Quelles sont les conditions du statut de Cadre dirigeant ?

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Quelles sont les conditions du statut de Cadre dirigeant ?

Aux termes de l’article L.3111-2 du Code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. Ces trois critères sont cumulatifs.

A titre d’exemple, même si un salarié a la rémunération la plus élevée dans l’entreprise dépassant celle du gérant lui-même, il ne dispose pas du statut de cadre en l’absence d’indépendance dans l’organisation de son emploi du temps.

De même, si le salarié n’est pas  habilité à prendre des décisions de façon largement autonome ; exemple : les décisions importantes (recrutement etc.) pour la société sont prises en concertation avec le salarié mais non par lui-même.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 16 MARS 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/13820 –��N° Portalis 35L7-V-B7C-B65GM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Novembre 2018 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F14/00617

APPELANTE

SARL DIGITAL CUT

[…]

[…]

Représentée par Me Nathalie FRIED, avocat au barreau de PARIS, toque : E2049

INTIMÉE

Madame Z X

[…]

[…]

Représentée par Me Marie ABLAIN, avocat au barreau de PARIS

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2019/005017 du 12/03/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIE

La société Digital Cut est une société à responsabilité limitée qui a été créée en mars 2003 par cinq associés dont M. B Y et Mme Z X. Elle a pour activité la post-production audiovisuelle se déclinant en deux pôles, la location de matériel de montage de film et le laboratoire numérique, le reste de son chiffre d’affaires résultant de petites ventes de matériel.

Elle emploie habituellement moins de onze salariés et ses relations de travail sont régies par la convention collective nationale des prestataires de service dans le domaine du secteur tertiaire, selon la société Digital Cut, ou la convention collective nationale de la Production de films d’animation, selon Mme X.

Mme X a démissionné de son mandat de gérante salariée au cours de l’assemblée générale mixte du 1er juin 2012 et a été remplacée par M. B Y. Elle est devenue à compter de cette date directrice commerciale et administrative, moyennant une rémunération mensuelle brute de 4 442,08 euros.

Se prévalant à l’encontre de Mme X de plusieurs manquements graves dans l’accomplissement de ses missions de Directrice commerciale et administrative caractéristiques, d’une mauvaise volonté délibérée, de la multiplication d’absences inopinées désorganisant l’entreprise et d’un refus à plusieurs reprises d’exécuter les instructions que le gérant lui donnait, la société Digital Cut a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 23 juillet 2013, par lettre recommandée AR datée du 12 juillet 2013 portant mise à pied à titre conservatoire.

Le 15 juillet 2013 vers 10h00, Mme X, de retour de congés, s’est présentée dans les locaux de la société.

Le gérant de la société a alors tenté de lui remettre en main propre contre décharge la lettre de convocation à entretien préalable et de mise à pied. Mme X a refusé de prendre la lettre et de quitter les lieux. Une altercation s’en est suivie entre elle et le gérant, à l’issue de laquelle Mme X a présenté une incapacité temporaire totale de travail d’une durée de deux jours et a fait l’objet d’un arrêt de travail prescrit jusqu’au 31 juillet 2013 et le gérant a présenté une incapacité totale de travail de deux jours.

Mme X s’étant maintenue dans les locaux de la société, le gérant a requis un huissier de justice qui s’est présenté dans les lieux, à 15h00, pour signifier à la salariée la lettre de convocation à l’entretien préalable ainsi que sa mise à pied conservatoire et lui demander d’exécuter cette mesure. Mme X a répondu à la sommation de l’huissier en ces termes : ‘Je reste dans les locaux en ma qualité d’associée minoritaire. J’ai pris acte de ma mise à pied conservatoire en tant qu’employée.’

Le gérant a alors fait appel aux forces de l’ordre. Des fonctionnaires du commissariat de police de Paris 20ème se sont présentés dans la société à 17h20 et ‘après discussion’ (selon le descriptif d’événement de main-courante du 15 juillet 2013) ont convaincu Mme X de quitter les locaux de l’entreprise.

Par lettre du 31 juillet 2013, Mme X a été licenciée pour faute grave.

Contestant le bien fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été intégralement remplie de ses droits durant la relation contractuelle, Mme X a saisi le Conseil de prud’hommes de Paris, le 14 janvier 2014, afin de l’entendre, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, déclarer son licenciement abusif et condamner la société Digital Cut à lui verser les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal avec capitalisation :

– Rappel de salaires des heures supplémentaires : 8 932,84 euros,

– congés payés afférents : 893,28 euros,

– Rappel de salaires sur la mise à pied conservatoire : 2 664,84 euros

– Congés payés afférents : 266,48 euros,

– Indemnité compensatrice de préavis : 13 326,24 euros,

– Congés payés afférents : 1 332,62 euros,

– Indemnité légale de licenciement : 5 626,34 euros,

– Dommages et intérêts pour rupture abusive : 44 480,80 euros,

– Dommages et intérêts pour conditions brutales et vexatoires du licenciement : 4 442,08 euros,

– Dommages et intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait : 8 884,16 euros,

– Rappel de salaires au titre des congés payés : 615,63 euros,

– Dommages et intérêts pour manquement à l’obligation d’hygiène et de sécurité : 8 884,16 euros,

– Article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros,

Elle réclamait également la remise des documents sociaux de fin de contrat sous astreinte de 205 euros par jour de retard.

La société Digital Cut a conclu au débouté de Mme X et à la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement de départage du 14 novembre 2018, le conseil de prud’hommes a :

– Écarté la faute grave invoquée par l’employeur et requalifié le licenciement de Mme X en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

– Condamné la société Digital Cut à verser à Mme X les sommes suivantes :

°13 326,24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

° 1 332,26 euros au titre des congés payés afférents, ° 2 664,84 euros au titre de la mise à pied,

° 266,48 euros au titre des congés payés afférents,

° 5 626,34 euros à titre de solde d’indemnité de licenciement,

° 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouté Mme X du surplus de ses demandes,

– Débouté la société Digital Cut de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 7 décembre 2018, Mme X a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 10 janvier 2022, la société Digital Cut demande à la cour de :

– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer certaines sommes à Mme X et à remettre à cette dernière des documents sociaux conformes,

et statuant à nouveau,

à titre principal :

– Juger que le licenciement pour faute grave de Mme X est parfaitement fondé,

– Débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes,

– Condamner Mme X à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

à titre subsidiaire, pour le cas où la cour estimerait que le licenciement de Mme X reposerait sur une cause réelle et sérieuse,

– Fixer l’indemnité légale de licenciement à la somme de 1 184, 54 euros,

à titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la cour estimerait le licenciement de Mme X non justifié,

– Débouter Mme X de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Fixer l’indemnité légale de licenciement à la somme de 1 184, 54 euros,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme X du surplus de ses demandes et donc la débouter de celles-ci

en tout état de cause,

– Juger irrecevable, à tout le moins infondée, la demande de Mme X en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par application abusive du statut de cadre dirigeant.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 10 janvier 2022, Mme X demande à la cour de :

– Confirmer le jugement intervenu en ce qu’il a constaté l’absence de faute grave au fondement de son licenciement et en ce qu’il a condamné la société Digital Cut à lui payer les sommes suivantes :

°13 326,24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

°1 332,26 euros au titre des congés payés afférents,

° 2 664,84 euros au titre de la mise à pied,

° 266,48 euros au titre des congés payés afférents,

° 5 626,34 euros à titre d’indemnité de licenciement,

° 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Infirmer le jugement intervenu en ce qu’il a jugé son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu’il l’a déboutée du surplus de ses demandes,

Statuant à nouveau :

– Juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

– Condamner la société Digital Cut à lui verser les sommes suivantes, en sus de l’indemnité compensatrice de préavis, congés payés y afférent, rappels de salaires au titre de la mise à pied conservatoire, congés payés y afférent, l’indemnité conventionnelle de licenciement susvisés :

° 44 420,80 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

° 4 442,08 euros à titre de dommages-intérêts en raison des conditions brutales et vexatoires du licenciement,

° 8 884,16 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

° 8 932,84 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires, outre 893,28 euros au titres des congés payés afférents,

° 615,63 euros à titre de rappel de salaire au titre des congés payés,

– Ordonner la remise de l’attestation employeur destinée au Pôle Emploi rectifiée et un bulletin de paie rectifié conformément à l’arrêt à intervenir, sous astreinte d’une somme de 250 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification de l’arrêt à intervenir,

– Se réserver la liquidation de l’astreinte qui aura été prononcée,

– Assortir les condamnations des intérêts légaux à compter de la demande,

– Ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du Code civil,

– Condamner la société Digital Cut à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 11 janvier 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience du 18 janvier 2022.

MOTIFS

I. Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

I.1 Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par application abusive du statut de cadre dirigeant à la salariée

Invoquant les dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, la société Digital Cut soulève l’irrecevabilité de la demande de Mme X en dommages-intérêts pour application abusive du statut de cadre dirigeant, comme étant nouvelle en cause d’appel.

Mais, comme justement rappelé par Mme X, l’article 566 du même code dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l’espèce, la demande de Mme X en dommages-intérêts pour application abusive du statut de cadre dirigeant tend aux mêmes fins que sa demande formulée en première instance qui contestait l’application d’une convention de forfait en jours mentionnée sur son attestation Pôle Emploi et est également accessoire à ses demandes en rappel d’heures supplémentaires à laquelle l’employeur oppose son statut de cadre dirigeante.

La demande de Mme X en dommages et intérêts pour application abusive du contrat de travail est donc recevable en cause d’appel.

Aux termes de l’article L.3111-2 du Code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Ces trois critères sont cumulatifs.

Mme X conteste l’application de ce statut à sa situation en faisant valoir que la société lui reproche des absences qui auraient désorganisé l’entreprise et auraient posé problème alors qu’elle est censée être autonome dans son emploi du temps, que le statut de cadre dirigeant est, en outre, totalement incompatible avec la demande régulière de comptes-rendus par le gérant, M. Y qui discutait de toutes les questions de tarifs, de prestations et de stratégie lui laissant finalement peu de marge de man’uvre, qu’elle-même ne prenait pas seule les décisions d’achat mais attendait pour cela l’aval du gérant et qu’enfin les décisions de recruter n’appartenaient qu’au gérant dans une société n’employant pourtant que quatre salariés.

La société Digital Cut réplique que, bien qu’ayant démissionné de son mandat de gérante le 1er juin 2012 pour devenir salariée aux fonctions de directrice commerciale et administrative, Mme X a continué d’assurer la gérance effective de la société jusqu’au 31 décembre 2012, qu’elle est restée associée minoritaire à 49 % des parts de la société, qu’elle a été l’interlocutrice unique du cabinet d’expert-comptable de la société jusqu’à fin juin 2013 concernant la comptabilité, le cycle social, le cycle fiscal, qu’elle traitait l’ensemble de la gestion commerciale, que la mention de statut de cadre hors forfait figurant sur ses bulletins de paie résulte de ses propres instructions au cabinet comptable, qu’elle était associée aux décisions importantes de la société et que son absence à des réunions traitant de ces questions a eu pour effet de reporter ces décisions, que l’attestation d’une ancienne salariée qu’elle produit démontre certes qu’elle n’a pas été à l’origine de la décision de l’embauche de cette salariée mais qu’elle y a participé en étant également présente à l’entretien d’embauche avec la postulante et le nouveau gérant en novembre 2012, et qu’elle avait la rémunération la plus élevée dans la société (4 442 euros) dépassant celle du gérant (4 312,93 euros).

Cela étant, il apparaît que si Mme X avait la rémunération la plus élevée dans l’entreprise dépassant celle du gérant lui-même, elle ne disposait pas d’une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps puisque la lettre de licenciement lui reproche, non seulement, de s’être dispensée au dernier moment de réunions importantes – ce qui est effectivement de nature à désorganiser l’entreprise – mais également d’être arrivée tardivement sur son lieu de travail certains jours et d’être partie en début d’après-midi d’autres jours sans, dans ce dernier cas, en avoir préalablement informé le gérant. Elle n’était pas non plus, habilitée à prendre des décisions de façon largement autonome, en ce que les décisions importantes pour la société étaient prises en concertation avec elle, non par elle-même, notamment, le recrutement des salariés auquel elle était associée mais dont la décision appartenait au gérant.

En conséquence, au vu des éléments ci-dessus, il sera constaté que Mme X n’avait pas le statut de cadre dirigeant.

Toutefois, Mme X qui procède par simples affirmations, ne démontre pas que l’application erronée du statut de cadre dirigeant lui a causé un préjudice qui serait distinct de celui réparé par le rétablissement de ses droits en terme de rémunération horaire dont le bien fondé sera examiné ci-dessous.

Elle sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts à ce titre.

1.2 Sur la demande de rappel d’heures supplémentaires

En application de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Se fondant sur l’attestation Pôle Emploi établie par la société Digital Cut mentionnant un horaire collectif de travail applicable dans l’entreprise de 39 heures par semaine, Mme X fait valoir qu’elle a été rémunérée pour une base de 35 heures par semaine en l’absence de convention de forfait en jours écrite et de statut de cadre dirigeant et qu’elle est donc bien fondée à solliciter le paiement d’au moins 4 heures supplémentaires par semaine entre le 1er juin 2012 et le 31 juillet 2013 (soit 61 semaines), outre les congés payés afférents.

Elle produit l’attestation Pôle Emploi remise par la société Digital Cut.

Elle présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies qui permettent à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réponse, la société Digital Cut se contente d’avancer le statut de cadre dirigeant de Mme X que la cour a écarté.

En conséquence, la demande en rappel d’heures supplémentaires de Mme X sera accueillie en son principe et le jugement sera infirmé sur ce point.

Elle sera également accueillie en son montant au vu de la rémunération horaire de la salariée calculée sur 35 heures hebdomadaires ou 151,67 heures par mois et du nombre d’heures supplémentaires par semaine résultant d’une durée hebdomadaire de travail de 39 heures.

Ainsi, la société Digital Cut sera condamnée à verser à Mme X la somme de 8 932,84 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires, et celle de 893,28 euros au titre des congés payés afférents.

I. 3 Sur le rappel de salaire au titre des congés payés

Mme X fait valoir que la société Digital Cut a procédé à une retenue de salaire d’un montant de 409,98 euros, correspondant à 2 jours de travail, estimant que ses congés pris du 11 au 14 juillet 2013 auraient été ‘sans solde’ alors qui si l’employeur n’avait pas omis d’ajouter 2,5 jours de congés payés sur le bulletin de salaire du mois de janvier 2013, il aurait su que les congés qu’elle avait posés étaient bien couverts par ses droits acquis au titre des congés payés.

Elle ajoute qu’en application de l’article 23 de la convention collective applicable, elle avait droit chaque année à un jour de congé payé pour ancienneté supplémentaire, compte tenu de sa reprise d’ancienneté au 1er juillet 2007 et qu’elle est donc bien fondée à solliciter le paiement des congés payés indûment retenus sur son bulletin de salaire du mois de juillet 2013, soit une somme de 409,98 euros. Elle réclame également le paiement du jour de congé dont elle a été privée, soit une somme de 205,65 euros.

Mais, comme justement opposé par l’employeur, la ‘date d’entrée’ de Mme X dans la société mentionnée sur les bulletins de salaire de l’intéressée comme étant le 1er juillet 2007 ne peut contredire le fait que, jusqu’au 1er juin 2012, Mme X exerçait un mandat social en sa qualité de gérante de la société Digital Cut et qu’en l’absence d’un contrat écrit de travail intégrant expressément la période de mandat social dans le calcul de son ancienneté, Mme X ne peut donc se prévaloir d’une ancienneté salariée dans l’entreprise avant cette date.

C’est donc à juste titre que l’employeur a considéré que Mme X avait acquis depuis son embauche en tant que salariée, 30 jours ouvrables pour la période du 1er juin 2012 au 31 mai 2013 et 2,5 jours ouvrables du 1er juin 2013 jusqu’à sa mise à pied à titre conservatoire et qu’au regard de 24 jours ouvrables pris du 17 au 23 juillet 2012 et du 20 août 2012 au 9 septembre 2012 et d’1 jour pris le 10 mai 2013, il lui restait 7,5 jours ouvrables de congés à prendre au 1er juillet 2013 et qu’ainsi, il ne devait régler à sa salariée que 8 jours de congés payés sur la période du 2 au 13 juillet 2013 qui compte 11 jours ouvrables.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande en rappel de congés payés.

I. 4 Sur les dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation en matière d’hygiène et sécurité au travail

Cette demande, formée en première instance, n’est pas explicitée dans les motifs des conclusions d’appel de Mme X et n’est pas reprise dans le dispositif de celles-ci.

Elle doit être considérée comme abandonnée à hauteur d’appel.

II. Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

II. 1 Sur la faute grave

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

‘Malgré les explications que vous nous avez fournies au cours de cet entretien, nous sommes au regret de vous informer que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave pour les motifs suivants.

1/ Vous avez commis des manquements graves et réitérés dans l’accomplissement de vos missions de directrice commerciale et administrative et avez fait preuve de mauvaise volonté délibérée.

– Vous n’accomplissez pas le travail demandé : plusieurs tâches explicitement demandées relevant de vos fonctions n’ont toujours pas été réalisées à ce jour, malgré mes demandes réitérées courant 2013.

À titre d’exemple :

À ce jour, vous avez validé seulement 10 % des tarifs catalogue 2013 ; vous ne m’avez toujours pas transmis le tableau final comparant les tarifs duplication cassettes, fichiers, locations et travaux de laboratoire ; pour les envois via FTP et Completel, j’attends encore votre retour sur l’étude comparative des fournisseurs ainsi que votre proposition de prestation.

Tentant d’obtenir de votre part l’exécution de vos obligations contractuelles, j’ai organisé une réunion, prévue le 21 juin 2013 à 14 heures, afin de finaliser notamment les nouveaux tarifs catalogue 2013 toujours en attente depuis plusieurs mois, le tarif spécifique attendu par un de nos clients (DG) et la newsletter qui devait être lancée la semaine suivante.

Cette réunion n’a pas pu se tenir du fait de votre absence inopinée l’après-midi, absence annoncée par vous à midi et toujours non motivée à ce jour et ces questions importantes n’ont toujours pas pu être réglées à ce jour.

– Lorsque je vous relance sur le travail à effectuer, vous haussez le ton avec virulence et multiplier les éclats de voix et ce, alors que les clients sont dans nos locaux ; ce comportement, inadmissible en soi, nuit au surplus l’image de notre société.

– Vous n’avez mis en ‘uvre aucune action commerciale à ce jour en 2013 à l’exception d’une promotion sur les DVD.

– Votre suivi des créances clients est très insuffisant voire inexistant. La résultante de votre incurie et que nous devons aujourd’hui faire face à un grave problème de trésorerie lié aux retards de paiement de créances.

J’ai ainsi eu connaissance à l’occasion de la préparation du bilan 2012 début juin 2013 de l’existence d’un montant de 325’000 € deux créances clients, en retard de paiement de 10 mois, que vous auriez dû recouvrir ; ces retards de paiement causent des difficultés majeures pour la société car ils engendrent une importante augmentation du besoin en fonds de roulement de notre société et ont nécessité de chercher de nouvelles sources de financement afin que la société soit elle-même en mesure de payer les salaires et cotisations sociales de ses salariés ainsi que ses fournisseurs.

Je vous en ai fait part immédiatement. Cependant au lieu de vous mobiliser pour mettre en ‘uvre un plan d’action urgent concernant ces créances, vous n’avez rien proposé et vous n’avez mis en ‘uvre aucune action corrective.

Je vous ai alors demandé, à plusieurs reprises, verbalement puis par écrit, puisque vous ne donniez pas suite à mes demandes verbales, de me transmettre en état des créances impayées et des actions et dates de relance que vous aviez effectuées.

Le 30 juin 2013 seulement, vous avez enfin daigné me remettre, un état de vos relances clients et des créances restant dû lequel état, outre sa tardiveté, était extrêmement partiel est très loin des chiffres donnés par le comptable portant sur un montant de créances et un nombre de clients bien supérieurs. Cet écart était d’autant plus étonnant que vous disposez d’un logiciel de facturation qui permet d’assurer un suivi précis des factures, des règlements par les clients et les relances faites. Je vous ai donc demandé de faire un point avec un comptable afin de trouver une explication à de tels écarts.

Comme vous m’avez indiqué lundi 1er juillet 2013 qu’il nous fallait au moins une semaine pour vérifier l’ensemble des éléments avec le comptable, et eu égard à l’urgence de la situation, je vous ai demandé verbalement puis par écrit de décaler d’une semaine des congés que vous aviez décidé de prendre sans mon autorisation du 2 juillet 2013 au 12 juillet 2013 pour les débuter au 8 juillet 2013 ; ceci afin que cette vérification soit faite avant votre départ en congé.

Vous avez outrepassé mon interdiction vous êtes partis en congé malgré l’urgence ma demande expresse que vous restiez, méconnaissant ainsi une nouvelle fois une consigne claire et précise n’avait de surcroît pas hésité à m’adresser par courriel une liste de clients relancés à votre place pendant mon congé me précisant et ‘puis tu peux relancer toutes les factures impayées de mars 2013 2009 si tu veux’.

– Pendant votre absence pour congés du 2 au 12 juillet 2013, nous avons donc dû assurer vos missions, dont notamment l’établissement des devis, des factures et le recouvrement de créances et avons découvert que vous n’aviez jamais facturé à certains clients des prestations que nous avions pourtant bien réalisées pour leur compte. De fait cette prestation n’ont pas été réglée à ce jour pas notre société.

– À plusieurs reprises, on avait fait remonter au salarié de la fabrication, que partiellement et avec retard, les demandes de modification formulée par les clients ; ce qui nous a conduit à fournir une prestation qui ne correspondait pas leur demande et à recevoir des réclamations des clients.

– Vous refusez toute communication avec moi en dehors des réunions que j’organise et vous ne faites jamais de propositions de réunion.

– Vous n’avez jamais mis en ‘uvre aucune stratégie commerciale à court ou moyen terme pour la société ni n’avez proposé d’objectif commercial pour la société pour l’année 2013. Consciente de vos manquements et alertée par mes demandes, vous m’avez adressé, le 25 juin 2013, une unique proposition commerciale parfaitement irréaliste consistant en une réorganisation de l’entreprise avec dotation de force de vente ce qui n’est bien évidemment pas réalisable au regard de la trésorerie de la société.

2/ Vous multipliez les absences inopinées ; ce qui désorganise la société. Pour ne citer que les exemples les plus récents, vous êtes arrivés à 12 heures le 5 juin 2013 et vous vous êtes absentée à compter de 12 heures le 13 juin sans nous en informer préalablement et vous vous êtes absentée à 14h30 le 21 juin 2013 en nous en informant à la dernière minute. Les réunions prévues non ainsi pas pu se tenir et les sujets qui devaient être traités ne l’ont pas été du fait de votre absence. Le fait par ailleurs de ne pouvoir informer les clients quand vous allez arriver ou être présente décrédibilise notre société. Lorsque je vous en ai fait la remarque par écrit, vous avez répondu en faisant une présentation très inexacte des faits.

3/ Vous refusez d’exécuter les instructions que je vous donne et vous faites preuve d’insubordination caractérisée.

– Ainsi est toujours à titre d’exemple, comme nous l’avons déjà évoquer vous avez décidé sans mon autorisation de prendre des congés du 2 juillet 2013 au 12 juillet 2013 alors qu’il ne vous restait plus que six jours de congés payés à prendre et vous ne m’en avez informé que le 30 juin 2013. Bien que je vous aie demandé verbalement par écrit de ne pas prendre ses congés à cette date et de les décaler au 8 juillet 2013 pour le bon fonctionnement de la société vous êtes néanmoins partie en congé du 2 juillet au 12 juillet 2013.

– Le 15 juillet 2013, vous avez refusé d’exécuter la mise à pied conservatoire dont vous avez eu connaissance le matin 10 heures lorsque je vous ai remis, en mains propres dans votre bureau porte fermée, une copie de la lettre recommandée avec AR que je vous avais adressée le 12 juillet précédent afin de vous convoquer à un entretien préalable devant se tenir le 23 juillet 2013 et de vous notifier dans l’attente de la décision à venir votre mise à pied conservatoire. Vous avez refusé d’apposer la mention ‘reçue en main propre’et de signer la lettre, vous avez ouvert la porte de votre bureau et vous avez indiqué haut et fort – ceci alors que les clients étaient présents dans la société – que vous ne vouliez pas partir et que vous étiez dans votre droit et vous êtes effectivement restée dans les locaux de la société fouillant dans votre ordinateur et dans les armoires des différents bureaux de la société à la recherche selon vos propres termes des pièces pouvant vous intéresser ; malgré mes demandes verbales réitérées de quitter la société.

– Vous vous êtes même rendue dans mon bureau, pour vous emparer de mon ordinateur portable et le mettre dans votre sac. Lorsque je vous ai indiqué qu’il y avait des codes qui empêchaient que vous accédez au contenu de mon ordinateur, vous avez vérifié et, constatant l’existence de codes sur mon ordinateur portable, vous avez alors jeté mon ordinateur à terre !

4/ Vous avez eu à mon égard le 15 juillet 2013 des actes de violence physique et m’avez menacé verbalement.

– Lorsque quelques instants plus tard, je me suis retourné pour répondre au téléphone qui sonnait, vous êtes arrivée derrière moi pour m’arracher mon téléphone des mains et comme je ne lâchais pas le téléphone, vous m’avez violemment mordu à l’épaule ! Ceci devant témoin puisqu’ un des salariés de la société entre-temps revenu de livraison est entré dans mon bureau compte tenu du bruit. Cet acte de violence m’a occasionné 2 jours d’ITT.

– Vous vous êtes ensuite dirigée dans votre bureau et comme je vous demandais de nouveau de partir, vous avez refusé en me disant plusieurs fois à voix basse afin que les autres salariés ne vous entendent pas ‘t’es un homme mort, je vais appeler mes frères, t’as intérêt à quitter la France’. Vous avez ensuite fait des photocopies pendant deux heures de documents contenus dans des classeurs de la société sans que je sois en mesure de vérifier le contenu.

– J’ai dû faire venir un huissier pour vous remettre la lettre de convocation à un entretien préalable et de notification de la mise à pied conservatoire ; ce qu’il a pu faire vers 15 heures. Vous êtes néanmoins restés dans les locaux et vous n’avez accepté de quitter ceux-ci que lorsque la police est intervenue vers 17h30. Vous avez ainsi adopté au sein de l’entreprise un comportement inadmissible, fait preuve de non-respect réitéré des consignes données, refuser d’exécuter à plusieurs reprises vos obligations contractuelles, méconnaissant sa dernière ce qui est d’autant plus grave eu égard à votre position hiérarchique, n’hésitant pas à mettre en péril la société, méconnaissant votre obligation de loyauté d’exécution de bonne foi de votre contrat de travail.

L’ensemble de ces faits constitue des manquements graves et réitérés à vos obligations contractuelles.

Votre conduite met en cause la bonne marche de notre entreprise. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 23 juillet 2013 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. En conséquence nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.’

À l’appui de son appel, la société Digital Cut soutient que les motifs du licenciement sont parfaitement fondés en ce que Mme X a eu un comportement violent inadmissible, a fait preuve de non respect réitéré des consignes données, de refus d’exécuter à plusieurs reprises ses obligations contractuelles, méconnaissant ces dernières et méconnaissant son obligation de loyauté et d’exécution de bonne foi de son contrat de travail et de mauvaise volonté délibérée.

Elle ajoute que le comportement de la salariée était d’autant plus inadmissible qu’eu égard à sa position hiérarchique et à son niveau de rémunération et, au regard de l’importance stratégique de son poste de Directrice commerciale et administrative, il mettait en péril la société.

Elle estime donc que le licenciement pour faute grave de Mme X est parfaitement fondé.

Mme X réplique que les griefs, dont certains ne relèvent aucunement d’une faute disciplinaire mais d’une insuffisance professionnelle, ne sont pas établis en ce qu’ils reposent sur de simples comptes-rendus du gérant qui a procédé à son licenciement ainsi que sur des pièces vagues et imprécises.

Sur le reproche de refus d’exécuter sa mise à pied conservatoire, elle invoque la violence avec laquelle le gérant lui a enjoint de quitter l’entreprise à son retour de congés, sans attendre la bonne réception du courrier recommandé qu’il lui avait prétendument adressé et qu’elle n’a jamais reçu, qui n’a pas hésité à lui couper son accès internet et à lui retirer son ordinateur, ce qui l’a plongée dans un grand état de détresse, accru par les violences physiques sur sa personne qui ont suivi.

Elle affirme que c’est une version des faits du 15 juillet 2013 toute personnelle au gérant de la société que relate le courrier de licenciement car ce dernier oublie fort opportunément de préciser qu’elle s’est vue confisquer son ordinateur portable et que le gérant a jeté son sac et sa veste en dehors de son bureau et est à l’origine de l’altercation en la frappant violemment au nez, après lui avoir saisi violemment le bras, ce qui lui a causé une ITT de 2 jours et un arrêt de travail jusqu’au 31 juillet 2013.

Cela étant, comme justement relevé par les premiers juges, les manquements graves et réitérés de la salariée dans l’accomplissement de ses missions de directrice commerciale et administrative invoqués par l’employeur et les exemples donnés à l’appui de ce grief caractérisent une insuffisance professionnelle qui ne peut donner lieu à un licenciement pour motif disciplinaire, faute pour l’employeur de démontrer qu’ils résultent d’une mauvaise volonté délibérée de la part de la salariée.

Comme relevé plus haut, l’employeur ne peut sans se contredire invoquer le statut de cadre dirigeant de Mme X et lui reprocher ses horaires d’arrivée et de départ dans l’entreprise. L’absence de la salariée à une réunion programmée le 21 juin 2013 sans motif avancé et sans délai de prévenance ne constitue pas une faute grave.

Aucune pièce ne démontre que Mme X, en premier lieu, ne s’est pas conformée aux usages pratiqués dans l’entreprise en ce qui concerne la prise de congés et, en second lieu, qu’elle n’avait pas informé par avance son employeur de la date de ses congés. Il ne peut donc lui être légitimement reproché d’avoir maintenu les dates de ses congés malgré l’opposition de son employeur dès lors que cette dernière lui a été notifiée la veille de son départ.

Toutefois, il résulte clairement du dossier que, le 15 juillet 2013, à son arrivée sur son lieu de travail à 10 h00 à son retour de congés, Mme X a refusé de façon catégorique de prendre la lettre de convocation à l’entretien préalable avec mise à pied conservatoire que tentait de lui remettre en main propre son employeur et a refusé de quitter l’entreprise malgré les injonctions de l’employeur, qu’elle a persisté dans son refus de se soumettre à la mise à pied conservatoire devant un huissier de justice requis par l’employeur à 15h00 et qu’elle n’a quitté l’entreprise qu’à 17h20, après discussion avec les forces de l’ordre appelées par le gérant.

Il apparaît également que la journée du 15 juillet 2013 a été marquée par une altercation physique entre la salariée et le gérant de la société.

Chaque partie, qui présente des séquelles physiques de cette altercation, rejette la responsabilité de l’incident sur l’autre, Mme X affirmant avoir été la première victime de l’agression physique du gérant sous la forme d’un coup de poing sur le nez, le gérant niant toute violence à l’égard de sa salariée et affirmant avoir été mordu par celle-ci.

Cela étant, il doit être relevé qu’un salarié intervenu immédiatement après l’altercation a constaté une trace de morsure qui venait visiblement d’être faite sur l’épaule du gérant de la société à un emplacement excluant toute possibilité que le gérant ait pu s’infliger lui-même cette lésion, n’a pas constaté de traces de violence sur Mme X qui lui indiquait pourtant qu’elle venait d’être victime d’un coup de poing sur le nez de la part du gérant, que, dans ses réponses à la sommation de l’huissier, Mme X n’a pas évoqué la moindre violence à son égard, et que, lors de l’intervention des forces de l’ordre elle n’en a pas davantage fait état.

Dans sa plainte, Mme X qui, présentait effectivement un ‘dème nasal latéral droit le 15 juillet 2013 selon certificat médical, a reconnu avoir mordu le gérant de la société à l’épaule et a justifié son acte en disant avoir agi pour se défendre d’un coup de poing au nez de la part de celui-ci. Mais de telles explications ne concordent pas avec la localisation de la morsure présentée par M. Y qui se situe sur le haut de l’épaule droite dans la partie dorsale. Il s’ensuit qu’une morsure dans le dos de l’épaule ne peut être considérée comme un geste de défense à un coup de poing porté nécessairement de face et qu’ainsi, il ne peut être exclu que l »dème nasal présenté par Mme X ce 15 juillet 2013 soit une des conséquences de son acte qui a imposé un rapprochement de son visage vers le point de morsure.

Enfin, il ne peut être ignoré que l’altercation trouve son origine dans le refus prolongé et réitéré de Mme X de recevoir la lettre de convocation à un entretien préalable et de se soumettre à la mise à pied conservatoire de son employeur.

Le refus de se conformer à une mise à pied conservatoire, même si celle-ci se révèle par la suite injustifiée, caractérise un acte d’insubordination.

Dans le cas de Mme X, cette insubordination est d’autant plus grave qu’elle s’est manifestée avec virulence, a imposé l’intervention d’un huissier de justice puis des forces de l’ordre et, surtout, a été accompagnée de violences à l’égard de l’employeur et ce, devant d’autres salariés présents ce jour-là dans l’entreprise.

Dans ces conditions, une telle insubordination de la part de la salariée rendait impossible la poursuite du contrat de travail et justifiait la rupture immédiate de celui-ci.

Le licenciement de Mme X pour faute grave est donc justifié et le jugement sera infirmé en ce qu’il a requalifié celui-ci en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dès lors, Mme X sera déboutée de toutes ses demandes relatives au licenciement.

II. 2 Sur les dommages et intérêts pour conditions brutales et vexatoires du licenciement

Mme X soutient que, le 15 juillet 2013, date de la notification de la mise à pied à titre conservatoire, elle a dû quitter les locaux de l’entreprise dans un contexte d’une grande violence, son employeur ayant fait appel à un huissier de justice et à la police alors que d’autres salariés et clients se trouvaient sur le lieu de travail, que le gérant de la société Digital Cut a porté atteinte à son intégrité physique en lui donnant un coup de poing au nez et en lui saisissant violemment le bras gauche ce qui a été constaté par un médecin et qu’ainsi, la rupture de son contrat de travail est intervenue dans des circonstances brutales et vexatoires, qui ont engendré des répercussions psychologiques, qu’elle ressent encore aujourd’hui.

Mais, il résulte des développements ci-dessus que Mme X a grandement participé par son attitude au contexte de grande violence du 15 juillet 2013 qu’elle dénonce et que les interventions d’un huissier de justice et des forces de l’ordre ont été rendues nécessaires par son refus catégorique et réitéré de quitter son lieu de travail pour se conformer à la mise à pied conservatoire que tentait de lui notifier l’employeur.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande en dommages et intérêts à ce titre.

Sur les frais non compris dans les dépens

Conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la société Digital Cut, qui succombe partiellement en appel, sera condamnée à verser à Mme X la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l’intimée qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave de Mme X en licenciement sans cause réelle et sérieuse et accordé à la salarié une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, un rappel de salaire sur mise à pied et congés payés afférents et en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande en rappel de rémunération pour heures supplémentaires,

Statuant à nouveau sur ces points,

DIT que le licenciement pour faute grave de Mme X est fondé,

DÉBOUTE Mme X de l’intégralité de ses demandes liées à la rupture du contrat de travail,

CONDAMNE la société Digital Cut à verser à Mme X la somme de 8 932,84 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires, et celle de 893,28 euros au titre des congés payés afférents,

Y ajoutant,

DÉCLARE recevable la demande en dommages et intérêts pour application abusive du statut de cadre dirigeant par l’employeur,

DÉBOUTE Mme X de sa demande en dommages et intérêts pour application abusive du statut de cadre dirigeant par l’employeur,

CONDAMNE la société Digital CUT à payer à Mme X la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Digital CUT aux dépens d’appel,

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

_________

Faute grave : quelle indemnité de licenciement ?

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 16 MARS 2022

(n° , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/13820 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B65GM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Novembre 2018 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F14/00617

APPELANTE

SARL DIGITAL CUT

[…]

[…]

Représentée par Me Nathalie FRIED, avocat au barreau de PARIS, toque : E2049

INTIMÉE

Madame Z X

[…]

[…]

Représentée par Me Marie ABLAIN, avocat au barreau de PARIS

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2019/005017 du 12/03/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIE

La société Digital Cut est une société à responsabilité limitée qui a été créée en mars 2003 par cinq associés dont M. B Y et Mme Z X. Elle a pour activité la post-production audiovisuelle se déclinant en deux pôles, la location de matériel de montage de film et le laboratoire numérique, le reste de son chiffre d’affaires résultant de petites ventes de matériel.

Elle emploie habituellement moins de onze salariés et ses relations de travail sont régies par la convention collective nationale des prestataires de service dans le domaine du secteur tertiaire, selon la société Digital Cut, ou la convention collective nationale de la Production de films d’animation, selon Mme X.

Mme X a démissionné de son mandat de gérante salariée au cours de l’assemblée générale mixte du 1er juin 2012 et a été remplacée par M. B Y. Elle est devenue à compter de cette date directrice commerciale et administrative, moyennant une rémunération mensuelle brute de 4 442,08 euros.

Se prévalant à l’encontre de Mme X de plusieurs manquements graves dans l’accomplissement de ses missions de Directrice commerciale et administrative caractéristiques, d’une mauvaise volonté délibérée, de la multiplication d’absences inopinées désorganisant l’entreprise et d’un refus à plusieurs reprises d’exécuter les instructions que le gérant lui donnait, la société Digital Cut a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 23 juillet 2013, par lettre recommandée AR datée du 12 juillet 2013 portant mise à pied à titre conservatoire.

Le 15 juillet 2013 vers 10h00, Mme X, de retour de congés, s’est présentée dans les locaux de la société.

Le gérant de la société a alors tenté de lui remettre en main propre contre décharge la lettre de convocation à entretien préalable et de mise à pied. Mme X a refusé de prendre la lettre et de quitter les lieux. Une altercation s’en est suivie entre elle et le gérant, à l’issue de laquelle Mme X a présenté une incapacité temporaire totale de travail d’une durée de deux jours et a fait l’objet d’un arrêt de travail prescrit jusqu’au 31 juillet 2013 et le gérant a présenté une incapacité totale de travail de deux jours.

Mme X s’étant maintenue dans les locaux de la société, le gérant a requis un huissier de justice qui s’est présenté dans les lieux, à 15h00, pour signifier à la salariée la lettre de convocation à l’entretien préalable ainsi que sa mise à pied conservatoire et lui demander d’exécuter cette mesure. Mme X a répondu à la sommation de l’huissier en ces termes : ‘Je reste dans les locaux en ma qualité d’associée minoritaire. J’ai pris acte de ma mise à pied conservatoire en tant qu’employée.’

Le gérant a alors fait appel aux forces de l’ordre. Des fonctionnaires du commissariat de police de Paris 20ème se sont présentés dans la société à 17h20 et ‘après discussion’ (selon le descriptif d’événement de main-courante du 15 juillet 2013) ont convaincu Mme X de quitter les locaux de l’entreprise.

Par lettre du 31 juillet 2013, Mme X a été licenciée pour faute grave.

Contestant le bien fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été intégralement remplie de ses droits durant la relation contractuelle, Mme X a saisi le Conseil de prud’hommes de Paris, le 14 janvier 2014, afin de l’entendre, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, déclarer son licenciement abusif et condamner la société Digital Cut à lui verser les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal avec capitalisation :

– Rappel de salaires des heures supplémentaires : 8 932,84 euros,

– congés payés afférents : 893,28 euros,

– Rappel de salaires sur la mise à pied conservatoire : 2 664,84 euros

– Congés payés afférents : 266,48 euros,

– Indemnité compensatrice de préavis : 13 326,24 euros,

– Congés payés afférents : 1 332,62 euros,

– Indemnité légale de licenciement : 5 626,34 euros,

– Dommages et intérêts pour rupture abusive : 44 480,80 euros,

– Dommages et intérêts pour conditions brutales et vexatoires du licenciement : 4 442,08 euros,

– Dommages et intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait : 8 884,16 euros,

– Rappel de salaires au titre des congés payés : 615,63 euros,

– Dommages et intérêts pour manquement à l’obligation d’hygiène et de sécurité : 8 884,16 euros,

– Article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros,

Elle réclamait également la remise des documents sociaux de fin de contrat sous astreinte de 205 euros par jour de retard.

La société Digital Cut a conclu au débouté de Mme X et à la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement de départage du 14 novembre 2018, le conseil de prud’hommes a :

– Écarté la faute grave invoquée par l’employeur et requalifié le licenciement de Mme X en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

– Condamné la société Digital Cut à verser à Mme X les sommes suivantes :

°13 326,24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

° 1 332,26 euros au titre des congés payés afférents, ° 2 664,84 euros au titre de la mise à pied,

° 266,48 euros au titre des congés payés afférents,

° 5 626,34 euros à titre de solde d’indemnité de licenciement,

° 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouté Mme X du surplus de ses demandes,

– Débouté la société Digital Cut de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 7 décembre 2018, Mme X a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 10 janvier 2022, la société Digital Cut demande à la cour de :

– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer certaines sommes à Mme X et à remettre à cette dernière des documents sociaux conformes,

et statuant à nouveau,

à titre principal :

– Juger que le licenciement pour faute grave de Mme X est parfaitement fondé,

– Débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes,

– Condamner Mme X à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

à titre subsidiaire, pour le cas où la cour estimerait que le licenciement de Mme X reposerait sur une cause réelle et sérieuse,

– Fixer l’indemnité légale de licenciement à la somme de 1 184, 54 euros,

à titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la cour estimerait le licenciement de Mme X non justifié,

– Débouter Mme X de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Fixer l’indemnité légale de licenciement à la somme de 1 184, 54 euros,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme X du surplus de ses demandes et donc la débouter de celles-ci

en tout état de cause,

– Juger irrecevable, à tout le moins infondée, la demande de Mme X en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par application abusive du statut de cadre dirigeant.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 10 janvier 2022, Mme X demande à la cour de :

– Confirmer le jugement intervenu en ce qu’il a constaté l’absence de faute grave au fondement de son licenciement et en ce qu’il a condamné la société Digital Cut à lui payer les sommes suivantes :

°13 326,24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

°1 332,26 euros au titre des congés payés afférents,

° 2 664,84 euros au titre de la mise à pied,

° 266,48 euros au titre des congés payés afférents,

° 5 626,34 euros à titre d’indemnité de licenciement,

° 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Infirmer le jugement intervenu en ce qu’il a jugé son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu’il l’a déboutée du surplus de ses demandes,

Statuant à nouveau :

– Juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

– Condamner la société Digital Cut à lui verser les sommes suivantes, en sus de l’indemnité compensatrice de préavis, congés payés y afférent, rappels de salaires au titre de la mise à pied conservatoire, congés payés y afférent, l’indemnité conventionnelle de licenciement susvisés :

° 44 420,80 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

° 4 442,08 euros à titre de dommages-intérêts en raison des conditions brutales et vexatoires du licenciement,

° 8 884,16 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

° 8 932,84 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires, outre 893,28 euros au titres des congés payés afférents,

° 615,63 euros à titre de rappel de salaire au titre des congés payés,

– Ordonner la remise de l’attestation employeur destinée au Pôle Emploi rectifiée et un bulletin de paie rectifié conformément à l’arrêt à intervenir, sous astreinte d’une somme de 250 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification de l’arrêt à intervenir,

– Se réserver la liquidation de l’astreinte qui aura été prononcée,

– Assortir les condamnations des intérêts légaux à compter de la demande,

– Ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du Code civil,

– Condamner la société Digital Cut à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 11 janvier 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience du 18 janvier 2022.

MOTIFS

I. Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

I.1 Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par application abusive du statut de cadre dirigeant à la salariée

Invoquant les dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, la société Digital Cut soulève l’irrecevabilité de la demande de Mme X en dommages-intérêts pour application abusive du statut de cadre dirigeant, comme étant nouvelle en cause d’appel.

Mais, comme justement rappelé par Mme X, l’article 566 du même code dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l’espèce, la demande de Mme X en dommages-intérêts pour application abusive du statut de cadre dirigeant tend aux mêmes fins que sa demande formulée en première instance qui contestait l’application d’une convention de forfait en jours mentionnée sur son attestation Pôle Emploi et est également accessoire à ses demandes en rappel d’heures supplémentaires à laquelle l’employeur oppose son statut de cadre dirigeante.

La demande de Mme X en dommages et intérêts pour application abusive du contrat de travail est donc recevable en cause d’appel.

Aux termes de l’article L.3111-2 du Code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Ces trois critères sont cumulatifs.

Mme X conteste l’application de ce statut à sa situation en faisant valoir que la société lui reproche des absences qui auraient désorganisé l’entreprise et auraient posé problème alors qu’elle est censée être autonome dans son emploi du temps, que le statut de cadre dirigeant est, en outre, totalement incompatible avec la demande régulière de comptes-rendus par le gérant, M. Y qui discutait de toutes les questions de tarifs, de prestations et de stratégie lui laissant finalement peu de marge de man’uvre, qu’elle-même ne prenait pas seule les décisions d’achat mais attendait pour cela l’aval du gérant et qu’enfin les décisions de recruter n’appartenaient qu’au gérant dans une société n’employant pourtant que quatre salariés.

La société Digital Cut réplique que, bien qu’ayant démissionné de son mandat de gérante le 1er juin 2012 pour devenir salariée aux fonctions de directrice commerciale et administrative, Mme X a continué d’assurer la gérance effective de la société jusqu’au 31 décembre 2012, qu’elle est restée associée minoritaire à 49 % des parts de la société, qu’elle a été l’interlocutrice unique du cabinet d’expert-comptable de la société jusqu’à fin juin 2013 concernant la comptabilité, le cycle social, le cycle fiscal, qu’elle traitait l’ensemble de la gestion commerciale, que la mention de statut de cadre hors forfait figurant sur ses bulletins de paie résulte de ses propres instructions au cabinet comptable, qu’elle était associée aux décisions importantes de la société et que son absence à des réunions traitant de ces questions a eu pour effet de reporter ces décisions, que l’attestation d’une ancienne salariée qu’elle produit démontre certes qu’elle n’a pas été à l’origine de la décision de l’embauche de cette salariée mais qu’elle y a participé en étant également présente à l’entretien d’embauche avec la postulante et le nouveau gérant en novembre 2012, et qu’elle avait la rémunération la plus élevée dans la société (4 442 euros) dépassant celle du gérant (4 312,93 euros).

Cela étant, il apparaît que si Mme X avait la rémunération la plus élevée dans l’entreprise dépassant celle du gérant lui-même, elle ne disposait pas d’une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps puisque la lettre de licenciement lui reproche, non seulement, de s’être dispensée au dernier moment de réunions importantes – ce qui est effectivement de nature à désorganiser l’entreprise – mais également d’être arrivée tardivement sur son lieu de travail certains jours et d’être partie en début d’après-midi d’autres jours sans, dans ce dernier cas, en avoir préalablement informé le gérant. Elle n’était pas non plus, habilitée à prendre des décisions de façon largement autonome, en ce que les décisions importantes pour la société étaient prises en concertation avec elle, non par elle-même, notamment, le recrutement des salariés auquel elle était associée mais dont la décision appartenait au gérant.

En conséquence, au vu des éléments ci-dessus, il sera constaté que Mme X n’avait pas le statut de cadre dirigeant.

Toutefois, Mme X qui procède par simples affirmations, ne démontre pas que l’application erronée du statut de cadre dirigeant lui a causé un préjudice qui serait distinct de celui réparé par le rétablissement de ses droits en terme de rémunération horaire dont le bien fondé sera examiné ci-dessous.

Elle sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts à ce titre.

1.2 Sur la demande de rappel d’heures supplémentaires

En application de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Se fondant sur l’attestation Pôle Emploi établie par la société Digital Cut mentionnant un horaire collectif de travail applicable dans l’entreprise de 39 heures par semaine, Mme X fait valoir qu’elle a été rémunérée pour une base de 35 heures par semaine en l’absence de convention de forfait en jours écrite et de statut de cadre dirigeant et qu’elle est donc bien fondée à solliciter le paiement d’au moins 4 heures supplémentaires par semaine entre le 1er juin 2012 et le 31 juillet 2013 (soit 61 semaines), outre les congés payés afférents.

Elle produit l’attestation Pôle Emploi remise par la société Digital Cut.

Elle présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies qui permettent à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réponse, la société Digital Cut se contente d’avancer le statut de cadre dirigeant de Mme X que la cour a écarté.

En conséquence, la demande en rappel d’heures supplémentaires de Mme X sera accueillie en son principe et le jugement sera infirmé sur ce point.

Elle sera également accueillie en son montant au vu de la rémunération horaire de la salariée calculée sur 35 heures hebdomadaires ou 151,67 heures par mois et du nombre d’heures supplémentaires par semaine résultant d’une durée hebdomadaire de travail de 39 heures.

Ainsi, la société Digital Cut sera condamnée à verser à Mme X la somme de 8 932,84 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires, et celle de 893,28 euros au titre des congés payés afférents.

I. 3 Sur le rappel de salaire au titre des congés payés

Mme X fait valoir que la société Digital Cut a procédé à une retenue de salaire d’un montant de 409,98 euros, correspondant à 2 jours de travail, estimant que ses congés pris du 11 au 14 juillet 2013 auraient été ‘sans solde’ alors qui si l’employeur n’avait pas omis d’ajouter 2,5 jours de congés payés sur le bulletin de salaire du mois de janvier 2013, il aurait su que les congés qu’elle avait posés étaient bien couverts par ses droits acquis au titre des congés payés.

Elle ajoute qu’en application de l’article 23 de la convention collective applicable, elle avait droit chaque année à un jour de congé payé pour ancienneté supplémentaire, compte tenu de sa reprise d’ancienneté au 1er juillet 2007 et qu’elle est donc bien fondée à solliciter le paiement des congés payés indûment retenus sur son bulletin de salaire du mois de juillet 2013, soit une somme de 409,98 euros. Elle réclame également le paiement du jour de congé dont elle a été privée, soit une somme de 205,65 euros.

Mais, comme justement opposé par l’employeur, la ‘date d’entrée’ de Mme X dans la société mentionnée sur les bulletins de salaire de l’intéressée comme étant le 1er juillet 2007 ne peut contredire le fait que, jusqu’au 1er juin 2012, Mme X exerçait un mandat social en sa qualité de gérante de la société Digital Cut et qu’en l’absence d’un contrat écrit de travail intégrant expressément la période de mandat social dans le calcul de son ancienneté, Mme X ne peut donc se prévaloir d’une ancienneté salariée dans l’entreprise avant cette date.

C’est donc à juste titre que l’employeur a considéré que Mme X avait acquis depuis son embauche en tant que salariée, 30 jours ouvrables pour la période du 1er juin 2012 au 31 mai 2013 et 2,5 jours ouvrables du 1er juin 2013 jusqu’à sa mise à pied à titre conservatoire et qu’au regard de 24 jours ouvrables pris du 17 au 23 juillet 2012 et du 20 août 2012 au 9 septembre 2012 et d’1 jour pris le 10 mai 2013, il lui restait 7,5 jours ouvrables de congés à prendre au 1er juillet 2013 et qu’ainsi, il ne devait régler à sa salariée que 8 jours de congés payés sur la période du 2 au 13 juillet 2013 qui compte 11 jours ouvrables.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande en rappel de congés payés.

I. 4 Sur les dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation en matière d’hygiène et sécurité au travail

Cette demande, formée en première instance, n’est pas explicitée dans les motifs des conclusions d’appel de Mme X et n’est pas reprise dans le dispositif de celles-ci.

Elle doit être considérée comme abandonnée à hauteur d’appel.

II. Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

II. 1 Sur la faute grave

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

‘Malgré les explications que vous nous avez fournies au cours de cet entretien, nous sommes au regret de vous informer que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave pour les motifs suivants.

1/ Vous avez commis des manquements graves et réitérés dans l’accomplissement de vos missions de directrice commerciale et administrative et avez fait preuve de mauvaise volonté délibérée.

– Vous n’accomplissez pas le travail demandé : plusieurs tâches explicitement demandées relevant de vos fonctions n’ont toujours pas été réalisées à ce jour, malgré mes demandes réitérées courant 2013.

À titre d’exemple :

À ce jour, vous avez validé seulement 10 % des tarifs catalogue 2013 ; vous ne m’avez toujours pas transmis le tableau final comparant les tarifs duplication cassettes, fichiers, locations et travaux de laboratoire ; pour les envois via FTP et Completel, j’attends encore votre retour sur l’étude comparative des fournisseurs ainsi que votre proposition de prestation.

Tentant d’obtenir de votre part l’exécution de vos obligations contractuelles, j’ai organisé une réunion, prévue le 21 juin 2013 à 14 heures, afin de finaliser notamment les nouveaux tarifs catalogue 2013 toujours en attente depuis plusieurs mois, le tarif spécifique attendu par un de nos clients (DG) et la newsletter qui devait être lancée la semaine suivante.

Cette réunion n’a pas pu se tenir du fait de votre absence inopinée l’après-midi, absence annoncée par vous à midi et toujours non motivée à ce jour et ces questions importantes n’ont toujours pas pu être réglées à ce jour.

– Lorsque je vous relance sur le travail à effectuer, vous haussez le ton avec virulence et multiplier les éclats de voix et ce, alors que les clients sont dans nos locaux ; ce comportement, inadmissible en soi, nuit au surplus l’image de notre société.

– Vous n’avez mis en ‘uvre aucune action commerciale à ce jour en 2013 à l’exception d’une promotion sur les DVD.

– Votre suivi des créances clients est très insuffisant voire inexistant. La résultante de votre incurie et que nous devons aujourd’hui faire face à un grave problème de trésorerie lié aux retards de paiement de créances.

J’ai ainsi eu connaissance à l’occasion de la préparation du bilan 2012 début juin 2013 de l’existence d’un montant de 325’000 € deux créances clients, en retard de paiement de 10 mois, que vous auriez dû recouvrir ; ces retards de paiement causent des difficultés majeures pour la société car ils engendrent une importante augmentation du besoin en fonds de roulement de notre société et ont nécessité de chercher de nouvelles sources de financement afin que la société soit elle-même en mesure de payer les salaires et cotisations sociales de ses salariés ainsi que ses fournisseurs.

Je vous en ai fait part immédiatement. Cependant au lieu de vous mobiliser pour mettre en ‘uvre un plan d’action urgent concernant ces créances, vous n’avez rien proposé et vous n’avez mis en ‘uvre aucune action corrective.

Je vous ai alors demandé, à plusieurs reprises, verbalement puis par écrit, puisque vous ne donniez pas suite à mes demandes verbales, de me transmettre en état des créances impayées et des actions et dates de relance que vous aviez effectuées.

Le 30 juin 2013 seulement, vous avez enfin daigné me remettre, un état de vos relances clients et des créances restant dû lequel état, outre sa tardiveté, était extrêmement partiel est très loin des chiffres donnés par le comptable portant sur un montant de créances et un nombre de clients bien supérieurs. Cet écart était d’autant plus étonnant que vous disposez d’un logiciel de facturation qui permet d’assurer un suivi précis des factures, des règlements par les clients et les relances faites. Je vous ai donc demandé de faire un point avec un comptable afin de trouver une explication à de tels écarts.

Comme vous m’avez indiqué lundi 1er juillet 2013 qu’il nous fallait au moins une semaine pour vérifier l’ensemble des éléments avec le comptable, et eu égard à l’urgence de la situation, je vous ai demandé verbalement puis par écrit de décaler d’une semaine des congés que vous aviez décidé de prendre sans mon autorisation du 2 juillet 2013 au 12 juillet 2013 pour les débuter au 8 juillet 2013 ; ceci afin que cette vérification soit faite avant votre départ en congé.

Vous avez outrepassé mon interdiction vous êtes partis en congé malgré l’urgence ma demande expresse que vous restiez, méconnaissant ainsi une nouvelle fois une consigne claire et précise n’avait de surcroît pas hésité à m’adresser par courriel une liste de clients relancés à votre place pendant mon congé me précisant et ‘puis tu peux relancer toutes les factures impayées de mars 2013 2009 si tu veux’.

– Pendant votre absence pour congés du 2 au 12 juillet 2013, nous avons donc dû assurer vos missions, dont notamment l’établissement des devis, des factures et le recouvrement de créances et avons découvert que vous n’aviez jamais facturé à certains clients des prestations que nous avions pourtant bien réalisées pour leur compte. De fait cette prestation n’ont pas été réglée à ce jour pas notre société.

– À plusieurs reprises, on avait fait remonter au salarié de la fabrication, que partiellement et avec retard, les demandes de modification formulée par les clients ; ce qui nous a conduit à fournir une prestation qui ne correspondait pas leur demande et à recevoir des réclamations des clients.

– Vous refusez toute communication avec moi en dehors des réunions que j’organise et vous ne faites jamais de propositions de réunion.

– Vous n’avez jamais mis en ‘uvre aucune stratégie commerciale à court ou moyen terme pour la société ni n’avez proposé d’objectif commercial pour la société pour l’année 2013. Consciente de vos manquements et alertée par mes demandes, vous m’avez adressé, le 25 juin 2013, une unique proposition commerciale parfaitement irréaliste consistant en une réorganisation de l’entreprise avec dotation de force de vente ce qui n’est bien évidemment pas réalisable au regard de la trésorerie de la société.

2/ Vous multipliez les absences inopinées ; ce qui désorganise la société. Pour ne citer que les exemples les plus récents, vous êtes arrivés à 12 heures le 5 juin 2013 et vous vous êtes absentée à compter de 12 heures le 13 juin sans nous en informer préalablement et vous vous êtes absentée à 14h30 le 21 juin 2013 en nous en informant à la dernière minute. Les réunions prévues non ainsi pas pu se tenir et les sujets qui devaient être traités ne l’ont pas été du fait de votre absence. Le fait par ailleurs de ne pouvoir informer les clients quand vous allez arriver ou être présente décrédibilise notre société. Lorsque je vous en ai fait la remarque par écrit, vous avez répondu en faisant une présentation très inexacte des faits.

3/ Vous refusez d’exécuter les instructions que je vous donne et vous faites preuve d’insubordination caractérisée.

– Ainsi est toujours à titre d’exemple, comme nous l’avons déjà évoquer vous avez décidé sans mon autorisation de prendre des congés du 2 juillet 2013 au 12 juillet 2013 alors qu’il ne vous restait plus que six jours de congés payés à prendre et vous ne m’en avez informé que le 30 juin 2013. Bien que je vous aie demandé verbalement par écrit de ne pas prendre ses congés à cette date et de les décaler au 8 juillet 2013 pour le bon fonctionnement de la société vous êtes néanmoins partie en congé du 2 juillet au 12 juillet 2013.

– Le 15 juillet 2013, vous avez refusé d’exécuter la mise à pied conservatoire dont vous avez eu connaissance le matin 10 heures lorsque je vous ai remis, en mains propres dans votre bureau porte fermée, une copie de la lettre recommandée avec AR que je vous avais adressée le 12 juillet précédent afin de vous convoquer à un entretien préalable devant se tenir le 23 juillet 2013 et de vous notifier dans l’attente de la décision à venir votre mise à pied conservatoire. Vous avez refusé d’apposer la mention ‘reçue en main propre’et de signer la lettre, vous avez ouvert la porte de votre bureau et vous avez indiqué haut et fort – ceci alors que les clients étaient présents dans la société – que vous ne vouliez pas partir et que vous étiez dans votre droit et vous êtes effectivement restée dans les locaux de la société fouillant dans votre ordinateur et dans les armoires des différents bureaux de la société à la recherche selon vos propres termes des pièces pouvant vous intéresser ; malgré mes demandes verbales réitérées de quitter la société.

– Vous vous êtes même rendue dans mon bureau, pour vous emparer de mon ordinateur portable et le mettre dans votre sac. Lorsque je vous ai indiqué qu’il y avait des codes qui empêchaient que vous accédez au contenu de mon ordinateur, vous avez vérifié et, constatant l’existence de codes sur mon ordinateur portable, vous avez alors jeté mon ordinateur à terre !

4/ Vous avez eu à mon égard le 15 juillet 2013 des actes de violence physique et m’avez menacé verbalement.

– Lorsque quelques instants plus tard, je me suis retourné pour répondre au téléphone qui sonnait, vous êtes arrivée derrière moi pour m’arracher mon téléphone des mains et comme je ne lâchais pas le téléphone, vous m’avez violemment mordu à l’épaule ! Ceci devant témoin puisqu’ un des salariés de la société entre-temps revenu de livraison est entré dans mon bureau compte tenu du bruit. Cet acte de violence m’a occasionné 2 jours d’ITT.

– Vous vous êtes ensuite dirigée dans votre bureau et comme je vous demandais de nouveau de partir, vous avez refusé en me disant plusieurs fois à voix basse afin que les autres salariés ne vous entendent pas ‘t’es un homme mort, je vais appeler mes frères, t’as intérêt à quitter la France’. Vous avez ensuite fait des photocopies pendant deux heures de documents contenus dans des classeurs de la société sans que je sois en mesure de vérifier le contenu.

– J’ai dû faire venir un huissier pour vous remettre la lettre de convocation à un entretien préalable et de notification de la mise à pied conservatoire ; ce qu’il a pu faire vers 15 heures. Vous êtes néanmoins restés dans les locaux et vous n’avez accepté de quitter ceux-ci que lorsque la police est intervenue vers 17h30. Vous avez ainsi adopté au sein de l’entreprise un comportement inadmissible, fait preuve de non-respect réitéré des consignes données, refuser d’exécuter à plusieurs reprises vos obligations contractuelles, méconnaissant sa dernière ce qui est d’autant plus grave eu égard à votre position hiérarchique, n’hésitant pas à mettre en péril la société, méconnaissant votre obligation de loyauté d’exécution de bonne foi de votre contrat de travail.

L’ensemble de ces faits constitue des manquements graves et réitérés à vos obligations contractuelles.

Votre conduite met en cause la bonne marche de notre entreprise. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 23 juillet 2013 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. En conséquence nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.’

À l’appui de son appel, la société Digital Cut soutient que les motifs du licenciement sont parfaitement fondés en ce que Mme X a eu un comportement violent inadmissible, a fait preuve de non respect réitéré des consignes données, de refus d’exécuter à plusieurs reprises ses obligations contractuelles, méconnaissant ces dernières et méconnaissant son obligation de loyauté et d’exécution de bonne foi de son contrat de travail et de mauvaise volonté délibérée.

Elle ajoute que le comportement de la salariée était d’autant plus inadmissible qu’eu égard à sa position hiérarchique et à son niveau de rémunération et, au regard de l’importance stratégique de son poste de Directrice commerciale et administrative, il mettait en péril la société.

Elle estime donc que le licenciement pour faute grave de Mme X est parfaitement fondé.

Mme X réplique que les griefs, dont certains ne relèvent aucunement d’une faute disciplinaire mais d’une insuffisance professionnelle, ne sont pas établis en ce qu’ils reposent sur de simples comptes-rendus du gérant qui a procédé à son licenciement ainsi que sur des pièces vagues et imprécises.

Sur le reproche de refus d’exécuter sa mise à pied conservatoire, elle invoque la violence avec laquelle le gérant lui a enjoint de quitter l’entreprise à son retour de congés, sans attendre la bonne réception du courrier recommandé qu’il lui avait prétendument adressé et qu’elle n’a jamais reçu, qui n’a pas hésité à lui couper son accès internet et à lui retirer son ordinateur, ce qui l’a plongée dans un grand état de détresse, accru par les violences physiques sur sa personne qui ont suivi.

Elle affirme que c’est une version des faits du 15 juillet 2013 toute personnelle au gérant de la société que relate le courrier de licenciement car ce dernier oublie fort opportunément de préciser qu’elle s’est vue confisquer son ordinateur portable et que le gérant a jeté son sac et sa veste en dehors de son bureau et est à l’origine de l’altercation en la frappant violemment au nez, après lui avoir saisi violemment le bras, ce qui lui a causé une ITT de 2 jours et un arrêt de travail jusqu’au 31 juillet 2013.

Cela étant, comme justement relevé par les premiers juges, les manquements graves et réitérés de la salariée dans l’accomplissement de ses missions de directrice commerciale et administrative invoqués par l’employeur et les exemples donnés à l’appui de ce grief caractérisent une insuffisance professionnelle qui ne peut donner lieu à un licenciement pour motif disciplinaire, faute pour l’employeur de démontrer qu’ils résultent d’une mauvaise volonté délibérée de la part de la salariée.

Comme relevé plus haut, l’employeur ne peut sans se contredire invoquer le statut de cadre dirigeant de Mme X et lui reprocher ses horaires d’arrivée et de départ dans l’entreprise. L’absence de la salariée à une réunion programmée le 21 juin 2013 sans motif avancé et sans délai de prévenance ne constitue pas une faute grave.

Aucune pièce ne démontre que Mme X, en premier lieu, ne s’est pas conformée aux usages pratiqués dans l’entreprise en ce qui concerne la prise de congés et, en second lieu, qu’elle n’avait pas informé par avance son employeur de la date de ses congés. Il ne peut donc lui être légitimement reproché d’avoir maintenu les dates de ses congés malgré l’opposition de son employeur dès lors que cette dernière lui a été notifiée la veille de son départ.

Toutefois, il résulte clairement du dossier que, le 15 juillet 2013, à son arrivée sur son lieu de travail à 10 h00 à son retour de congés, Mme X a refusé de façon catégorique de prendre la lettre de convocation à l’entretien préalable avec mise à pied conservatoire que tentait de lui remettre en main propre son employeur et a refusé de quitter l’entreprise malgré les injonctions de l’employeur, qu’elle a persisté dans son refus de se soumettre à la mise à pied conservatoire devant un huissier de justice requis par l’employeur à 15h00 et qu’elle n’a quitté l’entreprise qu’à 17h20, après discussion avec les forces de l’ordre appelées par le gérant.

Il apparaît également que la journée du 15 juillet 2013 a été marquée par une altercation physique entre la salariée et le gérant de la société.

Chaque partie, qui présente des séquelles physiques de cette altercation, rejette la responsabilité de l’incident sur l’autre, Mme X affirmant avoir été la première victime de l’agression physique du gérant sous la forme d’un coup de poing sur le nez, le gérant niant toute violence à l’égard de sa salariée et affirmant avoir été mordu par celle-ci.

Cela étant, il doit être relevé qu’un salarié intervenu immédiatement après l’altercation a constaté une trace de morsure qui venait visiblement d’être faite sur l’épaule du gérant de la société à un emplacement excluant toute possibilité que le gérant ait pu s’infliger lui-même cette lésion, n’a pas constaté de traces de violence sur Mme X qui lui indiquait pourtant qu’elle venait d’être victime d’un coup de poing sur le nez de la part du gérant, que, dans ses réponses à la sommation de l’huissier, Mme X n’a pas évoqué la moindre violence à son égard, et que, lors de l’intervention des forces de l’ordre elle n’en a pas davantage fait état.

Dans sa plainte, Mme X qui, présentait effectivement un ‘dème nasal latéral droit le 15 juillet 2013 selon certificat médical, a reconnu avoir mordu le gérant de la société à l’épaule et a justifié son acte en disant avoir agi pour se défendre d’un coup de poing au nez de la part de celui-ci. Mais de telles explications ne concordent pas avec la localisation de la morsure présentée par M. Y qui se situe sur le haut de l’épaule droite dans la partie dorsale. Il s’ensuit qu’une morsure dans le dos de l’épaule ne peut être considérée comme un geste de défense à un coup de poing porté nécessairement de face et qu’ainsi, il ne peut être exclu que l »dème nasal présenté par Mme X ce 15 juillet 2013 soit une des conséquences de son acte qui a imposé un rapprochement de son visage vers le point de morsure.

Enfin, il ne peut être ignoré que l’altercation trouve son origine dans le refus prolongé et réitéré de Mme X de recevoir la lettre de convocation à un entretien préalable et de se soumettre à la mise à pied conservatoire de son employeur.

Le refus de se conformer à une mise à pied conservatoire, même si celle-ci se révèle par la suite injustifiée, caractérise un acte d’insubordination.

Dans le cas de Mme X, cette insubordination est d’autant plus grave qu’elle s’est manifestée avec virulence, a imposé l’intervention d’un huissier de justice puis des forces de l’ordre et, surtout, a été accompagnée de violences à l’égard de l’employeur et ce, devant d’autres salariés présents ce jour-là dans l’entreprise.

Dans ces conditions, une telle insubordination de la part de la salariée rendait impossible la poursuite du contrat de travail et justifiait la rupture immédiate de celui-ci.

Le licenciement de Mme X pour faute grave est donc justifié et le jugement sera infirmé en ce qu’il a requalifié celui-ci en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dès lors, Mme X sera déboutée de toutes ses demandes relatives au licenciement.

II. 2 Sur les dommages et intérêts pour conditions brutales et vexatoires du licenciement

Mme X soutient que, le 15 juillet 2013, date de la notification de la mise à pied à titre conservatoire, elle a dû quitter les locaux de l’entreprise dans un contexte d’une grande violence, son employeur ayant fait appel à un huissier de justice et à la police alors que d’autres salariés et clients se trouvaient sur le lieu de travail, que le gérant de la société Digital Cut a porté atteinte à son intégrité physique en lui donnant un coup de poing au nez et en lui saisissant violemment le bras gauche ce qui a été constaté par un médecin et qu’ainsi, la rupture de son contrat de travail est intervenue dans des circonstances brutales et vexatoires, qui ont engendré des répercussions psychologiques, qu’elle ressent encore aujourd’hui.

Mais, il résulte des développements ci-dessus que Mme X a grandement participé par son attitude au contexte de grande violence du 15 juillet 2013 qu’elle dénonce et que les interventions d’un huissier de justice et des forces de l’ordre ont été rendues nécessaires par son refus catégorique et réitéré de quitter son lieu de travail pour se conformer à la mise à pied conservatoire que tentait de lui notifier l’employeur.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande en dommages et intérêts à ce titre.

Sur les frais non compris dans les dépens

Conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la société Digital Cut, qui succombe partiellement en appel, sera condamnée à verser à Mme X la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l’intimée qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave de Mme X en licenciement sans cause réelle et sérieuse et accordé à la salarié une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, un rappel de salaire sur mise à pied et congés payés afférents et en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande en rappel de rémunération pour heures supplémentaires,

Statuant à nouveau sur ces points,

DIT que le licenciement pour faute grave de Mme X est fondé,

DÉBOUTE Mme X de l’intégralité de ses demandes liées à la rupture du contrat de travail,

CONDAMNE la société Digital Cut à verser à Mme X la somme de 8 932,84 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires, et celle de 893,28 euros au titre des congés payés afférents,

Y ajoutant,

DÉCLARE recevable la demande en dommages et intérêts pour application abusive du statut de cadre dirigeant par l’employeur,

DÉBOUTE Mme X de sa demande en dommages et intérêts pour application abusive du statut de cadre dirigeant par l’employeur,

CONDAMNE la société Digital CUT à payer à Mme X la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Digital CUT aux dépens d’appel,

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

__________________

Licenciement : refuser ma lettre de convocation, quel risque ?

il résulte clairement du dossier que, le 15 juillet 2013, à son arrivée sur son lieu de travail à 10 h00 à son retour de congés, Mme X a refusé de façon catégorique de prendre la lettre de convocation à l’entretien préalable avec mise à pied conservatoire que tentait de lui remettre en main propre son employeur et a refusé de quitter l’entreprise malgré les injonctions de l’employeur, qu’elle a persisté dans son refus de se soumettre à la mise à pied conservatoire devant un huissier de justice requis par l’employeur à 15h00 et qu’elle n’a quitté l’entreprise qu’à 17h20, après discussion avec les forces de l’ordre appelées par le gérant.

Il apparaît également que la journée du 15 juillet 2013 a été marquée par une altercation physique entre la salariée et le gérant de la société.

Chaque partie, qui présente des séquelles physiques de cette altercation, rejette la responsabilité de l’incident sur l’autre, Mme X affirmant avoir été la première victime de l’agression physique du gérant sous la forme d’un coup de poing sur le nez, le gérant niant toute violence à l’égard de sa salariée et affirmant avoir été mordu par celle-ci.

Cela étant, il doit être relevé qu’un salarié intervenu immédiatement après l’altercation a constaté une trace de morsure qui venait visiblement d’être faite sur l’épaule du gérant de la société à un emplacement excluant toute possibilité que le gérant ait pu s’infliger lui-même cette lésion, n’a pas constaté de traces de violence sur Mme X qui lui indiquait pourtant qu’elle venait d’être victime d’un coup de poing sur le nez de la part du gérant, que, dans ses réponses à la sommation de l’huissier, Mme X n’a pas évoqué la moindre violence à son égard, et que, lors de l’intervention des forces de l’ordre elle n’en a pas davantage fait état.

Dans sa plainte, Mme X qui, présentait effectivement un ‘dème nasal latéral droit le 15 juillet 2013 selon certificat médical, a reconnu avoir mordu le gérant de la société à l’épaule et a justifié son acte en disant avoir agi pour se défendre d’un coup de poing au nez de la part de celui-ci. Mais de telles explications ne concordent pas avec la localisation de la morsure présentée par M. Y qui se situe sur le haut de l’épaule droite dans la partie dorsale. Il s’ensuit qu’une morsure dans le dos de l’épaule ne peut être considérée comme un geste de défense à un coup de poing porté nécessairement de face et qu’ainsi, il ne peut être exclu que l »dème nasal présenté par Mme X ce 15 juillet 2013 soit une des conséquences de son acte qui a imposé un rapprochement de son visage vers le point de morsure.

Enfin, il ne peut être ignoré que l’altercation trouve son origine dans le refus prolongé et réitéré de Mme X de recevoir la lettre de convocation à un entretien préalable et de se soumettre à la mise à pied conservatoire de son employeur.

Le refus de se conformer à une mise à pied conservatoire, même si celle-ci se révèle par la suite injustifiée, caractérise un acte d’insubordination.

Dans le cas de Mme X, cette insubordination est d’autant plus grave qu’elle s’est manifestée avec virulence, a imposé l’intervention d’un huissier de justice puis des forces de l’ordre et, surtout, a été accompagnée de violences à l’égard de l’employeur et ce, devant d’autres salariés présents ce jour-là dans l’entreprise.

Dans ces conditions, une telle insubordination de la part de la salariée rendait impossible la poursuite du contrat de travail et justifiait la rupture immédiate de celui-ci.

Le licenciement de Mme X pour faute grave est donc justifié et le jugement sera infirmé en ce qu’il a requalifié celui-ci en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 16 MARS 2022

(n° , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/13820 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B65GM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Novembre 2018 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F14/00617

APPELANTE

SARL DIGITAL CUT

[…]

[…]

Représentée par Me Nathalie FRIED, avocat au barreau de PARIS, toque : E2049

INTIMÉE

Madame Z X

[…]

[…]

Représentée par Me Marie ABLAIN, avocat au barreau de PARIS

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2019/005017 du 12/03/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIE

La société Digital Cut est une société à responsabilité limitée qui a été créée en mars 2003 par cinq associés dont M. B Y et Mme Z X. Elle a pour activité la post-production audiovisuelle se déclinant en deux pôles, la location de matériel de montage de film et le laboratoire numérique, le reste de son chiffre d’affaires résultant de petites ventes de matériel.

Elle emploie habituellement moins de onze salariés et ses relations de travail sont régies par la convention collective nationale des prestataires de service dans le domaine du secteur tertiaire, selon la société Digital Cut, ou la convention collective nationale de la Production de films d’animation, selon Mme X.

Mme X a démissionné de son mandat de gérante salariée au cours de l’assemblée générale mixte du 1er juin 2012 et a été remplacée par M. B Y. Elle est devenue à compter de cette date directrice commerciale et administrative, moyennant une rémunération mensuelle brute de 4 442,08 euros.

Se prévalant à l’encontre de Mme X de plusieurs manquements graves dans l’accomplissement de ses missions de Directrice commerciale et administrative caractéristiques, d’une mauvaise volonté délibérée, de la multiplication d’absences inopinées désorganisant l’entreprise et d’un refus à plusieurs reprises d’exécuter les instructions que le gérant lui donnait, la société Digital Cut a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 23 juillet 2013, par lettre recommandée AR datée du 12 juillet 2013 portant mise à pied à titre conservatoire.

Le 15 juillet 2013 vers 10h00, Mme X, de retour de congés, s’est présentée dans les locaux de la société.

Le gérant de la société a alors tenté de lui remettre en main propre contre décharge la lettre de convocation à entretien préalable et de mise à pied. Mme X a refusé de prendre la lettre et de quitter les lieux. Une altercation s’en est suivie entre elle et le gérant, à l’issue de laquelle Mme X a présenté une incapacité temporaire totale de travail d’une durée de deux jours et a fait l’objet d’un arrêt de travail prescrit jusqu’au 31 juillet 2013 et le gérant a présenté une incapacité totale de travail de deux jours.

Mme X s’étant maintenue dans les locaux de la société, le gérant a requis un huissier de justice qui s’est présenté dans les lieux, à 15h00, pour signifier à la salariée la lettre de convocation à l’entretien préalable ainsi que sa mise à pied conservatoire et lui demander d’exécuter cette mesure. Mme X a répondu à la sommation de l’huissier en ces termes : ‘Je reste dans les locaux en ma qualité d’associée minoritaire. J’ai pris acte de ma mise à pied conservatoire en tant qu’employée.’

Le gérant a alors fait appel aux forces de l’ordre. Des fonctionnaires du commissariat de police de Paris 20ème se sont présentés dans la société à 17h20 et ‘après discussion’ (selon le descriptif d’événement de main-courante du 15 juillet 2013) ont convaincu Mme X de quitter les locaux de l’entreprise.

Par lettre du 31 juillet 2013, Mme X a été licenciée pour faute grave.

Contestant le bien fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été intégralement remplie de ses droits durant la relation contractuelle, Mme X a saisi le Conseil de prud’hommes de Paris, le 14 janvier 2014, afin de l’entendre, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, déclarer son licenciement abusif et condamner la société Digital Cut à lui verser les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal avec capitalisation :

– Rappel de salaires des heures supplémentaires : 8 932,84 euros,

– congés payés afférents : 893,28 euros,

– Rappel de salaires sur la mise à pied conservatoire : 2 664,84 euros

– Congés payés afférents : 266,48 euros,

– Indemnité compensatrice de préavis : 13 326,24 euros,

– Congés payés afférents : 1 332,62 euros,

– Indemnité légale de licenciement : 5 626,34 euros,

– Dommages et intérêts pour rupture abusive : 44 480,80 euros,

– Dommages et intérêts pour conditions brutales et vexatoires du licenciement : 4 442,08 euros,

– Dommages et intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait : 8 884,16 euros,

– Rappel de salaires au titre des congés payés : 615,63 euros,

– Dommages et intérêts pour manquement à l’obligation d’hygiène et de sécurité : 8 884,16 euros,

– Article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros,

Elle réclamait également la remise des documents sociaux de fin de contrat sous astreinte de 205 euros par jour de retard.

La société Digital Cut a conclu au débouté de Mme X et à la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement de départage du 14 novembre 2018, le conseil de prud’hommes a :

– Écarté la faute grave invoquée par l’employeur et requalifié le licenciement de Mme X en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

– Condamné la société Digital Cut à verser à Mme X les sommes suivantes :

°13 326,24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

° 1 332,26 euros au titre des congés payés afférents, ° 2 664,84 euros au titre de la mise à pied,

° 266,48 euros au titre des congés payés afférents,

° 5 626,34 euros à titre de solde d’indemnité de licenciement,

° 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouté Mme X du surplus de ses demandes,

– Débouté la société Digital Cut de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 7 décembre 2018, Mme X a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 10 janvier 2022, la société Digital Cut demande à la cour de :

– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer certaines sommes à Mme X et à remettre à cette dernière des documents sociaux conformes,

et statuant à nouveau,

à titre principal :

– Juger que le licenciement pour faute grave de Mme X est parfaitement fondé,

– Débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes,

– Condamner Mme X à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

à titre subsidiaire, pour le cas où la cour estimerait que le licenciement de Mme X reposerait sur une cause réelle et sérieuse,

– Fixer l’indemnité légale de licenciement à la somme de 1 184, 54 euros,

à titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la cour estimerait le licenciement de Mme X non justifié,

– Débouter Mme X de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Fixer l’indemnité légale de licenciement à la somme de 1 184, 54 euros,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme X du surplus de ses demandes et donc la débouter de celles-ci

en tout état de cause,

– Juger irrecevable, à tout le moins infondée, la demande de Mme X en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par application abusive du statut de cadre dirigeant.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 10 janvier 2022, Mme X demande à la cour de :

– Confirmer le jugement intervenu en ce qu’il a constaté l’absence de faute grave au fondement de son licenciement et en ce qu’il a condamné la société Digital Cut à lui payer les sommes suivantes :

°13 326,24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

°1 332,26 euros au titre des congés payés afférents,

° 2 664,84 euros au titre de la mise à pied,

° 266,48 euros au titre des congés payés afférents,

° 5 626,34 euros à titre d’indemnité de licenciement,

° 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Infirmer le jugement intervenu en ce qu’il a jugé son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu’il l’a déboutée du surplus de ses demandes,

Statuant à nouveau :

– Juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

– Condamner la société Digital Cut à lui verser les sommes suivantes, en sus de l’indemnité compensatrice de préavis, congés payés y afférent, rappels de salaires au titre de la mise à pied conservatoire, congés payés y afférent, l’indemnité conventionnelle de licenciement susvisés :

° 44 420,80 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

° 4 442,08 euros à titre de dommages-intérêts en raison des conditions brutales et vexatoires du licenciement,

° 8 884,16 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

° 8 932,84 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires, outre 893,28 euros au titres des congés payés afférents,

° 615,63 euros à titre de rappel de salaire au titre des congés payés,

– Ordonner la remise de l’attestation employeur destinée au Pôle Emploi rectifiée et un bulletin de paie rectifié conformément à l’arrêt à intervenir, sous astreinte d’une somme de 250 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification de l’arrêt à intervenir,

– Se réserver la liquidation de l’astreinte qui aura été prononcée,

– Assortir les condamnations des intérêts légaux à compter de la demande,

– Ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du Code civil,

– Condamner la société Digital Cut à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 11 janvier 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience du 18 janvier 2022.

MOTIFS

I. Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

I.1 Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par application abusive du statut de cadre dirigeant à la salariée

Invoquant les dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, la société Digital Cut soulève l’irrecevabilité de la demande de Mme X en dommages-intérêts pour application abusive du statut de cadre dirigeant, comme étant nouvelle en cause d’appel.

Mais, comme justement rappelé par Mme X, l’article 566 du même code dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l’espèce, la demande de Mme X en dommages-intérêts pour application abusive du statut de cadre dirigeant tend aux mêmes fins que sa demande formulée en première instance qui contestait l’application d’une convention de forfait en jours mentionnée sur son attestation Pôle Emploi et est également accessoire à ses demandes en rappel d’heures supplémentaires à laquelle l’employeur oppose son statut de cadre dirigeante.

La demande de Mme X en dommages et intérêts pour application abusive du contrat de travail est donc recevable en cause d’appel.

Aux termes de l’article L.3111-2 du Code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Ces trois critères sont cumulatifs.

Mme X conteste l’application de ce statut à sa situation en faisant valoir que la société lui reproche des absences qui auraient désorganisé l’entreprise et auraient posé problème alors qu’elle est censée être autonome dans son emploi du temps, que le statut de cadre dirigeant est, en outre, totalement incompatible avec la demande régulière de comptes-rendus par le gérant, M. Y qui discutait de toutes les questions de tarifs, de prestations et de stratégie lui laissant finalement peu de marge de man’uvre, qu’elle-même ne prenait pas seule les décisions d’achat mais attendait pour cela l’aval du gérant et qu’enfin les décisions de recruter n’appartenaient qu’au gérant dans une société n’employant pourtant que quatre salariés.

La société Digital Cut réplique que, bien qu’ayant démissionné de son mandat de gérante le 1er juin 2012 pour devenir salariée aux fonctions de directrice commerciale et administrative, Mme X a continué d’assurer la gérance effective de la société jusqu’au 31 décembre 2012, qu’elle est restée associée minoritaire à 49 % des parts de la société, qu’elle a été l’interlocutrice unique du cabinet d’expert-comptable de la société jusqu’à fin juin 2013 concernant la comptabilité, le cycle social, le cycle fiscal, qu’elle traitait l’ensemble de la gestion commerciale, que la mention de statut de cadre hors forfait figurant sur ses bulletins de paie résulte de ses propres instructions au cabinet comptable, qu’elle était associée aux décisions importantes de la société et que son absence à des réunions traitant de ces questions a eu pour effet de reporter ces décisions, que l’attestation d’une ancienne salariée qu’elle produit démontre certes qu’elle n’a pas été à l’origine de la décision de l’embauche de cette salariée mais qu’elle y a participé en étant également présente à l’entretien d’embauche avec la postulante et le nouveau gérant en novembre 2012, et qu’elle avait la rémunération la plus élevée dans la société (4 442 euros) dépassant celle du gérant (4 312,93 euros).

Cela étant, il apparaît que si Mme X avait la rémunération la plus élevée dans l’entreprise dépassant celle du gérant lui-même, elle ne disposait pas d’une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps puisque la lettre de licenciement lui reproche, non seulement, de s’être dispensée au dernier moment de réunions importantes – ce qui est effectivement de nature à désorganiser l’entreprise – mais également d’être arrivée tardivement sur son lieu de travail certains jours et d’être partie en début d’après-midi d’autres jours sans, dans ce dernier cas, en avoir préalablement informé le gérant. Elle n’était pas non plus, habilitée à prendre des décisions de façon largement autonome, en ce que les décisions importantes pour la société étaient prises en concertation avec elle, non par elle-même, notamment, le recrutement des salariés auquel elle était associée mais dont la décision appartenait au gérant.

En conséquence, au vu des éléments ci-dessus, il sera constaté que Mme X n’avait pas le statut de cadre dirigeant.

Toutefois, Mme X qui procède par simples affirmations, ne démontre pas que l’application erronée du statut de cadre dirigeant lui a causé un préjudice qui serait distinct de celui réparé par le rétablissement de ses droits en terme de rémunération horaire dont le bien fondé sera examiné ci-dessous.

Elle sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts à ce titre.

1.2 Sur la demande de rappel d’heures supplémentaires

En application de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Se fondant sur l’attestation Pôle Emploi établie par la société Digital Cut mentionnant un horaire collectif de travail applicable dans l’entreprise de 39 heures par semaine, Mme X fait valoir qu’elle a été rémunérée pour une base de 35 heures par semaine en l’absence de convention de forfait en jours écrite et de statut de cadre dirigeant et qu’elle est donc bien fondée à solliciter le paiement d’au moins 4 heures supplémentaires par semaine entre le 1er juin 2012 et le 31 juillet 2013 (soit 61 semaines), outre les congés payés afférents.

Elle produit l’attestation Pôle Emploi remise par la société Digital Cut.

Elle présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies qui permettent à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réponse, la société Digital Cut se contente d’avancer le statut de cadre dirigeant de Mme X que la cour a écarté.

En conséquence, la demande en rappel d’heures supplémentaires de Mme X sera accueillie en son principe et le jugement sera infirmé sur ce point.

Elle sera également accueillie en son montant au vu de la rémunération horaire de la salariée calculée sur 35 heures hebdomadaires ou 151,67 heures par mois et du nombre d’heures supplémentaires par semaine résultant d’une durée hebdomadaire de travail de 39 heures.

Ainsi, la société Digital Cut sera condamnée à verser à Mme X la somme de 8 932,84 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires, et celle de 893,28 euros au titre des congés payés afférents.

I. 3 Sur le rappel de salaire au titre des congés payés

Mme X fait valoir que la société Digital Cut a procédé à une retenue de salaire d’un montant de 409,98 euros, correspondant à 2 jours de travail, estimant que ses congés pris du 11 au 14 juillet 2013 auraient été ‘sans solde’ alors qui si l’employeur n’avait pas omis d’ajouter 2,5 jours de congés payés sur le bulletin de salaire du mois de janvier 2013, il aurait su que les congés qu’elle avait posés étaient bien couverts par ses droits acquis au titre des congés payés.

Elle ajoute qu’en application de l’article 23 de la convention collective applicable, elle avait droit chaque année à un jour de congé payé pour ancienneté supplémentaire, compte tenu de sa reprise d’ancienneté au 1er juillet 2007 et qu’elle est donc bien fondée à solliciter le paiement des congés payés indûment retenus sur son bulletin de salaire du mois de juillet 2013, soit une somme de 409,98 euros. Elle réclame également le paiement du jour de congé dont elle a été privée, soit une somme de 205,65 euros.

Mais, comme justement opposé par l’employeur, la ‘date d’entrée’ de Mme X dans la société mentionnée sur les bulletins de salaire de l’intéressée comme étant le 1er juillet 2007 ne peut contredire le fait que, jusqu’au 1er juin 2012, Mme X exerçait un mandat social en sa qualité de gérante de la société Digital Cut et qu’en l’absence d’un contrat écrit de travail intégrant expressément la période de mandat social dans le calcul de son ancienneté, Mme X ne peut donc se prévaloir d’une ancienneté salariée dans l’entreprise avant cette date.

C’est donc à juste titre que l’employeur a considéré que Mme X avait acquis depuis son embauche en tant que salariée, 30 jours ouvrables pour la période du 1er juin 2012 au 31 mai 2013 et 2,5 jours ouvrables du 1er juin 2013 jusqu’à sa mise à pied à titre conservatoire et qu’au regard de 24 jours ouvrables pris du 17 au 23 juillet 2012 et du 20 août 2012 au 9 septembre 2012 et d’1 jour pris le 10 mai 2013, il lui restait 7,5 jours ouvrables de congés à prendre au 1er juillet 2013 et qu’ainsi, il ne devait régler à sa salariée que 8 jours de congés payés sur la période du 2 au 13 juillet 2013 qui compte 11 jours ouvrables.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande en rappel de congés payés.

I. 4 Sur les dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation en matière d’hygiène et sécurité au travail

Cette demande, formée en première instance, n’est pas explicitée dans les motifs des conclusions d’appel de Mme X et n’est pas reprise dans le dispositif de celles-ci.

Elle doit être considérée comme abandonnée à hauteur d’appel.

II. Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

II. 1 Sur la faute grave

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

‘Malgré les explications que vous nous avez fournies au cours de cet entretien, nous sommes au regret de vous informer que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave pour les motifs suivants.

1/ Vous avez commis des manquements graves et réitérés dans l’accomplissement de vos missions de directrice commerciale et administrative et avez fait preuve de mauvaise volonté délibérée.

– Vous n’accomplissez pas le travail demandé : plusieurs tâches explicitement demandées relevant de vos fonctions n’ont toujours pas été réalisées à ce jour, malgré mes demandes réitérées courant 2013.

À titre d’exemple :

À ce jour, vous avez validé seulement 10 % des tarifs catalogue 2013 ; vous ne m’avez toujours pas transmis le tableau final comparant les tarifs duplication cassettes, fichiers, locations et travaux de laboratoire ; pour les envois via FTP et Completel, j’attends encore votre retour sur l’étude comparative des fournisseurs ainsi que votre proposition de prestation.

Tentant d’obtenir de votre part l’exécution de vos obligations contractuelles, j’ai organisé une réunion, prévue le 21 juin 2013 à 14 heures, afin de finaliser notamment les nouveaux tarifs catalogue 2013 toujours en attente depuis plusieurs mois, le tarif spécifique attendu par un de nos clients (DG) et la newsletter qui devait être lancée la semaine suivante.

Cette réunion n’a pas pu se tenir du fait de votre absence inopinée l’après-midi, absence annoncée par vous à midi et toujours non motivée à ce jour et ces questions importantes n’ont toujours pas pu être réglées à ce jour.

– Lorsque je vous relance sur le travail à effectuer, vous haussez le ton avec virulence et multiplier les éclats de voix et ce, alors que les clients sont dans nos locaux ; ce comportement, inadmissible en soi, nuit au surplus l’image de notre société.

– Vous n’avez mis en ‘uvre aucune action commerciale à ce jour en 2013 à l’exception d’une promotion sur les DVD.

– Votre suivi des créances clients est très insuffisant voire inexistant. La résultante de votre incurie et que nous devons aujourd’hui faire face à un grave problème de trésorerie lié aux retards de paiement de créances.

J’ai ainsi eu connaissance à l’occasion de la préparation du bilan 2012 début juin 2013 de l’existence d’un montant de 325’000 € deux créances clients, en retard de paiement de 10 mois, que vous auriez dû recouvrir ; ces retards de paiement causent des difficultés majeures pour la société car ils engendrent une importante augmentation du besoin en fonds de roulement de notre société et ont nécessité de chercher de nouvelles sources de financement afin que la société soit elle-même en mesure de payer les salaires et cotisations sociales de ses salariés ainsi que ses fournisseurs.

Je vous en ai fait part immédiatement. Cependant au lieu de vous mobiliser pour mettre en ‘uvre un plan d’action urgent concernant ces créances, vous n’avez rien proposé et vous n’avez mis en ‘uvre aucune action corrective.

Je vous ai alors demandé, à plusieurs reprises, verbalement puis par écrit, puisque vous ne donniez pas suite à mes demandes verbales, de me transmettre en état des créances impayées et des actions et dates de relance que vous aviez effectuées.

Le 30 juin 2013 seulement, vous avez enfin daigné me remettre, un état de vos relances clients et des créances restant dû lequel état, outre sa tardiveté, était extrêmement partiel est très loin des chiffres donnés par le comptable portant sur un montant de créances et un nombre de clients bien supérieurs. Cet écart était d’autant plus étonnant que vous disposez d’un logiciel de facturation qui permet d’assurer un suivi précis des factures, des règlements par les clients et les relances faites. Je vous ai donc demandé de faire un point avec un comptable afin de trouver une explication à de tels écarts.

Comme vous m’avez indiqué lundi 1er juillet 2013 qu’il nous fallait au moins une semaine pour vérifier l’ensemble des éléments avec le comptable, et eu égard à l’urgence de la situation, je vous ai demandé verbalement puis par écrit de décaler d’une semaine des congés que vous aviez décidé de prendre sans mon autorisation du 2 juillet 2013 au 12 juillet 2013 pour les débuter au 8 juillet 2013 ; ceci afin que cette vérification soit faite avant votre départ en congé.

Vous avez outrepassé mon interdiction vous êtes partis en congé malgré l’urgence ma demande expresse que vous restiez, méconnaissant ainsi une nouvelle fois une consigne claire et précise n’avait de surcroît pas hésité à m’adresser par courriel une liste de clients relancés à votre place pendant mon congé me précisant et ‘puis tu peux relancer toutes les factures impayées de mars 2013 2009 si tu veux’.

– Pendant votre absence pour congés du 2 au 12 juillet 2013, nous avons donc dû assurer vos missions, dont notamment l’établissement des devis, des factures et le recouvrement de créances et avons découvert que vous n’aviez jamais facturé à certains clients des prestations que nous avions pourtant bien réalisées pour leur compte. De fait cette prestation n’ont pas été réglée à ce jour pas notre société.

– À plusieurs reprises, on avait fait remonter au salarié de la fabrication, que partiellement et avec retard, les demandes de modification formulée par les clients ; ce qui nous a conduit à fournir une prestation qui ne correspondait pas leur demande et à recevoir des réclamations des clients.

– Vous refusez toute communication avec moi en dehors des réunions que j’organise et vous ne faites jamais de propositions de réunion.

– Vous n’avez jamais mis en ‘uvre aucune stratégie commerciale à court ou moyen terme pour la société ni n’avez proposé d’objectif commercial pour la société pour l’année 2013. Consciente de vos manquements et alertée par mes demandes, vous m’avez adressé, le 25 juin 2013, une unique proposition commerciale parfaitement irréaliste consistant en une réorganisation de l’entreprise avec dotation de force de vente ce qui n’est bien évidemment pas réalisable au regard de la trésorerie de la société.

2/ Vous multipliez les absences inopinées ; ce qui désorganise la société. Pour ne citer que les exemples les plus récents, vous êtes arrivés à 12 heures le 5 juin 2013 et vous vous êtes absentée à compter de 12 heures le 13 juin sans nous en informer préalablement et vous vous êtes absentée à 14h30 le 21 juin 2013 en nous en informant à la dernière minute. Les réunions prévues non ainsi pas pu se tenir et les sujets qui devaient être traités ne l’ont pas été du fait de votre absence. Le fait par ailleurs de ne pouvoir informer les clients quand vous allez arriver ou être présente décrédibilise notre société. Lorsque je vous en ai fait la remarque par écrit, vous avez répondu en faisant une présentation très inexacte des faits.

3/ Vous refusez d’exécuter les instructions que je vous donne et vous faites preuve d’insubordination caractérisée.

– Ainsi est toujours à titre d’exemple, comme nous l’avons déjà évoquer vous avez décidé sans mon autorisation de prendre des congés du 2 juillet 2013 au 12 juillet 2013 alors qu’il ne vous restait plus que six jours de congés payés à prendre et vous ne m’en avez informé que le 30 juin 2013. Bien que je vous aie demandé verbalement par écrit de ne pas prendre ses congés à cette date et de les décaler au 8 juillet 2013 pour le bon fonctionnement de la société vous êtes néanmoins partie en congé du 2 juillet au 12 juillet 2013.

– Le 15 juillet 2013, vous avez refusé d’exécuter la mise à pied conservatoire dont vous avez eu connaissance le matin 10 heures lorsque je vous ai remis, en mains propres dans votre bureau porte fermée, une copie de la lettre recommandée avec AR que je vous avais adressée le 12 juillet précédent afin de vous convoquer à un entretien préalable devant se tenir le 23 juillet 2013 et de vous notifier dans l’attente de la décision à venir votre mise à pied conservatoire. Vous avez refusé d’apposer la mention ‘reçue en main propre’et de signer la lettre, vous avez ouvert la porte de votre bureau et vous avez indiqué haut et fort – ceci alors que les clients étaient présents dans la société – que vous ne vouliez pas partir et que vous étiez dans votre droit et vous êtes effectivement restée dans les locaux de la société fouillant dans votre ordinateur et dans les armoires des différents bureaux de la société à la recherche selon vos propres termes des pièces pouvant vous intéresser ; malgré mes demandes verbales réitérées de quitter la société.

– Vous vous êtes même rendue dans mon bureau, pour vous emparer de mon ordinateur portable et le mettre dans votre sac. Lorsque je vous ai indiqué qu’il y avait des codes qui empêchaient que vous accédez au contenu de mon ordinateur, vous avez vérifié et, constatant l’existence de codes sur mon ordinateur portable, vous avez alors jeté mon ordinateur à terre !

4/ Vous avez eu à mon égard le 15 juillet 2013 des actes de violence physique et m’avez menacé verbalement.

– Lorsque quelques instants plus tard, je me suis retourné pour répondre au téléphone qui sonnait, vous êtes arrivée derrière moi pour m’arracher mon téléphone des mains et comme je ne lâchais pas le téléphone, vous m’avez violemment mordu à l’épaule ! Ceci devant témoin puisqu’ un des salariés de la société entre-temps revenu de livraison est entré dans mon bureau compte tenu du bruit. Cet acte de violence m’a occasionné 2 jours d’ITT.

– Vous vous êtes ensuite dirigée dans votre bureau et comme je vous demandais de nouveau de partir, vous avez refusé en me disant plusieurs fois à voix basse afin que les autres salariés ne vous entendent pas ‘t’es un homme mort, je vais appeler mes frères, t’as intérêt à quitter la France’. Vous avez ensuite fait des photocopies pendant deux heures de documents contenus dans des classeurs de la société sans que je sois en mesure de vérifier le contenu.

– J’ai dû faire venir un huissier pour vous remettre la lettre de convocation à un entretien préalable et de notification de la mise à pied conservatoire ; ce qu’il a pu faire vers 15 heures. Vous êtes néanmoins restés dans les locaux et vous n’avez accepté de quitter ceux-ci que lorsque la police est intervenue vers 17h30. Vous avez ainsi adopté au sein de l’entreprise un comportement inadmissible, fait preuve de non-respect réitéré des consignes données, refuser d’exécuter à plusieurs reprises vos obligations contractuelles, méconnaissant sa dernière ce qui est d’autant plus grave eu égard à votre position hiérarchique, n’hésitant pas à mettre en péril la société, méconnaissant votre obligation de loyauté d’exécution de bonne foi de votre contrat de travail.

L’ensemble de ces faits constitue des manquements graves et réitérés à vos obligations contractuelles.

Votre conduite met en cause la bonne marche de notre entreprise. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 23 juillet 2013 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. En conséquence nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.’

À l’appui de son appel, la société Digital Cut soutient que les motifs du licenciement sont parfaitement fondés en ce que Mme X a eu un comportement violent inadmissible, a fait preuve de non respect réitéré des consignes données, de refus d’exécuter à plusieurs reprises ses obligations contractuelles, méconnaissant ces dernières et méconnaissant son obligation de loyauté et d’exécution de bonne foi de son contrat de travail et de mauvaise volonté délibérée.

Elle ajoute que le comportement de la salariée était d’autant plus inadmissible qu’eu égard à sa position hiérarchique et à son niveau de rémunération et, au regard de l’importance stratégique de son poste de Directrice commerciale et administrative, il mettait en péril la société.

Elle estime donc que le licenciement pour faute grave de Mme X est parfaitement fondé.

Mme X réplique que les griefs, dont certains ne relèvent aucunement d’une faute disciplinaire mais d’une insuffisance professionnelle, ne sont pas établis en ce qu’ils reposent sur de simples comptes-rendus du gérant qui a procédé à son licenciement ainsi que sur des pièces vagues et imprécises.

Sur le reproche de refus d’exécuter sa mise à pied conservatoire, elle invoque la violence avec laquelle le gérant lui a enjoint de quitter l’entreprise à son retour de congés, sans attendre la bonne réception du courrier recommandé qu’il lui avait prétendument adressé et qu’elle n’a jamais reçu, qui n’a pas hésité à lui couper son accès internet et à lui retirer son ordinateur, ce qui l’a plongée dans un grand état de détresse, accru par les violences physiques sur sa personne qui ont suivi.

Elle affirme que c’est une version des faits du 15 juillet 2013 toute personnelle au gérant de la société que relate le courrier de licenciement car ce dernier oublie fort opportunément de préciser qu’elle s’est vue confisquer son ordinateur portable et que le gérant a jeté son sac et sa veste en dehors de son bureau et est à l’origine de l’altercation en la frappant violemment au nez, après lui avoir saisi violemment le bras, ce qui lui a causé une ITT de 2 jours et un arrêt de travail jusqu’au 31 juillet 2013.

Cela étant, comme justement relevé par les premiers juges, les manquements graves et réitérés de la salariée dans l’accomplissement de ses missions de directrice commerciale et administrative invoqués par l’employeur et les exemples donnés à l’appui de ce grief caractérisent une insuffisance professionnelle qui ne peut donner lieu à un licenciement pour motif disciplinaire, faute pour l’employeur de démontrer qu’ils résultent d’une mauvaise volonté délibérée de la part de la salariée.

Comme relevé plus haut, l’employeur ne peut sans se contredire invoquer le statut de cadre dirigeant de Mme X et lui reprocher ses horaires d’arrivée et de départ dans l’entreprise. L’absence de la salariée à une réunion programmée le 21 juin 2013 sans motif avancé et sans délai de prévenance ne constitue pas une faute grave.

Aucune pièce ne démontre que Mme X, en premier lieu, ne s’est pas conformée aux usages pratiqués dans l’entreprise en ce qui concerne la prise de congés et, en second lieu, qu’elle n’avait pas informé par avance son employeur de la date de ses congés. Il ne peut donc lui être légitimement reproché d’avoir maintenu les dates de ses congés malgré l’opposition de son employeur dès lors que cette dernière lui a été notifiée la veille de son départ.

Toutefois, il résulte clairement du dossier que, le 15 juillet 2013, à son arrivée sur son lieu de travail à 10 h00 à son retour de congés, Mme X a refusé de façon catégorique de prendre la lettre de convocation à l’entretien préalable avec mise à pied conservatoire que tentait de lui remettre en main propre son employeur et a refusé de quitter l’entreprise malgré les injonctions de l’employeur, qu’elle a persisté dans son refus de se soumettre à la mise à pied conservatoire devant un huissier de justice requis par l’employeur à 15h00 et qu’elle n’a quitté l’entreprise qu’à 17h20, après discussion avec les forces de l’ordre appelées par le gérant.

Il apparaît également que la journée du 15 juillet 2013 a été marquée par une altercation physique entre la salariée et le gérant de la société.

Chaque partie, qui présente des séquelles physiques de cette altercation, rejette la responsabilité de l’incident sur l’autre, Mme X affirmant avoir été la première victime de l’agression physique du gérant sous la forme d’un coup de poing sur le nez, le gérant niant toute violence à l’égard de sa salariée et affirmant avoir été mordu par celle-ci.

Cela étant, il doit être relevé qu’un salarié intervenu immédiatement après l’altercation a constaté une trace de morsure qui venait visiblement d’être faite sur l’épaule du gérant de la société à un emplacement excluant toute possibilité que le gérant ait pu s’infliger lui-même cette lésion, n’a pas constaté de traces de violence sur Mme X qui lui indiquait pourtant qu’elle venait d’être victime d’un coup de poing sur le nez de la part du gérant, que, dans ses réponses à la sommation de l’huissier, Mme X n’a pas évoqué la moindre violence à son égard, et que, lors de l’intervention des forces de l’ordre elle n’en a pas davantage fait état.

Dans sa plainte, Mme X qui, présentait effectivement un ‘dème nasal latéral droit le 15 juillet 2013 selon certificat médical, a reconnu avoir mordu le gérant de la société à l’épaule et a justifié son acte en disant avoir agi pour se défendre d’un coup de poing au nez de la part de celui-ci. Mais de telles explications ne concordent pas avec la localisation de la morsure présentée par M. Y qui se situe sur le haut de l’épaule droite dans la partie dorsale. Il s’ensuit qu’une morsure dans le dos de l’épaule ne peut être considérée comme un geste de défense à un coup de poing porté nécessairement de face et qu’ainsi, il ne peut être exclu que l »dème nasal présenté par Mme X ce 15 juillet 2013 soit une des conséquences de son acte qui a imposé un rapprochement de son visage vers le point de morsure.

Enfin, il ne peut être ignoré que l’altercation trouve son origine dans le refus prolongé et réitéré de Mme X de recevoir la lettre de convocation à un entretien préalable et de se soumettre à la mise à pied conservatoire de son employeur.

Le refus de se conformer à une mise à pied conservatoire, même si celle-ci se révèle par la suite injustifiée, caractérise un acte d’insubordination.

Dans le cas de Mme X, cette insubordination est d’autant plus grave qu’elle s’est manifestée avec virulence, a imposé l’intervention d’un huissier de justice puis des forces de l’ordre et, surtout, a été accompagnée de violences à l’égard de l’employeur et ce, devant d’autres salariés présents ce jour-là dans l’entreprise.

Dans ces conditions, une telle insubordination de la part de la salariée rendait impossible la poursuite du contrat de travail et justifiait la rupture immédiate de celui-ci.

Le licenciement de Mme X pour faute grave est donc justifié et le jugement sera infirmé en ce qu’il a requalifié celui-ci en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dès lors, Mme X sera déboutée de toutes ses demandes relatives au licenciement.

II. 2 Sur les dommages et intérêts pour conditions brutales et vexatoires du licenciement

Mme X soutient que, le 15 juillet 2013, date de la notification de la mise à pied à titre conservatoire, elle a dû quitter les locaux de l’entreprise dans un contexte d’une grande violence, son employeur ayant fait appel à un huissier de justice et à la police alors que d’autres salariés et clients se trouvaient sur le lieu de travail, que le gérant de la société Digital Cut a porté atteinte à son intégrité physique en lui donnant un coup de poing au nez et en lui saisissant violemment le bras gauche ce qui a été constaté par un médecin et qu’ainsi, la rupture de son contrat de travail est intervenue dans des circonstances brutales et vexatoires, qui ont engendré des répercussions psychologiques, qu’elle ressent encore aujourd’hui.

Mais, il résulte des développements ci-dessus que Mme X a grandement participé par son attitude au contexte de grande violence du 15 juillet 2013 qu’elle dénonce et que les interventions d’un huissier de justice et des forces de l’ordre ont été rendues nécessaires par son refus catégorique et réitéré de quitter son lieu de travail pour se conformer à la mise à pied conservatoire que tentait de lui notifier l’employeur.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande en dommages et intérêts à ce titre.

Sur les frais non compris dans les dépens

Conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la société Digital Cut, qui succombe partiellement en appel, sera condamnée à verser à Mme X la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l’intimée qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave de Mme X en licenciement sans cause réelle et sérieuse et accordé à la salarié une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, un rappel de salaire sur mise à pied et congés payés afférents et en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande en rappel de rémunération pour heures supplémentaires,

Statuant à nouveau sur ces points,

DIT que le licenciement pour faute grave de Mme X est fondé,

DÉBOUTE Mme X de l’intégralité de ses demandes liées à la rupture du contrat de travail,

CONDAMNE la société Digital Cut à verser à Mme X la somme de 8 932,84 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires, et celle de 893,28 euros au titre des congés payés afférents,

Y ajoutant,

DÉCLARE recevable la demande en dommages et intérêts pour application abusive du statut de cadre dirigeant par l’employeur,

DÉBOUTE Mme X de sa demande en dommages et intérêts pour application abusive du statut de cadre dirigeant par l’employeur,

CONDAMNE la société Digital CUT à payer à Mme X la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Digital CUT aux dépens d’appel,

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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