Ce point juridique est utile ?
En l’absence d’urgence, le recours du Syndicat national des radios libres et la Confédération nationale des radios associatives contre le décret du 10 avril 2021 a été rejeté.
La loi du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 a ouvert une dotation budgétaire de 30 millions d’euros afin de mettre en place un soutien spécifique à la diffusion hertzienne et numérique des services de télévision à vocation locale et des radios dont les revenus, notamment publicitaires, ont été particulièrement affectés par la crise liée à la covid-19.
Ce dispositif de soutien a été créé par le décret du 10 avril 2021, dont l’article 2 ouvre le bénéfice aux « éditeurs de services de radio autorisés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel à diffuser par voie hertzienne terrestre sur le fondement des articles 29, 29-1 ou 42-12 de la loi du 30 septembre 1986 (…), à l’exception des éditeurs mentionnés au quinzième alinéa de l’article 29 de la même loi qui ont bénéficié, au titre de l’exercice comptable 2019, de la subvention d’exploitation prévue à l’article 5 du décret du 25 août 2006 (…) ».
Ces dispositions ont eu pour effet d’exclure du bénéfice du dispositif de soutien ainsi créé les radios locales associatives poursuivant une mission sociale de proximité qui ont bénéficié en 2020, au titre de l’exercice comptable 2019, d’une subvention d’exploitation versée par le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER).
La situation financière des radios associatives a été affectée dans une mesure importante depuis le début de la crise sanitaire non seulement par la baisse de leurs recettes publicitaires, qui ne peuvent excéder 20 % de leurs chiffres d’affaires, mais aussi par la perte de recettes provenant de dons ou d’activités et de prestations liés à des événements locaux.
Le Syndicat a fait valoir en vain que la privation du bénéfice du dispositif de soutien mettrait en péril l’existence même des radios associatives qu’ils représentent, en ne leur permettant plus de couvrir les coûts de diffusion par voie hertzienne de leurs services, il résulte de l’instruction que le manque à gagner qui résulterait de la privation de ce soutien exceptionnel représenterait en moyenne environ 2 % des recettes d’une année.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Conseil d’État
Juge des référés
28 mai 2021
N°452774, Inédit au recueil Lebon
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 et 27 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le Syndicat national des radios libres et la Confédération nationale des radios associatives demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d’ordonner la suspension de l’exécution du décret n° 2020-1835 du 10 avril 2021 en tant qu’il exclut, par son article 2, les radios associatives du bénéfice du dispositif de soutien qu’il crée ;
2°) d’enjoindre à l’auteur du décret attaqué d’en modifier l’article 2 en supprimant cette exception ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– la condition d’urgence est satisfaite dès lors que, faute de suspension des dispositions contestées avant le 31 mai 2021, date limite de dépôt des demandes d’aide, les radios associatives se trouveront définitivement exclues du dispositif de soutien à la diffusion hertzienne terrestre des services de radio affectés par la propagation de l’épidémie de covid-19 créé par le décret du 10 avril 2021, ce qui mettra en péril leur existence même, car elles ne pourront plus subvenir aux coûts de cette diffusion ;
– il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret attaqué ;
– le décret attaqué a été pris au terme d’une procédure irrégulière dès lors que, alors même qu’il institue une aide au moyen de ressources de l’Etat, qui accorde à certaines radios un avantage susceptible de fausser la concurrence et d’affecter les échanges entre Etats membres, il n’a pas fait l’objet d’une mesure d’information préalable de la Commission européenne conformément à l’article 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) ;
– il est entaché d’erreur de droit en ce qu’il méconnaît le principe d’égalité dès lors que, en excluant du dispositif d’aides les radios associatives bénéficiant du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER), il institue des différences de traitement, d’une part, entre celles-ci et les radios commerciales et, d’autre part, entre radios associatives, qui ne sont pas justifiées par une différence de situation objective au regard de l’épidémie de covid-19, sont sans rapport direct avec l’objet du décret et sont manifestement disproportionnées au regard des motifs susceptibles de les justifier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2021, la ministre de la culture conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d’urgence n’est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée au Conseil supérieur de l’audiovisuel qui n’a pas produit d’observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la Constitution, et notamment son Préambule ;
– la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
– la loi n° 2020-935 du 30 juillet de finances rectificative pour 2020 ;
– le décret n° 2006-1067 du 25 août 2006 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, le Syndicat national des radios libres et la Confédération nationale des radios associatives et, d’autre part, la ministre de la culture et le Conseil supérieur de l’audiovisuel ;
Ont été entendus lors de l’audience publique du 27 mai 2021, à 14 heures :
— Me Delvolvé, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat des requérants ;
— les représentants des requérants ;
— les représentants de la ministre de la culture ;
à l’issue de laquelle le juge des référés a fixé la clôture de l’instruction au 27 mai 2021 à 18 heures.
Considérant ce qui suit :
- Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».
- Aux termes de l’article 80 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 : « Les services de radio par voie hertzienne mentionnés au quinzième alinéa de l’article 29, lorsque leurs ressources commerciales provenant de messages diffusés à l’antenne et présentant le caractère de publicité de marque ou de parrainage sont inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaires total bénéficient d’une aide selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat. ». Le quinzième alinéa de l’article 29 de cette loi dispose que : « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille, sur l’ensemble du territoire, à ce qu’une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l’expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l’environnement ou la lutte contre l’exclusion. ». L’article 2 du décret n° 2006-1067 du 25 août 2006, pris pour l’application de l’article 80 de la loi du 30 septembre 1986, dispose que l’aide financière prévue à cet article comprend les subventions d’installation, d’équipement, d’exploitation et la subvention sélective à l’action radiophonique. Aux termes de l’article 5 de ce décret : ” La subvention d’exploitation est déterminée selon un barème fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de la communication et du ministre chargé du budget, pris après avis de la commission du fonds de soutien à l’expression radiophonique prévue à l’article 15, compte tenu des produits d’exploitation normale et courante du service correspondant à l’activité radiophonique, avant déduction des frais de régie publicitaire. / La subvention d’exploitation est attribuée aux services de radio par voie hertzienne qui en font la demande au plus tard le 15 avril de l’année suivant celle de la clôture de l’exercice et qui remplissent les deux conditions suivantes : / 1° Proposer une programmation d’intérêt local, spécifique à la zone géographique de diffusion, d’une durée quotidienne d’au moins quatre heures entre 6 heures et minuit hors programmes musicaux dépourvus d’animation ou fournis par un tiers ; / 2° Justifier que cette programmation est réalisée, pour la durée minimale et dans les conditions mentionnées au 1°, par des personnels d’antenne et dans des locaux situés dans cette zone de diffusion. “
- La loi du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 a ouvert une dotation budgétaire de 30 millions d’euros afin de mettre en place un soutien spécifique à la diffusion hertzienne et numérique des services de télévision à vocation locale et des radios dont les revenus, notamment publicitaires, ont été particulièrement affectés par la crise liée à la covid-19. Ce dispositif de soutien a été créé par le décret du 10 avril 2021, dont l’article 2 ouvre le bénéfice aux « éditeurs de services de radio autorisés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel à diffuser par voie hertzienne terrestre sur le fondement des articles 29, 29-1 ou 42-12 de la loi du 30 septembre 1986 (…), à l’exception des éditeurs mentionnés au quinzième alinéa de l’article 29 de la même loi qui ont bénéficié, au titre de l’exercice comptable 2019, de la subvention d’exploitation prévue à l’article 5 du décret du 25 août 2006 (…) ». Ces dispositions ont pour effet d’exclure du bénéfice du dispositif de soutien ainsi créé les radios locales associatives poursuivant une mission sociale de proximité qui ont bénéficié en 2020, au titre de l’exercice comptable 2019, d’une subvention d’exploitation versée par le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER). Le Syndicat national des radios libres et la Confédération nationale des radios associatives demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution des dispositions de l’article 2 du décret en tant qu’elles comportent cette exclusion.
- Il résulte des dispositions citées ci-dessus de l’article L. 521-1 du code de justice administrative que le prononcé de la suspension d’un acte administratif est subordonné notamment à une condition d’urgence. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications apportées par le requérant, si les effets de l’acte en litige sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.
- Il résulte de l’instruction que la situation financière des radios associatives a été affectée dans une mesure importante depuis le début de la crise sanitaire non seulement par la baisse de leurs recettes publicitaires, qui ne peuvent excéder 20 % de leurs chiffres d’affaires, mais aussi par la perte de recettes provenant de dons ou d’activités et de prestations liés à des événements locaux. Si les requérants font valoir que la privation du bénéfice du dispositif de soutien mentionné au point 3, mettrait en péril l’existence même des radios associatives qu’ils représentent, en ne leur permettant plus de couvrir les coûts de diffusion par voie hertzienne de leurs services, il résulte de l’instruction que le manque à gagner qui résulterait de la privation de ce soutien exceptionnel représenterait en moyenne environ 2 % des recettes d’une année. Dans ces conditions, et alors que la 5e chambre de la section du contentieux du Conseil d’Etat est, en principe, en mesure d’inscrire le jugement de la requête au fond au rôle d’une séance permettant son jugement avant la fin de l’année civile, les requérants n’établissent pas que leur requête caractériserait une urgence justifiant que, sans attendre ce jugement, une mesure de suspension soit prononcée.
- Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’existence d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux, quant à la légalité du décret attaqué, que la demande de suspension présentée par le Syndicat national des radios libres et par la Confédération nationale des radios associatives doit être rejetée.
- Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat qui n’est pas dans la présente instance, la partie perdante.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête du Syndicat national des radios libres et de la Confédération nationale des radios associatives est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au Syndicat national des radios libres, à la Confédération nationale des radios associatives ainsi qu’à la ministre de la culture.
Copie en sera adressée au Conseil supérieur de l’audiovisuel.