pu traiter comme telle, mais d’un refus délibéré de respecter vos obligations professionnelles et les consignes de votre hiérarchie,

– des propos péremptoires, des sous-entendus, des suppositions et insinuations proférés et réitérés publiquement, traduisant une forme de dénigrement public de FRANCE TELEVISIONS, donc de votre employeur, que vous avez notamment gravement mis en cause en tant que média d’information,

– un manque de discernement d’autant plus manifeste que vous ne pouviez ignorer, à plus forte raison après l’entretien du 1er octobre 2015, qu’au regard du lien direct entre le sujet de votre livre et vos fonctions au sein de FRANCE TELEVISIONS, a fortiori au regard de vos responsabilités de Chef du service météo assumant à ce titre une responsabilité éditoriale, le respect des principes professionnels auxquels vous étiez tenu s’avérait d’autant plus indispensable pour éviter le risque d’une confusion et d’un trouble, dans l’esprit de nos téléspectateurs comme au demeurant au sein du collectif de travail de l’entreprise, sur la ligne éditoriale de nos journaux et la fiabilité de leurs informations à propos de la question du climat.

L’entretien du 1er octobre 2015 avec Monsieur C D vous avait offert la possibilité de faire la preuve de votre volonté de poursuivre la promotion de votre livre dans des conditions plus conformes et compatibles avec les principes professionnels régissant votre collaboration en tant que salarié et journaliste au sein de FRANCE TELEVISIONS ainsi qu’avec les obligations professionnelles en découlant. Vous avez délibérément et en parfaite connaissance de cause pris le parti de ne pas saisir cette chance.

Telles sont les raisons nous conduisant à décide de vos notifier par la présente votre licenciement pour faute.

Au regard de leur gravité, de leur caractère délibéré et répété ou encore du trouble suscité, tant en interne au sein de FRANCE TELEVISIONS que plus généralement dans le milieu des médias et de l’information par la promotion de votre livre à laquelle vous vous êtes livré de manière très ostentatoire sous l’étiquette de « Chef du Service météo FRANCE TELEVISIONS », les faits avérés qui vous sont reprochés auraient pu justifier un licenciement immédiat, sans préavis, ni indemnité d’aucune sorte.

Nous avons toutefois décidé de ne retenir à votre encontre qu’une faute simple ».

I ‘ Sur la prescription des faits

Aux termes de l’article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait n’ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Il appartient à l’employeur d’établir qu’il n’a été informé des faits que moins de deux mois avant l’engagement des poursuites.

Un fait fautif, dont l’employeur a eu connaissance plus de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement, peut être pris en considération lorsque le comportement du salarié s’est poursuivi dans ce délai.

Le point de départ du délai est constitué par le jour où l’agissement fautif est personnalisé, c’est-à-dire au jour où l’employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié. Ainsi, lorsqu’une enquête interne est diligentée aux fins de mesurer l’ampleur des fautes commises par un salarié, c’est la date à laquelle les résultats de l’enquête sont connus qui marque le point de départ du délai de deux mois.

En l’espèce M. X valoir l’employeur avait eu connaissance des faits qualifiés de faute dès juin 2015 tels qu’en témoignent :

— la mention de ses fonctions au sein de FTV tant sur son compte Twitter que sur la 4e page de couverture et que sur le site de l’éditeur était connue depuis que l’information avait été donnée aux dirigeants de la société France Télévisions dès le mois juin 2015 quant au contenu du livre,

— les premiers éléments de communication de la vidéo de promotion avaient été donnés dès le 7 juillet 2015,

— la vidéo étant en ligne depuis le 1er juillet 2015,

— la mention dans la presse très explicite sur le contenu du livre, avec rappel des fonctions exercées au sein de la société France Télévisions, était parue le 1er juillet 2015,

— la mention de sa fonction sur le compte twitter existait lors de son ouverture en 2011.

Toutefois, il ressort de la lettre de licenciement que l’employeur a reproché à M. X, non pas la publication du livre ni son contenu, mais les conditions dans lesquelles il en assuré la promotion à compter d’octobre 2015, et ce, malgré un entretien téléphonique dont les termes ont été rappelés par un courrier électronique du 3 octobre 2015, adressé par Monsieur EG., en sa qualité de directeur exécutif en charge de l’information de la société France Télévisions, qui demande à M. X que les propos qui seraient tenus à l’avenir ne puissent jeter le moindre trouble autour de la ligne éditoriale des journaux sur la question du climat.

En effet, il est visé dans la lettre du 30 octobre 2015 différents faits, tous postérieurs au 1er octobre : une interview dans « C à vous » du 5 octobre 2015, dans « les Inrock » du 6 octobre 2015 ou encore dans « Télé 2 semaines » du 11 octobre 2015, dans « Les Grandes Gueules du 2 octobre 2015, »RTL Soir du 14 octobre 2015 ou « le Grand Direct des Médias » sur RTL du 15 octobre 2015.

De plus, concernant la modification du compte Twitter, l’employeur fait grief à M. X d’avoir, après l’entretien du 1er octobre précité, finalement modifié son profil mais dans un sens équivoque en remplaçant la mention de son titre par « présentateur TV en France, je ne peux pas en dire davantage ».

Dès lors, M. X ne peut utilement se prévaloir de l’information, d’ailleurs partielle, qu’il avait donnée à la société France Télévisions de la sortie de son ouvrage intitulé «Climat-Investigation » en déposant un exemplaire le 14 septembre 2015 sur le bureau de Monsieur E.M., directeur de la rédaction ( pièce 11), en donnant des premiers éléments sur ce livre à Monsieur P. D-B le 7 juillet 2015 après avoir prévenu le 26 juin 2015 (pièce 14) Monsieur EG. de sa parution (pièce 15 du dossier).

En conséquence, le moyen tiré de la prescription des faits ne saurait prospérer.

II’ Sur l’épuisement du pouvoir disciplinaire du fait de l’existence d’une sanction antérieure

Selon le principe « non bis in idem », une même faute ne peut pas faire l’objet de deux sanctions successives.

L’article L.1331-1 du code du travail énonce que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Si l’écrit est nécessaire à la qualification disciplinaire, il n’est pas suffisant. Il importe que l’employeur ait la volonté réelle de sanctionner un agissement fautif ce qui n’est pas le cas d’un simple rappel à l’ordre ou d’une lettre de « recadrage » dont l’objet est d’attirer l’attention du salarié sur des insuffisances et sur la nécessité de se ressaisir.

Ainsi, si la lettre se borne à exiger du salarié qu’il se ressaisisse ou qu’il change de comportement, elle sera considérée comme un simple rappel à l’ordre n’épuisant pas le pouvoir disciplinaire de l’employeur, peu important son envoi sous forme recommandée avec accusé de réception. Il en est de même lorsque l’employeur se réserve la possibilité de prendre une sanction.

Au cas d’espèce, le premier courriel adressé le 3 octobre 2015 à M. X, rédigé à la suite d’une conversation téléphonique du 1er octobre 2015 pour en confirmer les termes mentionne « je te précise que ce mail constitue un simple rappel à l’ordre. Mais si tu venais à enfreindre à nouveau les principes professionnels qui s’appliquent à tous les journalistes de France Télévision, nous pourrions être amenés à prendre une sanction disciplinaire à ton encontre ».

Il en résulte que l’employeur a entendu faire le constat que le salarié avait associé sa qualité de Chef du service météo lors de la promotion de son livre par suite rappeler les règles et principes professionnels applicables l’invitant à s’y tenir à l’avenir.

Par conséquent ce rappel à l’ordre ne remplissait pas les critères constitutifs d’une sanction mais un simple rappel à l’ordre.

Contrairement à l’analyse de M. X, l’employeur n’avait par conséquent pas épuisé son pouvoir disciplinaire pour les faits antérieurs au 3 octobre 2021.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement quant à l’absence de prescription des faits soumis à l’appréciation de la juridiction prud’homale.

III ‘ Sur le licenciement

A ‘ Concernant la nullité du licenciement

L’article 1132-1 du code du travail, inclus dans le chapitre 2 fixant les règles sur le principe de non-discrimination et inclus dans le titre III intitulé ‘Discriminations’, dans sa rédaction applicable à l’espèce, prohibe toute mesure discriminatoire, directe ou indirecte à l’encontre d’un salarié, en raison notamment de ses opinions politiques.

L’article 1134-1 du même code aménage les règles de preuve pour celui qui s’estime victime de discrimination au sens du chapitre 2, l’intéressé devant alors seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, la partie défenderesse devant prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, M. X qui ne conteste pas la règle qui lui est opposée, ni de l’avoir enfreinte, fait valoir au soutien de sa demande de nullité du licenciement pour discrimination liée à ses opinions politiques que les faits qui lui sont reprochés, à savoir notamment la violation de l’interdiction faite à un journaliste de se prévaloir à titre privé de son appartenance à la société France Télévisions, ne seraient jamais sanctionnés habituellement au sein de l’entreprise, ce qui devrait s’analyser en une forme de tolérance.

A l’appui de sa demande, M. X présente les éléments suivants :

— des articles de presse ou des couvertures de livres sur lesquelles apparaissent pour la plupart la fonction des journalistes,( pièces n° 31 à 33, 35, 39, 45, 68 à 71, 75, 76, 82, 86 à 97, 108, 109, 113) ;

— des exemples de comptes Twitter de journalistes ou animateurs de la société France Télévisions .(pièces n° 30,106 et 107) mentionnant leur fonction.

Il résulte de ces documents qu’il s’agit pour certains (notamment les pièces n° 31,33, 35, 97) d’articles de presse qui annoncent ou commentent des émissions diffusées par France Télévisions et sont donc sans lien avec une promotion d’un ouvrage personnel.

D’autres pièces ont trait à des couvertures de livres sur des enquêtes et des sujets réalisées par les journalistes dans le cadre de leur fonction (pièces n° 71, 45) ou un livre sur les thèmes abordés lors d’émissions diffusées régulièrement (pièces n° 75, 76, 82, 83, 84, 88, 89, 90 91, 94, 95, 96, 97).

Pour démontrer que la situation de M. X est exclusive de toute discrimination, la société France Télévisions verse au débat les contrats de commission de droits dérivés et mandat d’agent (pièces n° 36 à 39) établissant que les journalistes cités dans les pièces précitées agissaient dans un cadre contractuel entre diverses sociétés ou agents permettant la commercialisation de droits d’adaptation littéraire et graphique (lives, magazines, produits dérivés, autres : jeux de plateau ou de sociétés).

L’employeur établit ainsi que le respect des principes professionnels figurant dans les dispositions de l’accord collectif des journalistes signé le 15 septembre 2011 est une exigence pour chacun à tout moment de la vie de l’entreprise.

Par ailleurs, contrairement à l’affirmation de M. X, l’intimée justifie, par la production aux débats des pièces n°21 à 35, l’existence de sanctions prononcées à l’encontre de journalistes dans des cas similaires au sien.

Notamment, à la suite d’une procédure disciplinaire engagée en 2012 à l’encontre d’un journaliste qui avait utilisé son compte Twitter avec la mention de ses fonctions pour diffuser des propos que l’employeur avait estimés contraires à l’image de la société, la direction a communiqué auprès de l’ensemble du personnel pour rappeler les principes et règles en vigueur, s’agissant notamment de celles issues de la charte des antennes publiée en 2011 (et reprises dans l’accord d’entreprise du 28 mai 2013) (pièce 25) en affirmant : ” Elle tient à rappeler que de telles pratiques sur les réseaux sociaux sont inacceptables et prohibées dans les rédactions du Groupe”.

La charte des antennes de France Télévisions publiée en 2011 stipule en effet : “les personnels de la société France Télévisions et notamment les journalistes doivent avoir conscience qu’ils peuvent être perçus comme les représentants de la télévision publique. Lorsqu’ils publient sur des blogs, ils sont tenus au respect des règles professionnelles et déontologiques. Ils doivent être conscients que la confidentialité ne peut être absolument garantie sur les réseaux sociaux et doivent veiller à ne pas compromettre leur crédibilité, ni celle de l’entreprise”.

Ces principes professionnels figurent également dans les dispositions de l’accord collectif des journalistes signés le 15 septembre 2011 : “Leur respect est une exigence pour chacun à tout moment de la vie de l’entreprise”.

De même, dans le cadre d’une autre procédure disciplinaire, engagée concomitamment à celle dont a fait l’objet M. X (pièce n° 31), le journaliste concerné fut sanctionné pour des faits de même nature et l’employeur a également rappelé à l’occasion de la notification de sa sanction : “En revendiquant ainsi votre appartenance à France Télévisions, vous avez enfreint les principes professionnels applicables aux journalistes tels que définis par les dispositions de l’accord collectif d’entreprise France Télévisions du 28 mai 2013”.

M. X n’est en conséquence pas fondé à se prévaloir de l’existence d’une tolérance au sein de la société France Télévisions pour les faits qui lui ont été reprochés.

S’agissant des mentions de leurs fonctions portées sur les comptes Twitter des journalistes, le moyen est inopérant dès lors qu’il n’est pas reproché à M. X de les avoir mentionnées au sein de la société France Télévisions depuis l’ouverture de son compte en 2011, mais d’avoir continué à en faire état lors de l’utilisation de ce réseau social pour la promotion de son livre, avec comme nouvelle mention : « présentateur TV en France, je ne peux pas en dire davantage », et ce, malgré la mise en garde du 1er octobre 2015.

Au vu des pièces produites, l’employeur rapporte ainsi la preuve d’éléments objectifs justifiant l’absence de discrimination de M. X en raison de ses opinions politiques.

Par conséquent, par confirmation du jugement, l’appelant est débouté de sa demande de nullité du licenciement et de ses demandes subséquentes.

B ‘ Concernant le bien-fondé du licenciement

Selon l’article L.1235-1 du code du travail en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En l’espèce, les règles et principes professionnels qui sont opposés à M. X par la société France Télévisions sont posés par les dispositions de l’accord collectif d’entreprise du 28 mai 2013, au terme desquels notamment :

— « le journaliste, lorsqu’il s’exprime à titre privé, ne peut se réclamer de son appartenance à France Télévisions et doit toutefois avoir conscience que ses propos peuvent l’engager au-delà de la sphère privée »,

— « le journaliste ne saurait user de sa qualité de journaliste de France Télévisions pour concourir à la publicité ou à la promotion d’un produit, d’une marque d’une entreprise, d’une association ou d’une fédération ».

En premier lieu, M. X, qui ne conteste pas la réalité des faits qui lui sont reprochés, ne saurait utilement justifier la mention faite dans la lettre du 1er octobre 2015 adressée au Président de la République, sa fonction au sein France Télévisions par le fait qu’il s’exprime à titre personnel, qu’il n’utilise pas de papier en tête France Télévisions, alors que la mention « Chef du service météo de France Télévision. Auteur du livre Climat Investigations, à paraître aujourd’hui aux éditions Ring» est contraire au principe énoncé à l’accord d’entreprise précité et notamment à la disposition selon laquelle il devait avoir conscience que ses propos pouvaient l’engager au-delà de la sphère privée.

Par ailleurs, le moyen de M. X, selon lequel la seule mention de sa fonction de journaliste au sein de FTV ne permet pas d’en déduire une volonté d’association de FTV au contenu du courrier, est inopérant, dès lors qu’il a intentionnellement apporté cette précision pour laquelle il ne justifie d’aucune utilité autre que celle de le rattacher à cette institution.

Ce grief est dès lors constitué.

En second lieu, s’agissant du deuxième grief tenant à la tenue de propos dans le cadre de la promotion de son livre par M. X lors d’interviews dans différents médias, il lui est reproché d’avoir sous-entendu, voire exprimé l’opinion selon laquelle la direction de la société France Télévisions avait pris ses décisions le concernant pour satisfaire aux pressions qui s’exerceraient sur elle, et ce, dès le lendemain du rappel à l’ordre verbal rappelé par courrier électronique du 3 octobre 2015.

Par les pièces n° 65 et 67 du dossier de M. X, retranscription et différentes vidéos d’interviews, l’employeur souligne que le salarié a déclaré :

— le 2 octobre 2015 : “J’ai reçu un coup de fil, le livre n’est pas apprécié à la Direction qui ont (sic) des pressions”,

— le 5 octobre 2015 : ” Pour l’instant, j’ai pris un peu de recul par rapport à la sortie du livre. Je crois qu’il n’a pas plu à la Direction soyons honnête.

Question : Pourquoi ‘ La position dans laquelle je me place en faisant ces révélations à la suite de la sortie de mon livre, ce que j’ai totalement le droit de faire, peut poser un certain souci à une partie de mes employeurs dans la mesure où c’est une partie du Gouvernement qui est l’organisatrice de la COP et qu’à la suite de l’enquête que je sors, et ben voilà “.

M. X ne conteste aucun de ses propos ni ceux également visés par la société France Télévisions dans d’autres émissions et notamment :

— le 14 octobre 2015 sur Europe 1, (pièce du salarié n° 64) :

«  Question : est-ce que vous pensez que l’Elysée est intervenu dans cette affaire ‘

C’est tout à fait possible. En fait on se situe F G, dans quelque chose qui est écrit dans le livre, dès que vous remettez un avis qui remet en cause la légitimité de la conférence sur le climat qui va se dérouler à Paris. Dès que vous expliquez tout ce qui se passe, dans les rouages, dans les lobbies de ce qui va se passer dans cette grande com pour pas grand-chose « tout avis contraire sera éliminé », c’est la quatrième de couverture du livre. L’affaire qui nous amène à parler aujourd’hui, ça en est la preuve vivante”

“Question : Mais c’est grave de dire que vous pensez que l’Elysée est peut-être à l’origine de ce qui vous arrive, ça veut dire aujourd’hui qu’un journaliste, on le fait taire ‘

Ecoutez, quand H I décide il y a une dizaine de jours de dire sur le fond vers sur lequel il n’arrive pas à réunir de l’argent par rapport aux autres pays, je rajoute deux milliards de plus par an à partir de 2020 ou dans les prochaines années, ça engage tous les contribuables qui nous écoutent. Et forcément, quand quelqu’un se met en travers de la COP 21, ça ne fait pas plaisir à l’Elysée”.

Il résulte de ce qui précède que M. X a soutenu de manière étayée qu’il pensait que son employeur avait agi « sous pressions » pour, comme il l’indique, s’être mis « en travers de la COP 21 ».

De plus, dans un « teaser » (vidéo) (pièce n°18 du dossier la société France Télévisions) annonçant le lancement de son livre diffusé à partir du 1er octobre 2015 sur le site des Editions RING M. X se présente comme chef du service météo de France Télévisions et présentateur météo sur France 2 et en « voix off » déclare, avant d’évoquer des « des médias aveuglés qui s emballent et censurent sous la pression de leurs actionnaires et de la publicité » , “tous les soirs, je m’adresse à cinq millions de français pour vous parler du vent, des nuages, du soleil et pourtant il y a quelque chose d’important, de très important que je n’ai pas pu vous dire parce que ce n’est ni le lieu, ni le moment”.

Il en résulte que M. X a, comme lui en fait grief la société France Télévisions, continué à mentionner ses fonctions dans le cadre de la promotion de son livre.

Le moyen de l’appelant tiré de ce que beaucoup d’émissions étaient diffusées en direct et qu’il n’avait la maîtrise, ni des questions, ni de l’avis que se faisaient les commentateurs de sa situation, est inopérant dès lors qu’il n’avait aucune obligation de répondre dans les termes qu’il a seul choisis.

De plus, lui-même rompu à l’exercice en tant que journaliste, il pouvait anticiper sur la nature des interrogations que ses propres déclarations devaient susciter notamment dans la video précitée (pièce 18).

Enfin, l’employeur est fondé à soutenir que le salarié a souligné l’inanité des règles et principes professionnels que sa hiérarchie lui demandait de respecter (notamment pièces de M. X n° 64, 65 et 67):

— ”je le rappelle car on m’a demandé de le rappeler à FTV car bien évidemment ce livre a une forte résonance aujourd’hui”

— ”faut absolument que je dise ça sinon on me dit que c’est pas possible”,

— ”c’est un peu schizophrène comme demande mais je le fais”

— ”c’est ridicule”.

Il convient également à ce titre de rappeler la nature de la modification équivoque effectuée par M. X, après l’entretien du 1er octobre précité et la réception du courriel de confirmation du 3 octobre suivant , quant au profil de son compte Twitter, qui servait également de support promotionnel de son livre ; la mention finalement adoptée destinée à remplacer « chef du service météo sur la société France Télévisions » était devenue “présentateur TV en France, je ne peux pas en dire davantage” .

C’est à juste titre que l’employeur a considéré que cette mention était tendancieuse et relevait d’une certaine raillerie du salarié à l’encontre de la direction qu’il rendait au demeurant publique du fait de la résonance de ce réseau social.

Ainsi la société France Télévisions établit-elle, d’une part, que le salarié s’est publiquement et à de nombreuses reprises, en méconnaissance des dispositions de l’accord collectif d’entreprise du 28 mai 2013 précitées, prévalu de sa fonction au sein de France télévisions lors de la promotion de son livre alors même qu’il avait conscience que cela posait un problème éthique puisqu’il écrivait à ses collègues (pièce du salarié n 9) : “Avec la résonnance autour de la sortie du livre et connaissant un peu notre milieu professionnel, je tiens à vous envoyer mes meilleures pensées par rapport aux retours en interne et en externe. (..) Désolé pour ces éventuels désagréments passagers. Si par hasard, cela devient gênant, n’hésitez pas à m’en faire part”.

D’autre part, l’appelant a tenu des propos péremptoires traduisant publiquement une forme de dénigrement de l’employeur.

L’ensemble de ces faits constituent une faute au regard du respect des principes professionnels qu’il devait respecter afin de ne pas créer de confusion sur la ligne éditoriale des journaux de la société France Télévisions et l’indépendance des informations sur la question du climat, à fortiori au regard de ses fonctions de Chef du service météo, assurant à ce titre une responsabilité éditoriale.

Le grief est en conséquence fondé.

Il convient donc de dire, par confirmation du jugement entrepris que le licenciement de M. X est fondé sur une cause réelle et sérieuse et de débouter l’appelant de ses demandes subséquentes.

IV – Sur les autres demandes

Le jugement est confirmé en ses dispositions concernant les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

M. X est condamné par application de l’article 696 du code de procédure civile aux dépens d’ appel, étant relevé que l’article 699 du code de procédure civile réservé aux procédures dans lesquelles le ministère d’avocat est obligatoire, n’est pas applicable en l’espèce.

L’équité ne commande pas en l’espèce de faire application au bénéfice de l’intimée des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI

La Cour,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE M. A X de ses demandes ;

DIT n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. A X aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Chat Icon